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Disclaimer : Tales of Vesperia ne m’appartient (sinon j’aurais déjà fait une suite du jeu…)

Titre : Mélodie funèbre

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Rating : T (pour l’instant… Je me méfie avec moi…)

Genre : Heu… Mystery/ Romance c’est certain.

Fluristelle 2017 : Day 1 : Flower Crown – Promises

Note : A l’origine, j’avais écris une fic avec Yuri qui avait eu une mauvaise surprise dans un manoir mais… j’ai abandonné le projet car je n’y accrochais plus (10000 mots pourtant…) et je l’ai remanié mais là, ça partait un peu trop dans tous les sens à cause du format choisi donc vu que je voulais quand même garder ce scénario, j’ai profité du Fluristelle Month pour casser ce projet, quitte à prendre le risque d’anéantir quelques éléments de suspense. Je ne sais pas si j’arriverai à faire tous les thèmes mais je vais essayer quand même. Bonne lecture !

 



Cette nuit-là, des notes de piano résonnaient, jouant furieusement le dernier mouvement de la sonate « Clair de lune » de Beethoven. Les doigts bougeaient rapidement sur les touches, suivant scrupuleusement la partition, faiblement éclairée par les rayons de l’astre lunaire qui passaient à travers la vitre… du moins, quelqu’un devait bien être en train d’en jouer si l’on était logique donc… pourquoi le piano semblait-il jouer lui-même ces notes ?

Une vieille chaise à bascule se balançait d’elle-même dans un coin de la pièce, faisant grincer le plancher massif. Un courant d’air glacé soufflait dans la pièce, soulevant les rideaux blancs qui encadraient les fenêtres. Sur une table basse, un plateau en argent était présent et, posé sur celui-ci, il y avait une théière de porcelaine, une petite cuillère, un petit sucrier et une petite soucoupe de porcelaine. Cependant, sur la surface métallique et sur le meuble, il y avait des gouttes de thé qui, si on les suivaient, amenaient aux débris de la tasse correspondant à ce service éparpillés sur le sol… à environ un mètre d’un guéridon renversé, d’un fauteuil qui avait été déplacé, d’une lampe brisée… et du corps sans vie d’une femme dont la main gauche était fermement agrippée à un foulard de soie déchiré.

Ses longs cheveux noirs entouraient son visage au teint pâle et sans vie, tranchant avec la blancheur de sa robe de style empire qui laissait ses épaules découvertes. Elle ne portait pas de chaussures et aucun bijou excepté une bague en métal sombre à sa main gauche…

-§-

Une violente tape derrière la tête réveilla Yuri, endormi sur le comptoir de l’épicerie de la ville d’Halure. Il se frotta l’arrière du crâne, peu enchanté de ce réveil brutal et très désagréable. Il croisa le regard noir de son patron et afficha un air désolé en enlevant ses fesses du tabouret puis en allant dans les rayons pour faire un peu de rangement tout en lâchant un bâillement sonore, avant de passer sa main droite dans ses longs cheveux de jais pour se masser l’arrière de la tête.

Encore ce rêve… Il le faisait depuis qu’il avait fêté ses vingt-et-un ans cet été et à chaque fois qu’il le faisait, celui-ci gagnait en précision – au départ, tout était flou et il était impossible de savoir quelle musique était jouée au piano. Le détail de la bague était nouveau mais les couleurs restaient encore difficiles à distinguer. Peut-être qu’il arrivera à savoir la couleur exacte de ce foulard lors de sa prochaine sieste ?

Le jeune homme nota que certains articles n’étaient plus à leur place – encore un coup de cette vieille peau qui aimait bien tout déplacer pour l’enquiquiner – donc il se mit au travail en pestant contre ça ainsi que contre cette chemise à rayures oranges qu’il détestait porter.

—Je serais toi, je garderai ce genre de pensée pour moi.

A l’entente de cette voix masculine, Yuri eut un sourire amusé et, après avoir remis à la bonne place un pot de moutarde, il se tourna vers un de ses clients réguliers qui le fixait de ses yeux azur en tenant un panier contenant ses courses du jour.

—S’il n’y a que toi pour les entendre, je ne vois pas où est le mal, répliqua-t-il en prenant un paquet de biscuits qui avait été laissé avec les conserves. Tu les veux Flynn ?

Le dénommé Flynn leva les yeux au ciel avant de prendre les gâteaux et de les mettre dans son panier avec la bouteille de lait et le sachet de pâtes qui s’y trouvaient déjà.

Tous les deux avaient le même âge et, depuis que Yuri avait emménagé à Halure et commencé son travail à l’épicerie l’année précédente, il avait fait la connaissance du jeune homme au regard azur et aux cheveux blonds avec qui il discutait presque tous les jours – à force, ils étaient devenus amis bien qu’ils ne se voyaient que très peu en dehors de cet endroit à cause de l’emploi du temps variable du blond. Auparavant, Yuri vivait à Zaphias mais il était parti après ce qu’il était arrivé à son dernier petit ami…

—Tu fais toujours ce rêve étrange ? lui demanda Flynn, l’air soucieux.

—Ouais, répondit l’employé en continuant son travail. Comme d’hab’, il gagne de plus en plus en précision. Ce coup-ci, j’ai vu que cette fille devait être mariée mais je ne sais toujours pas qui l’a tuée…

Ce songe qu’il faisait sans arrêt, il n’en avait parlé qu’à son ami, ayant peur d’être prit pour un fou. Celui-ci ne l’avait pas jugé et l’avait même aidé à mieux comprendre ce qu’il voyait – par exemple, il lui avait amené plusieurs vieux CD de musique classique, lui permettant ainsi de découvrir quel morceau était joué sur ce piano. D’après ce qu’ils avaient réussi à savoir via les éléments de ce rêve et les différentes recherches effectuées, la période où cette scène avait eu lieu se situait entre 1860 – le style de la chaise à bascule indiquait qu’elle n’avait pas pu être fabriquée avant cette année-là – et maintenant. Par contre, il était compliqué de l’identifier car il n’avait toujours pas pu distinguer les traits de son visage. Qui était-elle au juste ?

—A part ça, comment vas-tu ? demanda Yuri en prenant un paquet de pâtes qu’il glissa dans le panier de son ami. Toujours occupé par le travail ?

—C’est plus calme pour l’instant, répondit Flynn en remettant en place un bocal d’olives que l’employé avait glissé parmi ses courses. J’espère juste que ça va continuer à l’être à la fin du mois car ce sera déjà assez agité comme ça avec Halloween.

Ils étaient actuellement à la mi-octobre, une période où la ville fleurie d’Halure prenait surtout des teintes orangées avec les feuilles qui tombaient des arbres. Il commençait à faire froid, signe que l’été était parti et que l’automne préparait le terrain pour l’hiver à venir. Si le jeune homme aux cheveux de jais appréciait de pouvoir porter ses vieux jeans sombres et une veste noire bien confortable, son ami, souvent vêtu d’un pantalon bleu clair léger avec un haut blanc, allait devoir commencer à sortir les pulls et autres habits chauds.

Un bip sonore retentit et, en grognant, Flynn sortit son téléphone portable de la poche de sa veste en coton beige.

—Je vais devoir y aller en urgence, déclara-t-il après avoir regardé le message qu’il avait reçu. Ca te dérange si je te laisse…

—C’est moi qui fait la fermeture donc pas de souci, coupa Yuri avec un sourire en coin. Passe chercher tout ça quand tu auras fini.

Ce n’était pas une première : son ami pouvait être appelé n’importe quand pour une urgence et il devait partir au plus vite, plaquant du coup tout ce qu’il était en train de faire. L’employé de l’épicerie s’y était adapté et lui gardait souvent ses courses quand cela arrivait ici pour qu’il puisse venir les récupérer plus tard ou demander à un voisin de le faire pour lui. Il l’aurait bien invité à un rencard s’il était certain que c’était possible et qu’il n’avait pas eu ces petits soucis à Zaphias avec ses ex…

Après le départ de Flynn, Yuri vérifia que son patron ne pouvait pas le voir et sortit son vieux téléphone de sa poche. L’appareil ne lui servait qu’en cas de problème, le jeune homme ayant renoncé à sa vie sociale pour éviter de se retrouver en couple et de relancer cette série de malchance qui s’enclenchait dès qu’il commençait à fréquenter quelqu’un. Sans surprise, il n’y avait aucun message – il avait changé de numéro en déménageant – donc il remit l’appareil dans sa poche et reprit son travail.

Les minutes défilèrent, tout comme les clients. Il avait vu passer pas mal de monde : des adolescents qui avaient tenté d’acheter de l’alcool sans avoir l’âge légal pour cela, quelques accros au sucre, une ou deux pâtissières en herbe qui étaient en panne d’ingrédients, la kleptomane du quartier qui avait tenté de lui piquer des pots pour bébés, un mec qui semblait assez perplexe devant ce qu’il avait acheté – manifestement, il avait dû faire les courses de sa copine et découvert pour la première fois ce qu’était une boîte de tampons – et une mère dont la fille avait flashé sur la longueur de ses cheveux – l’employé avait grincé des dents quand elle avait commencé à mentionner le film Raiponce et, plus particulièrement, le passage où les cheveux de cette dernière avaient été coiffés par des petites filles et qu’elles y avaient ajouté pleins de fleurs.

—C’est dommage que ce soit finit les pâquerettes, lui dit la petite fille alors que sa mère était en train de payer ses articles. Ca aurait été trop joli dans vos cheveux…

—Une prochaine fois peut-être, avait répondu Yuri en espérant intérieurement que cette idée de se servir de lui comme tête à coiffer allait lui passer d’ici le printemps. Merci à vous et bonne soirée.

Au moment même où la mère passa la porte de l’épicerie, Flynn revint et, manifestement, il n’avait pas manqué le regard peiné de la fillette.

—Qu’est-ce que tu lui as fait au juste ? demanda son ami en haussant un sourcil.

—Elle voulait faire un remake de Raiponce sur moi, répondit l’employé en récupérant le panier de courses qu’il avait mis de côté. La scène avec la tresse et les fleurs pour être exact…

—Celle-là… C’est vrai que ce serait réalisable sur toi.

En entendant ces mots, Yuri jeta un regard noir à son ami, lui promettant mille souffrances pour avoir osé dire cela… ce qui amusait beaucoup ce dernier.

—Toi, je te jure que tu vas me le payer…

Il dut se retenir de lui faire payer le double pour ses articles…

Alors qu’il venait de scanner une boîte en métal contenant du thé, dernier objet présent dans le panier, Yuri eut comme une drôle de sensation. Il mit cela sur le compte de la fatigue et ferma brièvement les yeux...

… mais quand il les rouvrit, il vit ce salon dont il rêvait pratiquement toutes les nuits sauf que, cette fois-ci, il le voyait en plein jour. Les rayons du soleil filtraient à travers les grandes fenêtres, éclairant le beau piano noir, la table basse en bois sombre, la causeuse en tissu mauve, la chaise à bascule, les murs recouverts d’un papier peint clair aux motifs fleuris…

Assise sur la banquette du piano, il y avait une jeune femme vêtue d’une robe bordeaux style empire qui ne cachait en rien ses épaules et dévoilait grandement ses bras. Ses longs cheveux de jais étaient libres de toute entrave, encadrant un visage aux traits fins et au teint clair tandis que ses yeux gris étaient concentrés sur la partition, ses doigts jouant avec soin la mélodie au piano qui était le premier mouvement de la sonate Clair de Lune…

—Yuri ?

Brutalement, le jeune homme revint au moment présent et s’aperçu que Flynn le fixait avec inquiétude.

—Désolé, s’excusa l’employé en soupirant. Je dois être plus crevé que ce que je pensais.

—Tu as déjà eu d’autres absences comme ça ? lui demanda son ami en lui donnant l’argent qu’il lui devait.

—Nan, c’est la première fois à ce que je sache. Faut juste que j’aille me coucher.

—Fais attention en rentrant chez toi.

—Promis.

Pendant un instant, Flynn avait eu l’air sceptique et il lui aurait certainement proposé de rester si son cher téléphone n’avait pas de nouveau sonné, le contraignant à repartir. Yuri resta donc durant l’heure qu’il lui restait à s’occuper des derniers clients, veillant à ce que certains ne tentent pas de piquer quoique ce soit et râlant intérieurement contre ceux qui n’avaient pas l’appoint – la spécialiste de la chose et qui venait toujours quand sa caisse n’avait quasiment plus de centimes était une vieille de soixante ans qui ne pouvait pas l’encadrer. Puis enfin, il put fermer l’épicerie et compter cette fichue caisse – il grogna en constatant qu’il lui manquait de l’argent, surement à cause de cette histoire d’appoint vu que la somme était petite mais cela allait lui valoir un bon sermon demain.

Il était près de vingt heures quand il put enfin partir, une veste noire sur le dos pour le protéger du vent froid qui s’était mis à souffler. Il devait compter au moins un bon quart d’heure de marche à pied pour rentrer chez lui s’il allait vite sauf que pour atteindre son immeuble, le chemin le plus court était une montée méchamment raide qui était loin d’être agréable à faire quand on était déjà crevé à la base. Seulement, il n’avait pas envie de faire tout le tour et de perdre encore plus de temps donc il se résolu à l’emprunter, ce qu’il fit sans se presser pour éviter d’être essoufflé à la moitié du parcours.

Mais même en prenant son temps, aux deux tiers de la montée, il fut obligé de s’asseoir sur une des marches pour récupérer… Il avait vraiment sous-estimé sa fatigue et le fait qu’il commençait à avoir des vertiges lui laissait penser qu’il ferait mieux de manger quelque chose dès que possible.

Sortant une barre de céréales de sa poche, Yuri en ôta l’emballage et en croqua un bon morceau – de mémoire, cela devait être la dernière qu’il avait donc il faudra qu’il pense demain à en racheter tout en se demandant s’il essayait celles aux fruits rouges ou non. Son esprit vagabonda vers ce salon dont il rêvait si fréquemment puis s’attarda sur cette femme…

Bien qu’il avait eu une vision des lieux en plein jour, impossible pour lui de se souvenir des traits du visage de cette inconnue qui était vraisemblablement celle dont il voyait le corps inerte chaque nuit. L’époque se précisait de plus en plus et il était à présent quasi certain que cette personne avait vécu durant la deuxième moitié du XIXème siècle bien que le mobilier et son style vestimentaire correspondaient plus au début de cette période. S’il pouvait obtenir plus d’indices ou voir d’autres pièces de cette demeure, il lui serait possible de confirmer son hypothèse.

Il ferma les yeux pour essayer de visualiser à nouveau cette pièce… et il y fut de nouveau précipité. Cette fois-ci, cette femme portait une robe blanche assez simple dans sa coupe sur laquelle étaient brodées des fleurs violettes. Ses cheveux de jais avaient été rassemblés en un chignon bas orné de quelques fleurs mais quelques mèches étaient laissées libres, encadrant son visage. Elle était assise sur la causeuse avec un homme aux cheveux blonds vêtu d’une chemise claire sur laquelle il y avait des tâches de peinture et d’un pantalon marron qui n’avait rien d’extraordinaire. Seulement, impossible de distinguer leurs traits.

Entre ses doigts, la femme tenait un anneau en métal sombre qu’elle regardait sous tous les angles.

—Qu’est-ce qu’il représente au juste ? demanda-t-elle, curieuse. Je n’arrive pas à lire ce qui est gravé à l’intérieur…

—La promesse d’un engagement mutuel, lui répondit l’homme en sortant un deuxième anneau qui était attaché à une chaine autour de son cou. Quant à l’inscription, c’est plutôt une sorte… de sortilège.

—De sortilège ? Donc si l’un trompe l’autre…

—En fait, les anneaux symbolisent le lien créé entre les deux âmes et il ne peut être rompu que si l’un des deux désire profondément casser celui-ci. Et s’il y a adultère, c’est plutôt l’amant qui devrait s’inquiéter…

—C’est à partir du mariage ?

—A partir des fiançailles plutôt.

Après quelques secondes, la femme prit le bijou entre son pouce et son index avant de le passer à son annulaire gauche, provoquant une réaction paniquée chez son interlocuteur.

—Lilith ! s’exclama-t-il avec surprise. Mais qu’est-ce que tu fais ?

—Je me fiance avec toi, dit-elle avec désinvolture. Pourquoi ?

—Mais… Tu réalises ce que cela va impliquer ? Je sais que tu veux fuir un mariage arrangé mais…

—C’est pour toi que je veux faire ça, pas pour moi.

En entendant ces mots, l’homme ne sut visiblement pas quoi répondre. Il restait figé, stupéfait par cette réponse tandis que Lilith agitait sa main devant ses yeux pour le faire réagir.

—Je… commença-t-il avant de s’interrompre. Tu es folle. Je ne vois que ça.

—Apprend moi quelque chose que j’ignore car j’entends déjà ça tous les jours, répliqua la femme en lâchant un soupir exaspéré.

—Je veux dire… T’engager avec moi comme ça n’est pas une bonne chose. Jamais je ne pourrais t’offrir une vie normale…

—Si j’avais voulu finir mariée avec le premier type venu et devoir lui pondre pleins de gosses pendant qu’il dilapide l’argent que m’a léguée mon grand-père ou qu’il se tape je ne sais qui dans mon dos, ce serait déjà fait. Je ne t’aurais pas rencontré, j’aurais déjà fugué depuis un moment.

Sans laisser le temps à l’homme de lui répondre, Lilith combla rapidement la distance entre eux et posa ses lèvres sur les siennes…

Ce fut des gouttes de pluie qui sortirent Yuri de son rêve éveillé, le poussant à vite rentrer chez lui s’il ne tenait pas à finir tremper. Il ne mit pas longtemps à atteindre son immeuble, pressé qu’il était de se mettre au sec. Arrivé à son studio, il avait balancé dans un coin sa veste et s’était affalé sur son lit.

-§-

Lilith rompit le contact, s’écartant un peu tandis que l’homme aux cheveux blonds portait sa main tremblante à sa bouche.

—Je sais que tu n’es pas heureux d’être ce que tu es, lui dit-elle avant de lui sourire. C’est pour ça que j’aimerai alléger un peu ton fardeau en t’offrant ma compagnie, même si, pour toi, elle ne sera certainement qu’éphémère. Et puis tu es le seul homme que je connaisse qui ne veut pas m’empêcher de vivre.

—Parce que c’est ce que j’aime chez toi, avoua-t-il en prenant sa main entre les siennes. J’aime ton côté rebelle, j’aime t’entendre rire, j’aime t’écouter jouer du piano nuit et jour, j’aime te voir te promener pieds nus, j’aime quand tu ne veux pas suivre les modes, j’aime…

Il fut interrompu dans sa tirade quand Lilith l’embrassa à nouveau, un geste auquel il répondit sans hésiter. Quand il se rompit, il détacha la chaîne autour de son cou et en libéra l’anneau qu’il déposa dans le creux de sa main.

—Ta famille ne va pas être ravie, constata-t-il avec un léger sourire.

—Je ne fais que leur rendre la monnaie de leur pièce, répondit-elle en prenant le bijou avant de le passer au doigt de son amant. Et puis comme ça, je pourrais enfin récupérer tout ce que mon grand-père m’a laissé.

—Ils y seront contraints et si jamais ils refusent, alors j’userai de certains atouts que j’ai dans ma manche.

—Oh ? Tu as donc tant de secrets que cela Flynn ? Moi qui croyais les avoir tous découverts…

A ces mots, il lui sourit, plantant ses yeux bleus dans son regard anthracite, puis il lui baisa amoureusement la main…

-§-

Profondément endormi sur son lit, Yuri n’avait pas réalisé qu’il n’était pas seul dans son studio : quelqu’un l’observait depuis un bon moment déjà et, une fois certain qu’il ne réveillerait pas l’occupant des lieux, était sorti de sa cachette.

Soupirant face au bazar des lieux, Flynn dut se retenir de tout ranger et s’approcha du lit avec précautions, enjambant un tas de vêtements qui auraient bien besoin d’être lavés. Prudemment, il s’assit sur le lit et prit la main gauche du jeune homme dans la sienne. Il posa son annulaire gauche sur celui de son ami… dévoilant un anneau en métal sombre autour de chacun d’eux.

—Ca empire de jour en jour… murmura-t-il avec inquiétude.

Il tenta d’ôter la bague au doigt de Yuri mais à peine eut-il essayé de bouger le bijou que son porteur se mit à gémir dans son sommeil, lui faisant stopper son geste.

—Flynn… souffla l’endormi. Reste…

—… Je ne peux pas te faire cette promesse, dit-il en lui lâchant la main avant de le recouvrir avec la couverture abandonnée au pied du lit.

Avec réticence, il se leva et s’éloigna. Il ne pouvait pas rester plus longtemps car il avait à faire. Octobre était le pire mois de l’année, à la fois à cause de sa charge de travail qui était plus forte et aussi parce que le dernier jour était très éprouvant pour lui au niveau moral.

—Ne meurs pas de nouveau, lui dit Flynn avant de commencer à disparaître dans un nuage de fumée noire. Je ne le supporterai pas cette fois-ci…

 


 

NB : Pas certaine d’avoir réussi à caser les deux thèmes… Vais essayer de faire mieux pour les suivants.

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 Note : Un an et demi que je l’avais pas continuée celle-ci… Merci à Fjeil et Eydol pour leurs commentaires qui m’ont donné envie de reprendre cette fic ! Bonne lecture !

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Tentative 5

Cela faisait plusieurs jours que Yuri était en proie à de multiples interrogations concernant sa relation avec Sodia O’Daly. Ce n’était pas qu’il voulait couper les liens avec elle mais… disons que la manière dont son intérêt pour elle évoluait le laissait perplexe.

Déjà, quand il s’était réveillé à l’auberge de Dahngrest, il avait constaté qu’elle n’était certainement pas très pudique et qu’elle n’avait pas peur de partager sa chambre avec un homme qui n’était pas de sa famille ou son mari – vu qu’elle avait tourné le dos à son statut au sein de la noblesse, cela ne l’étonnait pas qu’elle n’en respecte plus certains codes. Il s’était aussi dit que même si elle était loin d’être une beauté pulpeuse comme Judith ou une jeune fille à la pureté flagrante comme Estelle, elle possédait elle aussi des atouts qui, vu les cicatrices qu’elle possédait, étaient ceux d’une farouche guerrière dont la férocité égalait la valeur de ce qu’elle souhaitait protéger – rien que les évènements de Zaude lui avait prouvé qu’elle avait les capacités pour aller jusqu’au bout et ce, même si elle regretterait amèrement son geste par la suite.

Jusqu’à cette nuit à Aurnion, il considérait qu’elle était une personne en qui il pouvait avoir confiance et cela s’arrêtait là.

Il ne dormait pas au moment où il l’avait entendue commencer à se tourner et à se retourner dans ses draps et il n’y aurait pas prêté plus d’attention si elle ne s’était pas mise à parler dans son sommeil. Il n’avait pas tout saisi mais vu le ton employé pour parler à cette Sarah, ce que Sodia vivait dans ses songes était loin d’être agréable. Yuri venait de se lever quand la jeune femme s’était mise à pousser un cri déchirant, faisant qu’il s’était précipité auprès d’elle pour la réveiller.

Après coup, il avait compris qu’il s’était vraiment inquiété pour elle et il en était à se demander si tous deux ne faisaient pas le même genre de cauchemars vu qu’ils avaient chacun vécu un profond traumatisme psychique à Zaude.

Pendant environ une heure ou deux, ils s’étaient amusés à lire ces demandes de fiançailles pour Flynn et si Yuri avait bien rit, il avait quand même un peu plaint son meilleur ami qui, comme toujours, était un véritable aimant à femmes. Cette lecture s’interrompit quand le jeune homme sentit comme un poids contre son épaule et qu’il s‘aperçut que c’était Sodia qui s’était endormie. Normalement, il se serait contenté de l’allonger lentement pour qu’elle ne se réveille pas mais ses yeux n’avaient pas pu s’empêcher de noter que la boutonnière de la chemise de nuit de la jeune femme s’était ouverte et, étant un homme, il avait instinctivement jeté un œil…

Il était certain qu’elle n’avait pas une poitrine généreuse comme Judith mais il savait à présent qu’à cet endroit précis, Estelle la surpassait, même si c’était de peu. C’était loin d’être une chose le gênant chez une femme – il n’avait jamais vraiment compris cette fascination que certains avaient pour des seins énormes et préférait de loin une fille avec une silhouette harmonieuse. Il remarqua aussi que la rousse avait deux petits grains de beauté au-dessus du sein droit et il se doutait que si elle avait été nue, il en aurait repéré d’autres – une mode venue des nobles était de se dessiner de faux grains de beauté et de cacher les vrais sous une épaisse couche de maquillage, une lubie que Yuri n’avait pas du tout appréciée chez certaines filles avec qui il avait eu une relation se limitant à un simple flirt.

Ce fut quelques jours plus tard qu’il se posa des questions sur sa vie sentimentale… et qu’il réalisa que cela faisait depuis sa chasse à l’aque-blastia qu’il n’avait pas eu la moindre partie de jambes en l’air, étant beaucoup trop occupé avec son travail au sein de la guilde pour dénicher un coup d’un soir qui n’allait pas lui prendre toutes ses économies – bon, il pouvait se permettre d’aller dans un lupanar une fois de temps en temps maintenant qu’il avait un peu d’argent mais c’était moins intéressant que de jouer au jeu de la séduction dans une taverne.

A vingt-deux ans, il avait encore pas mal de temps devant lui pour s’amuser un peu mais il n’était plus intéressé par l’idée de partager son lit avec une inconnue. Il pouvait toujours tenter ce genre d’aventure avec Judith mais il y avait conflit d’intérêt et c’était une amie donc non. Estelle, ce n’était même pas la peine de l’envisager, surtout que Rita et Flynn chercheraient à avoir sa tête rien que pour avoir osé proposer cela. Concernant la magicienne, là aussi il ne fallait pas essayer sauf si finir cramé était l’objectif souhaité.

Et Sodia… De toutes les filles qu’il avait parmi ses connaissances, elle était peut-être celle qui l’intéressait le plus, ce qui était particulièrement troublant car jusqu’à récemment, ils étaient incapables de s’entendre.

Sa réflexion se serait arrêtée là s’il n’avait pas, une nuit, fait un rêve où il était à plat ventre sur un lit, torse nu, les mains attachées au-dessus de sa tête… et la rousse dans une tenue légère qui lui fouettait le dos avec une cravache. Quand il s’était réveillé, Yuri était encore estomaqué par cette vision… puis fut pris d’un rire nerveux à l’instant où il vit que son corps avait apparemment beaucoup apprécié cette vision – une longue, très longue douche froide fut de rigueur.

A présent, le revoilà à Zaphias, d’une part parce qu’il avait une livraison à y faire et d’autre part pour prendre des nouvelles des bas-quartiers ainsi que de ses amis. Il en profita aussi pour récupérer ses vêtements de rechange qu’il avait laissé dans sa chambre à la Comète, essentiellement parce qu’il avait enfin deviné qui était en possession de ses fringues : Ioder en personne, ce sale gosse qui avait des vues sur son cul depuis il ne savait quand et qu’il aurait dû laisser mourir noyé quand il en avait eu l’occasion. Judith avait été gonflée de lui faire ce coup-là et, un jour où il arriverait à lui mettre la main dessus, il trouverait comment lui rendre la monnaie de sa pièce.

Une fois son travail pour Brave Vesperia achevé, Yuri emprunta le passage secret menant au palais et profita que personne ne le voyait pour enfiler cette tenue de chevalier correspondant à la brigade de Leblanc qu’il avait gardée au cas où. Ainsi, une fois arrivé à destination, il évolua dans les couloirs sans attirer l’attention et put se rendre au bureau du Commandant sans être reconnu.

« J’ai une réunion importante dans quelques minutes donc faites vite. » avait déclaré Flynn, le nez plongé dans la paperasse.

« Trop occupé à répondre à tes prétendantes pour dire bonjour ? »

A cette phrase, son meilleur ami leva brusquement les yeux vers lui et, après quelques secondes de flottement, un soupir agacé se fit entendre tandis que l’épéiste ôtait le casque qu’il portait.

« Yuri… » grogna le chevalier en se levant de son bureau. « Où est-ce que tu as eu cette tenue ? »

« J’avais le choix entre ça et le costume de soubrette de Judy. » répondit l’intéressé en s’éventant avec sa main. « Et j’avais oublié à quel point il faisait chaud là-dedans… »

Flynn se contenta de lever les yeux au ciel, signe qu’il n’avait pas de temps à lui accorder pour leurs chamailleries habituelles, et il lui emboîta le pas quand celui-ci sortit de la pièce, certainement pour se rendre à cette réunion qu’il avait évoquée au début. Par contre, Yuri ne put s’empêcher de noter qu’il manquait quelqu’un…

« Tu as perdu ton chien de garde ? » demanda l’épéiste qui trouvait curieux que Sodia ne soit pas dans les parages.

« Elle avait une affaire personnelle à régler. » répondit le chevalier avec un léger froncement de sourcils, signe qu’il était soucieux. « A part ça, comment ça se passe pour Brave Vesperia ? »

L’échange de nouvelles et de banalités fut assez rapide étant donné que leur dernière entrevue datait d’une quinzaine de jours et que rien de très important n’était arrivé durant ce laps de temps. Par contre, Yuri trouvait curieux que Flynn n’ait pas tiqué sur le fait qu’il se soit d’abord intéressé à la rousse… Lui cachait-il quelque chose la concernant ou bien était-ce autre chose ?

« Dis-moi, il y a un truc qui me dérange mais je ne sais pas si je peux t’en parler. » déclara le garçon des rues en repensant à cette nuit à Aurnion.

« Décide-toi vite car je n’ai plus qu’une minute à t’accorder. » le prévint le Commandant en s’arrêtant près d’une armure ornementale.

« Par rapport à Sodia, qui est Sarah ? »

Cette question prenait visiblement le chevalier au dépourvu qui, après avoir vérifié que personne n’était près d’eux, lui fit signe de se rapprocher.

« Comment es-tu au courant ? » demanda Flynn en baissant la voix. « C’est impossible qu’elle t’en ait parlé. »

« Disons qu’à Aurnion, j’ai partagé sa chambre avec elle et qu’elle a marmonné ce prénom dans son sommeil. » répondit Yuri de la même manière, notant que si son meilleur ami n’était manifestement pas ravi d’entendre parler de cette Sarah, il n’avait fait aucune remarque sur le fait qu’il ait dormi dans la même pièce qu’une femme. Bizarre ça…

« Sarah Devon est la sœur aînée de Sodia ainsi que la femme du Baron Devon qui était un proche de Cumore. Pour avoir déjà eu affaire à Lady Devon, je peux t’assurer qu’elle est tout le contraire de sa cadette. »

De bonnes chances donc que cette femme et son mari incarnaient tout ce qu’il détestait chez la noblesse. Pas étonnant que la seule rousse qu’il appréciait fasse des cauchemars…

« Et je présume que la fameuse affaire personnelle est une histoire de famille. » fit le garçon des rues en grinçant des dents, n’ayant pas besoin de plus d’éléments pour savoir que c’était cela qui inquiétait tant Flynn. « Je vais voir si je lui mets la main dessus. »

« Tu n’y es pas obligé. » lui rétorqua son meilleur ami bien qu’il cachait difficilement son soulagement.

« Tu as du travail et moi j’ai fini le mien. En prime, vaut mieux qu’elle se défoule sur moi que sur quelqu’un d’autre. »

Après une légère hésitation, le Commandant lui fit un signe de tête et se rendit à sa réunion tandis que l’épéiste, après avoir remit correctement son déguisement, partit en quête de Sodia.

Il avait d’abord commencé par interroger quelques chevaliers en prétendant qu’il avait une missive urgente pour la jeune femme et leurs témoignages lui avait tous indiqué qu’elle avait quitté le palais il y avait peu. Une fois qu’il eut l’adresse du manoir du Baron Devon, Yuri repassa par le passage secret pour remettre ses vêtements habituels avant de sortir dans le quartier noble et de commencer à chercher le lieu voulu.

Comme toujours, la majorité des habitants de ce quartier le regardait de haut ou bien parlait dans son dos – contrairement à ce que cet homme qui empestait le parfum était en train de raconter à cette femme aux joues trop fardées, il se lavait bien plus souvent que certaines personnes qui masquaient leur odeur corporelle sous un flacon entier d’eau de Cologne – mais il avait mieux à faire que de se soucier d’eux.

Ses yeux cherchaient la demeure des Devon quand il entendit des éclats de voix quelques mètres plus loin. Deux femmes se disputaient puis un grand bruit retentit, comme si l’on avait renversé quelque chose avec un coup de pied. Quelques secondes plus tard, il repéra Sodia qui s’éloignait d’un pas rapide d’un manoir. Vu la manière dont elle serrait ses poings et le regard noir qu’elle avait, cette réunion de famille s’était très mal passée…

Il s’apprêtait à la rejoindre quand un homme d’une quarantaine d’années – à son accoutrement, c’était clairement un noble – la rattrapa et essaya de la calmer… en vain vu que quand il lui toucha le bras, la jeune femme s’écarta d’un pas et le gifla avec force.

« Je ne vous permets pas ! » s’exclama la rousse avec rage. « Jamais je ne donnerai mon accord pour cette mascarade ! »

Puis elle s’en alla, passant à coté de Yuri sans le voir.

L’épéiste hésita un peu sur quoi faire mais en voyant le noble qui envisageait visiblement de rattraper la jeune femme, il le stoppa en lui faisant un croche-pied, faisant tomber celui-ci sur le sol de tout son long avant de faire demi-tour en marchant sur la main de l’individu… puis en accélérant le pas quand il nota que des chevaliers l’avait vu faire et qu’il risquait fort de devoir rendre des comptes à Flynn plus tôt que prévu s’il ne leur faussait pas très vite compagnie.

Après avoir réussi in extremis à se réfugier dans le passage secret, il s’était de nouveau changé pour à nouveau se faire passer pour un chevalier impérial. Il avait caché ses vêtements dans une sacoche et était retourné au palais pour essayer de savoir où avait pu passer Sodia. Il découvrit vite qu’elle n’était pas revenue et, utilisant le prétexte de la missive urgente, il partit à sa recherche dans les rues de la capitale impériale – il eut beaucoup de mal à ne pas rire quand il croisa ceux qui étaient à sa recherche et que ceux-ci étaient venus lui demander s’il n’avait pas vu un individu suspect aux longs cheveux noirs.

Après une bonne demi-heure de recherches, il avait fini par la trouver dans un lieu où il n’aurait jamais pensé la voir : la taverne de la Comète, plus précisément la table du fond qui était celle où se mettaient ceux qui voulaient avoir la paix. Vu la bouteille qu’elle avait en face d’elle, elle ne comptait pas retourner à son poste avant un bon moment…

« Laissez-moi seule. » grommela-t-elle en se versant un verre de ce qui ressemblait fort au cidre un peu trop acide que l’on trouvait ici. « Et puis qu’est-ce que vous faites là au juste ? »

« C’est plutôt moi qui devrais poser cette question. »

En l’entendant, Sodia se mit à le fixer avec de grands yeux avant de lâcher un soupir agacé.

« Qu’est-ce que tu fiches dans cette tenue Lowell ? » demanda-t-elle en se pinçant l’arête du nez.

« Longue histoire. Et toi, que fais-tu ici ? » répliqua-t-il du tac au tac.

« Même chose. »

Elle allait probablement ajouter quelque chose quand deux chevaliers impériaux entrèrent dans la taverne. En les entendant prononcer son nom, Yuri se doutait fortement du pourquoi on le cherchait et s’avéra plutôt heureux de son déguisement… du moins, jusqu’à ce qu’il se souvienne avec qui il était en train de parler.

La lieutenant avait eu l’air très tentée de le dénoncer mais, après avoir demandé ce que l’on pouvait bien lui reprocher cette fois-ci, elle ne vendit pas la mèche et invita les deux chevaliers à aller voir ailleurs car ils la dérangeaient. Elle lui fit ensuite signe de s’asseoir, ce qu’il fit après que les deux chevaliers soient partis tout en ôtant ce casque sous lequel il crevait de chaud.

« Je ne pense pas que mon beau-frère sache que tu es ami avec le Commandant mais s’il l’apprend… » commença Sodia en grimaçant. « Si je pouvais trouver quelque chose pour le discréditer publiquement… »

« Ce type est une telle enflure ? » questionna Yuri, se demandant s’il n’avait pas été trop gentil avec l’individu.

Il y eut un silence avant que la jeune femme ne se rapproche de lui tout en jetant des coups d’œil sur toutes les personnes présentes.

« Il y a un endroit où ce serait possible de parler sans oreilles indiscrètes ? » demanda-t-elle, méfiante.

Bien que l’épéiste avait confiance en ceux des bas-quartiers, il n’était pas impossible que l’un d’eux soit à l’affût d’un ragot quelconque à monnayer – il avait d’ailleurs un doute sur l’ivrogne accoudé au bar et qui semblait plus frais qu’il ne le laissait paraître.

Yuri fit donc signe à Sodia de le suivre dans la chambre qu’il louait toujours à l’étage – il embarqua au passage deux gobelets et la bouteille de cidre. Une fois à l’intérieur, il ferma la porte à clé puis ôta quelques pièces de cette fichue armure avant de s’installer près de la fenêtre.

« Désolé pour le bazar mais j’avais pas prévu de recevoir. » déclara-t-il tandis que la jeune femme s’asseyait sur son lit.

« Ce n’est rien. » dit-elle en attardant un peu son regard sur les épées accrochées au mur. « L’espace est plutôt bien optimisé en tout cas. »

Il posa ce qu’il avait en main sur la table puis remplit les deux gobelets avant d’en tendre un à la jeune femme. Il prit ensuite l’autre avant de s’asseoir à côté d’elle, laissant environ trente centimètres entre eux, et attendit patiemment en buvant une gorgée de cidre…

« Ils veulent que je leur fasse un gosse. »

Yuri faillit recracher ce qu’il avait en bouche en entendant ces mots. Finalement, il aurait peut-être dû aussi s’essuyer les pieds sur ce type…

« C’est quoi cette histoire ? » demanda-t-il après avoir posé son gobelet sur la table, jugeant cela plus prudent. « Une nouvelle mode stupide ? »

« Je dirais plutôt ma sœur qui ne veut pas perdre la face. » répondit Sodia en grognant. « Cela fait plutôt mauvais effet pour elle de ne toujours pas avoir eu d’enfant et comme elle et son mari sont plutôt du genre à ne pas aimer utiliser une domestique aux origines incertaines comme poule pondeuse, c’est moi qui les intéresse. »

Après ces mots, la rousse avala le contenu de son verre d’un trait puis utilisa des mots bien fleuris pour décrire sa sœur et son beau-frère – l’épéiste constata à quel point son vocabulaire était riche dans ce domaine et que, jusqu’ici, il n’en avait entendu qu’une petite fraction, signe qu’elle ne devait probablement pas le détester autant qu’il se l’était imaginé.

« En gros, l’idée était que tu te fasses engrosser par l’autre abruti que j’ai croisé. » grimaça Yuri dont l’opinion sur la noblesse ne s’arrangeait pas. « Très sympathique… T’en a d’autres des comme ça ou bien je peux espérer boire mon verre sans risquer de m’étrangler ? »

Sodia eut un léger rire amusé, signe qu’elle était déjà de meilleure humeur.

« Et tu comptes faire comment pour échapper à la prison cette fois-ci ? » demanda-t-elle avec un sourire en coin avant de le regarder de bas en haut. « Ce déguisement ne va pas marcher longtemps et le Commandant sait où te trouver. »

L’épéiste était effectivement un peu embêté, surtout que Flynn savait très bien quelle était sa couverture donc compliqué de lui échapper sur ce coup…

« En panne d’idées ? » questionna la rousse avec un sourcil haussé.

« Ouais… » admit-il en se grattant l’arrière du crâne. « A part quitter la ville, j’suis un peu coincé. »

« Alors je peux peut-être arranger ça… »

En voyant ce rictus moqueur qu’elle avait sur les lèvres, Yuri sentait d’avance que cette option n’allait pas forcément beaucoup lui plaire…

-§-

Quand il était venu aux oreilles de Flynn que Yuri avait encore dépassé les bornes, il avait soupiré de dépit avant de se mettre lui-même à sa recherche en fouillant ses cachettes habituelles. Au final, à la nuit tombée, il ne l’avait pas trouvé et tout semblait indiquer qu’il avait quitté Zaphias avant de se faire prendre – même si le chevalier n’appréciait pas le baron Devon, il était bien obligé de prendre sa plainte en considération vu le nombre de témoins de la scène et son cher meilleur ami ne pourrait pas échapper éternellement à la justice.

Il se rendait à ses appartements quand il nota de la lumière sous la porte de Sodia… et des ricanements.

Intrigué, Flynn colla discrètement son oreille contre la porte… et reconnut la voix de Yuri qui grognait après la rousse – de ce qu’il comprenait, elle avait réussi à le convaincre de se déguiser en femme pour ne pas se faire prendre et pouvoir discrètement quitter la ville le lendemain.

Le Commandant se pinça l’arête du nez en se disant qu’il allait devoir se lever plus tôt afin d’empêcher son ami d’enfance de se faire la malle. Encore une journée chargée en perspective…

_________________________

NB : … et le lendemain, Yuri gagna deux nuits gratuites en cellule, petit-déjeuner compris dans la formule. 

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Bon sang... J'ai fais une suite... Bon ben bonne lecture !


Lors d’une soirée où ils avaient été invités par un de leurs clients réguliers, Yuri avait fait l’effort de s’habiller un peu mieux que d’habitude et Judith avait sortie sa longue robe noire qui ne laissait pas beaucoup de place à l’imagination.

Ce qui n’était pas prévu, c’était que l’hôte de la soirée était quelque paranoïaque et faisait fouiller tous ses invités par ses gardes. Lorsqu’était venu leur tour, l’épéiste avait grimacé quand on lui avait dit de poser son épée au vestiaire mais il avait noté le regard lubrique d’un des hommes envers sa camarade. Quand le dit garde pervers avait déclaré qu’il devait fouiller la krytienne pour s’assurer qu’elle ne cachait rien sous ses vêtements, celle-ci lui avait fait un grand sourire et, en un geste… avait ôté sa robe qui tomba à ses pieds, la montrant nue aux yeux de tous ceux qui étaient présents.

Alors que les gardes étaient figés par cette vision et avaient eu largement le temps de constater que Judith ne portait pas de culotte, Yuri leur avait calmement demandé s’ils pouvaient enfin y aller.

Dans la catégorie « accidents scientifiques », Rita en avait un certain nombre à son actif dont quelques-uns qu’elle gardait planqués dans un coin au cas où un jour elle voudrait revenir dessus.

Seulement, elle constata assez vite qu’elle aurait mieux fait de ne pas garder cette information pour elle seule le jour où Witcher débarqua chez elle et qu’il lui emprunta quelques fioles pour une expérience au palais.

Autant dire que quand Rita réalisa enfin ce qu’il avait pris, c’était déjà trop tard : elle ne savait comment, un des dits-ratés avait fini ses jours dans les cuisines du palais impérial et avait très certainement été utilisé pour faire un plat.

En ayant plus qu’assez des rapports tendus entre Yuri et Sodia, Flynn avait décidé de les forcer à en parler en jouant les médiateurs autour d’un repas qu’il avait fait lui-même. Bien qu’ils aient tenté de se défiler en réalisant pourquoi il leur avait été demandé de venir dans les appartements du Commandant, ils avaient fini par accepter de faire un effort et d’au moins goûter le contenu de leurs assiettes.

Sans trop savoir comment cela avait pu se finir ainsi, Flynn se réveilla le lendemain matin complètement nu dans sa chambre… avec Yuri et Sodia dans son lit qui étaient dans la même tenue. Si son meilleur ami se plaignait d’avoir mal partout, la rousse avait l’air épuisée et quelque peu euphorique.

Bien que la soirée ne se soit pas passée comme envisagé, il avait obtenu des résultats plutôt encourageants…

Pour le premier anniversaire de l’empereur Ioder Argylos Heurassein, un bal masqué avait été organisé. Excepté les chevaliers, tous les invités portaient un masque, un moyen subtil pour forcer des personnes de rangs et d’origines différentes à interagir entre elles.

L’empereur lui-même s’était prêté au jeu et il avait bien profité de la situation. Pour lui, cette soirée avait été un vrai succès.

—Mais puisque je te dis que c’est surement lui qui a fait le coup !

—Impossible. Quelqu’un de son rang ne se permettrait pas ce genre de comportement.

Yuri grinça des dents face à l’obstination de Flynn qui refusait d’entendre ses arguments concernant l’identité du petit malin qui avait profité du bal masqué pour mettre discrètement la main aux fesses d’une dizaine de demoiselles et d’un homme… qui n’était autre que l’épéiste, forcé d’assister à l’évènement pour faire plaisir à Estelle.

Ce qui agaçait le plus Yuri dans cette histoire, c’était que le pervers de la soirée était revenu trois fois à la charge avec lui et qu’il avait bien reconnu la tignasse blonde ainsi que le grand sourire d’Ioder quand il l’avait pris la main dans le sac.

Il nota dans un coin de sa tête de se méfier de ce gosse à l’avenir.

Un jour, Raven avait fait une partie de poker contre Kaufman où chacun misait de l’argent. Manque de chance, il s’était fait assez vite plumé, facilement déconcentré par le décolleté de son adversaire. N’ayant plus de quoi parier, il avait accepté sans réfléchir un travail proposé par la dirigeante du Marché de la Fortune.

Ce fut ainsi que Raven fut contraint, pendant toute une journée, de se balader dans les rues de Dahngrest dans un costume de poulet afin de promouvoir un nouveau produit commercialisé par la guilde de Kaufman.

Autant dire que pour draguer, ce n’était pas pratique du tout…

Lors d’une visite dans les locaux de Brave Vesperia, Flynn avait pu constater à quel point Karol était bien organisé au niveau des comptes de la guilde. Son cadet était un excellent comptable, ce qui était plutôt un atout pour un chef, mais il peinait un peu sur le côté administratif.

Le Commandant lui avait donc fournit quelques conseils pour bien classer ses documents afin de s’y retrouver facilement puis donné quelques pistes sur comment investir leurs économies afin de développer au mieux Brave Vesperia.

Autant dire que Flynn était très fier de Karol.

Face au nombre de plus en plus élevés de requêtes, Brave Vesperia avait dû se décider à recruter de nouveaux membres permanents au lieu de compenser avec leurs amis – Raven avait déjà assez de travail, Patty aussi, Estelle ne pouvait pas sans arrêt venir les aider et Rita coûtait trop cher en indemnisations quand elle se mettait en colère.

Ils avaient reçu pas mal de monde… dont quelques cas – celui qui remportait la palme était celui qui avait exigé d’avoir tous ses week-end, les jours fériés et les vacances scolaires.

Finalement, ils allaient continuer comme avant…

Dans la catégorie « job bizarre », le dernier en date de Yuri avait été à Hyponia où il avait dû collaborer avec Sodia, essentiellement parce qu’autrement, il était seul pour se battre contre des monstres réputés costauds à cette période de l’année et aussi parce que le client de Brave Vesperia était un noble d’Heliord.

Autant dire qu’autant l’un que l’autre n’avait pas été spécialement enchanté de devoir se balader dans la forêt d’Egothor afin de ramener… un représentant d’une race de canards qui ne vivait que dans cette partie de Terca Lumireis.

Tous deux se demandait encore comment il était possible pour quelqu’un de collectionner des canards, vivants qui plus est.

Dès qu’elle avait du temps libre, Patty l’utilisait pour cuisiner de délicieux plats qui faisaient saliver d’envie n’importe qui pouvait en sentir l’alléchante odeur ou en voir la couleur.

La Saint-Valentin approchant, elle avait préparé une grosse boîte de biscuits faits avec amour et qu’elle avait, au préalable, trempés dans un philtre d’amour que Rita avait préparé par erreur pour les envoyer à celui qui détenait son petit cœur de pirate depuis pas mal de temps à présent.

Sauf que cinq jours après son envoi, celui-ci lui fut retourné pour cause de « refus du destinataire», faisant qu’elle devrait se résoudre à recourir à une autre méthode…

— — — —

Durant une vilaine affaire de contrebande à Capua-Nor, Flynn avait dû instaurer un poste de douane le temps de pouvoir stopper l’entrée de tout élément douteux au sein de l’Empire. Tout le monde était contrôlé, y compris Brave Vesperia qui n’avait eu droit à aucun traitement de faveur.

Rita avait râlé un bon moment après s’être faite confisqué bon nombre de produits dangereux qu’elle comptait utiliser pour ses expériences. Après un long interrogatoire qui, sans Estelle, aurait vite mal tourné, elle avait pu récupérer ses biens et s’était juré de ne plus passer par là avant un bon moment…

Certains gardes avaient été fortement tentés de fouiller plusieurs fois Judith de fond en comble mais celle-ci leur en avait vite fait passé l’envie, surtout lorsqu’elle leur avait ajouté avec le sourire que leur Commandant serait certainement enchanté d’apprendre à quel point ses douaniers pouvaient être zélés.

Raven avait tenté de passer en usant de son bagou mais manque de chance pour lui, Sodia était présente ce jour-là et l’avait contraint à déclarer toutes les bouteilles d’alcool qu’il avait cachées sur lui ainsi que dans le sac de Karol pendant que celui-ci avait le dos tourné.

Quant à Yuri, il avait tenté d’éviter le poste de douane, sachant pertinemment que les deux nigauds étaient de service et qu’ils risquaient de ne pas le rater… sauf que Flynn était lui aussi dans le coin et qu’il l’avait attrapé à l’instant même où il avait essayé d’escaler un mur. Du coup, son meilleur ami lui avait fait passer un sale quart d’heure et lui avait offert une nuit en cellule le temps de vérifier que rien de louche ne s’était glissé dans ses affaires.

Au bout d’une semaine, tout le réseau de contrebandiers avait enfin été démantelé et ce, avec l’aide des membres de la guilde Brave Vesperia qui étaient très motivés pour mettre fin à leurs crimes.

— — — — — — — — — — —

Durant cette affaire de contrebande, Patty avait bien entendue été contrôlée mais comme elle avait pu planquer tout ce qui risquait de la faire arrêter, elle avait pu passer après avoir déclaré quelques marchandises. Elle avait ensuite déposé un colis à la poste locale pour Zaphias et était ensuite repartie, n’ayant plus rien d’autre à faire dans les parages.

— — — —

Quand cette histoire de douanes à Capua Nor fut enfin finie, Yuri fut contraint d’accompagner Flynn à Zaphias pour finir le reste de sa peine via des travaux d’intérêts généraux. Lorsque l’épéiste rentra chez lui, il trouva un énorme colis dans sa chambre qu’il trouva immédiatement suspect.

Après inspection à une distance raisonnable, il avait jugé préférable de le faire renvoyer à son expéditeur.

— — — —

S’il y avait bien un détail qui permettait à quiconque de reconnaître Duke Pantarei, c’était sa longue chevelure d’un blanc éclatant, aisément repérable.

Cependant, certains ignoraient que, quand il était plus jeune, Duke avait été victime d’une vilaine plaisanterie : quelqu’un avait mis un colorant vert dans son shampooing, faisant qu’il avait eu les cheveux de cette couleur pendant un bon moment et avait subit bien des moqueries…

C’était probablement en partie à cause de cela qu’il préférait de loin être seul.

— — — — —

Lors d’un passage à Zaphias, Flynn avait insisté auprès de Yuri pour qu’il prenne une boîte de gâteaux. L’épéiste, très suspicieux, avait demandé à Sodia qui les avait fait, craignant que ce soit son meilleur ami mais quand elle lui dit qu’elle l’ignorait, il estima qu’ils n’étaient donc pas empoisonnés. Seulement, mieux valait deux précautions qu’une seule…

— — — — —

Quand Patty se rendit à Zaphias pour savourer la réussite de son plan, elle avait déjà presque tout planifié dans sa tête pour le moment où elle retrouverait son cher et tendre Yuri… mais elle n’avait pas envisagé que celui-ci avait encore une fois déjoué son stratagème en donnant les gâteaux à manger à Adeccor et Bocos qui se mirent tous deux à lui compter fleurette sans qu’elle ne l’ait demandé.

Patty supplia donc Rita de fabriquer un antidote puis elle repartit très vite sur son bateau mettre au point une nouvelle tactique pour séduire celui qu’elle considérait comme l’homme de sa vie.


NB : J'ignore si je tenterai une autre suite mais au moins, j'ai bien exploité Patty pour une fois. 
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 Notes : Pour le passage au chant, les paroles correspondent à la chanson « Veil of Elysium » de Kamelot, plus précisément à sa version acoustique (il n'y a pas de guitare électrique dans cette fic donc je prends les versions acoustiques quand elles existent).

Playlist :

Emmanuel Moire – Etre à la hauteur

Sofia Essaidi – Tout sera stratagème

Kamelot – Veil of Elysium (acoustic)

Halestorm – Familiar taste of poison

Battle Beast – Familiar Hell


Partie 4

Illuminée par des torches et par les derniers rayons du soleil, la salle de banquet du palais royal était grandiose. Avec son sol de marbre blanc, ses colonnes sur lesquelles étaient gravées des scènes de la vie quotidienne et son plafond où était peint un ciel azuré, cette pièce était une des plus belles qu'il était possible de voir. Concernant son ameublement, il était sobre, se limitant aux tables en bois laqué dont le bord était plaqué or et aux sièges fait de bois d'ébène venu tout droit de Séléné avec des coussins colorés sur lesquels s'asseyaient les convives – seul le roi avait un fauteuil avec un haut dossier dont les bras étaient plaqués or et qui lui permettait de clairement se démarquer par rapport à ses invités.

Cependant, lorsque cette salle était remplie et ses tables richement garnies de mets divers et variées, ce bel endroit était à la fois celui où toute personne de la haute société souhaitait ardemment se trouver mais aussi celui qui pouvait donner mal au crâne à n'importe quel Nyx qui était assis sur l'un de ces sièges.

Yuri avait l'habitude d'occulter les manigances et faux-semblants au sein du harem pour s'éviter des migraines face à tous les mensonges qu'il percevait mais pour faire cela, il fallait qu'il soit en pleine possession de ses moyens. Or, l'idéal pour lui aurait été d'être en bout de table ou juste à côté du roi mais la présence de notables et des autres favoris le contraignait à être placé face à Orpin et Narcisse et à côté d'un noble qui s'était bien trop parfumé – il ne détestait pas les odeurs fleuries mais celle-ci était bien trop entêtante à son goût. Normalement, Lucrèce devrait être assis à sa gauche mais il n'était toujours pas arrivé, ce qui signifiait qu'il n'aurait personne pour faire la conversation à sa place si nécessaire.

Heureusement, un divertissement était offert aux invités : des jongleurs, des joueurs de luth et des cracheurs de feu animaient la soirée, de quoi occuper ceux qui ne s'intéressaient pas aux affaires du royaume. De plus, il savait que, debout derrière lui, il y avait Flynn, très certainement droit comme un i et qui allait garder les deux yeux sur lui.

Cependant, un détail avait attiré son attention lors de son arrivée : le nombre de gardes qui était plus élevé qu'auparavant. Même s'il n'évoluait pas librement hors du harem, il avait déjà été assez souvent dans ce genre de mondanités pour savoir que cela était inhabituel. Peut-être y avait-il une crainte d'une tentative d'assassinat sur le roi d'Hélios…

« Dites-moi, que pensez-vous des… » commença son voisin de droite sur un ton un peu trop doucereux à son goût.

« Rien du tout. » coupa abruptement le favori avant de boire une gorgée de sa coupe de vin.

Officiellement, cette boisson venait de Séléné mais il reconnaissait le goût du vin blanc légèrement sucré et fruité produit dans les Terres des Nyx – il suspectait que le roi Thar le faisait importer à Aurum uniquement pour lui car excepté Raven, personne ne s'en était fait servir. Seulement, comme il ne souhaitait absolument pas être pris dans ces toiles de mensonges, il préférait encore obscurcir ses sens plutôt que de supporter consciemment les manières de la haute société – certes, il aurait pu prendre de la bière mais il avait toujours détesté la saveur de cette boisson.

Côté nourriture, il avait jeté son dévolu sur le canard à l'orange, un plat assez populaire sur les côtes de la mer Azurée où les agrumes poussaient en grand nombre. Il aurait volontiers opté pour des gâteaux aux dattes si ceux-ci n'avaient pas déjà été monopolisés par Orpin qui était connu pour en raffoler. Heureusement, pour ce qui était des desserts, il avait encore pas mal de choix – dans tous les cas, il bouderait ceux aux figues, même ceux où elles étaient noyées dans du miel – mais avant de s'attaquer à du sucré, il hésitait entre accompagner sa viande de lentilles ou de fèves – à Némésis, il n'aurait jamais pu avoir un tel choix de plats à cause des conflits réguliers mais il lui arrivait de regretter les truites fraichement pêchées du Lymna ou encore les lapins accompagnés de carottes et de pommes de terre.

Yuri regarda rapidement les convives, remarquant quelque chose d'un peu curieux concernant l'ambiance des lieux. S'il ne voyait rien d'inhabituel du côté des invités et des autres favoris – Narcisse avait toujours adoré les commérages et ce genre d'occasion était parfaite pour en apprendre de nouveaux –, il trouvait le roi ainsi que le capitaine de la garde plutôt tendus tandis que Garista semblait contrarié. Le maître des lieux, comme à chaque apparition publique, portait un Némès aux rayures horizontales jaunes et bleu roi qui masquait intégralement sa chevelure. S'il était vêtu d'une simple toge blanche à manches longues faite avec le lin le plus précieux qui soit, celle-ci était accessoirisée d'une ceinture épaisse composée des multiples perles bleues, turquoises et ocres ainsi que d'un collier plastron composé des mêmes perles colorées mais comportant un soleil en or en son centre.

Les yeux mordorés du souverain croisèrent les siens avant de se poser sur la place vide de Lucrèce avec un léger mécontentement… ou peut-être même de la suspicion – les sens du Nyx étaient un peu perturbés par le peu d'alcool qu'il avait bu et tout ce qui l'entourait donc il avait un peu de mal à décrypter cette expression qui n'avait duré qu'à peine deux secondes. Il le vit se pencher vers le soldat à sa droite et lui murmurer quelque chose à l'oreille.

Pour une raison ou pour une autre, il sentait qu'il n'allait pas tarder à quitter sa place.

Le favori s'intéressa à sa coupe en or gravée de motif fleuris et la tourna légèrement entre ses doigts avant de prendre une nouvelle gorgée de vin blanc. Ayant eu une sensation bizarre à sa lèvre inférieure, il examina plus attentivement le rebord de cet objet, notant qu'il avait un défaut : d'une manière ou d'autre autre, le métal avait été abîmé sur une petite zone, si bien que seul un examen approfondi ou, comme à l'instant, un contact sur cette partie bien précise permettait de savoir qu'elle était légèrement ébréchée.

Le notable à sa droite allait tenter à nouveau d'engager la conversation avec lui quand Raven vint se placer entre eux avec une mine grave, ce qui convainquit le noble de changer d'idée.

« Son Altesse veut te parler maintenant. » lui déclara le soldat à voix basse avant de s'écarter.

Bingo… Yuri se retint de soupirer de soulagement car il doutait fort d'obtenir la place du vieux jusqu'à la fin du banquet et qui lui aurait permis d'avoir une paix royale – par le passé, il n'avait été assis à côté du roi que lors de deux occasions similaires mais dans les deux cas, Garista était absent faisant que, dans ces cas-là, son siège était offert à un membre du harem qui était soit un favori, soit un nouveau venu au harem qui avait plu au souverain.

Le Nyx posa sa coupe de vin puis se leva et jeta un coup d'œil rapide à Flynn, remarquant ainsi que le capitaine de la garde s'était placé à côté de celui-ci et qu'il avait engagé la conversation – cela n'avait rien d'anormal en soit entre un soldat et son supérieur. Sous les regards de quelques curieux, le favori rejoignit la place vacante à droite du roi Thar et s'y assit en croisant les jambes, dévoilant en partie l'une d'elle quand le lin noir et fin glissa contre sa peau claire. A peine deux secondes plus tard, le souverain était penché vers lui et avait posé une main chaude sur sa cuisse.

« Tu portes toujours cette couleur à merveille. » lui susurra le dirigeant d'Hélios en glissant ses doigts jusqu'aux deux pans de tissus qui s'étaient séparés en haut de son genou. « Si nous étions seuls, cet habit serait déjà plus ouvert que maintenant. »

« Et moi qui vous croyais capable de me baiser devant un large public. » répliqua Yuri à voix basse pour que seul son interlocuteur l'entende. « Je suis déçu. J'avais bu du vin exprès pour m'y préparer ! »

« Je préfères un bien plus petit comité pour admirer le spectacle mais trêve de plaisanteries. »

Le roi Thar enleva sa main de sa cuisse pour la placer derrière sa nuque. Il sentit les doigts du souverain se refermer sur son cou, prêts à écraser sa gorge si nécessaire, ainsi que le contact du métal sur sa peau, là où le maître des lieux portait ses bagues.

« Qu'est-ce que c'est que cela ? » demanda le roi en le forçant à regarder en direction de l'endroit où se tenaient Flynn et Raven. « C'est un nouveau jeu que de faire porter un masque à ton garde ? »

« J'ai naïvement pensé que vous feriez un bal masqué ce soir. » répondit le Nyx qui ne comptait pas dévoiler la vraie raison de ce petit manège. « Il semblerait que je me sois trompé. »

Un petit soupir agacé lui indiqua que le maître des lieux n'était pas satisfait de ce qu'il venait d'entendre mais il n'avait eu aucune autre réaction. Puis le jeune homme eut la tête tourné vers le siège vide, probablement la vraie raison de son geste.

« Où est Lucrèce ? » questionna le souverain sur un ton beaucoup moins agréable.

« Je ne suis pas sa nounou. » répliqua Yuri avant de sentir les doigts du roi appuyer brièvement sur sa gorge, lui faisant comprendre que le temps des sarcasmes était passé. « Je ne l'ai pas croisé en partant. »

Du coin de l'œil, le favori apercevait Flynn qui avait serré les dents et à côté de lui, Raven qui, certainement, lui avait conseillé de se tenir à carreau vu que le soldat se forçait à regarder devant lui.

« Autre chose votre Altesse ? » demanda le Nyx en tournant son visage vers celui du souverain, plantant ses yeux anthracite dans ceux mordorés.

« Oui, mais pas ici. » répondit sèchement le roi Thar. « Nous en discuterons dans un autre lieu quand cela sera possible. Et tu es prié d'amener ton garde du corps avec toi que je vois ce que tu caches exactement… »

« Rassurez-vous, je ne couche pas avec lui. »

La pression des doigts sur sa gorge s'accentua, signe qu'il avait, sans surprise réelle, réveillé la part de jalousie et de possessivité du souverain. Il aurait pu se passer de le provoquer ainsi, surtout en public, mais il n'avait pas pu s'en empêcher, à croire qu'il avait des pulsions suicidaires cachées pour allumer une flamme de colère dans ces yeux aux teintes dorées.

Lorsqu'un serviteur vint pour remplir la coupe du maître des lieux, ce dernier lâcha enfin le favori mais continua de le fixer avec intensité, laissant pleinement le temps au Nyx de déceler quelques détails et micros-expressions : un léger froncement de sourcils, des signes de fatigues dissimulés avec les talents d'un bon maquilleur, le mouvement des iris…

Manifestement, quelqu'un avait des soucis en ce moment…

« Courte nuit ? » fit Yuri avec un léger sourire, cherchant à détendre un peu l'atmosphère en réalisant qu'il ne percevait pas beaucoup de sons provenant du banquet. « Vous devriez essayer la camomille… »

« Ça ne m'a jamais vraiment réussi. » répliqua le roi Thar, un peu plus calme à présent. « Cependant, je ne serai pas contre une berceuse… »

La main chaude du souverain vint chercher la sienne puis l'amena à ses lèvres afin d'y déposer un bref baiser accompagné d'un regard où luisait une étincelle de défi.

« Depuis quand ne t'ai-je pas entendu faire résonner ta voix à mes oreilles ? » questionna le maître des lieux avec envie.

« A peine quelques secondes ? » répondit le favori avec ironie. « Si vous voulez que je joue les pipelettes... »

« Je pensais plutôt à une chanson. »

Exactement ce que redoutait le Nyx. Certes, il savait chanter mais il n'avait que peu de chansons à son répertoire et le souci était qu'elles venaient toutes de son pays d'origine – certaines étaient aussi connues à Séléné sauf qu'à Hélios, il était probable que celles-ci ne soient pas au goût de ce public…

« Vous savez très bien que je n'en connais aucune de ce pays. » déclara Yuri à voix basse. « Qui plus est, rien ne me dit que vos musiciens pourront m'accompagner s'ils n'en connaissent pas la mélodie. »

« Cela sera aisé à vérifier. » répliqua le souverain avant de faire signe aux deux joueurs de luth.

Intrigués, les convives stoppèrent leurs conversations, suivant du regard les deux musiciens qui vinrent s'agenouiller près de leur roi tandis que le favori observa plus attentivement ces artistes : si le premier était assurément un hélien d'une trentaine d'années dont la peau avait enduré pendant longtemps la puissance des rayons du soleil, le second semblait plus jeune mais il était difficile de déterminer son âge exact à cause du turban qui couvrait sa tête et du foulard qui masquait son visage, ne laissant voir que ses yeux verts et une partie de son teint qui était bien pâle pour un citoyen d'Hélios.

« Quels sont vos désirs votre Altesse ? » demanda le plus âgé des joueurs de luth, la tête baissé avec respect.

« Je souhaiterais que vous accompagnez de vos notes le chant de mon favori ici présent. » répondit le roi Thar en faisant signe qu'il n'avait pas terminé. « Cependant, il ne connaît aucune chanson d'Hélios mais quelques-unes de Séléné. Cela vous poserait-il un problème ? »

« Personnellement, j'ai peur de ne pouvoir satisfaire votre demande mais peut-être que mon partenaire en est capable. Il n'en a pas l'air mais il a beaucoup voyagé. »

Les sens de Nyx de Yuri sentirent immédiatement le mensonge qui venait d'être dit mais il eut beau observer attentivement le plus âgé des musiciens, celui-ci n'avait aucun tic nerveux ou micro-expression qui pourraient le trahir. Or, il était certain que cet homme avait menti… mais était-il possible qu'il n'en ait même pas eu conscience ? Si c'était le cas, soit il était un menteur pathologique, soit il avait été envoûté par un Nyx.

Face à cette constatation, il tourna ses yeux gris vers le second joueur de luth, réalisant que celui-ci le fixait à la fois avec intérêt et étonnement. Ce regard vert n'avait rien d'extraordinaire en soi mais son instinct lui disait que si cette personne dissimulait son apparence, c'était parce qu'elle était probablement du peuple de la nuit.

« Connais-tu « Voile de l'Elysée » ? » demanda le favori, guettant les réactions du mystérieux musicien.

« Oui. » fut la seule réponse verbale qu'il obtint mais elle lui fut suffisante pour estimer qu'il devait avoir affaire à une femme.

De toutes les chansons qu'il connaissait, il n'avait pas choisi celle-ci au hasard : très populaire chez les Nyx, elle plaisait aussi à Séléné bien qu'ils n'en saisissaient pas pleinement le sens. Le peuple de la nuit se transmettait l'air et les paroles depuis toujours ainsi que la légende qui serait qu'elle avait été écrite par Umbra et Topaze – personne ne savait réellement pourquoi car leur relation avait, au final, été de courte durée et l'on pouvait légitimement supposer à qui elle s'adressait réellement.

Sans précipitation, Yuri suivit les deux joueurs de luth jusqu'à leur place. Après avoir pris une bonne inspiration, il fit signe au mystérieux musicien de commencer à jouer. Les premières notes retentirent, envoûtantes, mélancoliques… puis il entama le premier couplet d'une voix puissante et pleine d'émotion.

Hear my promise of blistering light

Sowing a rose of obsidian

My dear I promise

Death comes to all

In a heartbeat only silence

Let's play with the fire that runs in our veins

Trust in the might of a miracle

Now winter has come and I'll stand in the snow

I don't feel the cold

And it's all that I will ever need to believe

Juste avant d'entamer le refrain, il s'accorda un rapide coup d'œil sur l'assemblée, constatant que tous avaient les yeux rivés sur lui, plus particulièrement le roi Thar qui semblait plus apaisé qu'au début du banquet.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will I know you then?

Ce mystérieux musicien connaissait très bien cette chanson, ce qui suffit à Yuri pour confirmer que c'était bel et bien un Nyx qui l'accompagnait au luth. Il n'y avait pas la moindre fausse note, ce qui était un peu surprenant quand on savait que cet instrument à cordes n'était pas très courant chez le peuple de la nuit. Cette personne avait très certainement dû apprendre à en jouer grâce à un musicien hélien ou sélénite. Il n'était cependant pas à exclure que cet individu soit un autodidacte et dans ce cas, il – ou plutôt elle – était doué.

Now bring down your fortress and swallow your pride

Don't break in your moments of ignorance

Existence will capture a spark of life

Just a fragment, but it's all that I will ever need to revive

Du coin de l'œil, il aperçut Raven regagner sa place, les sourcils légèrement froncés. Il fixait le mystérieux musicien avec suspicion, se doutant très certainement que quelque chose n'était pas très clair. Le plus inquiétant, c'était que Garista semblait penser la même chose.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will you be there in that darkness

Of the shadow that comes over all?

Dear friend will I know you then?

Will I know you then at all?

Toujours à son poste, Flynn l'écoutait attentivement, ses yeux bleus croisant son regard anthracite. Pour une raison qui échappait au favori, quelque chose l'attirait chez le soldat, ce qui était totalement nouveau pour lui. Il reconnaissait qu'il avait un certain charme, de la personnalité et qu'il avait pas mal d'autres atouts mais il lui tapait aussi sur les nerfs par moments…

Sauf que sans cet idiot de blond, il risquait fort de s'ennuyer, s'étant habitué à sa présence à ses côtés.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will I find you then?

La chanson se termina sur les dernières notes de luth. Lorsque revint le silence, celui-ci fut rompu par les applaudissements du roi, vite imité par ses convives. Yuri et le musicien saluèrent avec respect leur public puis le Nyx fit de même avec le joueur de luth qui l'imita… leur permettant ainsi de lui parler sans risquer d'être entendu.

« A ta place, je ne m'éterniserai pas. » dit-il au musicien dans la langue du peuple de la nuit à voix basse. « Je ne suis pas le seul à t'avoir repéré et quitte à choisir, j'éviterai de me faire capturer par le sorcier solaire. Il est du genre sadique, surtout avec les Nyx. »

« Compris. » se contenta de lui répondre celle qui était une Nyx avant de se redresser.

Peu importe qui était cette fille, il ne voulait pas qu'elle soit faite prisonnière par Garista car autrement, elle allait certainement y passer. Le roi Thar n'était pas plus recommandable donc il valait mieux qu'elle puisse s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard et ce peu importe ce qu'elle était venue chercher au palais.

« Portons un toast en l'honneur du roi ! » s'exclama l'un des convives en levant sa coupe alors que Yuri regagnait sa place. « Remercions-le pour cette magnifique table et ces splendides divertissements ! »

Plusieurs invités approuvèrent vivement cette idée et, à l'instant où le favori se rassit sur son siège, le souverain avait fini par céder et prit en main sa coupe en or et en lapis-lazuli.

« A Hélios ! » déclara le maitre des lieux en levant son verre, vite imité par ses invités.

Tout le monde porta sa coupe à ses lèvres et le Nyx allait faire de même…

« NON ! »

La main de Flynn lui attrapa vivement le poignet, l'empêchant de finir son geste et renversant une partie du vin blanc sur la table. Yuri regarda le soldat avec surprise et quand il vit l'expression de son visage, il sut tout de suite que quelque chose clochait avec ce qu'il tenait dans sa main.

« Que signifie ceci ? » questionna la voix emplie de colère du roi Thar.

Immédiatement, le jeune homme aux cheveux d'or lâcha le favori et s'agenouilla, baissant la tête avec respect.

« Pardonnez-moi votre Altesse. » s'excusa-t-il. « Il m'a semblé voir un fait curieux avant que votre favori ne rejoigne sa place et je n'en ai compris l'importance que maintenant. »

Rapidement, le Nyx examina sa coupe, cherchant ce qui avait bien pu alerter son ami… et découvrit un détail qui lui glaça le sang : le défaut qu'il avait remarqué sur le rebord n'était plus là. Ceci n'était pas son verre.

« Quel est-il au juste ? » demanda Raven qui essayait de masquer comme il le pouvait son inquiétude.

« Quand les serviteurs sont passés resservir les invités, Yuri a été le seul dont la coupe a été changée. » expliqua Flynn calmement en fixant son supérieur droit dans les yeux.

« Je confirme ses dires. » fit le favori en se levant tout en montrant l'objet du délit. « Ma coupe avait un défaut et celle-ci n'en a aucun. »

Jamais un serviteur n'aurait dû lui donner une nouvelle coupe à moins qu'il ne l'ait demandé. La remplir était tout ce qu'ils étaient censés faire mais la sienne n'était pas vide car il n'avait bu que deux gorgées de son contenu. Il ne restait donc qu'une possibilité : c'était une tentative d'empoisonnement.

Un coup d'œil rapide lui permit de constater que la musicienne Nyx s'était volatilisée, ayant certainement profité de l'agitation pour filer – elle n'était pas à suspecter car si elle avait voulu le tuer, elle l'aurait poignardé ou égorgé dans un recoin sombre. Le sorcier solaire n'avait pas l'air surpris et cherchait quelque chose du regard – Garista pourrait être le coupable mais il n'était pas le genre à faire cela devant témoins, surtout que l'usage de poisons faisait automatiquement de lui le suspect principal. Quant aux autres favoris, si Orpin était aussi outré que les autres invités, Narcisse cachait mal sa rage.

En d'autres termes, si quelqu'un avait voulu le tuer dans cette pièce, c'était certainement le brasseur d'air mais en l'absence de preuves ou d'aveux, ce serait la parole de Flynn contre la sienne, ce qui plaçait le soldat dans une très mauvaise posture : si le serviteur ou le poison n'étaient pas identifiés, il allait être exécuté pour avoir troublé le banquet.

Or, il le savait, jamais cet égoïste n'avouerait cela, surtout qu'il y laisserait assurément sa tête s'il admettait son crime. Qui plus est, celui qu'il avait chargé de placer la coupe avait déjà dû quitter les lieux, emportant avec lui ce qui avait contenu le poison.

La seule solution qu'il avait à sa portée pour sauver son ami d'une mort certaine, c'était d'user de ses pouvoirs de Nyx, ce qui, à cette heure-ci où la nuit était à présent tombée, était parfaitement possible… même si cela signifiait qu'il allait être à coup sûr découvert et que le roi ne pourrait jamais empêcher qu'il soit décapité à l'aube.

« Cela ne prouve rien ! » s'exclama un noble avant de se faire tout petit face au regard noir du roi Thar.

« Si cela est vrai, qui est ce serviteur au juste ? » questionna Garista dont les yeux semblaient fouiller la pièce en long et en large.

En voyant Flynn se mordre la lèvre inférieure, Yuri devina qu'il ne le connaissait pas, certainement parce que celui-ci ne travaillait pas au harem, seule partie du palais dont le soldat avait vu le personnel. Même s'il le décrivait physiquement, le reconnaître allait être compliqué s'il n'avait pas un signe particulier qui le faisait sortir du lot mais malheureusement, les serviteurs étaient souvent choisis pour être capables de se fondre aisément dans le décor…

« Ce n'est qu'un tissu de mensonges ! » vociféra un noble plus âgé que les autres. « Qui pourrait croire à cela ? »

Résigné, le Nyx se tourna vers Narcisse pour user de son pouvoir de persuasion…

« Moi je pense qu'il dit la vérité. »

A l'entente de cette voix posée, tout le monde se tourna vers les portes de la salle de banquet, y découvrant Lucrèce dans ses habits plus sobres que ceux des autres invités et qui tenait dans la main un rouleau de papyrus. Le favori taciturne s'inclina avec respect.

« Pardonnez mon retard votre Majesté mais alors que je m'apprêtais à rejoindre le banquet, quelque chose de suspect a attiré mon regard et il me fallait tirer ça au clair en urgence. » s'expliqua-t-il en fixant le roi avec ses yeux marrons. « Cela concerne à la fois le harem et cette coupe dont je me garderai bien de boire le contenu. »

« Il m'a semblé avoir précisé que je ne voulais en aucun voir ces histoires de rivalités sortir de cette partie du palais. » répliqua le souverain avec colère bien que son regard mordoré était très intéressé par ce que tenait le nouveau venu. « Cependant, je suis extrêmement curieux de savoir ce que tu as découvert donc parle librement. »

Des quatre favoris du harem, il était connu que ce n'était pas par ses charmes que Lucrèce avait gagné sa place mais grâce à son intelligence et à son savoir, des qualités qu'il ne montrait pas toujours au grand jour mais qui faisait du jeune homme un érudit des plus intéressants à écouter quand il daignait partager ses connaissances – lui et Rita se seraient très certainement bien entendu bien qu'ils n'avaient pas tout à fait le même caractère.

D'un pas rapide, la favori taciturne s'avança jusqu'au siège du roi Thar tandis qu'imperceptiblement, les soldats bloquèrent les sorties – Raven avait surement dû leur faire un signe pour qu'ils empêchent quiconque de sortir… et d'ailleurs, depuis quand le capitaine s'était-il absenté ? Peut-être était-il parti à la recherche du serviteur en question.

« Vous trouverez là-dedans la liste de toutes les plantes, quelque soit leur forme, qui ont été apportées au palais ces dix derniers jours ainsi que leur provenance, leur quantité et à qui elles étaient destinées. » informa Lucrèce en remettant son rouleau de papyrus au souverain qui le déroula pour le lire. « J'ai mis une croix sur les importations suspectes. »

« Des cactus ? » demanda le maître des lieux, intrigué, tandis que le sorcier solaire lisait par-dessus son épaule. « Qui aurait l'idée de vouloir cela ? »

« Des cactus Peyotl. (1) » précisa Garista après avoir rapidement regardé le contenu du papyrus. « Ce n'est pas anormal en soit car il m'arrive d'en utiliser mais j'avais trouvé curieux que l'on m'en livre dix fois plus que nécessaire. Qui plus est, les symptômes dont avaient souffert ceux qui avaient mangé cette possible nourriture empoisonnée au harem correspondraient sans problème à cette plante. »

Des murmures résonnèrent dans la pièce, les convives étant à la fois curieux d'entendre la suite et se demandant si le sorcier solaire était responsable de ces mystérieux empoisonnements. A contrario, Yuri suspectait grandement qu'il avait déjà eu l'occasion de goûter à cette plante à plusieurs reprises…

« Et tu n'as pas jugé bon de m'en aviser ? » reprocha le roi Thar à celui qui représentait le culte de Sol.

« Je range ce genre d'ingrédients dans une pièce à part et je ne m'y suis pas rendu ces deux derniers jours. » s'expliqua calmement Garista. « N'importe quel serviteur qui avait connaissance de cela pouvait venir se servir dans mes réserves. Cependant, j'imagine que c'est le second que tu as noté qui t'avait interpellé Lucrèce. »

« Le laurier rose (2), oui. » confirma le favori taciturne avec un hochement de tête.

Cette fois-ci, plusieurs personnes ouvrirent de grands yeux d'effroi et d'autres fixaient la coupe de vin blanc avec horreur. Visiblement, quelle que soit cette plante, elle était connue et n'avait pas une bonne réputation.

« Qu'est-ce que c'est au juste ? » demanda Yuri à voix basse au soldat.

« Je n'en ai jamais vu mais mon père m'a raconté que c'est un arbuste dont la plantation avait été interdite sur les bords du Neilos car il empoisonne l'eau qu'il touche. » répondit Flynn de la même manière. « A présent, on ne peut en trouver que dans les villes de la Mer Azurée à condition qu'il ne soit en contact avec aucun point d'eau potable. Il m'avait aussi dit qu'on le reconnaissait à ses feuilles allongées et à ses fleurs… »

Le jeune homme aux cheveux d'or ne poursuivit pas sa phrase et, du coin de l'œil, le Nyx le vit subitement observer Narcisse avec attention, semblant chercher quelque chose… tout comme l'avait fait Garista un peu plus tôt.

« Qui a demandé cette plante maudite au juste ? » demanda un noble d'une voix blanche.

« Il n'y avait pas de nom malheureusement. » répondit calmement Lucrèce avant de se tourner vers le brasseur d'air qui n'était visiblement pas tranquille. « Cependant, il a été indiqué que des fleurs de celle-ci ont été livrées au harem. »

« Ceci ne prouve rien ! » finit par riposter Narcisse en se levant brutalement de son siège, frappant ses mains contre la table. « N'importe quel idiot a pu en demander pour décorer les jardins ou bien sa chambre ! »

« Dans ce cas, cet idiot doit vraiment détester les animaux, plus particulièrement les chiens, les petits singes et les oiseaux. »

Cette phrase eut pour effet de faire réagir Orpin – il était, jusqu'ici, plus intéressé par son assiette que par l'arrivée tardive de Lucrèce – qui, à présent, avait les oreilles grandes ouvertes bien qu'il était encore difficile de savoir ce qu'il ferait ensuite. Cependant, ce n'était pas le cas de Yuri qui avait bien l'intention de profiter de cette occasion pour mettre les choses au clair avec ce crétin de brasseur d'air.

« C'est toi qui a tenté de tuer Repede ? » questionna le Nyx avec une rage non dissimulée.

« Ton sale clébard plein de puces ? » répliqua Narcisse sur un ton venimeux. « Je n'en ai rien à cirer de ce truc miteux avec lequel tu te trimballes, tout comme de ce gamin qui est à ton service ! »

« Vraiment ? C'est étrange car quelqu'un passe beaucoup de temps à empoisonner ma nourriture quand je suis au harem et heureusement pour mon chien qu'il a du flair car autrement, il aurait fini comme les rats à qui je donne tous les plats qui me paraissent douteux ! »

« Il est vrai que notre empoisonneur a au moins eu l'avantage de nous débarrasser des nuisibles. » fit Lucrèce avec ironie. « Mes livres ne sont plus mangés par les rongeurs. »

Personne parmi les invités n'osait réagir, observant la situation et plus particulièrement le roi Thar dont les yeux mordorés luisaient de colère, attendant visiblement de voir la suite des évènements pour décider des sentences à appliquer.

« Pourquoi je perdrai mon temps avec vous deux ? » lança Narcisse avec agacement. « Je n'ai aucun intérêt à vous empoisonner. »

« Vraiment ? » répliqua le favori taciturne en croisant les bras contre sa poitrine, un sourcil haussé. « Combien de fois as-tu été appelé dans les appartements royaux ce mois-ci ? »

Cette question fit pâlir le brasseur d'air, rappelant au Nyx les dernières rumeurs que Karol leur avaient apprises : la favori égocentrique était en disgrâce et risquait fort de perdre sa place vu que cela faisait une année entière qu'il n'avait pas quitté le harem pour satisfaire les désirs du souverain. C'était un mobile plus que suffisant pour éliminer la concurrence…

« Personnellement, j'ai été mandé trois fois auprès de son Altesse. » déclara Lucrèce après quelques secondes de silence. « Pour Orpin, il me semble que c'est une fois. »

« Deux fois. » rectifia immédiatement le roi Thar d'une voix sèche, le favori aux habits très colorés n'étant visiblement pas en état de répondre. « La deuxième fois, je l'ai brièvement convoqué pour lui remettre en personne un singe en guise de cadeau pour son anniversaire. »

« Sept fois dans mon cas. » dit Yuri, confirmant ainsi qu'il était certainement le pensionnaire du harem le plus demandé par le maître des lieux. « Qui plus est, j'étais souffrant ces derniers jours avec interdiction de quitter ma chambre. »

Il était inutile de révéler à tous pourquoi il était alité, sauf s'il voulait rediriger la colère royale contre lui. Dans tous les cas, le silence du brasseur d'air en disant suffisamment long pour que tout le monde devine qu'il était dans une position précaire au harem.

« Pour en venir enfin au fameux détail qui m'a titillé… » commença Lucrèce en fixant le favori égocentrique avec assurance. « Qu'est devenue cette couronne de fleurs roses que tu avais dans les cheveux en quittant le harem Narcisse ? »

A cet instant, le Nyx comprit la réaction de Flynn en entendant parler du laurier rose : posté comme il l'était à l'étage du bâtiment occupé par les favoris, il avait été très bien placé pour voir comment chacun était vêtu et l'absence de cet accessoire au banquet l'avait interpellé. Seulement, qu'était devenue cette couronne de fleurs ? Sans elle, il serait difficile de confirmer une tentative d'empoisonnement et c'était déjà un miracle en soi que le roi Thar se soit montré si patient…

« Si je puis émettre une hypothèse… » fit Garista qui lançait un regard assassin vers Narcisse. « Si j'étais lui, je me serais hâté de remettre cet objet à un serviteur, ce qu'il me semble l'avoir vu faire un peu après qu'il se soit installé. Orpin ? »

La voix du sorcier solaire sembla sortir le favori amateur de couleurs vives de la transe dans laquelle il était depuis que Lucrèce avait parlé des animaux empoisonnés. Le jeune homme aux boucles blondes se tourna vers celui qui l'avait appelé, la lèvre inférieure tremblante.

« Qu'as-tu vu exactement ? » demanda le sorcier de sa voix sifflante.

Le plus simplet des pensionnaires du harem était aussi le plus imprévisible des quatre favoris, ce qui posait problème car avait-il seulement fait attention à ce qu'il s'était produit ? C'était difficile à dire avec lui et Yuri suspectait que le bariolé ne devait pas être tout seul dans sa tête à cause de l'impossibilité de déceler le vrai du faux chez lui.

« Jamais il ne met de fleurs. » dit Orpin, contredisant l'hypothèse émise par Garista.

Le Nyx n'avait décelé aucun mensonge chez lui, réduisant ainsi à néant les chances de retrouver ces fleurs ou encore le serviteur qui avait échangé les coupes de vin. Cependant, il s'aperçut que le favori aux boucles blondes n'avait pas terminé, s'étant brusquement levé de son siège en pointant un doigt tremblant en direction de Narcisse.

« C'est pour ça que je n'ai pas compris pourquoi tu avais ces fleurs roses sur la tête ! » s'exclama le bariolé avec force, l'air complètement affolé. « Je t'ai vu donner cette couronne à un serviteur ! J'étais juste à côté de toi et… et tu aurais pu me tuer ! »

« Espèce de… » grogna le brasseur d'air, visiblement dans une colère noire.

« Tous les jours on t'entend dire à quel point tu nous hais ! Tu comptais tous nous empoisonner ! »

« LA FERME ! »

Avec brutalité, Narcisse prit sa coupe en or et allait s'en servir pour frapper Orpin au visage… quand Flynn, ayant dû sentir venir la chose, traversa la table de banquet pour attraper fermement les deux bras du favori égocentrique, laissant le temps à d'autres gardes du palais de venir l'aider.

Seulement, le brasseur d'air ne se laissait pas faire et se débattait avec force afin de se libérer de la prise du soldat, au point qu'il lui donna un coup de tête au visage, faisant légèrement glisser le masque ainsi que le casque et dévoilant une des mèches or qui, jusqu'ici, était soigneusement cachée à tous ceux présents dans la pièce.

« ASSEZ ! » tonna le roi Thar, sa patience ayant certainement atteint ses limites, tout en toisant le favori égocentrique du regard. « Pour qui te prends tu pour oser afficher une telle attitude devant nos invités ? Qui plus est, tu es une honte pour Hélios et cela suffira amplement à justifier ton exécution ! »

Toute couleur avait quitté le visage de Narcisse, à présent agenouillé de force par un membre de la garde royale tandis que Garista faisait respirer le contenu d'un flacon à un Orpin dans tous ses états et que Lucrèce aidait Flynn à stopper le saignement de nez provoqué par le coup de tête qu'il avait reçu quelques secondes plus tôt.

« Mensonges… » mentit le brasseur d'air sans aucune conviction. « Il n'y a pas de preuves… »

« Votre Majesté ! »

D'un pas rapide, un serviteur arriva dans salle de banquet en tenant une boule de tissu entre ses mains. Il se dirigea vers la place occupée par le souverain et se prosterna à ses pieds en lui tendant ce qu'il avait avec lui.

« Le sieur Narcisse m'a ordonné de faire cela contre de quoi nourrir les miens ! » s'exclama l'homme sans lever les yeux. « Je jure que j'ignorais que c'était du poison ! Le capitaine Schwann m'a dit que vous épargneriez ma famille si j'avouais tout ! »

Sur un signe du roi, un des gardes prit la boule de tissu et l'ouvrit, révélant aux yeux de tous des fleurs roses un peu écrasées qui avaient visiblement étaient reliées entre elles avec des fils de lin.

La preuve manquante était là mais même si Yuri reconnaissait les talents d'espion de Raven, il doutait fort que celui-ci ait trouvé si vite l'individu recherché seul et, en prime, l'ait convaincu d'avouer cela… mais encore fallait-il qu'il sache à quel moment le capitaine s'était volatilisé : était-ce avant ou après l'arrivée de Lucrèce ? Sa seule certitude était que la dernière fois qu'il l'avait vu, c'était juste avant qu'il ne remarque que la musicienne Nyx était partie.

« Pour un crime dont tu es le seul coupable, c'est toi seul qui mérite un châtiment. » déclara le roi Thar au serviteur. « Cependant, pour avoir avoué ton délit et apporté de quoi prouver les fautes de la créature perfide qui se cachait dans ma demeure, je t'accorde ma clémence en te laissant la vie sauve mais tu es prié de quitter mon palais sur-le-champ. Tu n'es plus digne d'y travailler. »

Après un faible « merci », l'homme quitta la salle de banquet, gardant la tête baissée. Puis le souverain se leva de son siège, fixant Narcisse avec rage. Seulement, au lieu de se diriger vers ce dernier, il alla en direction des deux autres favoris – vu les deux serviteurs qui étaient près de Garista, Orpin avait probablement été drogué car il devenait trop agité – et s'arrêta face au Nyx. D'un geste de la main, il fit signe aux soldats d'amener le brasseur d'air et celui fut jeté à ses pieds avec brutalité.

« Quant à toi… » commença le maître des lieux sur un ton cruel en fixant le favori égoïste avec froideur. « J'avais juste pensé te rétrograder au sein du harem mais apprendre que tu as osé faire tes petits coups perfides sous mon nez m'a écœuré au plus haut point. Une chose telle que toi n'a pas sa place en Hélios et mérite une sentence adéquate aux affronts qu'elle a osé commettre. »

Yuri vit le roi Thar lui faire signe de lui donner la coupe empoisonnée, ce qu'il fit sans discuter – quand il était dans cet état, il valait mieux se taire et obéir car dans le cas inverse, les conséquences pouvaient être fâcheuses, ce qu'il avait plusieurs fois expérimentés à ses dépens.

« Maintenez-lui la bouche ouverte. »

Les gardes exécutèrent cet ordre malgré les protestations de Narcisse qui ne voulait pas se laisser faire. Cependant, face à deux hommes bien mieux entraînés que lui, il ne faisait pas le poids et il se retrouva à genoux au sol, la tête levée et la mâchoire fermement maintenue ouverte.

« Tu passeras la nuit au cachot et, si Sol décide de te laisser survivre à cette boisson, tu seras exécuté à l'aube. »

Après cette déclaration et sous des exclamations horrifiées de la part des personnes présentes, le souverain força le favori égocentrique à boire le vin empoisonné, ignorant les larmes qui perlaient aux yeux de celui-ci. La coupe vide, l'un des soldats maintint la bouche du brasseur d'air fermée jusqu'à ce qu'il ait avalé la dernière goutte d'alcool. Une quinte de toux saisit Narcisse avant qu'il ne soit traîné hors de la salle de banquet, telle une poupée de chiffon.

Il était plus que clair que toute potentielle bonne humeur ou envie de se divertir qui aurait pu subsister s'était envolée à l'instant même où le brasseur d'air avait commis l'erreur de tenter de frapper Orpin, faisant comprendre à tous que le roi Thar était dans une colère noire. Si la majorité des personnes présentes était choquée, d'autres arrivaient à afficher un sang-froid à toute épreuve – Yuri faisait partie de ceux-là avec Garista et Lucrèce.

« Tout cela m'a coupé l'appétit. » déclara le souverain d'une voix glaciale. « Ce banquet est terminé ! J'exige que l'on me nettoie ce harem de tous les complices de ce misérable qui a gâché cette soirée ! »

Les membres de la garde royale firent un signe d'affirmation et une partie d'entre eux sortirent de la pièce pour exécuter les ordres reçus, suivis par les invités qui commençaient à quitter les lieux, tout comme les favoris qui s'apprêtaient à les imiter.

« Je n'ai pas fini avec vous deux. » fit le souverain sur un ton ferme, retenant Yuri, Lucrèce et Flynn dans la pièce. « Vous mériteriez vous aussi une sentence publique pour ce désordre mais vu les circonstances, je me contenterai d'un avertissement. »

« Nous ne recommencerons pas votre Altesse. » déclarèrent les trois jeunes hommes en s'inclinant avec respect.

« J'ose l'espérer. Allez m'attendre tous les deux dans les appartements de la reine et emmenez le soldat avec vous. Lucrèce, tu en connais le chemin donc je te fais confiance. Je vous y retrouverai quand j'aurais réglé certaines choses.»

-§-

Quand il l'avait vue se faufiler hors de la salle de banquet, profitant de la confusion, Raven avait été assez pessimiste sur ses chances de l'attraper, faisant qu'il s'était reporté sur l'idée de mettre la main sur le serviteur qui avait été complice de Narcisse avant qu'il ne quitte le palais. Cependant, jamais le capitaine n'aurait cru mettre si facilement la main sur les deux personnes qui l'intéressait… tout cela parce que la joueuse de luth, une Nyx, avait trouvé ce domestique avant lui et qu'elle était en train d'user de son pouvoir pour lui faire tout avouer.

Quand elle l'avait repéré, il s'était immédiatement adressé à elle dans la langue d'Umbra en se désignant comme un ami de Yuri puis il l'aida à persuader le serviteur d'avouer son crime.

Une fois celui-ci partit, il s'était hâté d'embarquer cette fille, Droite, dans un lieu où personne n'irait les chercher, pas même Garista : le bâtiment des enfants du harem, aujourd'hui à l'abandon suite à l'incendie qui l'avait ravagé avant le couronnement du roi Thar – son souverain lui avait confié, lors d'un de leurs rares entretiens privés, qu'il lui arrivait encore d'entendre les cris des femmes et des enfants morts cette nuit-là.

Les murs en pierre tenaient encore debout malgré les larges fissures que certains avaient mais la majorité des étages s'étaient effondrés, le sol ayant soit été dévoré par les flammes, soit ayant été endommagé par la chaleur. Tout avait été laissé en état : les parois noircies par la fumée, les plafonds éventrés, les vestiges des rares meubles qui n'avaient pas été entièrement consumés… et les os calcinés des malheureux qui s'étaient retrouvés prisonniers de cet horrible brasier.

« Ici, personne d'indésirable n'osera venir. » précisa Raven à la jeune Nyx.

« Pas même ces soldats que j'entends fouiller les environs ? » demanda Droite, une adolescente aux yeux verts et aux cheveux vert anis coiffées en couettes.

« Aucun n'aura ce courage, croyez-moi. »

D'un signe de tête, il montra ce qui devait être un berceau à l'origine et dont les quelques ossements intacts qui étaient autour en disait assez long pour savoir qui avait dû se retrouver piéger ici.

« Effectivement… » fit Droite avant de déglutir, prouvant ainsi que même un Nyx n'était pas à l'aise face à ce genre de scène. « Il y a de quoi en faire des cauchemars. »

« Vous ne croyez pas si bien dire. »

La jeune fille se mit immédiatement en position offensive en entendant cette voix mais l'espion lui fit signe de rester calme. Sans surprise pour lui, le roi Thar les rejoignit, débarrassé de sa coiffe qu'il avait dû déposer quelque part. Des signes de contrariété étaient visibles sur son visage, probablement dus aux évènements du banquet.

« Qu'est-ce que cela signifie ? » demanda la jeune Nyx, manifestement prête à en découdre s'il le fallait.

« Un entretien secret. » répondit calmement le dirigeant d'Hélios, semblant avoir mis de côté sa rage de tout à l'heure qu'il avait certainement dû assouvir d'une manière ou d'une autre. « Il s'avère que nous avons peut-être des intérêts communs avec les Griffes de Léviathan… »

« La fin de l'Alliance de Sang j'imagine. » répliqua Droite en croisant les bras contre sa poitrine. « Maître Yeagar n'a pas besoin de vous pour éliminer Barbos ! »

A l'entente de cette phrase et en se remémorant le temps nécessaire pour aller de Nomos à Aurum, Raven comprit instantanément que cette fille n'avait pas eu vent de la mort du sage nocturne. Depuis quand était-elle dans leur pays au juste ?

« Tu n'es donc pas au courant des dernières nouvelles. » fit le roi Thar avec neutralité, étant probablement arrivé à la même conclusion que lui.

« Quoi donc ? » demanda la Nyx, sur la défensive.

« Barbos a tué votre sage nocturne. La nouvelle nous est parvenue il y a quelques jours. »

A ces mots, le visage de Droite se décomposa et l'agressivité qu'elle affichait au départ s'était changée en une profonde détresse. Ses yeux verts les fixaient avec intensité, cherchant le moindre signe de mensonge mais face à l'absence de ceux-ci, elle tourna la tête vers le sol calciné, murmurant des phrases en Nyx – via les bribes qu'il parvenait à comprendre, l'espion sut qu'elle était tout aussi horrifiée qu'eux par cet acte abject qui condamnait tout un peuple.

« J'en conclus que vous êtes à présent disposée à nous écouter. » dit le capitaine avec neutralité.

« Que voulez-vous au juste ? » demanda-t-elle, la voix tremblante. « Comment ça se fait que Yuri soit à Hélios ? »

« Il a été fait prisonnier il y a trois ans de cela alors qu'il fomentait une rébellion contre moi. » répondit calmement le roi Thar. « Je l'ai placé au harem en tentant de cacher au mieux qu'il était du peuple de la nuit car je n'ai aucun intérêt à ce qu'il meure. »

« Vraiment ? Pourtant, vous seriez débarrassé de nous. »

« Exact mais Umbra est nécessaire à l'équilibre des choses et votre fin ne profiterait à personne. Qui plus est, je n'ai jamais apprécié Barbos et il m'a été rapporté avant le banquet que ses hommes avaient massacré un village, femmes et enfants compris. »

La nouvelle était tombée juste avant que le roi n'aille accueillir ses invités et Raven n'avait absolument pas été ravi de la lui transmettre, surtout en sachant ce qu'elle signifiait : l'Alliance de Sang se dirigeait vers Aurum.

Visiblement, cette annonce avait eu le même effet sur Droite, celle-ci ayant grimacé de dégoût mais le bref froncement de sourcils qu'elle avait eu lui laissait penser qu'il y avait peut-être autre chose.

« Que faites-vous au palais au juste ? » demanda le capitaine, désirant enfin savoir la raison de sa présence.

« On avait repéré vos espions donc maître Yeagar voulait savoir ce que vous prépariez contre nous. » répondit la Nyx sans détours. « Il nous avait secrètement envoyé à Aurum pour essayer de tirer ça au clair. »

Le « nous » fit tiquer Raven ainsi que la façon dont cette fille l'avait prononcé. Il s'était passé quelque chose…

« Cependant, sur les cinq que nous étions au départ, nous ignorions que l'un d'entre nous avait changé de camp. Il a tué mes trois camarades pendant que je m'étais introduite chez un noble puis il a pris la fuite. J'ai enterré mes amis comme j'ai pu et décidé de poursuivre ma mission coûte que coûte. »

Très mauvaise nouvelle. Si la jeune Nyx avait réussi à entrer au palais sous l'identité d'un joueur de luth, alors celui qui l'avait trahie était déjà à la capitale, probablement en train d'attendre les renforts qui avaient fait un carnage à Hamil – il y avait aussi fort à parier qu'ils avaient dérobé tout ce qui pourrait réduire leur temps de trajet comme des chevaux ou des barques pour descendre le Neilos jusqu'aux quais d'Haria qui étaient les plus proches d'Aurum. En sachant que la nouvelle lune était dans deux jours, il n'était pas compliqué de deviner à quel moment une attaque risquait d'avoir lieu et aussi que, même avec un renforcement du nombre de soldats, l'Alliance de Sang serait tout de même avantagée par le décuplement de ses capacités ainsi que leur vision nocturne.

Leur seule solution était de barricader les portes le plus solidement possible pour gagner du temps et user de leur avantage au niveau du terrain.

Restait le problème de la protection de Yuri qu'il fallait revoir en conséquence, Flynn n'étant pas du tout apte à lutter contre une menace pareille.

« Ton verdict Raven ? » lui demanda le roi Thar, celui-ci ayant probablement lui aussi analysé la situation sous tous les angles.

« Il faudra vite convaincre les habitants de se barricader la nuit et faire de même au palais. » répondit le capitaine, ayant achevé sa réflexion. « L'ennui, cela reste le harem qui est la partie la plus compliquée à protéger, surtout avec qui-vous-savez dedans. »

« Ils veulent Yuri, n'est-ce pas ? »

A cette question de Droite, l'espion répondit par un hochement de tête affirmatif.

« Serais-tu intéressée à l'idée de nous aider ? » questionna le souverain, ayant visiblement une idée derrière la tête. « Nous avons des intérêts communs à ce que Barbos ne reste pas le dirigeant des Nyx… »

« Qui vous dit que j'accepterai ? » répliqua sèchement la jeune Nyx. « Vous retenez en otage notre seul espoir de nous en sortir et rien ne dit que vous allez le libérer. »

« Et si je te dis que suite aux agissements de l'Alliance de Sang, je prévois de faire très prochainement un voyage le long du Neilos et que je compte emmener avec moi l'un des pensionnaires du harem ? »

Cette déclaration intéressa grandement leur invitée qui cherchait tout signe de mensonge dans les paroles du roi. Raven, quant à lui, réalisa que cela devait bien faire trois ans que son souverain n'avait pas fait le tour des villages, certainement à cause de l'arrivée de Yuri qui nécessitait une attention très particulière.

« Que voulez-vous que je fasse exactement ? »

-§-

Ils avaient suivi Lucrèce dans les couloirs du palais, celui-ci les guidant vers une zone qui leur était complètement inconnue. Flynn notait qu'ils croisaient moins de gardes que lors de leur allée dans la salle de banquet et que cette zone semblait moins bien entretenue – c'était plutôt logique vu que le roi Thar n'avait jamais pris d'épouse et qu'en conséquence, personne ne devait occuper cette partie du bâtiment excepté, peut-être, des serviteurs. Qui plus est, même s'il restait choqué par les évènements du banquet, marcher lui faisait du bien – par contre, il avait remarqué que Yuri était étrangement silencieux, ce qui l'avait poussé à se placer derrière lui au cas où.

A un moment, ils arrivèrent devant de grandes et épaisses doubles portes en bois sombre sur lesquelles des scènes avec Topaze avaient été soigneusement sculptées – la poussière ternissait grandement la beauté de ce travail – et dont les poignées étaient en or. Une serrure du même métal était visible, maintenant les deux battants de bois fermés. Le favori taciturne se mit à fouiller dans une poche intérieure de sa toge blanche et il en sortit une grosse clé ouvragée.

« Comme presque personne ne vient par ici, le roi Thar m'a donné une des clés permettant d'entrer ici. » expliqua l'érudit en insérant la clé dans la serrure. « Cette pièce est reliée à la chambre du roi par une autre porte qui est cachée et dont seul lui possède la clé. »

« Et il n'y a aucun garde d'assigné à cette zone ? » s'étonna tout de même le soldat, voyant ici une grosse faille de sécurité.

« Une poignée tout au plus et je pense qu'il ne doit y avoir qu'un seul serviteur. »

Lucrèce ouvrit les portes qui grincèrent avec force, révélant une grande chambre au sol de marbre clair dominée par un large lit au sommier en bois avec des draps en lin blanc qui semblaient être d'une qualité exceptionnelle et munis de colonnes en bois incrustées d'ivoire et de topazes colorées, soutenant un cadre auquel étaient accrochés des rideaux blancs quasiment transparents. Le reste du mobilier était tout aussi inestimable : deux fauteuils en bois sculptés dont les pieds et les bras avaient été dorés à l'or fin, un tabouret dans le même style installé à côté d'une table sur laquelle trônaient de multiples flacons en terre cuite, deux guéridons de chaque côté du lit, une table basse magnifiquement décorée, un tapis aux couleurs vives représentant une scène de la vie quotidienne, une grande broderie accrochée au mur et montrant des femmes en train de semer le blé, des vases en métal précieux ou en faïence soigneusement travaillées, d'autres rideaux très fins qui encadraient un accès à une terrasse privée…

La pièce était magnifique, surtout avec l'éclat des quelques bougies qui avaient été allumées par le vieux serviteur présent dans la chambre et qui s'inclinait respectueusement devant eux – il était clair que cet endroit était parfaitement entretenu contrairement au reste de la partie du palais réservée à une éventuelle reine.

« Le roi tient à ce que cette chambre reste en bon état. » dit Lucrèce en s'asseyant calmement sur un fauteuil. « De plus, elle a la plus belle vue qui soit sur le soleil couchant. »

« Et tu es le seul favori à avoir eu le droit de venir ici ? » demanda Yuri, manifestement très étonné.

« Toi et moi ne sommes pas convoqués pour fournir les mêmes services. »

Flynn se souvint que cela lui avait déjà été mentionné : le favori taciturne était réputé pour son savoir et c'était la raison principale de son entrée au harem ainsi que de son statut. Manifestement, il avait des privilèges différents de ses pairs.

« A ta place, je m'allongerai. » déclara Lucrèce en fixant le Nyx. « Tu as une très mauvaise mine. »

Le soldat s'était attendu à ce que Yuri réplique qu'il allait bien mais il réalisa que le jeune homme à la chevelure de jais semblait lutter pour ne pas tomber. Il s'apprêtait à le retenir quand les jambes du favori finirent par céder, lui laissant tout juste le temps de se jeter sous lui pour amortir sa chute et l'empêcher de cogner sa tête contre la table basse. Il regarda ensuite s'il allait bien, entendant sa respiration saccadée, puis il vit les yeux du Nyx : si l'œil droit était toujours gris anthracite, le gauche s'était à demi teinté de rouge et cette couleur progressait de plus en plus dans l'iris.

« Ce n'est pas vraiment une bonne idée de lutter contre un dieu aussi puissant qu'Umbra. » dit calmement l'érudit. « S'il veut te posséder, il le fera, peu importe que tu le veuilles ou non. »

Yuri était en train d'empêcher le dieu des ténèbres de prendre le contrôle ? Comment Lucrèce pouvait-il le savoir ? Et pourquoi Umbra avait décidé de se montrer maintenant au lieu d'attendre comme c'était convenu au départ ?

Le Nyx s'écarta de lui pour s'asseoir contre le lit et, à l'instant même où il ferma les yeux, un courant d'air glacé vint éteindre toutes les bougies, exactement comme cette fameuse nuit aux bains. Les yeux rouges luisants d'Umbra vinrent percer les ténèbres qui n'étaient éclairée que par l'ouverture de la terrasse.

« Li tiaçnemmoc à m'recaga… » déclara la voix rauque de la divinité dans la langue du peuple de la nuit.

En essayant de bouger, Flynn constata qu'encore une fois, il avait été paralysé, ce qui devait être aussi le cas de Lucrèce. Sans son bracelet, il lui serait impossible de lutter.

Le dieu des Nyx le fixa intensément avant de se rapprocher de lui. Si le soldat ne pouvait qu'à peine distinguer ses gestes, il pouvait parfaitement sentir que la divinité s'installait sur lui, s'asseyant à califourchon sur son bassin avant de se baisser jusqu'à ce que leurs nez se touchent. Son cœur battait la chamade quand il sentit ce souffle tiède sur sa peau puis un doigt venir caresser sa lèvre inférieure.

« Sesilaér-ut tnemelues à leuq tniop ut seriséd ressarbme'l ? » fit Umbra sur un ton étrange. « Tse'c à es rednamed leuqel tse el sulp elgueva. »

Alors qu'il essayait de trouver un sens aux paroles qu'il venait d'entendre, la réflexion de Flynn s'arrêta net quand il sentit les lèvres du dieu sur les siennes. Les yeux à l'éclat carmin étaient fixés dans les siens, analysant toutes ses réactions et semblant s'amuser de sa stupeur.

Le contact fut bref mais suffisant pour que ses sens soient dominés par le parfum entêtant qui émanait de Yuri depuis sa sortie du harem – était-ce l'odeur de la lavande qui était la plus puissante ou bien celle d'une autre fleur ? –, la douceur de sa bouche contre la sienne et par sa mémoire qui lui montrait bon nombre d'images du favori à la beauté indéniable. Son imagination s'emballa, créant des scènes où tous deux partageaient des moments intimes dans divers lieux : l'un donnant une datte à manger à l'autre, une séance de massage, une baignade au clair de lune – il sentit le rouge lui monter aux joues en se voyant en train de coucher avec le Nyx dans la chambre de ce dernier ou encore face à une scène se déroulant aux bains et où la bouche du bel éphèbe semblait très occupée entre les cuisses de son gardien.

Soudain, une vive lumière apparut au dessus d'eux et Umbra, surpris, se tourna vers son origine. Sa vue étant à présent dégagée, Flynn réalisa que le plafond était sculpté et qu'en son centre, un soleil était à présent en train de briller vivement, ce qui n'était visiblement pas du goût de la divinité des ténèbres. A peine ce dernier tenta de s'en éloigner qu'un rayon de lumière le frappa de plein fouet dans le dos, assommant le dieu des Nyx qui s'écroula à côté du soldat tandis que les ténèbres s'estompèrent enfin.

Encore estomaqué par ce qu'il venait de se produire, le soldat vit à peine Lucrèce s'approcher et placer ses doigts contre la nuque de Yuri.

« Il devrait reprendre conscience assez vite. » déclara le favori taciturne avec un calme extraordinaire. « Par contre, il a eu de la chance que ce soit Topaze et non Sol qui ait placé cette défense car autrement, ce n'est pas un mal de tête qu'il aurait eu. »

Flynn allait lui demander des précisions quand le Nyx émit un grognement avant de commencer à se relever en se massant le crâne. En l'aidant avec Lucrèce à s'asseoir sur le lit, il constata que si le bel éphèbe avait repris le contrôle, son œil gauche était resté rouge sang.

« Ça va aller ? » questionna le soldat en essayant de ne pas croiser le regard anthracite, les images montrées par Umbra étant encore très vives dans son esprit.

« Ouais… » grogna Yuri qui évitait de le fixer, très certainement pour des raisons similaires. « Par contre… »

Sans prévenir, le Nyx attrapa la toge du favori taciturne et le tira vers lui jusqu'à ce que leurs visages soient face l'un de l'autre. Ses yeux remplis de colère se vissèrent dans ceux marron qui eux, exprimaient un étonnement non feint et de la peur.

« Qu'est-ce que tu fabriques au juste ? » demanda le membre du peuple de la nuit avec méfiance.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. » répondit Lucrèce avant de déglutir.

A ces mots, Yuri, visiblement plus fort physiquement que le favori taciturne, força ce dernier à s'allonger sur le lit, ignorant Flynn qui vit à quel point le jeune homme ne semblait pas avoir de mal à maîtriser son camarade du harem. Ensuite, il plongea sa main sous la toge de l'érudit qui tenta de résister mais qui se faisait écraser par le poids qui était sur lui puis, quand cette main pâle réapparut, elle tenait entre ses doigts une lanière en cuir très familière.

« Et ça, c'est quoi ? » questionna le Nyx avec froideur en montrant le bracelet du soldat.

Sa couleur tranchant avec les teintes de la pièce, il lui était impossible de ne pas reconnaître la turquoise qu'il avait porté au poignet depuis le jour où son père lui en avait fait cadeau et qui était censée être au harem, à l'abri des regards.

« Pourquoi as-tu ceci en ta possession ? » demanda Flynn, encore sous le coup de la surprise.

« Je vous ai vu le cacher et je l'ai pris juste avant de rejoindre le banquet. » avoua Lucrèce en serrant les dents. « Je savais que mes accusations risquaient de mener à une fouille du harem et je ne voulais pas que Garista tombe là-dessus. »

« Et ? » insista Yuri, son ton étant étrange à l'oreille du soldat, comme s'il était en train de réprimer une émotion – un coup d'œil à ses lèvres lui fit réaliser que celles-ci tremblaient légèrement.

« Il voulait juste me parler. »

Le son de la voix éthérée leur fit réaliser à tous les trois que la divinité était avec eux, une légère lumière bleutée émanant de la turquoise. Le Nyx s'écarta brutalement du lit, jetant le bracelet sur les draps tandis que l'érudit lâcha un soupir de soulagement avant de se mettre à genoux devant le bijou.

« Mes excuses pour tout cela vénérable. » déclara Lucrèce en s'inclinant avec respect. « J'ai été si concentré sur le fait d'arriver à temps pour contrer Narcisse que j'en ai oublié mes bonnes manières. J'espère pouvoir racheter mes fautes… »

« Je ne suis pas fâché contre toi. Tu étais dans l'urgence. » répliqua le dieu mystérieux tandis que la lumière bleutée semblait s'être légèrement accentuée. « Cependant, il faudrait que l'un de vous aille calmer Yuri car je ne pense pas que mon oncle se soit contenté de lui dire que j'étais avec vous. »

A l'entente de ces mots, Flynn chercha le favori du regard et constata vite qu'il n'était plus dans la pièce. Ne se souvenant pas d'avoir entendu les portes grincer, il se dirigea directement vers la terrasse cachée derrière les fins rideaux blancs qui ondulaient sous la légère brise nocturne.

Cet espace extérieur était plus petit que la chambre mais assez grand pour y installer un banc en bois sculpté, des plantes décoratives et une petite table avec un vase en terre cuite – il suspectait que cet emplacement était parfait pour lire ou simplement pour admirer le soleil dans sa course vers le couchant.

Malgré le peu de lumière que les étoiles lui offraient avec le fin croissant de lune, il repéra Yuri assis dans un coin, ses cheveux sombres et ses habits se confondant avec les ténèbres alors que sa peau captait en partie le scintillement des astres. Seulement, il ne vit pas ce dernier bouger, comme s'il n'avait pas remarqué sa présence.

Avec précaution, il s'accroupit devant le favori pour être au même niveau que lui et ôta ce fichu masque qui lui cachait une partie du visage.

« Yuri ? »

Un léger sursaut secoua le Nyx qui leva brusquement les yeux vers lui – depuis cette fameuse nuit aux bains, il n'avait plus eu autant l'impression que le jeune homme face à lui était si fragile.

« Ça va aller ? » demanda le soldat avec inquiétude avant de poursuivre face au silence du favori. « Est-ce que… »

« Non. » coupa Yuri en baissant la tête. « J'aimerai vraiment que ça s'arrête enfin mais… »

Pendant un moment, aucun d'eux ne prononça le moindre mot, l'un semblant perdu dans ses pensées et l'autre attendant que son interlocuteur soit prêt à lui parler de ce qu'il avait sur le cœur – en temps normal, il l'aurait certainement brusqué mais face aux évènements du banquet et aux images que le dieu de la nuit lui avait mises en tête, il avait plus envie d'aller enfin se coucher que de hausser le ton. Puis le regard sombre croisa le sien.

« Aide-moi à me lever. »

Le soldat s'exécuta, tendant une main au favori une fois qu'il se fut remis debout puis il le tira vers lui. Une main pâle se posa sur son épaule pour éviter de perdre l'équilibre avant que les yeux anthracite viennent chercher les siens avec une certaine urgence.

« Umbra est un menteur, n'est-ce pas ? » lui demanda soudainement Yuri dont le ton trahissait une angoisse qu'il peinait à dissimuler.

« C'est ce qu'il se dit oui. » répondit Flynn dont l'inquiétude grandissait, surtout en se souvenant des paroles prononcées par la voix éthérée. « Qu'est-ce qu'il t'a dit au juste ? »

Le Nyx déglutit avant d'ouvrir la bouche mais, avant même qu'un mot n'en sorte, un grincement se fit entendre, coupant net leur conversation quand ils reconnurent celui-ci : la porte de la chambre avait été ouverte.

Rapidement, le favori lui prit le masque qu'il tenait dans sa main gauche pour le lui remettre en place, y glissant au passage une mèche blonde qui avait réussi à s'échapper du casque. Ils mirent ensuite très vite de la distance entre eux : le soldat se posta à côté de l'ouverture de la chambre tandis que le bel éphèbe alla se placer contre le muret en pierre, faisant mine d'admirer la vue qui lui était offerte sur les jardins du palais.

Quelques secondes après, Flynn entendit Lucrèce indiquer où ils se trouvaient et, un instant plus tard, il vit le roi Thar passer à côté de lui puis s'arrêter en voyant Yuri. Le regard du souverain s'attarda sur la silhouette du favori, semblant en détailler la moindre courbe, avant de se tourner vers lui.

« Laisse-nous seuls. » ordonna le maître des lieux avec dureté. « Je m'occuperai de ton cas après. »

Des images de cette fameuse nuit où le Nyx était revenu dans un sale état lui revinrent en mémoire. La marque de morsure sur la nuque, le coup reçu en bas du visage, les griffures sur le dos, le sang qui coulait le long des jambes, l'horreur qui l'avait saisie face à cette vision… et la colère qu'il avait éprouvée envers le roi pour ce qu'il avait fait.

A contrecœur, il obéit à l'ordre qui lui avait été donné mais une fois de retour à l'intérieur, il resta près de l'ouverture menant à la terrasse, paré à intervenir au moindre signe de danger. Ses yeux bleus se posèrent sur le lit où Lucrèce était assis face au capitaine Schwann – le bracelet n'était plus là, signe que l'érudit avait certainement dû le cacher en entendant la porte grincer. Son supérieur, l'air visiblement épuisé, le fixa d'un air grave.

« J'ai prévenu Karol que vous resteriez ici cette nuit. » déclara le trentenaire dont le regard bleu glissa avec suspicion vers le favori taciturne. « La fouille du harem va être longue mais rien de suspect n'a été trouvé dans vos appartements. »

« Yuri et moi n'avions rien à cacher de toute manière. » souligna Lucrèce, ses yeux marron allant du capitaine au soldat. « Mais pour les autres… »

S'il y avait bien une chose dont Flynn était à présent convaincu, c'était que l'érudit leur avait bien caché son jeu à tous. A priori, il n'était pas leur ennemi car il aurait très bien pu les dénoncer au roi dès qu'il avait compris ce qu'était le bracelet… ou réalisé que Yuri était un Nyx. D'ailleurs, depuis quand savait-il cela au juste ?

« Concernant demain matin, il se peut que l'exécution ait lieu. » poursuivit le capitaine avec gravité. « Je doute que les connaissances de Narcisse dans les poisons soient assez poussées pour qu'il ait pu mettre la dose mortelle dans le vin et puis… »

« Il n'est pas commun d'user du cactus Peyotl. » compléta Lucrèce en fronçant le nez. « Sauf s'il on a eu les enseignements nécessaires à cela, je ne vois pas comment il aurait pu connaître ses effets. Cela limite pas mal la liste de ses complices potentiels, surtout qu'il n'était pas du genre à batifoler avec son personnel… »

Ces quelques mots suffirent à faire rougir le soldat, se souvenant de ce que le Nyx lui avait raconté sur ce que faisaient les pensionnaires du harem entre eux et de sa prudence vis-à-vis de ses faits et gestes – il se rappela notamment de ce massage des épaules qu'il avait reçu et où Repede montait la garde pour, justement, éviter qu'ils ne soient aperçus dans une position qui pourrait être mal interprétée. Sa mémoire lui rappela aussi qu'il n'était pas aussi insensible aux charmes du favori qu'il aurait aimé l'être, s'étant laissé plusieurs fois séduire par sa beauté physique et les visions d'Umbra ne l'ayant pas laissé aussi indifférent qu'il aurait aimé l'être.

« Pour ce qui est de… »

Le son d'un vase brisé interrompit le capitaine Schwann. Des cris venant de la terrasse suivirent très vite et Flynn se hâta d'aller voir ce qu'il se passait.

-§-

Après leur conversation avec Droite, Raven et le roi Thar étaient revenus dans la partie principale du palais via le passage secret qu'il avait emprunté et qui débouchait tout droit dans sa salle de travail – l'espion savait via le souverain qu'il existait une dizaine de couloirs cachés dont seule la famille royale connaissait l'emplacement pour chacun d'entre eux et qu'ils avaient différents rôles comme permettre de sortir en cachette ou de rejoindre discrètement le harem si nécessaire, une fonction qui avait été grandement prisée par le précédent roi dont la reine était connue pour sa jalousie envers les concubines de son époux.

Ils n'avaient quasiment échangé aucune parole sur leur route vers les quartiers de la reine, un lieu où son maître n'avait pas d'excellents souvenirs – quand on savait qu'il était le fils d'une des favorites et non de la reine, il était aisé de comprendre d'où venait le problème, surtout quand l'on avait discuté avec Rowen, le plus vieux des serviteurs officiant au palais, et que celui-ci avait mentionné de quelle manière elle punissait les enfants de ses rivales ainsi que la façon dont elle élevait sa fille. Ils avaient été stoppé par un des soldats venu leur faire un compte-rendu de la fouille du quartier des favoris au harem – s'il était soulagé que rien n'ait été trouvé contre Yuri, le fait que Lucrèce n'avait rien d'étrange dans sa chambre l'étonnait quelque peu vu d'où sortait l'individu – qu'ils avaient ensuite congédié – il lui avait cependant été demandé de transmettre aux serviteurs concernés que leurs maîtres ne dormiraient pas au harem cette nuit.

A leur arrivée, le doyen des serviteurs leur ouvrit les portes grinçantes des appartements de la reine. Seul Lucrèce était visible, sa toge quelque peu en désordre et sa respiration plus rapide qu'à l'accoutumée, ce qui était hautement suspect aux yeux de l'espion. Seulement, le roi ne s'en formalisa pas et demanda où se trouvait Yuri, l'érudit désignant rapidement la terrasse avant de s'asseoir dans une position plus confortable sur le lit.

Quand le souverain fut sorti puis Flynn rentré, Raven engagea la conversation, observant de près ce favori dont il se méfiait grandement pour guetter la moindre réaction suspecte… mais il fut interrompu par du bruit venant de la terrasse.

Le jeune soldat s'y était tout de suite précipité, imité par le capitaine qui avait immédiatement posé la main sur la garde de son sabre. Sauf qu'à peine eurent-ils mis un pied à l'extérieur qu'il leur fallut retourner dans la chambre, le roi y conduisant le jeune Nyx qui semblait en état de choc.

Il n'en fallait pas plus pour que l'espion comprenne que le souverain venait d'annoncer à son favori la mort du sage nocturne… et que ce dernier prenait très mal la nouvelle – cela était logique vu qu'il était le plus à même de savoir les conséquences de cela sur son peuple.

« Rowen ! » appela le roi Thar tandis qu'il laissait Yuri entre les mains de Lucrèce qui commença immédiatement à l'examiner. « Amenez tout de suite ce qu'il faut ! »

A peine le vieux serviteur eut vu la situation qu'il se hâta de sortir chercher le nécessaire. Pendant ce temps, l'érudit avait forcé le Nyx à s'asseoir sur le lit avec l'aide du jeune soldat qui essayait de calmer le favori en lui parlant. Seulement, quelqu'un n'avait pas oublié l'autre raison de sa venue…

« Toi, debout ! » fit le souverain d'un ton sec en attrapant brutalement le bras de Flynn pour le forcer à se lever. « Qu'est-ce que tu me caches au juste ? »

Pendant un instant, les deux hommes se toisèrent du regard, tout cela sous les yeux effarés de l'espion et des deux favoris – de ce qu'il pouvait en juger, Lucrèce était le plus calme d'entre eux à l'inverse de Yuri qui était littéralement terrifié, ce qui était plus que surprenant chez lui. Puis, sans un mot, le jeune soldat ôta le masque qu'il portait et le laissa tomber au sol avant de faire de même avec son casque, dévoilant aux yeux du roi des cheveux blonds en épis et un regard azur qui n'avait absolument pas peur de soutenir ces yeux mordorés le fixant avec étonnement… et un intérêt loin d'être feint.


1 : Le cactus peyotl a des propriétés hallucinogènes ainsi que des effets secondaires peu agréables…

2 : Le laurier rose est une plante décorative qui est certes très belle mais aussi très toxique ! Il est effectivement déconseillé de la planter près d'une source d'eau car elle peut contaminer celle-ci.

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 Note : Alors… Cette fic n'a pas avancé depuis… Houlà ! Tant que ça ? Bon ben il est temps de vous redonner de la lecture et je vais me remettre à écrire car j'ai quand même pas mal de boulot.

Playlist :

Xandria – On my way

Xandria – Nightfall

Delain – Here come the vultures

Emmanuel Moire – L'attraction

Epica – Unchain Utopia


 

Partie 3

A Séléné, la demeure du devin lunaire était un peu plus animée qu'auparavant. Duke avait fait la connaissance de Rita, la jeune hélienne qui avait réussi à s'introduire dans leur empire, et celle-ci s'était révélée être une compagnie des plus intéressantes…

Normalement, il ne devait partager sa demeure qu'avec son ou ses éventuels apprentis mais la princesse Estellise, vu son statut, résidait au palais, faisant que quand cette jeune adolescente d'Hélios lui avait demandé si elle pouvait rester chez lui pour faire ses recherches, il avait hésité avant d'accepter. Cependant, aucun courroux divin de la part de Luna ou d'Océan n'étant venu les frapper, il en avait conclu que cette jeune fille était la bienvenue en ces lieux.

Le récit qu'elle lui avait conté lui parut des plus vraisemblables et expliquerait que la colère de Sol soit telle… mais son sang de Nyx avait perçu quelques vérités dissimulées qu'il s'était attelé à déterrer quand il fut seule avec elle. Elle lui fournit l'histoire complète assez rapidement et il ne put s'empêcher d'être intrigué qu'un jeune homme du peuple de la nuit ne se soit pas caché à Séléné, ce que sa locataire avait-elle aussi trouvé curieux mais qu'elle n'avait pas pu creuser car son ami avait été fait prisonnier avant qu'elle n'ait pu se renseigner. Elle lui avait aussi avoué avoir dérobé pas mal de choses appartenant aux prêtres de Sol, dont un parchemin détaillant quelques rituels pour appeler le dieu solaire – comme elle avait mémorisé son contenu, Duke en discuta avec elle et il constata vite qu'elle avait des connaissances théoriques plus que dignes de quiconque commencerait un apprentissage pour entrer au service d'une divinité.

A défaut de pouvoir pleinement l'aider dans sa quête, le devin lunaire proposa à Rita de l'aider dans ses rituels pour prier Luna, ce qu'elle accepta avec gratitude. Ainsi, il remarqua chez elle ce désir d'apprendre et cela confirma le potentiel qu'elle possédait – son seul défaut restait son caractère un peu explosif qui ne convenait guère pour une déesse calme comme Luna mais qui pourrait éventuellement plaire à un dieu comme Sol ou amuser Umbra qu'il imaginait aisément s'occuper en lui faisant des farces. Un sorcier solaire comme elle serait très intéressant à voir en action.

Cela faisait presque une semaine qu'ils travaillaient ensemble, attendant des nouvelles d'Hélios, quand la princesse Estellise vint les rejoindre près de l'étang ce matin-là, l'air grave. Derrière elle, il y avait un homme dissimulé sous un épais manteau sombre à capuche avec une écharpe en fourrure brune et des bottes montant jusqu'en dessous de ses genoux. Cette tenue était lourde pour la saison et le style n'était pas celui de Séléné… mais Duke, bien que cette époque était très lointaine, reconnaissait parfaitement l'habit typique des Nyx qui évoluaient en dehors de Némésis, habitués à braver le climat froid des hauteurs des Dents de Cerbère – les Terres des Nyx n'étaient pas très clémentes quand on quittait la région du lac Lymna et que l'on ignorait qu'il fallait se méfier de l'une des nombreuses rivières qui prenait sa source dans ces montagnes.

« Pardonnez-moi Duke mais il a demandé à vous voir de toute urgence. » s'excusa la princesse en le fixant de ses grands yeux turquoise. « Il est arrivé il y a peu avec une dizaine de personnes. »

« Ce n'est rien. » fit le devin lunaire en reposant le shamisen (1) dont il jouait pour prier Luna avant de se relever, prenant soin de se placer entre le nouveau venu et Rita. « Je n'avais pas réalisé que nous étions encore en hiver sur les Terres des Nyx. »

« J'ai dû contourner la capitale via les plus hauts sommets pour arriver jusqu'à vous. » s'expliqua l'inconnu avant d'ôter sa capuche, dévoilant un trentenaire aux cheveux bruns – il avait une longue mèche sur le devant et le reste était plus court – dont les yeux marron brillaient d'intelligence. « Wonderful pays qu'est Séléné… »

L'accent de cet homme était typique des Nyx qui ne fréquentaient pas les alentours du lac Lymna et le langage utilisé ressemblait à celui qu'employaient les montagnards. Quand il ôta son manteau, dévoilant une veste en cuir sombre ainsi qu'une broche en argent sur le col de celle-ci, Duke comprit à qui il avait réellement affaire : le chef des Griffes de Léviathan, le clan rival de l'Alliance de Sang.

« Il l'est tant que l'on ne cherche pas à en perturber l'équilibre. » avertit le devin lunaire qui, notant le regard de son interlocuteur dévier vers la droite, comprit qu'il avait remarqué la présence de Rita. « Nous sommes d'accord ? »

« My dear… Je ne suis pas ici pour tuer une hélienne si cela peut vous rassurer. » répliqua le Nyx avant de se tourner vers la princesse. « Forgive me d'abuser de votre hospitalité mais avez-vous un endroit où nous pourrions discuter tous les quatre tout en se désaltérant ? La marche jusqu'à Tsuki fut assez longue… »

« Il y a un Kotatsu (2) que nous pouvons utiliser et si cela vous convient, je peux faire un peu de thé. » proposa Estellise en désignant la demeure du devin lunaire.

« Du thé ! Cela est parfait my dear ! »

Emboîtant le pas de la jeune femme aux cheveux roses, ils pénétrèrent dans la modeste maison du devin. Après avoir laissé leurs chaussures dans le casier de bois prévu pour cela dans l'entrée, ils se rendirent dans la première pièce à leur gauche, une salle dont le sol était recouvert de tatamis et dont la décoration se limitait à une aquarelle de Luna qui composait un bouquet de fleurs ainsi qu'à un dessin à l'encre représentant des poissons nageant dans l'eau.

Tandis que la princesse et Rita se rendirent dans la petite cuisine adjacente, Duke invita son visiteur à s'installer sur l'un des zabutons (3) placé autour du Kotatsu.

« Votre pays natal ne vous manque pas my dear ? » lui demanda le chef de clan avec un sourire malicieux.

« Les coutumes du peuple de la nuit sont encore très vives dans mon esprit mais je ne regrette pas d'être venu à Séléné. » répondit calmement le devin lunaire, ce qui sembla satisfaire son interlocuteur. « Par contre, nous avions peu de nouvelles de Némésis donc excusez-moi de ne pas connaître votre nom. »

« I forget que Barbos avait grandement freiné le commerce avec l'empire. Mon nom est Yeager et j'aurais besoin de votre aide. »

La mine grave qu'arborait à présent le dirigeant des Griffes de Léviathan ne promettait pas de bonnes nouvelles. Que s'était-il donc produit pour qu'il vienne à Séléné ? Avait-il besoin d'une protection quelconque pour ne pas rester sur les terres des Nyx ?

« La situation doit être grave pour que vous ayez quitté les montagnes. » constata Duke tandis que les filles revenaient avec le thé et s'installaient. « De plus, je ne vois pas pourquoi c'est de moi dont vous auriez besoin. »

« My friend, croyez-moi que cela ne m'enchante pas mais j'ai dû prendre une décision en catastrophe face aux derniers évènements. » déclara Yeager tout en fixant avec un intérêt non feint la théière en fonte noire. « My dear princess, dites-moi que vous avez préparé ce thé dont nous avions discuté sur le chemin. »

« Oui sieur Yeager, c'est bien du Genmaïcha. (4) » confirma Estellise avec un sourire avant de servir chacun d'eux.

« Wonderful ! Hélios faisait de bons thés à une époque mais j'ai cru comprendre qu'eux aussi avaient quelques soucis… »

Un coup d'œil sur le côté permit au devin de constater que Rita faisait de son mieux pour rester discrète, très certainement parce que cet ami qu'elle avait évoqué lui avait conseillé de se méfier des Nyx et qu'elle ne voulait pas lui donner des informations dont il risquerait de se servir contre le royaume de Sol.

« Pourrions-nous réduire les politesses et en venir aux faits ? » questionna Duke en fixant son interlocuteur de ses yeux rouge sang. « Que me voulez-vous exactement ? »

« M'aider à résoudre un grave problème provoqué par Barbos. » répondit Yeager tout en tenant sa tasse de céramique entre ses mains, savourant la chaleur qu'elle dégageait. « Some days ago, l'Alliance de Sang était dans une position assez précaire car nous, les Griffes de Léviathan, avions réussi à réduire leur influence dans les montagnes et la capitale. Recruter leurs membres de force avait fini par se retourner contre eux car nous étions bien plus nombreux et mieux organisés. Cependant, alors que nous mettions au point une stratégie pour se débarrasser de la garde rapprochée de Barbos, ce dernier nous a réservé une très mauvaise surprise qui a mis tous nos projets à mal : il a tué le sage nocturne. »

En entendant les derniers mots, le devin lunaire, habituellement peu expressif, ne put s'empêcher de montrer son horreur et sa stupéfaction face à cette nouvelle, un sentiment qui était visiblement partagé par les deux jeunes femmes qui avaient laissé échapper un petit cri choqué.

« Mais… Pourquoi ? » demanda Estellise, visiblement épouvantée face à cette nouvelle. « Je croyais pourtant que le sage nocturne était neutre. »

« Il l'est my dear princess. » répondit le chef des Griffes de Léviathan, la mine sombre. « Seulement, chez les Nyx, pour obtenir le droit de diriger le pays, il faut effectuer une cérémonie avec le sage nocturne. En le tuant, Barbos s'est assuré que personne ne risquerait de lui prendre sa place, même si, pour cela, il s'est attiré la haine de beaucoup de Nyx. »

« Le plus gros problème pour le peuple de la nuit, c'est qu'il ne peut plus communier pleinement avec Umbra. » précisa Duke qui commençait à mieux comprendre la situation. « Malheureusement, bien que j'appartienne en partie aux Nyx, je ne peux pas quitter Séléné vu ma fonction et ce même si je souhaite comme vous rétablir un bon équilibre dans mon pays d'origine. »

Oui… La seule raison pour laquelle Yeager voulait le voir lui était qu'il espérait le voir remplacer le sage nocturne. Seulement, ceci était impossible car le devin lunaire ne pouvait quitter l'empire de Séléné ou rester trop longtemps éloigné de Tsuki. Les Nyx étaient dans une crise sans précédent s'ils avaient perdu le seul d'entre eux capable de pleinement communiquer avec leur divinité. La sentence d'Umbra allait tomber au moment où Barbos s'y attendrait le moins, cela, c'était certain. Mais le hic, c'était que sans une personne ayant été initié aux rituels, le peuple de la nuit risquait fort de disparaître…

« Votre sage nocturne n'avait pas d'apprenti ? » demanda Estellise, à la fois curieuse et étonnée. « Il me semblait pourtant que cela se faisait… »

« Sadly, la guerre contre Barbos a plus incité à s'engager dans un clan plutôt qu'à s'intéresser à nos croyances. » répondit Yeager avant que son regard ne se tourne vers Rita qui, depuis quelques minutes, montrait des signes de nervosité. « Auriez-vous un problème my dear ? Je vous vois martyriser votre lèvre inférieure depuis tout à l'heure. Ma présence vous met-elle si mal à l'aise ? »

Il était vrai que la jeune hélienne n'était pas très tranquille depuis l'arrivée du Nyx, ce qui était compréhensible à la vue des histoires, bien souvent fausses, qui circulaient sur le peuple de la nuit ainsi qu'à cause des nombreux raids qu'ils avaient faits contre des villages d'Hélios dans le passé. Cependant, cette nervosité s'était accentuée quand il fut mentionné que le sage nocturne avait été tué…

« Ce n'est pas ça mais… » commença Rita, visiblement très hésitante. « Pourquoi Barbos aurait fait cela au juste ? Aurait-il pu devenir fou ? »

« J'ai quelques doutes my dear… » fit Yeager en fronçant les sourcils, ayant très probablement perçu cette vérité cachée derrière les mots de la plus jeune. « Furthermore, j'avais noté des soldats d'Hélios autour du lac Lymna. Certains ont été assez difficiles à repérer… »

Cette information était vraie, Duke le sentait. Seulement, la révéler avait pour but de pousser l'adolescente à dévoiler ce qu'elle voulait leur dissimuler, une ruse classique mais qui ne fonctionnait pas sur tout le monde. Allait-elle se faire avoir ? Vu son caractère…

« Je suis certaine qu'il n'a rien à voir avec cela… » marmonna la jeune hélienne avant de réaliser qu'elle avait été entendue. « Je veux dire… Oh et puis zut ! »

D'un coup elle se leva et se mit à marcher de long en large dans la pièce, visiblement en proie à une grande réflexion tandis que Yeager regardait la scène avec un amusement non dissimulé. De son côté et via ce qu'il savait de la cadette, le devin lunaire suspectait que cela avait un rapport avec ce fameux ami dont elle lui avait parlé…

« Tout va bien Rita ? » demanda Estellise, un peu inquiète.

« Non, tout ne va pas bien ! » répondit la concerné avec un profond soupir d'agacement. « D'un côté on a Sol qui menace de réduire son propre royaume en cendres depuis des années et de l'autre, on a un peuple qui est voué à l'extinction si son dieu décide de les punir pour la mort du sage nocturne. Or, je suis certaine que tout ça n'est pas un hasard. Ces deux situations peuvent être résolues mais il faut trouver pourquoi elles sont arrivées et le nœud du problème est probablement à Hélios ! »

« My dear, dans le cas du sage nocturne, il n'y a pas de solution. » déclara le chef des Griffes de Léviathan mais, au son de sa voix, il n'en était pas certain…

« A moins de savoir où se cache l'apprenti. » répliqua Rita avec fermeté, ce qui attisa grandement l'intérêt de l'assemblée. « Je ne sais pas comment Barbos a pu le découvrir vu où il est mais s'il est au courant, c'est que quelqu'un là-bas l'en a informé, une personne qui peut potentiellement être liée à ce qu'il se passe en Hélios… »

« Ce fameux ami… » conclut Duke en se remémorant ses conversations avec la jeune hélienne. « Cependant, j'avoue être encore assez surpris qu'il ne soit pas venu à Séléné. »

« De quoi parlez-vous au juste ? » demanda la princesse, visiblement perdue.

Si Estellise ne parvenait plus à suivre la conversion, Yeager ne semblait pas avoir ce problème car, après un court instant de réflexion, il s'était mit à afficher un sourire satisfait, signe qu'il avait probablement compris qui était celui dont ils parlaient.

« Le sage nocturne nous a bien eu ! » s'exclama le Nyx avec un léger rire. « Prétendre que son apprenti s'était noyé dans le Styx était un mensonge grossier mais personne ne serait allé le vérifier vu que le gamin n'est jamais revenu à Némésis. Je n'aurais pas pensé qu'il était à Hélios. Very clever. »

« Vous voulez dire qu'il avait bel et bien un apprenti ? » réalisa la princesse, regardant tour à tour chaque personne présente.

« Un gamin dont les parents ont été tués par l'Alliance de Sang. Il devait avoir à peine trois ans quand il a été recueilli par le sage nocturne et il a disparu quand il avait… quatorze ans I think. Je l'ai croisé une fois ou deux et vu la manière dont il fixait Barbos, il le détestait. Il était du genre têtu celui-là… »

« Je doute qu'il ait changé. » fit Rita en reprenant sa place. « Il fait souvent passer les autres avant lui, ce qui l'a mené dans la situation où il est actuellement… »

Puis la jeune hélienne leur raconta comment elle avait rencontré Yuri, l'aide qu'il lui avait apportée pour comprendre ce qu'il se passait en Hélios, la rébellion contre le roi Thar et la manière dont elle s'était terminée. Elle ajouta ensuite qu'elle était encore en contact avec l'espion qui les avait dupés dans le but qu'il l'aide à sauver son pays. Duke l'encouragea à parler de ses découvertes, ce qu'elle fit avec une légère hésitation – Yeager était intelligent donc s'il sentait qu'on lui cachait quelque chose, il risquait d'être dangereux et de se retourner contre eux.

Une fois le récit terminé, le chef des Griffes de Léviathan resta pensif un bon moment puis, après avoir bu une gorgée de thé, il laissa échapper un éclat de rire joyeux qui laissa l'assemblée quelque peu perplexe.

« Voilà donc ce que préparait ce vieux bougre ! » s'exclama le Nyx avec un grand sourire. « Il va avoir une sacrée surprise quand il mettra la suite de son plan à exécution… »

« Que voulez-vous dire au juste ? » demanda Rita, intriguée.

« My dear, si vous aviez été comme moi dans les Terres des Nyx durant cette décennie, vous sauriez que Barbos a une petite tendance à se montrer plus gourmand qu'il ne le devrait et elle n'a fait qu'empirer au fil des ans. Supposons que quelqu'un de votre pays lui ait fait miroiter quelque chose qui l'intéresse… »

« L'apprenti du sage nocturne par exemple. » coupa Duke, souhaitant écourter les bavardages inutiles. « S'il possède un allié à Hélios, il se peut qu'il tente de le doubler à la première occasion en ramenant Yuri de force à Némésis et, ainsi, regagner les faveurs des autres Nyx. »

« Mais cette personne ne risquerait-elle pas de se venger ? » questionna la princesse.

« Yes princess mais Barbos peut profiter de la faiblesse du royaume de Sol en lançant de multiples raids sur celui-ci. » répondit Yeager avant d'émettre un léger ricanement. « Sauf qu'il va avoir une drôle de surprise… »

Une forte étincelle de malice brillait dans les yeux du Nyx, signe qu'il avait probablement prévu de quoi contrer son adversaire. Une courte réflexion permit à Duke de comprendre que leur invité avait vraisemblablement bien tenu compte de la présence d'espions d'Hélios et qu'il avait peut-être scindé ses troupes : une partie l'avait accompagné à Séléné tandis que l'autre s'était certainement infiltrée en Hélios et attendait des instructions. Cet homme était intelligent et si le chef de l'Alliance de Sang était allé jusqu'à tuer le sage nocturne, c'était qu'il craignait réellement de perdre sa place.

Cependant, le devin lunaire ne pouvait s'empêcher de se demander si le chef des Griffes de Léviathan ferait un bon dirigeant. Dans quelle direction allait-il mener le peuple de la nuit ?

-§-

Il avait fallu deux jours à Yuri pour correctement récupérer et un jour de plus de soins à base de pommades pour que Karol juge que les égratignures sur son dos cicatrisaient bien. Suite à l'état physique dans lequel il était revenu après sa nuit avec le roi Thar, le favori avait interdiction de sortir du harem, y compris pour satisfaire les désirs du souverain – sur ce point-là, Raven s'était montré très strict… voire même un peu trop selon son sang de Nyx.

Heureusement, le jeune homme avait d'autres choses à penser, notamment par rapport à ce que Flynn lui avait appris.

Le lendemain matin de leur conversation, le soldat avait accepté de lui parler de ce qu'il s'était produit après son retour au harem et, si le garde n'avait pas découvert son secret, il aurait eu du mal à croire qu'Umbra s'était servi de lui de cette manière – bon, ayant été l'apprenti du sage nocturne, il savait que la divinité des ténèbres s'amusait certaines fois mais il ignorait que la perversité faisait autant partie de ses traits de caractère. Difficile de dire ce qui avait poussé le dieu à lui voler son corps mais, ce qui inquiétait Yuri, c'était que suite à cette nouvelle, il s'était remémoré au mieux tout ce qu'il avait pu apprendre… et il suspectait à présent son ancien mentor de s'être servi de lui comme réceptacle pour communiquer avec Umbra – le rituel était très simple pour l'appeler vu qu'il suffisait juste de connaître les bonnes paroles et que l'hôte soit un Nyx. Il pouvait difficilement le prouver mais son absence de souvenirs sur certaines périodes dont la nuit où il était entré en Hélios serait à présent parfaitement logique s'il n'était pas celui aux commandes de son corps à ce moment précis.

Pour ce qui était de cette mystérieuse divinité liée au bracelet, il leur était difficile de l'appeler sans savoir son nom ou dans quel but elle – ou plutôt il car, de ce qu'il avait compris, c'était un homme – était vénéré. Le favori avait interrogé Karol sur l'histoire du dieu Sol et de sa progéniture mais le récit qu'il connaissait était, dans une version plus allégée, celui que lui avait conté Rita… ce qui lui fit se poser des questions sur comment le père de Flynn avait pu avoir connaissance d'une version différente. Quelle fonction cet homme avait bien pu occuper pour posséder ce bijou et savoir que le cadet des fils de Sol était d'une santé fragile ? Vu que le village d'origine du soldat était au bord du Neilos, il était probable que si ce dieu anonyme avait eu un temple, il devait se trouver près du fleuve, ce qui pouvait signifier que le cours d'eau était son domaine – le Nyx en était quasi certain vu que l'eau présente dans les bains du harem venait en grande partie de là-bas ou du delta qui se jetait dans la mer Azurée.

Cependant, leur enquête sur les intentions réelles d'Umbra et sur son neveu avait été quelque peu retardée suite aux histoires du harem…

Deux jours plus tôt, un des serviteurs du brasseur d'air – Narcisse de son vrai nom – avait tenté de droguer Repede quand il faisait le tour de la cour mais l'animal ne s'était pas laissé prendre au piège. Seulement, celui qui s'était fait avoir était un petit singe particulièrement agressif que venait d'adopter le bariolé – alias Orpin, un autre des favoris qui n'était pas réputé pour son intelligence – et qui avait fini son bref séjour dans le bassin. Les deux concernés s'étaient disputés dans la cour durant un bon moment sous le regard des serviteurs et du renfrogné – Lucrèce, celui dont l'oiseau avait subi un sort similaire quelques mois plus tôt – qui avait visiblement la furieuse envie de se venger vu comme il fixait Narcisse avec qui il était en froid depuis un bon moment – Yuri était probablement le seul du harem à ne pas avoir de soucis avec Lucrèce mais il gardait ses distances avec lui par mesure de précaution et aussi parce qu'il avait appris qu'il venait du temple de Sol.

Tout ceci ne serait pas sorti du quartier des favoris s'il n'y avait pas eu une partie de la nourriture destinée aux autres pensionnaires du harem qui avait été elle aussi empoisonnée et qui rendit malade un bon tiers de la vingtaine des jeunes éphèbes qui n'avait pas encore suffisamment plu au roi pour gagner le droit de déménager dans le meilleur bâtiment. Des médecins furent amenés en urgence par Raven pour soigner tout ce petit monde mais il était clair pour tous que cela n'était pas un accident. Cependant, tout aliment avait été jeté par les serviteurs et il était donc devenu difficile de savoir lequel avait été agrémenté d'un ingrédient indésirable… ainsi que de remonter jusqu'au coupable bien que les soupçons se portaient sur Narcisse, celui des favoris dont la place était la plus précaire selon les dernières rumeurs – le Nyx trouvait parfaitement logique d'être parmi ses cibles vu qu'il était le préféré du souverain et que le brasseur d'air n'avait pas quitté le harem la nuit depuis une bonne année.

Aujourd'hui, l'ambiance était assez tendue, surtout si l'on se rapprochait du coin de la cour où se faisait éventer leur potentiel adepte des ingrédients secrets douteux.

« J'ai discuté avec un des soldats de Lucrèce. » déclara Flynn, le dos appuyé contre l'encadrement de la porte et qui fixait du coin de l'œil l'endroit où se trouvait le brasseur d'air. « Narcisse est un noble mais il semblerait que sa famille ait perdu en prestige à Aurum ces derniers jours. »

« Voilà pourquoi les deux derniers à être entrés au harem sont nobles ! » s'exclama Karol qui terminait de recoudre le haut d'une tunique. « Ils ont été empoisonnés eux aussi et la garde a été renforcée au harem. Je me demande si ça servira à quelque chose… »

« Va savoir. » fit Yuri, plus préoccupé par autre chose que par la potentielle disgrâce d'un des trois autres favoris. « Flinnie, tu as déjà parlé avec le renfrogné à tout hasard ? »

« Il ne m'a jamais parlé mais il m'a déjà adressé un signe de la main. »

Le Nyx hocha la tête face à cette information. Lucrèce était plutôt quelqu'un de discret et avec lui, il valait mieux obtenir un silence qu'un long discours en guise de premier contact car cela signifiait qu'il tolérait bien la personne. Il était assez difficile de savoir ce qu'il pensait des autres si l'on ne prenait pas le temps de l'observer.

« A l'occasion, ça pourrait valoir le coup que tu essaies. » suggéra le favori en repensant à ce qu'ils savaient de ce bracelet. « Peut-être qu'il peut nous apprendre des trucs sur Sol mais il faudra être prudent avec lui car je crains qu'il soit proche de Garista vu d'où il vient… »

« Je pense qu'il est surtout intéressé par l'idée de voir Narcisse dégager du harem. » fit le serviteur en rangeant le vêtement qu'il avait achevé de raccommoder. « Et encore, pas de la manière douce… »

Si le renfrogné avait pu faire au brasseur d'air ce qu'il avait prétendument osé faire à son oiseau, il ne s'en serait pas privé. Or, Lucrèce n'était pas un idiot et il savait qu'en face, il avait affaire à un noble qui s'arrangeait toujours pour qu'un serviteur goûte ses plats avant lui. Une simple disgrâce de son ennemi ne lui suffirait jamais et Yuri mettrait sa main à couper que le plus calme des favoris devait prier Sol tous les matins pour qu'il abatte sa rage sur ce cher Narcisse…

Des coups à la porte de la chambre coupèrent court à leur conversation. Karol alla ouvrir et laissa entrer les deux serviteurs du roi qui n'étaient pas venus les mains vides.

« Son Altesse vous offre ces modestes présents et souhaiterait votre présence au dîner de ce soir. » déclara un des hommes dont la tenue beige rehaussée de fils d'or sur le col ainsi que de la broche en forme d'œil qu'il portait à l'épaule gauche attestaient de la personne pour qui il travaillait. « Bonne journée à vous. »

Après avoir déposé sur le lit ce qu'ils avaient amenés, ils repartirent, les laissant observer les cadeaux du roi plus attentivement.

Le Nyx s'intéressa en premier au vêtement qui était dans un style un peu inhabituel : l'ensemble ressemblait fort à une toge à manches longues mais le côté étrange était la manière dont elle semblait se fermer qui lui évoquait plutôt un habit sélénite, la ceinture épaisse en moins – il pousserait même le vice en disant que cette tenue lui évoquait encore plus ce qu'il portait à Némésis en dessous de la veste chaude que le peuple de la nuit revêtait pour aller chasser dans les montagnes. Poursuivant son étude de la chose, il nota la qualité du lin noir, la présence de fils d'or dans le col et sur les extrémités des manches, la finesse du tissu qui n'était probablement pas aussi opaque qu'il en avait l'air au premier coup d'œil, la coupe qui était destinée à souligner la silhouette sans la mouler pour autant…

Pas de doute, c'était le roi Thar qui avait commandé ce vêtement exprès pour lui et Yuri était certain qu'il serait parfaitement à sa taille.

Ses yeux sombres passèrent en revue le reste qui se composait d'une ceinture d'améthystes, d'un bracelet en or serti d'un rubis et de petits pots de terre cuite qu'il reconnu comme contenant du maquillage – l'idée de servir à nouveau de poupée ne l'enchantait absolument pas mais il avait encore une légère marque du coup qu'il avait reçu au visage donc il n'avait pas d'autre choix que de se prêter à ce jeu ridicule. L'absence de pinceaux et autres outils destinés à appliquer correctement le contenu de ces récipients fit grommeler Karol qui marmonna qu'il avait mieux à faire que de courir après des ustensiles pour la cosmétique avant de s'éclipser pour récupérer ce qu'il lui manquait.

Par contre, il y avait un paquet de tissu clair dans le lot qui ne venait très certainement pas du souverain… Il l'ouvrit et y découvrit un masque de bronze qui devait pouvoir couvrir la moitié haute du visage ainsi qu'un morceau de papier avec un oiseau dessiné à l'encre noire dessus.

« Qu'est-ce que c'est que cela ? » demanda Flynn en regardant le dernier élément avec un haussement de sourcil. « Le roi fait un bal masqué ? »

« En réalité, ce n'est pas pour moi. » répondit Yuri avec un léger sourire en tendant l'objet du délit à son interlocuteur. « C'est pour toi. »

Cela pouvait paraître étrange mais en fait, le favori avait eu, quelques mois plus tôt, une conversation avec Raven après que le garde qu'il avait eu à l'époque ait rejoint les pensionnaires du harem suite au fait qu'il l'avait accompagné lors d'un dîner et qu'il avait physiquement plu au roi – malheureusement pour ce garçon, il n'avait pas été très malin et n'avait été capable de tenir seul qu'une petite semaine avant d'être retrouvé un matin aussi raide qu'une planche. N'ayant aucune envie de voir de nouveau cette situation se reproduire, il avait été convenu entre lui et le vieux que dès qu'il était susceptible de sortir du harem avec un jeune éphèbe en guise de chaperon, celui-ci devrait porter un masque ainsi que son casque afin que le regard mordoré du souverain ne détaille pas trop ses traits.

« Je dois vraiment porter ceci ? » fit le soldat en tenant le masque entre ses mains. « Ce n'est pas un peu exagéré ? »

« Vu ton physique et ton minois, si tu te balades avec moi sans ça, tu risques de recevoir un traitement proche du mien si tu vois ce que je sous-entends… »

La grimace que fit Flynn à cette réponse lui confirma que l'idée de passer dans le lit royal lui déplaisait fortement. Par contre, son regard onyx nota un léger mouvement de l'épaule de la part de son interlocuteur…

« Mal à l'épaule ? » supposa Yuri qui se souvint d'avoir entendu le garde se tourner plusieurs fois sur sa paillasse durant la nuit.

« Un peu oui. » admit le jeune hélien en posant sa main sur son épaule gauche. « J'ai mal dormi cette nuit. Cela se voit à ce point ? »

« Je suis naturellement entraîné à détecter les mensonges en lisant le langage corporel de ceux à qui je parle. Si je me mélangeais aux autres pensionnaires du harem, je percevrais tellement de bêtises dans leurs paroles que j'en aurais le tournis ! »

Un rire amusé leur échappa à cette phrase qui était un peu exagérée – en même temps, entre les complots, les ragots et les paroles noyées sous une bonne couche de miel, la favori avait vite appris à se déconnecter des autres ainsi que de leurs faux-semblants.

« Je vais t'arranger ça. » fit Yuri en faisant signe à Flynn de s'approcher… mais celui-ci semblait assez hésitant. « Je compte juste te masser les épaules, rien d'autre. »

Cette précision eut son effet car le soldat accepta la proposition et quitta sa place, remplacé par Repede qui s'attela à faire le guet – en aucun cas il ne fallait qu'un autre que Karol n'entre ou ne les voie car sinon, cela risquait d'être mal interprété et de leur coûter très cher. Le Nyx invita l'hélien à s'asseoir au sol tandis qu'il l'imitait en s'installant derrière lui.

« Tu devrais enlever ta tunique tu sais. » suggéra le favori en fixant le vêtement de lin blanc dépourvu de manches que son homologue portait habituellement sous son armure de bronze – celle-ci ne se composait que d'un plastron et d'épaulettes mais elle était certainement difficile à supporter avec la chaleur.

Après quelques secondes de réticence, le garde se décida à ôter son haut, dévoilant aux yeux onyx ce dos musclé qu'il avait, jusqu'ici, vaguement pu apercevoir. La peau était légèrement bronzée et, à certains endroits, il était possible de voir d'anciennes cicatrices, probablement dues à l'entraînement qu'il avait reçu ou à quelques aventures d'enfance. Ce qui était le plus frappant, c'était l'odeur légèrement musquée qui montait vers ses narines et qui n'était en rien masquée par des huiles ou des parfums. Ce n'était pas désagréable à respirer.

Son observation finie, Yuri plaça ses mains sur les épaules de Flynn et se concentra sur sa tâche : masser cette zone pour soulager un peu son homologue. Cependant, il ne put s'empêcher de continuer à détailler le jeune homme face à lui avec tous ses sens, un peu comme quand il était privé de sa vue les nuits où il rejoignait les appartements royaux. Ses doigts savouraient inconsciemment la texture de cette peau lisse et légèrement humide, signe qu'il avait bel et bien transpiré. Ses oreilles étaient focalisées sur cette respiration dont le rythme régulier était coupé par un léger grognement ou un soupir d'aise suivant l'endroit qu'il touchait.

Qu'il soit autant absorbé par la présence d'un autre n'était pas du tout normal… Qu'est-ce qu'il lui arrivait aujourd'hui ?

Difficile de dire combien de temps s'était écoulé exactement mais un grognement de Repede le sortit de tout cela et le reconnecta à la réalité : quelqu'un qui n'était pas un ami se rapprochait. Ce son fit que le Nyx et l'hélien se séparèrent aussitôt et si le garde se hâta de remettre sa tunique, le favori choisit de feindre de l'intérêt pour les derniers présents du roi bien qu'en réalité, il était encore perturbé d'avoir eu son esprit accaparé à ce point par le soldat.

-§-

La sensation de quelque chose de dur dans son dos et la chaleur étouffante furent ce qui la réveilla. Ses yeux s'ouvrirent et au lieu de voir les murs familiers de sa chambre, elle aperçut les branches d'un dattier. Elle tourna la tête et vit, plus loin, un champ d'orge et quelques maisons en briques crues. Au son qui parvenait à ses oreilles, elle était à quelques mètres du Neilos…

La grande question pour Sodia était comment elle avait réussi à arriver jusqu'ici cette fois-ci ? Rien n'était familier autour d'elle, signifiant qu'elle s'était bien éloignée de son village… très certainement de la même manière que la dernière fois : en marchant alors qu'elle était profondément endormie. Si elle ne se trompait pas dans le compte, elle en était à présent à vingt-deux crises de somnambulisme depuis trois ans environ – elle le savait grâce à Flynn qui avait, une nuit, été témoin de cela et qui l'avait empêchée de justesse de se diriger droit dans le fleuve.

Prenant une position assise, elle se retourna pour voir ce qui était derrière elle, s'attendant à une pierre ou à une racine. Sa surprise fut assez grande quand elle y vit un objet qu'elle n'avait jamais vu auparavant : une sorte de pierre noire ovale munie de trous.

« Qu'est-ce que c'est que ça ? » se demanda-t-elle à voix haute en prenant ce truc en main.

Un examen approfondi lui permit de constater que cette pierre avait été taillée pour avoir cette forme ovale avec, curieusement, un morceau qui dépassait. En tout, il y avait huit trous sur un côté et un neuvième au bout de cette partie qui lui évoquait étrangement le bec d'une flûte. A tout hasard, elle souffla dedans… et eut un léger sursaut en constatant qu'une note en était sortie.

En résumé, elle avait affaire à un instrument de musique qu'elle ne connaissait absolument pas.

Sodia se décida à se lever puis s'adossa contre le tronc du dattier. Son pied gauche était endolori et un simple coup d'œil lui suffit pour comprendre que la cause de cela était qu'elle avait certainement dû marcher sans ses sandales pendant un bon moment. Elle ne fut pas surprise de découvrir, bien cachée sous la poussière qui recouvrait sa peau, une coupure en dessous de son petit orteil qui, curieusement, semblait avoir bien cicatrisé. Sa robe en lin blanc s'arrêtait au niveau de ses genoux mais elle avait dû s'accrocher quelque part car le bas était déchiré et dévoilait à présent la moitié de sa cuisse gauche. La corde de chanvre qu'elle portait en guise de ceinture était intacte mais sa tresse était défaite et ses cheveux tombaient en boucles rousses sur ses épaules.

La dernière question que la jeune femme se posait était à quel endroit du Neilos elle se trouvait exactement. Etait-elle plus proche du delta ou bien des chutes d'Abou Simbel ? La deuxième option était la plus probable car jamais ses crises de somnambulismes ne l'avaient amenée du côté de la mer Azurée. Même si elle savait très bien dans quel sens aller pour rentrer chez elle, elle ignorait combien de temps il lui faudrait pour arriver à destination.

Cependant, un détail commençait à l'intriguer : le silence qui régnait.

Levant ses yeux violine vers le ciel bleu, Sodia vit que le soleil n'avait pas encore atteint son zénith, signe qu'il n'était pas encore midi. Or, dans ces heures-ci, elle devrait apercevoir les habitants du village qui vaquaient à leurs différentes occupations ou entendre des enfants qui jouaient ensemble près du fleuve. Ce calme était anormal…

Le mystérieux instrument de musique dans une main, elle s'avança avec prudence vers la maison la plus proche, coupant à travers le champ d'orge dont les épis frottaient contre sa peau. Il ne lui restait qu'une dizaine de mètres à parcourir quand deux choses la frappèrent de plein fouet : une odeur métallique et de multiples bourdonnements qui lui donnèrent la nausée. De moins en moins tranquille, elle continua d'avancer, ignorant son pied douloureux, et arrivée près de l'entrée de la petite bâtisse en briques crues, elle jeta un coup d'œil dans l'ouverture… avant de faire deux pas en arrière, sa main libre plaquée contre sa bouche.

Sodia comprit avec horreur ce qu'il s'était très certainement passé dans ce village : les habitants avaient été tués… ou plutôt massacrés du peu qu'elle avait pu apercevoir. Elle rassembla son courage pour regarder à nouveau mais elle dut s'éloigner au bout d'une dizaine de secondes, la vue de tous ces corps mutilés et entassés dans cette petite habitation étant difficile à supporter. La certitude, c'était que cela s'était probablement produit dans la nuit… et qu'elle avait eu une chance incroyable d'y échapper.

Elle perçut des bruits plus loin et, le plus silencieusement possible, elle progressa jusqu'à une grosse jarre de terre cuite derrière laquelle elle se cacha afin d'épier ce qu'il se passait. Après une minute d'attente, elle vit deux personnes sortir d'une maison à deux étages – probablement celle d'un artisan vu la sobriété de la demeure – qui, à en juger par leurs habits sombres et leurs bottes, n'étaient certainement pas des héliens. Leurs visages étaient cachés sous une capuche et un foulard aux tons bordeaux mais il était aisé de distinguer le symbole cousu dans le dos de leur veste : celui de l'Alliance de Sang, un clan de Nyx dont elle avait entendu parler quelques années plus tôt et dont la réputation était loin d'être amicale.

Cependant, le peuple de la nuit était censé avoir été repoussé dans son territoire il y a une vingtaine d'années suite aux massacres des villages frontaliers et tout le monde disait que les enfants d'Umbra n'étaient plus qu'une poignée tout au plus. Or, cette rumeur était visiblement fausse…

« No truem ed duahc ici ! » s'exclama l'un des Nyx, un homme, dans la langue du peuple de la nuit. Si Sodia se souvenait bien de la période où elle apprenait cette langue, celui qui avait parlé s'était plaint de la chaleur… Elle ouvrit grand ses oreilles et écouta leur conversation.

« C'est Hélios, c'est sec et t'as le soleil tous les jours vieux. » répliqua le second, un homme lui aussi, avec un certain agacement. « Pour ça qu'on bouge que la nuit. »

« Sérieux, tu crèves de chaud le jour et tu te les gèles la nuit. Ce pays est un enfer ! »

« Au lieu de te plaindre, aide-moi à entasser les derniers corps et après, on va se pieuter. »

« Quand je pense que les autres sont… »

« Ta gueule ! C'est le chef qui a décidé comme ça alors tu obéis ! »

Tout cela n'apprenait quasiment rien à Sodia excepté qu'elle ne devait pas rester dans les parages. Elle profita donc que les deux hommes rentraient dans la maison d'artisan pour repartir vers le champ d'orge mais elle dut de nouveau se cacher quand elle vit un troisième Nyx plus loin, précisément devant le dattier sous lequel elle s'était réveillée. Celui-ci ne semblait pas l'avoir remarquée mais dans le doute, elle resta accroupie derrière les épis, avançant lentement dans la direction opposée au village.

Puis soudain, quelque chose craqua de façon sonore sous son pied. Elle resta immobile, le cœur battant la chamade dans sa poitrine… et quand elle entendit que quelqu'un traversait le champ dans sa direction, elle sut que le Nyx l'avait entendue. Elle était fichue.

« Tiens ? » fit l'homme avec un étonnement non feint. « On a donc une survivante ? »

Sodia fit celle qui ne comprenait rien à la langue du peuple de la nuit et elle se contenta de fixer cet individu avec effroi. Cependant, celui-ci la détaillait de haut en bas jusqu'à ce que son regard s'arrête sur ce qu'elle tenait dans sa main.

« C'est donc toi qui a trouvé mon ocarina… » dit-il, cette fois-ci en lui parlant de façon distincte dans la langue d'Hélios de sorte à être certain qu'elle le comprenne. « Rends-le moi et je te laisserai partir. »

Honnêtement, elle n'y croyait pas, surtout au moment où il avait ajouté dans le jargon des Nyx qu'il comptait s'amuser un peu avec elle… La jeune femme esquissa un mouvement de recul, ce qui ne passa pas inaperçu.

« Comme tu voudras. » déclara l'homme en sortant une dague du petit fourreau de cuir qu'il portait à la ceinture. « Quel gâchis de devoir abîmer une fille comme ça ! »

Sauf qu'à peine avait-il commencé à se baisser vers elle que son crâne fut frappé de plein fouet par un caillou aussi grand que la paume de sa main, l'assommant et le faisant tomber sur le côté. Sodia se retourna pour voir d'où venait le projectile puis aperçut une krytienne, aisément reconnaissable à sa chevelure bleutée et ses oreilles pointues, qui venait rapidement vers elle.

« Il faut vite que l'on aille vers le Neilos ! » s'exclama l'inconnue en l'aidant à se relever. « Je connais un endroit où ils ne nous trouveront pas. »

La jeune hélienne ne se posa pas de question et suivit sa sauveuse, l'ocarina en pierre noire toujours dans sa main…

-§-

Durant tout l'après-midi, le bâtiment des favoris avait été très actif en prévision du dîner avec le roi, plus particulièrement les serviteurs qui s'activaient afin de satisfaire les exigences de leurs maîtres. Cette effervescence, Flynn l'avait observée de loin durant tout le temps où Karol avait aidé Yuri à se préparer. Le favori, ayant senti venir la chose, avait décidé de se rendre aux bains vers midi et de manger après, ce qui s'était avéré être une bonne idée car ceux-ci avaient ensuite été monopolisés par Narcisse pendant deux bonnes heures, ce qui avait fortement déplu à Orpin – de ce qu'il avait entendu, Lucrèce y était allé le matin et avait donc lui aussi échappé à un conflit avec un des autres éphèbes préférés du roi.

Le soldat avait déjà constaté que le Nyx, en grande partie à cause de sa longue chevelure de jais qui mettait un bon moment pour sécher, avait besoin de temps pour se coiffer. Cependant, il portait encore des traces visibles des coups qu'il avait reçus quelques nuits plus tôt et, visiblement à contrecœur, il allait être contraint de les camoufler au mieux afin d'être présentable car le repas avec le souverain était en fait un banquet où plusieurs notables étaient conviés.

Pendant que le jeune serviteur s'attelait à essayer de maquiller un Yuri peu coopératif, Flynn avait mis son casque puis il prit le masque dans sa main et s'était un peu éloigné, laissant à Repede la garde de la porte de la chambre. Sous les rayons du soleil couchant, le regard azur de l'hélien ne tarda pas à repérer une silhouette couverte de bijoux – Narcisse, reconnaissable à ses cheveux blonds foncés ornés d'une couronne de fleurs roses ainsi qu'à ses habits en lin blanc très fin, ses nombreux bracelets et l'énorme collier qu'il portait autour du cou – qui se dirigeait avec ses serviteurs vers la sortie du harem. Quelques secondes plus tard, ce fut Orpin, vêtu d'une tenue très colorée et dont les boucles blondes étaient probablement agrémentées de barrettes en or.

« Ces deux-là sont incorrigibles. »

Le soldat fut surpris en entendant cette voix posée et quand il se tourna pour voir qui avait parlé, il constata que c'était Lucrèce, le favori aux cheveux châtains clairs et aux yeux marron qui ressortaient peu sur sa peau bronzée. Etonnamment, il était vêtu bien plus sobrement que les autres, sa tenue étant seulement composée d'une toge de lin blanc, d'une boucle d'oreille en rubis et d'un bracelet en or sur lequel un soleil était gravé.

« Quand je pense qu'ils se battaient pour les bains juste pour blanchir leur peau… » soupira l'éphèbe en fixant la sortie du harem avec une légère grimace. « Qu'ils cessent d'aller au soleil au lieu de se baigner dans de l'albâtre ! »

« Excusez-moi mais il faut que… » commença le garde avant de s'interrompre en voyant que son interlocuteur lui faisait signe de rester.

« C'est bien Flynn votre nom ? »

« C'est cela oui. Que me voulez-vous ? »

Le regard de Lucrèce se baissa et en suivant celui-ci, le jeune hélien réalisa qu'il fixait son bracelet avec un certain intérêt.

« Je l'avais remarqué l'autre jour et il m'intrigue. » répondit le favori, ses yeux fixés sur le bijou. « Je suis presque certain d'avoir déjà vu cette pierre quelque part… »

« Ce n'est qu'un souvenir de mon village. » déclara le soldat de façon évasive.

L'ancien prêtre de Sol plissa les yeux, manifestement suspicieux. Il ne chercha pas à creuser la question et resta silencieux pendant une longue minute qui s'avéra des plus stressantes pour son interlocuteur.

« Je viens de me souvenir que j'ai une lettre importante à rédiger. » fit Lucrèce de sa voix posée. « Ouvrez bien vos deux yeux durant le banquet et excusez mon retard auprès de son Altesse. »

Cette dernière phrase était quelque peu étrange pour Flynn mais il n'eut pas la possibilité d'y penser plus longtemps car un léger aboiement de Repede lui indiqua que son maître était enfin prêt pour sortir du harem. Il mit son masque en place puis il fixa l'entrée de la chambre du favori… où il eut du mal à cacher sa surprise face à ce qui était en train d'apparaître devant ses yeux.

Sans nul doute, la silhouette du Nyx était parfaitement mise en valeur dans cet habit de lin noir qui soulignait celle-ci avec élégance. Seule une partie du torse était visible dans l'ouverture du vêtement qui n'était maintenu fermé que par la ceinture en or sertie d'améthystes et par quelques barrettes en or que Karol avait dû y ajouter pour tenir tout cela un minimum en place. La finesse de l'étoffe était incroyable et les fils d'or présents au bout des manches et sur le col la rendait encore plus précieuse. Les sandales surmontées de quelques petites améthystes et onyx faisaient une belle finition à l'ensemble.

Ce qui était à couper le souffle, c'était le travail du serviteur sur la mise en beauté. Les traces de coups qui étaient encore présentes avaient disparues, probablement cachées habilement avec de la poudre d'albâtre et uniformisant sa peau blanche. Les yeux gris étaient soulignés par un fin trait de khôl, accentuant ce regard pénétrant tandis que la bouche avait été légèrement rougie par de la poudre d'ocre rouge, donnant l'impression que les lèvres étaient plus pulpeuses. Les longs cheveux de jais avaient été rassemblés sur l'épaule droite en une natte, dévoilant le côté gauche de la nuque.

S'il devait décrire Yuri simplement, il était…

« Sublime… »

En réalisant que ces yeux gris s'étaient légèrement agrandis et que les joues du Nyx avaient rosies, Flynn compris avec un certain embarras qu'il avait parlé à voix haute. Il détourna le regard sur le côté tout en serrant un peu les dents.

« On… On devrait y aller avant que l'on ne vienne nous chercher. » déclara le favori en se dirigeant d'un pas rapide vers les escaliers, le son de sa voix trahissant un certain inconfort.

Le soldat le suivit en silence, essayant de se focaliser sur son travail plutôt que sur la beauté indéniable du jeune homme aux longs cheveux de jais et sur le parfum fleuri qu'il avait probablement appliqué après son passage dans les bains. Cependant, leur mutisme fut de courte durée car Yuri stoppa près de la grille qui séparait le troisième bâtiment du reste du harem.

« Cache ton bracelet. » fit le Nyx en se tournant vers lui, les sourcils froncés. « Je viens seulement de me rappeler que Garista risque d'être présent et je n'ai pas envie qu'il le voit… »

« Et où veux-tu que je le mette ? » questionna Flynn dont la gêne s'était dissipée. « Il aurait été mieux de le laisser à Karol… »

« Pas la peine de faire demi-tour. »

A l'entente de cette voix éthérée, le soldat ne fut guère surpris, ayant déjà eu affaire à deux reprises à la mystérieuse divinité. Par contre, Yuri eut du mal à cacher sa surprise, même si elle fut de courte durée lorsque ses yeux gris s'étaient fixés sur la turquoise qui dégageait à présent une légère lueur.

« Il y a un creux en bas de ce mur qui doit être juste assez large pour me cacher là. Ce sera parfait. » déclara l'être divin avec neutralité.

« Vous êtes sûr que c'est une bonne idée ? » demanda le garde avec une pointe d'inquiétude.

« A cette hauteur, excepté votre chien Repede, personne ne me verra facilement. Oh et avant que je n'oublie : j'aimerais avoir une conversation avec mon oncle dès que possible. »

Un léger hochement de tête du Nyx signifia qu'il avait compris puis, une fois la pierre revenue à son état normal, Flynn ôta son bracelet et, une fois qu'il eut repéré l'endroit indiqué, il se baissa pour y glisser soigneusement le bijou. Sa tâche achevée, lui et Yuri reprirent leur route à travers le palais.

« Il a attendu longtemps pour se manifester… » lui murmura le favori en ralentissant légèrement son allure. « S'il est aussi affaibli qu'il te l'a dit, il avait peut-être besoin de reprendre des forces. »

« J'ai encore du mal à comprendre comment c'est possible. » avoua le soldat bien que son compagnon lui ait expliqué que cela était éventuellement lié à la destruction du temple de cette mystérieuse divinité. « Et puis quelle peut bien être sa fonction ? »

« Si je repense à tout ce dont nous avons parlé, j'aurais tendance à penser qu'il est le dieu du Neilos mais je doute que ce soit ce qui l'ait régénéré car nous ne sommes pas à côté du fleuve et le seul endroit au palais qui utilise ses eaux sont les bains… »

Sol, Umbra et Luna avaient chacun plusieurs rôles ainsi que Topaze et Océan. Il était donc logique de penser que cette entité mystique possédait elle aussi un autre attribut et que c'était celui-ci dont elle dépendait. Or, quel était-il ?

« Bon, on sera bons derniers mais j'avoue que ce genre de repas m'exaspère d'avance… » soupira Yuri qui ne cachait pas son agacement. « Obligé de jouer les potiches pour avoir la paix… »

« Avant-derniers en fait. » réalisa Flynn après-coup, se remémorant la conversation qu'il avait eu il y a quelques minutes. « Lucrèce m'a dit qu'il avait une lettre importante à rédiger un peu avant que tu ais terminé et il n'est pas ressorti de sa chambre. »

« Une lettre ? D'habitude, il est plutôt occupé à lire. »

Le froncement de sourcils du Nyx en disait assez pour que le soldat comprenne que cela était assez étrange.

« Autant Narcisse ment comme il respire, autant Lucrèce est franc quand il parle... » fit le favori, l'air pensif. « Il aurait un truc à cacher ? »

« Et pour Orpin ? » demanda le garde, n'ayant jamais vraiment réussi à se faire une opinion tranchée sur ce pensionnaire du harem. « C'est lui aussi un menteur ? »

« Lui est… un cas assez particulier. Il peut affirmer une chose qui est parfaitement vraie puis redire celle-ci une minute après et je la perçois comme fausse. J'évite de rester trop près de lui quand il commence à parler car c'est la migraine assurée pour moi, même si j'essaie de faire abstraction de cet arc-en-ciel vivant. Ce type est une contradiction permanente. »

Il était vrai que le favori, assez excentrique, avait une attitude parfois un peu étrange comme se mettre à danser en étant vêtu d'habits improbables ou bien imiter des animaux de façon bruyante. L'individu était plutôt perturbant dans ces moments-là mais il était difficile de dire s'il le faisait exprès ou non.

« L'heure est venue de se préparer à entrer dans la fosse aux lions. »

-§-

Elles étaient restées cachées pendant un bon moment quand Judith jugea qu'elles pouvaient sortir de leur cachette – celle-ci était principalement composée de nombreux roseaux et papyrus mais c'était largement suffisant pour dissimuler deux personnes du regard perçant d'un groupe de Nyx. A l'origine, elle remontait le Neilos dans le but de rejoindre le lac Lymna mais lorsqu'elle avait atteint le village d'Hamil, son intuition lui avait crié qu'il y avait un problème avec ce lieu. Elle ne tarda pas à en avoir confirmation quand elle vit un membre de l'Alliance de Sang qui s'apprêtait à s'en prendre à une jeune femme. Sans réfléchir, la krytienne l'avait visé avec la première chose qu'elle avait pu attraper puis elle était allée aider Sodia, probablement la seule hélienne aux cheveux roux qu'elle ait pu rencontrer depuis son arrivée à Hélios.

Il devait être le milieu de l'après-midi quand elles avaient commencé à remonter le cours du Neilos et réellement entamé la discussion. Sa compagne de voyage vivait dans un village plus en aval mais elle avait fait une crise de somnambulisme et s'était retrouvée ici. Judith lui avait proposé de la reconduire chez elle mais elle avait refusé, déclarant qu'elle voulait d'abord comprendre ce qu'il se passait avant de rentrer chez elle. Après une courte réflexion, la krytienne lui demanda si elle pouvait, dans ce cas, lui servir de guide car elle ne connaissait pas du tout cette partie d'Hélios, ce à quoi Sodia lui répondit qu'elle avait déjà été une fois jusqu'aux chutes d'Abou Simbel quand elle était plus jeune mais qu'elle n'était pas certaine de pouvoir vraiment l'aider si elle souhaitait passer le poste frontière.

Elles avaient marché jusqu'au crépuscule, constatant que seul Hamil semblait avoir été victime de ce raid de l'Alliance de Sang – l'une comme l'autre, elles trouvèrent cela clairement suspect car ce hameau était certes petit mais il était à plus de soixante kilomètres de la région du Lymna, ce qui n'en faisait pas une cible de choix pour une attaque de ce genre. Leur arrivée au village frontalier de Notos leur confirma que quelque chose clochait : celui-ci était calme or, si des Nyx avaient été repérés, ses habitants seraient tout sauf calmes.

Comment des membres du peuple de la nuit auraient réussi à passer la frontière sans être repérés ?

La réponse, elles la trouvèrent en entendant quelques personnes parler des mines dans la région des Dunes et à partir desquelles étaient extraites des minerais et des pierres précieuses. La galerie principale de l'une d'elles s'était écroulée et les rumeurs disaient qu'ils avaient probablement creusé trop près des Gorges d'Echidna. Ce lieu appartenait à Séléné et était réputé pour sa dangerosité, principalement à cause du Fleuve Sauvage qui le traversait. Or, si les héliens s'en tenaient éloignés, cela ne signifiait pas que les Nyx faisaient de même et cela expliquerait qu'ils n'aient pas été repérés à la frontière.

La seule question qui demeurait encore était pourquoi des membres de l'Alliance de Sang auraient prit tant de risques pour entrer en Hélios ? La krytienne ne trouvait pas cela logique, surtout après la manière dont Yuri lui avait décrit ce clan et les tensions que celui-ci créait avec les autres membres du peuple de la nuit.

« C'est se donner beaucoup de mal rien que pour un raid sur un village. » lui fit remarquer Sodia alors qu'elles étaient installées sous un figuier à essayer de comprendre les évènements que chacune avait vécu. « Traverser les Gorges d'Echidna est encore pire que d'affronter le Fleuve Sauvage d'après mon père donc pourquoi prendre un chemin si dangereux ? Ils auraient pu forcer le passage à la frontière en étant assez nombreux. »

« Sauf que s'ils avaient fait cela, la nouvelle se serait répandue dans le pays comme une trainée de poudre. » estima Judith en essayant de se remémorer si Yuri lui avait dit comment il avait réussi l'exploit de ne pas se faire repérer en entrant en Hélios. « Hors, il se peut que nos individus ne souhaitaient pas cela… »

Une prière à Océan s'imposait car quelque chose de grave devait se tramer. Peut-être que sa divinité en savait plus qu'elle et si ce n'était pas le cas, alors il n'y avait rien d'autre à faire que d'essayer de glaner des informations, ce qui était ce qu'elle et sa compagne de voyage étaient en train de faire. Que l'Alliance de Sang prenne un tel risque pour venir en Hélios était hautement suspect…

Elle aperçut Sodia passer ses doigts sur la surface noire l'ocarina qu'elle avait récupéré à Hamil et gardé depuis. Cet instrument de musique était courant chez les Nyx qui aimaient bien les petits instruments à vent ainsi que les appeaux dont ils se servaient pour chasser certains animaux tandis qu'à Séléné, les instruments à cordes étaient plus populaires et ce, peu importe leur taille – Judith avait entendu parlé d'un lieu où les sélénites venaient se réunir pour assister à un spectacle nommé « Opéra » et qui était très réputé.

Puis la krytienne se souvint que le membre de l'Alliance de Sang qu'elle avait assommé cherchait à récupérer cet objet mais était-ce parce qu'il lui était précieux ou bien était-ce pour une toute autre raison ?

« Dis-moi, tu pourrais en jouer un peu à tout hasard ? » demanda-t-elle, souhaitant vérifier son intuition.

« Je ne sais pas vraiment m'en servir. » répondit la rousse, étonnée par cette question.

« En fait, j'aimerais savoir comment sonne cet instrument mais je n'ai jamais joué de musique de ma vie. »

Après un court instant d'hésitation, Sodia finit par accéder à sa requête et, avec application, elle chercha toutes les notes qu'il était possible de jouer sur cet ocarina. Elle eut quelques ratés au début, ne trouvant pas comment placer correctement ses doigts pour obtenir un autre son, mais elle s'adapta assez vite à la forme de l'instrument et elle parvint, au bout de cinq bonnes minutes de pratique, à en sortir une petite mélodie de cinq notes plus ou moins appuyées.

Grace à cela, Judith devina la raison pour laquelle ce Nyx souhaitait récupérer cet objet : ce n'était pas pour jouer de la musique mais pour envoyer de discrets messages aux membres de son clan – Yuri lui avait expliqué que les appeaux pour la chasse servaient aussi à communiquer dans certains cas. Même si le son de cet instrument n'était pas connu des Héliens, ils pouvaient tout de même le confondre avec celui d'une flûte et ne jamais se rendre compte de la présence de membres du peuple de la nuit.

Par contre, cette découverte ne présageait rien de bon sur les intentions réelles de l'Alliance de Sang.

« Si j'ai raison, ils ne sont pas venus pour faire un simple raid. » exposa Judith à sa partenaire du moment. « Si cela se trouve, ce n'était même pas prévu. »

« Alors que pourraient-ils vouloir faire ici ? » demanda Sodia, visiblement très intriguée par cette situation. « Ils ont dit que d'autres allaient venir mais pour quoi faire ? Ils voudraient nous envahir de l'intérieur ? »

« C'est possible mais maintenant que nous avons prévenu les soldats à Notos, ils vont être attendus à Aurum donc si c'est une prise de pouvoir qu'ils veulent, elle risque fort d'échouer. Seulement, je crois que c'est plus compliqué que cela. »

Envoyer des hommes tuer le roi Thar ou faire un coup d'Etat à Hélios était suicidaire car forcément, les appartements royaux seraient sous bonne garde et assassiner le sorcier solaire aurait un impact très négatif sur Barbos auprès des sélénites ainsi que des autres Nyx. Le plus probable aurait été une mission d'espionnage mais le massacre perpétré à Hamil et l'attente de renforts contredisait cette hypothèse.

Soudain, une mélodie se fit entendre : celle d'un ocarina… qui n'était qu'à quelques mètres d'elles, leur provoquant à toutes deux des sueurs froides en réalisant qu'elles n'étaient pas aussi seules qu'elles l'avaient espéré. Les deux jeunes femmes se levèrent précipitamment dans le but de fuir mais elles furent vite encerclées avec un groupe de Nyx dont les yeux rouges luisaient avec intensité. Cependant, leurs accoutrements différaient de ceux de l'Alliance de Sang : ils avaient de longs manteaux à capuche de couleur sombre avec des vêtements plus légers en dessous avec un brassard moutarde portant l'emblème d'un autre clan.

Celui qui devait être leur chef dévoila son visage, se révélant être une jeune fille aux cheveux ondulés de teinte auburn et coiffés en couettes.

« Est-ce que c'est vous qui avez signalé un raid de l'Alliance de Sang dans un village en aval ? » demanda-t-elle avec une certaine froideur.

« C'est bien nous oui. » admit Judith, sachant pertinemment qu'il était dangereux de mentir à un Nyx. « Je présume que vous êtes l'un des clans qui sont contre eux. »

« Nous sommes le seul autre clan restant : les Griffes de Léviathan. L'Alliance de Sang n'est qu'un ramassis de brutes et de traîtres à Umbra. Eux et leur chef méritent la mort… »

La bonne nouvelle était que ce groupe n'avait pas l'intention de les tuer, juste obtenir d'elles des informations. La mauvaise, c'était qu'ils allaient ramener leur guerre entre clans à Hélios… ce qui était très curieux car qu'est-ce qui les pousseraient à cela ? Dans tous les cas, le nombre de victimes risquait fort de s'alourdir vu la colère qu'elle percevait chez eux.

« Je présume que vous voulez autre chose de nous. » déclara Sodia qui s'était légèrement rapprochée d'elle.

« Tout ce que vous pouvez nous apprendre sur notre ennemi. » confirma la jeune Nyx avant de faire un signe à ses camarades qui reculèrent d'un pas. « Je suis Gauche, un des lieutenants du clan. »

« Judith et elle c'est Sodia. » répondit la krytienne avec une pointe de méfiance. « Nous ne savons pas ce qu'ils fabriquent en Hélios donc je crains que nous ayons bien peu de renseignements à vous fournir. »

« Nous ferons avec. Vous avez dit qu'ils attendaient des renforts. Comment le savez-vous au juste ? L'une de vous parle le Nyx ? »

« Je le comprends mais je ne le parle pas. » précisa l'hélienne qui n'était pas très tranquille, ce qui pouvait aisément se comprendre après ce qu'elle avait vécu. « Ils sont passés près de notre cachette en disant que leurs amis étaient en retard et en se plaignant de la chaleur. Oh et l'un d'eux avait essayé juste avant de me tuer et de me violer pour récupérer ceci mais je ne suis pas certaine que c'était dans cet ordre. »

La grimace que fit Gauche montrait qu'elle n'approuvait guère ce genre d'attitude chez les siens, ce qui pouvait certainement venir du fait qu'elle était une femme mais quand elle nota d'autres expressions de dégoûts chez les autres membres des Griffes de Léviathan, Judith comprit que ce clan avait des valeurs différentes de l'Alliance de Sang.

« Pouvons-nous savoir ce qu'il se trame ? » questionna la krytienne, très intriguée par ces évènements. « Manifestement, cela doit être très grave… »

« Exact. » répondit simplement la jeune Nyx, sur la défensive. « Notre conflit interne n'a rien à faire ici mais je crains fort que nous n'ayons pas d'autre choix que de traquer les traîtres à Umbra. »

Comme elle aurait du s'y attendre, les Griffes de Léviathan ne comptaient pas lui répondre. Cependant, s'ils avaient eu ce qu'ils voulaient, ils seraient partis or, il semblait qu'ils désiraient encore une chose d'elles mais difficile de dire quoi. Elle suspectait une méfiance de leur part vis-à-vis de ce qu'elle était, raison pour laquelle ils se montraient prudents.

Heureusement, elle avait une petite interrogation à leur soumettre…

« Serait-il indiscret que je vous demande comment vous avez réussi à passer la frontière ? »

Un échange de regards eu lieu entre les Nyx et leur lieutenant, visiblement en train de peser le pour et le contre sur le fait de révéler cette information.

« Vous n'êtes pas passés au même endroit que l'Alliance de Sang car autrement, vous ne seriez pas ici. » poursuivit Judith en notant un intérêt du peuple de la nuit pour l'ocarina que tenait Sodia. « Qui plus est, si je vous demande cela, c'est parce que je suis moi-même en mission pour mon peuple et que je pense que certaines réponses sont dans la région du Lymna. »

Dévoiler cette carte était un risque à prendre mais elle avait encore un jeu suffisamment fourni pour continuer cette partie. Tout ce qu'elle voulait, c'était voir la main de l'adversaire… ne serait-ce que partiellement.

« Quel genre de mission au juste ? » demanda Gauche, ses yeux se plissant légèrement.

« Je pense que vous le ressentez vous aussi. » répondit la krytienne en continuant d'observer la jeune Nyx, s'assurant que celle-ci ne lui dissimulait pas des intentions meurtrières à leur égard. « Un profond déséquilibre a lieu dans ce pays et mon peuple craint que celui-ci n'affecte les autres pays. Cela fait trois ans que j'en cherche l'origine, trois années que je prie mon dieu pour qu'il étende sa protection aux héliens. »

« Nous en avons entendu parler oui… Et l'Alliance de Sang nous a mis dans une très mauvaise position vis-à-vis d'Umbra. »

Les visages des autres membres des Griffes de Léviathan montraient leur colère et aussi une certaine inquiétude qui en disait suffisamment long pour savoir que quoiqu'il se soit produit, c'était suffisamment grave pour justifier les actes étranges des Nyx.

« Hélios subit la colère de Sol mais nous risquons de subir celle d'Umbra à tout instant. » poursuivit Gauche en grinçant des dents de rage. « Barbos a tué le sage nocturne pour s'assurer que maître Yeagar ne puisse plus tenter de lui prendre sa place. Lui et l'Alliance de Sang toute entière nous ont trahis et nous voilà contraint de fuir notre propre patrie si nous voulons espérer trouver un Nyx qui a connaissance de nos rituels ! Cet homme nous a condamnés à disparaître mais il est hors de question que nous nous laissions faire ! »

Face à ce discours plein d'émotions, les autres membres du peuple de la nuit firent des signes d'approbations allant d'un poing levé à une exclamation féroce qui montrait leur envie d'en découdre avec leurs ennemis. Gauche essuya les larmes qui menaçaient de couler sur ses joues pendant que les deux jeunes femmes accusaient le choc de ce qu'elles venaient d'apprendre.

« Nous savons que nous sommes détestés par les autres pays. » poursuivit-elle en étouffant difficilement un sanglot. « Maître Yeagar nous a juré qu'il ferait tout ce qu'il peut pour que nous ne soyons plus autant d'orphelins à devoir combattre entre nous juste pour savoir qui dominera les autres. Nous voulons la paix mais cela, ce n'est pas le désir de Barbos. »

« Il veut la guerre, n'est-ce pas ? » demanda Sodia d'une voix blanche. « Quasiment tout le monde en Hélios pense le peuple de la nuit éteint donc une attaque de leur part nous serait fatale, surtout en ce moment où nos ressources sont limitées. »

« C'est très probable oui. » confirma Gauche d'un hochement de tête. « Cependant, il a peut-être perdu une partie de ses hommes dans les Gorges d'Echidna donc nous avons une chance de les arrêter si vous nous aidez. »

« Dans ce cas, comment êtes-vous entrés en Hélios ? » demanda de nouveau Judith. « Si cela se trouve, je peux peut-être trouver quelque chose dans la région du Lymna… »

Elle le savait, elle allait obtenir cette information qui pouvait se révéler très précieuse. Les Griffes de Léviathan étaient visiblement désespérés et prêts à toute alliance si celle-ci pouvait les aider à éradiquer leurs ennemis. L'ennui, c'était qu'ils étaient aussi parés à tous les sacrifices pour arriver à leurs fins…

Rien que pour cela, il fallait impérativement trouver comment régler leur problème car un Umbra en colère risquait fort de porter préjudice à tout le monde.

« Seuls ceux qui viennent du village de Parques connaissent ce secret : un passage caché qui passe par les chutes d'Abou Simbel. » répondit la jeune Nyx avant de désigner l'ocarina. « La rumeur veut qu'il en existe d'autres à Hélios qui peuvent s'ouvrir avec cet instrument si l'on joue la bonne mélodie. Pour l'instant, nous n'avons pas encore pu vérifier cela car nous ignorons où ils peuvent se cacher mais c'est une histoire souvent contée parmi les Nyx. »

Tiens donc… Cela, elles n'auraient jamais pu le deviner et cela expliquait pleinement le fait que ce membre de l'Alliance de Sang ait voulu le récupérer. Dans ce cas, où comptaient-ils se rendre exactement et qui aurait nécessité l'utilisation de ces passages secrets ?

« Vous avez dit « Parques », le village de Topaze ? » questionna la rouquine, manifestement très intéressée par cette information. « Les prêtres du temple de Sol nous avaient pourtant dit qu'il était détruit depuis longtemps. »

« Calomnies ! Cet endroit existe toujours ! » s'exclama un des hommes du clan.

« Les héliens tiennent tant que ça à oublier notre existence ? » ajouta un autre, outré par ce qu'il venait d'entendre.

La vivacité des réactions et leur véhémence confirma à Judith ce qu'elle et Rita avaient déjà découvert : les prêtres de Sol avaient dissimulés des choses à leur peuple et cela, certainement pas dans un but très noble. Entre les fausses rumeurs sur les Nyx, les histoires incomplètes et ça, il semblerait que beaucoup de choses ne tournaient pas rond en Hélios au niveau religieux – le sorcier solaire, Garista, n'y était probablement pas inconnu mais il était peu probable qu'il en soit à l'origine, juste qu'il s'est évertué à maintenir cette situation pour des raisons qu'il fallait encore découvrir.

« Stop ! » ordonna Gauche en levant la main, quelque peu contrariée. « Qu'est-ce que c'est que ces mensonges que ces individus répandent ? Pas étonnant que les rapports entre nos deux peuples soient si mauvais ! »

« Pourquoi ? Qu'est-ce que ce village a de si particulier pour que quelqu'un ait fait en sorte qu'elle soit oubliée ? » demanda la krytienne, désireuse d'avoir la version du peuple de la nuit.

Que souhaitaient tant cacher les prêtres de Sol au sujet de Topaze ? Yuri aurait très certainement pu lui répondre si, à l'époque, ils avaient connu quelqu'un qui s'intéressait fortement à cette divinité. Le peuple de la nuit et les sélénites devaient probablement détenir des morceaux du puzzle menant à la vérité mais cela, elle ne le saura que le jour où elle reverra Rita. En attendant, elle devait glaner ce qu'elle pouvait…

« Parques est le village d'origine de Topaze et il est situé dans les Terres des Nyx, plus précisément dans une petite vallée des Dents de Cerbère. »


 

1 : Le Shamisen est un instrument de musique japonais qui ressemble à un luth.

2 : Le Kotatsu est une table basse recouverte d'une couverture. La particularité de cette table est qu'elle est chauffante via un système de chauffage qui se trouve en dessous.

3 : Le Zabuton est un coussin pour s'asseoir.

4 : Le thé Genmaicha est un thé vert japonais mélangé à des grains de riz grillés.

Auteur vs Persos :

Kaleiya (à côté du climatiseur) : Saleté d'été…

Belphégor : Chaque année tu râles contre cette saison.

Kaleiya : Et chaque année, je prie pour qu'il fasse doux et non hyper chaud !

Belphégor : C'était pire l'année précédente…

Kaleiya : Je sais… Mais je n'aime pas cette saison et pas seulement à cause de la chaleur ! J'ai hâte que l'automne arrive…

kaleiyahitsumei: (Default)
 Titre : Le cuisinier des… enfers ?

Auteur : Kaleiya

Beta : Eliandre

Disclaimer : Tales of Vesperia et les Douze travaux d'Astérix ne m'appartiennent pas.

Note : Là, impossible de garder l'épreuve d'origine et, en revoyant Fort Boyard cet été, je me suis dit qu'on pouvait modifier cette épreuve, tout simplement en changeant le cuisinier ! Eliandre m'a traitée de folle mais c'est le seul moyen pour que notre duo réussisse ce défi. On peut dire que c'est un double crossover…


A Zaphias, les conseillers s'inquiétaient depuis qu'il leur avait été confirmé que l'hypnotiseur Iris n'était plus en état de continuer d'envoûter quiconque venait le voir, que ce soit des volontaires ou non. Certains d'entre eux étaient aussi de très mauvaise humeur, ayant parié plus ou moins gros que cette épreuve aurait raison de ce duo qui commençait sérieusement à les agacer… tandis que l'empereur Ioder semblait grandement s'amuser.

« Un problème messieurs ? » leur demanda le jeune souverain lors de leur réunion.

Le silence se fit dans l'assemblée, aucun d'eux n'ayant très envie de répondre à leur cadet, d'autant plus qu'il avait parié contre eux précédemment et qu'il fallait à présent discuter de cette sixième épreuve… et de ce que chacun était prêt à proposer.

« Je pense qu'ils n'ont pas tous digéré que vous les ayez délestés d'une partie de leur argent et de certaines de leurs propriétés votre Altesse. » répondit Alexei, conseiller militaire qui, lui, avait choisi de s'abstenir de toute mise, un choix qui s'était avéré des plus sages. « Il faut aussi comprendre que cette victoire fut assez… surprenante à leurs yeux. »

« Pas tellement je trouve. » déclara Ioder avec un sourire énigmatique. « Vu ce que ce cher Yuri nous avait montré dans l'arène, je me doutais qu'il possédait les ressources nécessaires pour réussir. Cependant, je pense que le sixième défi ne sera pas du tout de son goût… »

« Quel est-il cette fois-ci pour que vous soyez certain de cela ? »

« Disons qu'il se peut que j'ai cru ouïr certaines rumeurs venant de Yurzorea au sujet d'un individu assez haut en couleurs… »

Cette simple phrase fit s'étrangler l'un des conseillers, celui-ci ayant apparemment compris de quoi il allait en retourner. Ses confrères le regardèrent à la fois avec interrogation et inquiétude, se demandant ce qui avait bien pu provoquer cette réaction.

« Non… » déclara le concerné avec terreur. « Vous n'avez quand même pas osé les envoyer devant LUI ? C'est inhumain ! »

« Voyons, n'exagérez rien. » répliqua l'empereur sur un ton empli d'une bienveillance feinte. « Cet individu est parfaitement humain de ce que j'en ai entendu donc les envoyer face à lui n'a absolument rien de cruel. Je dirais même que, vu ce qui leur reste encore comme épreuves, ceci est un acte de clémence de ma part. »

« Pourriez-vous développer votre Altesse afin que nous comprenions tous de quoi il s'agit exactement. » coupa Alexei avant que d'autres de ses confrères ne se mettent à paniquer pour rien.

« Oh ? Juste une petite dégustation de mets… peu communs dirons-nous. »

Vu l'expression qu'arborait son souverain, le conseiller militaire se doutait qu'il y avait un piège dans ce défi et, vu la réaction d'un de ses collaborateurs, cette épreuve culinaire dissimulait quelque chose de peu agréable… Qu'était-ce donc et en quoi était-elle un échec certain pour celui qui était originaire de l'île du Plaisir ?

« Messieurs, commençons les paris ! »

-§-

Décidemment, Flynn ne se faisait pas aux trajets par bateau. Le tangage du navire finissait toujours par avoir raison de son estomac et, à moins de voyager le ventre vide, il était certain que son repas allait finir jeté dans l'eau salée d'une manière très peu élégante. Etre sensible au mal de mer n'était vraiment pas une partie de plaisir pour lui…

Si le reste du voyage avait été plus aisé pour lui, c'était principalement grâce à Yuri qui le forçait à prendre l'air dès qu'il se sentait un peu nauséeux et qui s'était arrangé pour faire la cuisine pour lui – il avait déjà constaté sur l'île du Plaisir que son compagnon de voyage se débrouillait bien dans ce domaine mais il n'avait pas pleinement savouré ses talents auparavant. Une fois arrivés sur la terre ferme de Yurzorea, sa faim n'était pas pleinement revenue mais ça ne l'avait pas empêché de chasser dans les bois – d'après Rita, ils avaient au moins trois jours de marche avant d'arriver à destination, ce qui était plus qu'assez pour profiter des lieux.

Lors d'une escale à Yumanju, Flynn put enfin convaincre, suite à quelques accrochages à des branches basses, ce cher Yuri d'échanger sa toge – celle-ci avait souffert après avoir été prise dans un buisson de ronces – contre une tenue plus adaptée au voyage, c'est-à-dire un pantalon sombre et une tunique sans manches en laine noire… contre laquelle le jeune homme aux cheveux longs pesta un moment car elle le démangeait énormément. Ses plaintes cessèrent lorsque le guerrier finit par avoir pitié en le voyant frotter son dos contre un arbre et, lors de leur dernier arrêt de la journée, avait offert de lui passer un onguent sur sa peau afin de le soulager un peu, une proposition qui fut très vite acceptée… et qu'il regretta en partie quand il entendit les profonds soupirs de soulagement que son compagnon poussait dès qu'il posait les mains sa peau.

Bien entendu, Yuri avait poursuivi son jeu favori consistant à l'embrasser à la moindre occasion. Sur les trois dernières tentatives, il était parvenu à esquiver la seconde, essentiellement grâce à Rita qui avait poussé un juron après avoir marché dans les déjections d'un animal.

Autant dire que lorsque leur arbitre, après qu'ils aient passé un petit village, leur annonça qu'ils n'étaient plus très loin de la prochaine épreuve, Flynn avait eu du mal à cacher son soulagement. Il allait enfin pouvoir se concentrer sur quelque chose d'autre qu'éviter les avances du bel éphèbe qui… ahem… du jeune homme à la longue chevelure sombre.

« Avant de continuer, on pourrait éventuellement manger, non ? » suggéra Yuri avec justesse, leur dernier repas commençant à être bien lointain…

« Vu ce qu'est la prochaine épreuve, ce n'est pas utile. » répondit leur cadette en regardant ses documents. « Quelques mètres plus loin, il y a un restaurant assez connu dans la région et c'est là-bas qu'a lieu votre sixième tâche. »

« Dans un restaurant ? » s'étonna Flynn, trouvant ce choix étrange… et l'emplacement de ce lieu quelque peu suspect maintenant qu'il y réfléchissait. « Pourquoi un lieu où l'on se restaure est si éloigné des habitations ? Ce serait plus logique qu'il soit au sein même du village que nous avons traversé il y a peu. »

« C'est vrai que ce n'est pas très commun… » approuva l'autochtone de l'île du Plaisir en observant les alentours. « Et si l'endroit est si connu, pourquoi sommes-nous les seuls à nous y rendre ? »

Le guerrier repensa aux précédentes épreuves et la première chose qui lui vint en tête était de se demander où pouvait bien être le piège cette fois-ci. Ils n'allaient probablement pas devoir faire la vaisselle vu que Rita leur a dit qu'il était inutile de manger, signe qu'ils allaient donc se restaurer là-bas. La nourriture était-elle empoisonnée ? Il espérait que non car cela signifierait qu'à aucun moment l'empereur n'avait souhaité la paix. Donc où était le problème ?

-§-

Bientôt la moitié. Une fois cette épreuve réussie, il n'en resterait plus que six et Yuri espérait qu'il parviendrait à les réussir, essentiellement parce qu'il ne souhaitait pas qu'une guerre se déclenche parce qu'il avait décidé sur un coup de tête de quitter l'île du Plaisir en embarquant Flynn avec lui – en même temps, il aurait dû se douter que, lorsque le guerrier reprendrait ses esprits, celui-ci chercherait à le neutraliser d'une manière ou d'une autre. Bon, leur petit combat avait tourné court quand sa toge, absolument pas faite pour être portée dans ce contexte, se défit en dévoilant grandement son anatomie, ce que son adversaire n'avait pas manqué vu la couleur que son visage avait prise ce jour-là.

Suite à cela, Flynn avait fait demi-tour et Yuri, après s'être vite rhabillé, s'était hâté de l'en empêcher, ce qui avait provoqué cette dispute… et leur capture. Si le guerrier avait été conduit directement en cellule, celui originaire de l'île du Plaisir avait dû faire comprendre aux soldats lui servant « d'escorte » qu'il n'était pas du tout disposé à satisfaire leurs désirs avant de pouvoir enfin être amené en prison – entre se faire tripoter par des types aux mains baladeuses et jeté ans un cachot humide, la deuxième option lui avait immédiatement paru très alléchante. Même s'il avait connu mieux question confort, la vue qu'il avait sur un jeune homme aux cheveux d'or lui avait fait revoir son appréciation des lieux à la hausse.

Le lendemain, ils furent amenés devant l'empereur et Yuri, qui avait déjà réussi à arracher quelques informations de Flynn sur les raisons de sa présence en Illycia, eut les quelques renseignements qui lui manquaient en se contentant de tendre l'oreille – le seul moment où il avait pris la parole fut quand il sut que Judy avait demandé à ce qu'il revienne et qu'il avait déclaré en grimaçant qu'il ne comptait pas rentrer chez lui.

Quand Ioder proposa son « pari » au guerrier – en vérité, cela ressemblait plutôt à un odieux chantage déguisé par un grand sourire faussement innocent –, celui à la longue chevelure sombre en avait bien mémorisé les termes, lui permettant ainsi de s'apercevoir que le souverain avait précisé ceux-ci au pluriel et non au singulier, certainement parce qu'à la base, il y avait deux espions. A ce moment-là, il ne savait pas vraiment quoi faire de cela mais ce dont Yuri était certain, c'était qu'il n'approuvait pas ce jeu qui pouvait fort s'avérer être plus pervers qu'il ne le semblait au premier abord.

Cependant, après que l'empereur lui ait proposé le statut d'invité, il put assister aux premières épreuves qui attendaient Flynn… tout en gardant un œil sur Ioder depuis qu'il avait remarqué la façon très déplaisante dont il le détaillait du regard.

Si les deux premiers défis avaient été remportés par le guerrier, la situation changea avec le troisième et, après un nouvel échec du guerrier pour vaincre son adversaire, Yuri avait trouvé comment exploiter cette faille dans les règles énoncées par le souverain et, à la surprise générale, il avait sauté dans l'arène et, grâce à sa longue observation du combat, renversé la situation à son avantage très aisément. Une fois victorieux et face aux cris consternés des conseillers, il avait exprimé son souhait d'être le remplaçant de Raven pour ces épreuves, une proposition qui fut acceptée par l'empereur.

Cette décision de s'embarquer dans cette aventure sans être certain de réussir – il n'avait pas envie de retourner dans l'immédiat sur l'île du Plaisir et devenir le serviteur personnel de ce gamin en cas de défaite était une idée qui le répugnait fortement – pouvait sembler irréfléchie voire impulsive mais en fait, Yuri était persuadé que seul, Flynn ne pouvait pas gagner. Afin que le guerrier de Danhgrest ait toutes ses chances, il lui fallait un partenaire capable de compenser les lacunes qu'il possédait.

Et puis bon, le jeune homme aux cheveux d'or avait fortement éveillé son intérêt, faisant que l'idée de parvenir à le séduire sans utiliser de nectar l'attrayait fortement.

De ce qu'il avait pu observer, Yuri savait que si Flynn ne répondait pas à ses multiples avances, il n'y était pas forcément indifférent. Avec de la persévérance, il pouvait donc réussir à le faire tomber sous ses charmes.

Pour le moment, il avait surtout eu pitié de son compagnon de voyage lors de leur trajet en bateau… ce qui fut vite oublié quand il eut ce gilet en laine qui le démangeait fortement. Comment était-il possible pour un vêtement d'être aussi désagréable à porter ? Sa chance fut que le guerrier avait trouvé de quoi stopper son calvaire – le jeune homme avait ainsi pu ajouter « peau fragile » aux inconvénients liés à sa vie sur l'île du Plaisir.

A présent, sa préoccupation était de savoir ce qui pouvait bien se cacher derrière cette épreuve-ci…

« Disons que le menu est assez… unique en son genre. » déclara Rita avec une grimace qui lui laissait penser qu'il risquait fort de perdre l'appétit. « Très peu d'amateurs pour cette cuisine doivent exister… s'il en existe. »

… Le restaurant était mauvais à ce point-là ? Comment des plats pouvaient être aussi répugnants pour que la réputation de cet établissement ait atteinte Zaphias ?

Ils arrivèrent devant une bâtisse en bois devant laquelle plusieurs pancartes avaient été plus ou moins bien plantées dans le sol. Sur celles-ci, Yuri pu lire des choses comme « N'y allez pas, même si vous mourrez de faim ! », « PLUS JAMAIS ! », « ARGH ! », « Pitié, pitié, pitié ne le laissez pas me resservir ! » ou encore « Mais qu'ai-je fait au bon Dieu pour mériter un tel supplice ? », ce qui ne fit qu'amplifier ses craintes sur la nourriture servie à cet endroit – la palme revenait au « Faites demi-tour, FAITES DEMI-TOUR ! » qui était écrit en très gros et souligné trois fois.

« La prochaine épreuve consiste à finir les plats cuisinés par le chef de ce restaurant. » commença à expliquer l'adolescente tout en désignant une ardoise sur laquelle était marqué le menu du jour. « En d'autres termes, manger le contenu de la carte qui est indiqué juste ici. »

« C'est à moitié effacé. » constata Flynn en montrant les mots illisibles. « Qui plus est, c'est assez mal écrit… »

Ce n'était pas vraiment ce qui était le plus inquiétant aux yeux de celui aux cheveux de jais mais plutôt l'odeur douteuse qui émanait des lieux. Ça sentait comme un mélange de légumes fermentés et de poisson pourri…

« Dans ce cas, ce sera une surprise totale. » fit Rita avant de tirer sur la corde de la cloche de l'entrée. « Bonne chance ! »

Et rapidement, leur cadette prit ses distances, les laissant seuls devant la porte du restaurant. A peine fut elle hors de leur vue que des pas précipités se firent entendre de l'autre côté du panneau de bois et que celui-ci s'ouvrit sur un homme plus petit qu'eux aux courts cheveux bruns bouclés, aux yeux noirs et vêtu d'une tenue blanche de cuisinier.

« Bienvenue mes amis ! Bienvenue chez Willy Rovelli ! » s'exclama celui qui était manifestement le propriétaire des lieux avec un grand sourire. « Je vous attendais. Venez, entrez ! Entrez ! »

Si Flynn pénétra calmement à l'intérieur du bâtiment, Yuri eut un gros moment d'hésitation lorsqu'une odeur encore plus nauséabonde arriva à ses narines et qu'il entendit des bruits très suspects. Il emboîta prudemment le pas de son compagnon de voyage en se pinçant le nez, son regard anthracite examinant les murs en bois sur lesquels il y avait des tableaux un peu étranges, la seule table présente qui était recouverte d'une nappe à carreaux et sur laquelle étaient posés des assiettes, des couverts ainsi qu'une bougie.

Le dénommé Willy Rovelli les installa à cette fameuse table et une fois qu'ils furent assis, il sortit un petit calepin et un crayon de la poche de son tablier.

« J'imagine que vous prendrez tous deux la formule du jour qui, je dois vous le dire, est à la fois la plus complète et la plus exquise ! » leur déclara le cuisinier en griffonnant quelque chose sur son carnet.

« A vrai dire, nous n'avons pas réussi à la lire sur le tableau à l'extérieur. » signala le guerrier pendant que son camarade d'infortune avait pris sa serviette pour essayer de protéger son nez. « C'était en partie effacé. »

« Ah, c'est vrai qu'il a plu l'autre jour. Toutes mes excuses pour cela. Alors la formule complète comprend l'entrée, le plat, le fromage et le dessert. Je vous apporte le début d'ici cinq petites minutes ! »

Sans crier gare, Willy Rovelli s'éclipsa en vitesse dans ses cuisines, les laissant seul dans la petite salle du restaurant. Habituellement, Yuri aurait tenté de dérober un baiser à Flynn mais l'odeur des lieux l'incommodait beaucoup trop pour ça.

« Comment tu fais pour supporter cette puanteur ? » demanda-t-il en réalisant que le guerrier tolérait bien mieux que lui les effluves nauséabonds de cet endroit. « J'ai l'impression d'être dans une poubelle tellement ça sent mauvais ! »

« Je sais mais crois-moi, il y a pire. » lui répondit calmement son compagnon d'infortune. « J'ai déjà eu droit à du fumier, l'auge des cochons élevés au village, la viande oubliée dans le fumoir, le poisson pourri vendu au marché… »

« Ça va, j'ai compris… »

En d'autres termes, à Dahngrest, ils avaient le nez bouché. Dans le cas présent, il y avait de quoi être jaloux.

-§-

Excepté l'auberge de son village, Flynn n'avait jamais été dans un restaurant mais il doutait fort que l'odeur qui régnait ici soit normale. Il commençait à mieux comprendre les pancartes qu'ils avaient lues avant d'entrer ici et pourquoi ce lieu était celui de leur sixième épreuve. Restait à savoir ce qui allait leur être servi mais déjà, il se doutait que Yuri allait avoir du mal à user de sa ruse – déjà, il le voyait regarder avec suspicion le contenu de la carafe d'eau, ce qui était compréhensible.

Le guerrier voulu observer un peu plus attentivement les lieux quand il sentit quelque chose sur sa cuisse qui le fit légèrement sursauter. Il ne lui fallut pas très longtemps pour en trouver l'origine : en soulevant la nappe, il vit le pied de son camarade qui se frottait contre sa jambe. Il lui répliqua en lui jetant un regard agacé avant de lui donner une pichenette au pied, arrachant un « aïe ! » au jeune homme.

« Assieds-toi correctement au lieu de faire n'importe quoi. » lui fit-il remarquer sur un ton un peu sec.

« Pas de ma faute si tu es le seul élément ici qui me permet de patienter. » répliqua du tac au tac son interlocuteur.

A cette remarque, Flynn lâcha un soupir exaspéré et il s'apprêtait à aller voir le chef pour lui demander encore combien de temps ils allaient attendre quand celui-ci sortit rapidement de sa cuisine avec deux assiettes en main.

« Voilà, voilà ! » s'exclama Willy Rovelli en posant les entrées sur la table. « Voici une petite entrée pour commencer : des sushis faits maison ! Je vous laisse déguster le temps de préparer le plat. Bon appétit ! »

Sur ces mots, le propriétaire des lieux repartit rapidement derrière ses fourneaux, laissant ses deux invités observer ce qu'il venait de leur servir… et constater que ces sushis n'avaient rien de classique car si le riz était bien présent, sur le dessus de chacun se trouvait non pas une tranche de poisson frais mais des tarentules et des criquets. En résumé, ils avaient deux sushis chacun : deux aux tarentules et deux aux criquets, ce qui semblait ne pas enchanter du tout Yuri.

« C'est une blague j'espère ? » dit-il en regardant le contenu de leurs assiettes avec une grimace.

« J'ai bien peur que non. » confirma Flynn qui, après avoir observé les entrées, fut certains que les insectes étaient morts. « J'ai l'impression qu'ils ont été grillés au préalable. Ça pourrait être pire. »

Manifestement, son camarade avait l'air de penser la même chose vu comme il avait blêmi, s'étant certainement souvenu que ceci n'était que le début du repas.

L'épreuve consistant à manger le contenu des assiettes qui leur étaient servies, le guerrier n'attendit pas plus longtemps : il prit dans sa main un des sushis au criquet et mordit dedans, l'insecte craquant dans sa bouche. Il ne s'attarda pas à savourer le mets et mangea l'autre morceau avant de faire de même avec son second sushi, tout cela sous le regard médusé de Yuri qui, après un instant d'hésitation, se mit à l'imiter.

« Beurk ! » fit son compagnon d'infortune en grimaçant. « Je commence sérieusement à regretter l'Ile du Plaisir… »

« Il y a plus ignoble à manger. » dit-il après avoir fini son assiette. « Une fois, je me suis perdu en forêt et j'ai dû manger des insectes vivants faute de trouver du gibier. Quand tu as faim, tu apprends à faire des concessions. »

En l'occurrence, celui originaire de Dahngrest avait souffert de mal de mer pendant un moment et son estomac criait famine depuis un moment déjà donc il n'allait pas faire le difficile. Cependant, il avait intérêt à convaincre celui qui venait de l'Ile du Plaisir d'au moins goûter au contenu de son assiette car seul, il doutait d'arriver à tout finir en sachant qu'ils avaient un menu complet à déguster.

Heureusement, même s'il avait eu du mal, Yuri avait fini son entrée et avalé un grand verre d'eau pour faire passer le goût. C'était déjà ça de gagné.

A peine une minute plus tard, le chef arriva avec le plat : de la cervelle bouillie accompagnée de natto (1), un mets dont l'odeur ne passa pas du tout inaperçue. L'aspect était certes répugnant mais ce parfum de soja fermenté agressait les narines à un tel point qu'il vit son camarade faire un mouvement de recul.

« Tout s'est bien passé ? » leur demanda Willy Rovelli en débarrassant les assiettes des entrées.

« C'était immonde. » répondit le bel éphèbe avant de plaquer une main contre son visage, se sentant visiblement mal.

« C'est la cervelle de quel animal au juste ? » questionna le guerrier, faisant abstraction de la puanteur émise par les plats face à eux.

« Du porc qui est élevé dans un village pas très loin et livrée ce matin… ou la veille, je ne sais plus. Bonne dégustation ! »

Et encore une fois, leur hôte s'éclipsa rapidement en cuisine.

Comme Flynn était habitué à manger de la viande, la cervelle bouillie ne lui faisait pas peur car il connaissait – il avait toujours préféré les abats aux fruits de mer, ayant une aversion pour les moules et les huîtres depuis l'enfance. Par contre, le natto était un aliment qu'il n'avait jamais goûté mais il savait par Raven ce que c'était et que ce n'était pas aussi mauvais qu'on pouvait le penser.

Prenant sa fourchette en main, il décida de tester ce natto et il tenta d'en prendre un morceau… réalisant ainsi que celui-ci faisait des fils gluants, ce qui n'encouragea nullement Yuri à l'imiter vu l'expression de son visage.

« C'est quoi cette chose encore ? » demanda son camarade qui n'appréciait vraiment pas ce qu'il voyait.

« Des graines de soja fermentés. » répondit-il en toute simplicité avant de goûter cela… et de constater que ça n'avait pas une saveur extraordinaire. Il trouvait cela même plutôt fade, surtout après qu'il eut mangé un morceau de cervelle bouillie.

Après une longue hésitation, son compagnon d'infortune se décida à essayer le plat mais après une bouchée de chaque, il était clair qu'il n'aimait pas du tout le natto et qu'il n'allait certainement pas faire l'effort de le finir. Il reconnaissait que la texture était très particulière en bouche et lorsqu'il vit qu'il avait terminé, difficilement certes, sa part de cervelle bouillie, le guerrier lui prit son assiette pour finir le natto, même si lui-même n'aimait guère cet aliment mais plus à cause de son manque de saveurs.

« Comment t'arrives à manger un truc aussi infect ? » lui demanda Yuri après avoir de nouveau avalé un grand verre d'eau.

« D'une, ce n'est pas aussi mauvais et de deux, je n'ai pas envie de perdre mon village. » répondit Flynn en finissant son assiette. « Qui plus est, après la longue diète que j'ai eu, je meurs de faim ! J'avalerai un sanglier entier s'il y en avait un. »

Le bel éphèbe eut un rire amusé en entendant cette phrase et le jeune homme aux cheveux d'or réalisa que sa présence ne le gênait plus. Il s'y était habitué à force de voyager ensemble et même s'ils avaient des origines différentes, il ne trouvait pas sa compagnie désagréable, bien au contraire. D'ailleurs, en repensant aux épreuves qu'ils avaient déjà effectuées, il constata qu'ils étaient complémentaires : là où l'un avait des difficultés, l'autre était là pour les compenser et inversement.

En d'autres termes, à eux deux, ils avaient une chance de réussir à gagner le pari fait avec l'empereur Ioder.

« Au fait, si on venait à réussir toutes les épreuves, que comptes-tu faire ? » se demanda subitement le guerrier en se souvenant que seuls les conséquences d'un échec avaient été évoquées pour son camarade. « Tu vas rentrer chez toi ? »

« Je n'y ai pas réfléchi. » avoua Yuri, visiblement un peu surpris par cette question. « Je sais juste que je ne veux pas retourner dans l'immédiat sur l'Ile sur Plaisir ou finir en serviteur particulier pour ce gamin… »

Leur conversation, qui était très agréable, fut brusquement interrompue par le retour de leur hôte, venu pour débarrasser leurs plats et leur amener la suite : le fromage. Certes, la portion était petite mais elle était dans la même veine que les mets précédents, c'est-à-dire peu appétissante pour le commun des mortels.

« Mes chers amis, ceci est du Casgiu Merzu(2), une spécialité locale très réputée. » leur expliqua le cuisinier tandis que, de la préparation fromagère se mouvaient des asticots qui, cela ne faisait aucun doute, étaient bel et bien vivants. « C'est un fromage pourri aux larves de mouches que vous avez la chance de pouvoir déguster ici aux frais de l'empire. Bon appétit et je vous retrouve pour le dessert. »

Encore une fois, Willy s'éclipsa rapidement, leur laissant tout le temps d'observer ce qui venait de leur être servi.

-§-

Il allait étrangler ce sale gosse d'Ioder s'il venait à le recroiser. Cet endroit était tout bonnement affreux au point qu'il en était venu à regretter l'Ile du Plaisir et son excellente nourriture – certes, c'était surtout lui qui cuisinait là-bas mais c'était clairement meilleur que ce qu'il y avait dans ce boui-boui !

Sincèrement, Yuri se serait arrêté à l'entrée si Flynn n'avait pas été là. Sans lui, il n'aurait jamais réussi à se convaincre d'avaler ces horribles sushis aux insectes et de faire de même avec la cervelle bouillie – il avait tenté avec le natto mais l'odeur l'avait beaucoup trop dérangé et s'il avait continué, il aurait probablement vomi le contenu de son estomac, leur faisant échouer cette épreuve à tous les deux par la même occasion.

Là, le coup du fromage pourri, il aurait quand même dû le voir venir, surtout qu'il en avait entendu parler quand il était sur l'Ile du Plaisir mais jamais il n'en avait vu jusqu'ici. Lui qui n'aimait déjà pas le fromage à la base, là, il était servi…

Un coup d'œil au guerrier lui permit de voir que les asticots vivants ne semblait pas du tout le déranger : il avait pris un morceau de pain pour le tartiner de cette chose vraiment pas appétissante et il croquait dans sa tartine comme si de rien n'était.

Avec la pointe du couteau, le bel éphèbe goûta ce mets… et fut dégoûté par cette saveur très amère et piquante. Ce fromage, en plus d'être pourri, était très fort, au point qu'il en venait à regretter le natto qui leur avait été servi plus tôt. Sans hésitation, il laissa sa part à Flynn en priant intérieurement pour que le dessert n'ait rien de vivant à l'intérieur car sinon, il risquait de rendre tout ce qu'il avait avalé juste avant.

Le seul point positif qu'il avait noté pour le moment était que leur hôte semblait moins guilleret qu'au départ, signe qu'il ne s'était probablement pas attendu à ce qu'ils parviennent jusque-là. Avec de la chance, il n'aura pas le temps de leur faire un sale coup pour le dernier plat… mais il n'y croyait pas trop.

De plus, un détail de taille commençait à le titiller : s'il savait à présent d'où venait l'odeur de légumes fermentés, il n'avait toujours pas trouvé l'origine de celle de poisson pourri, ce qui lui laissait penser que le dessert risquait fort d'en contenir. Qui plus est, son nez commençait enfin à s'habituer à ces senteurs désagréables et il pouvait maintenant se concentrer sur autre chose que sur son odorat qui se faisait plus que malmener depuis leur entrée dans ce restaurant.

« Je crois qu'il nous réserve le pire pour la fin. » déclara Yuri à son camarade. « Ça sent le poisson pourri depuis un moment déjà et on a rien eu à base de poisson pour le moment. »

« Cela se tient. » approuva Flynn en grimaçant une fois qu'il eut fini son assiette. « Mais un dessert à base de poisson ? »

« C'est étrange oui mais comparé à ce qu'on a eu avant… »

Qu'allaient-ils donc avoir à manger en dernier ? Les fruits de mers étant trop fragiles comme produits, il aurait tendance à les exclurent, doutant fort que leur hôte veuille les empoisonner car techniquement parlant, tout ce qui leur avait été servi était certes loin d'être appétissant mais cela restait des produits comestibles et donc, en théorie, non destinés à causer une intoxication alimentaire. Le plus probable, vu l'odeur, était un poisson fort et qui était dans la même veine que tout ce qu'ils avaient eu auparavant.

En fouinant dans ses souvenirs de l'Ile du Plaisir, le bel éphèbe se souvint d'un homme qui venait d'un pays loin au nord et qui avait posé quelques soucis aux prêtresses car celui-ci n'aimait que des poissons forts en goût. Au final, elles avaient réussi à le faire tomber sous leurs charmes et cet homme avait évoqué une spécialité de son pays – le seul truc qu'il avait retenu du nom de ce plat était son côté imprononçable – qui, justement, était du poisson fermenté.

Si c'était bien ça, sous quelle forme allait-elle leur être présentée ?

La réponse ne tarda pas à arriver en la personne du cuisinier qui, après avoir débarrassé leurs assiettes et leurs couverts, vint leur apporter des cuillères ainsi qu'une coupe en cristal en fredonnant une chanson d'amour. A l'intérieur, il y avait deux boules de glace d'une couleur indéfinissable et qui sentaient le poisson bien pourri.

« Ah, mes chers amis… » commença Willy Rovelli, la voix chargée d'émotion. « C'est avec une immense joie que je vous annonce que vous êtes les premiers à être parvenus jusqu'à cet instant fatidique : ce dessert ! Qui plus est, c'est aussi mon mets favori et vous ne pouvez pas imaginer à quel point de suis fier de vous présenter la spécialité de mon restaurant : la glace au surströmming (3)! »

Yuri reconnut ce nom bizarre qui lui confirma qu'ils avaient affaire à une crème glacée au poisson. En théorie, lui qui aimait bien les desserts, il ne devrait pas avoir de souci mais en pratique, il se demandait sérieusement si ce truc était bel et bien mangeable…

En levant son regard sombre vers son partenaire, il constata que celui-ci était plus pâle que tout à l'heure. En cherchant dans sa mémoire, il se rappela que Flynn n'avait jamais été très enthousiaste face à des plats à base de fruits de mer et il comprit instantanément que celui-ci n'arriverait jamais à se forcer à finir ce dernier mets.

La ruse qu'il aurait été possible de faire était de jeter discrètement la nourriture mais si elle aurait pu être tentée avec les plats précédents, ce coup-ci, elle était impossible car le propriétaire des lieux n'avait visiblement pas l'intention de retourner en cuisine.

« Mangez ! Mangez ! » s'exclama vivement Willy avec un grand sourire. « Ne faites surtout pas attention à moi ! »

Facile à dire… mais face au conflit interne plus qu'évident chez le guerrier, c'était à son tour de sacrifier son haleine et ses papilles gustatives. Haut les chœurs…

« T'as de la chance que je t'aime… » dit-il à voix basse avant de prendre une cuillère de glace et de la mettre rapidement dans sa bouche.

A l'instant où il sentit le froid envahir son palais, Yuri réalisa qu'il avait eu une très mauvaise idée en mettant autant de crème glacée dans sa bouche d'un seul coup car il s'était presque gelé le cerveau. Le pire restait tout de même le goût qui, certes, le dérangeait moins que celui du fromage mais le natto gardait tout de même sa grande préférence. C'était TRES salé pour un dessert et sincèrement, il avait l'impression de manger une crème dans laquelle un énorme bloc de sel avait été jeté ainsi qu'une bouteille d'un vinaigre bien acide, tout cela avec en plus la saveur du hareng qui avait été très longuement oublié. Le plus dur allait être de ne pas vomir…

Il voulut prendre un verre d'eau pour faire passer le goût… mais il réalisa avec horreur que la carafe était vide, ce qui n'arrangeait vraiment pas leurs affaires. Cependant, en un clin d'œil, le cuisinier leur en avait ramené une pleine… ou du moins, il avait déjà vu la chose et s'était préparé à leur ramener de quoi boire.

Flynn tenta sa chance lui aussi… et l'expression de son visage en disant suffisamment long pour que son compagnon d'infortune sache qu'il avait certainement la même opinion que lui sur cette glace, voire même pire…

Et encore, ils devaient s'estimer heureux de ne pas avoir le produit de base car il avait l'étrange impression que ce serait mille fois pire.

« Alors, quel goût ça a ? » leur demanda leur hôte avec un intérêt quelque peu sadique aux yeux de Yuri.

« C'est infect ! » répondirent les deux camarades au même moment avant de rassembler leur courage pour essayer de finir cette chose immonde.

Sérieusement, ce prétendu cuisinier le faisait exprès ou bien il ne goûtait jamais ses plats ? A tous les coups, c'était les deux et le jeune homme aux cheveux de jais se jura que si un jour il revoyait cet énergumène, il lui ferait avaler son menu entier à la première occasion !

A force de volonté et avec beaucoup d'efforts, ils arrivèrent difficilement à terminer ce dernier plat. Ils étaient au bord du malaise mais ils étaient, pour l'instant, encore vivants. Par contre, leurs papilles gustatives risquaient fort de leur faire défaut pendant un moment et leurs haleines… non, il ne valait peut-être mieux ne pas y penser, surtout que rien ne garantissait que leurs estomacs puissent se remettre de tout ça.

« Bravo ! Bravissimo ! » s'exclama avec émotion le propriétaire des lieux en applaudissant avec force tout en reniflant. « Jamais personne n'avait réussi à finir mon menu en entier et… excusez-moi une seconde. »

Sur ces mots, le chef se moucha bruyamment dans son tablier avant d'essuyer quelques larmes de joie qui menaçaient de couler.

« Vous avez vraiment été un formidable duo ! » poursuivit Willy en s'approchant… avant de reculer d'un pas, certainement à cause des deux regards assassins dirigés contre lui. « Revenez quand vous voudrez ! »

Intérieurement, Yuri et Flynn pensaient la même chose : ça ne risquait pas d'arriver !

Après leurs adieux à leur hôte, ils sortirent avec joie du restaurant, respirant à plein poumons l'air extérieur… avant d'aller chercher où pouvait bien se planquer Rita afin de lui faire savoir qu'ils avaient réussi cette épreuve.


Notes :

1 : Le natto est fait à base de graines de soja fermentées et est un aliment très populaire au Japon mais généralement peu apprécié par les occidentaux.

2 : Le Casgiu Merzu est un fromage corse fort qui est pourri avec des larves de mouches. Il peut être mangé avec ou sans les asticots.

3 : Le surströmming est du hareng fermenté et est très populaire en Suède. Son odeur est, paraît-il, une des pires qui existe et il serait interdit dans les avions à cause du risque d'explosion des boîtes de conserve dans lequel il fermente.

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May 15 – 16 Pink Camelia: “I long for your touch”

Beta : Eliandre

UA : Miraculous

 


 

Combattre le mal dans Paris était épuisant, surtout face à des adversaires aussi tirés par les cheveux les uns que les autres – quelle idée aussi de créer un ennemi capable de contrôler les pigeons ! Jamais Flynn n’avait autant souffert de cette encombrante allergie aux plumes que ce jour-là. Le Chevalier Noir avait aussi posé quelques soucis mais cette fois, le jeune homme s’estima heureux d’être un bon escrimeur car cela lui avait permis de comprendre comment parer cette botte secrète.

Leur dernier combat avait été contre Animan, un redoutable animorphe qui avait causé une très grosse frayeur au héros en noir quand il vit Ladybug se jeter dans sa gueule. Après avoir réussi à purifier l’akuma, Flynn n’avait pas pu résister à la brusque envie de serrer son partenaire dans ses bras et il s’en était excusé après coup.

Par contre, depuis ce combat, le jeune homme avait un souci : il avait attrapé des puces et impossible pour lui de s’en débarrasser. Il suspectait fortement Plagg d’en être à l’origine car il s’était douché, lavé les cheveux, avait nettoyé sa chambre à fond et il avait toujours ces fichues puces qui lui donnaient la furieuse envie de se gratter ! Quel enfer…

—Tu ne me feras pas prendre de bain ! s’exclama le kwami en partant se cacher à la vue de la bouteille de shampooing pour animaux. J’aime mon odeur corporelle, merci !

—Et moi j’en ai assez d’avoir des puces, répliqua Flynn en se grattant derrière la nuque. Tu es la seule chose ici qui n’a pas vu du savon de près ou de loin.

—Es-tu seulement certain que ce sont des puces ? Car je te signale que moi, je n’en ai pas !

Là, Plagg venait de marquer un point. Le jeune homme ne l’avait jamais vu se gratter et il n’avait pas vu de ses yeux ces sales petits insectes, juste supposé que cela pouvait être la cause de ses démangeaisons.

—Dans ce cas, qu’est-ce que ça peut être ? demanda Flynn qui dut se retenir d’essayer de se gratter le dos. C’est depuis qu’on a vaincu Animan que j’ai ça.

—Sur ce coup, je donne ma langue au chat, fit le kwami avant d’aller s’installer sur le canapé.

Comme toujours, ce cher Plagg lui était d’une aide inestimable…

Il retourna dans sa salle de bains et ôta sa chemise. Il se tourna vers le miroir et examina son reflet, cherchant le moindre indice sur ce qui pouvait causer ces démangeaisons. Malheureusement, il ne vit ni piqûre d’insecte, ni quelconque signe qu’il faisait une réaction allergique. C’était à croire que tout cela n’était que le fruit de son imagination…

-§-

Un jour, Yuri allait attraper Luke à un moment où Natalia n’était pas dans les parages et lui coller sa tête dans la cuvette des toilettes… Le fils à papa lui avait encore mené la vie dure et comme toujours, la déléguée de classe le défendait, tout simplement parce qu’ils étaient amis depuis l’enfance. Or, cette saleté de rouquin lui avait cassé les pieds toute la journée au point qu’il avait perdu un temps précieux au lieu de travailler sur ce devoir de physique qu’il devait rendre demain – de tous les profs du collège, M. Curtiss était celui qu’il valait mieux ne pas contrarier…

Il devait être près de onze heures du soir lorsqu’il eut achevé le tiers de son travail, ce qui ne l’enchantait guère en constatant à quel point son professeur avait été sadique dans ses questions. Même avec une nuit blanche, il n’était pas persuadé d’arriver à le finir, surtout qu’il n’excellait pas dans cette matière – s’il arrivait à avoir la moyenne partout, la physique-chimie lui posait plus de soucis et sa meilleure note était, sur toute l’année, un onze qu’il avait réussi à décrocher après d’intenses révisions et qui lui avait valu le seules félicitations que M. Curtiss lui avait accordées.

Alors qu’il relisait une énième fois son cours pour comprendre pourquoi il ne trouvait jamais le même résultat à son opération, un grand bruit retentit au-dessus de lui, lui faisant se demander ce qu’il pouvait bien se passer sur la terrasse.

Yuri prit en main le premier truc à sa portée – il aurait aimé une batte de baseball mais il n’avait rien de mieux que son vieux parapluie – et monta l’escalier menant à l’extérieur. Après avoir pris une bonne inspiration, il ouvrit rapidement la trappe et se rua dehors… pour constater avec stupéfaction que le responsable de ce raffut n’était autre que Chat Noir qui… se frottait le dos contre le mur ?

—Hé hé… fit le héros en noir, l’air gêné. Salut…

—Je peux savoir ce qu’un chat de gouttière fiche ici ? demanda l’habitant des lieux, un peu agacé par cette visite imprévue. On n’a pas pour habitude de les nourrir ici.

—Je fais juste une patrouille et je passais dans le coin. J’allais part…

Chat Noir ne termina pas sa phrase, ses oreilles de chat se dressant d’un coup et ses dents se mettant à grincer. Puis, sans prévenir, il se mit à se gratter la tête avec force, grognant avec exaspération tout en tentant d’atteindre le milieu de son dos avec ses mains griffues.

—Mais c’est pas vra… grommela le héros en se contorsionnant. RHAAA !

—Heu… Tu as des puces ? demanda Yuri en faisant un pas en arrière. Parce que si c’est le cas…

—NON ! C’est juste que ça me démange sans arrêt depuis plusieurs jours et c’est infernal !

Yuri regarda la scène durant une bonne vingtaine de secondes. Il ne savait pas trop comment gérer cette situation, surtout qu’il ne tenait pas trop à trahir son secret. De plus, il fallait vraiment qu’il finisse ce devoir s’il voulait être tranquille demain…

—Tu m’excuseras mais j’ai mes cours de physique à bosser, fit-il en lâchant un bâillement. J’en ai pour un bon moment donc si tu pouv…

—Tu veux de l’aide ?

La proposition de son partenaire le prit de cours. A l’origine, il avait pensé tenter de demander à Flynn de lui réexpliquer le dernier chapitre mais à cause de Luke qui avait tout fait pour le faire chier, il n’avait même pas pu l’approcher avant que le beau blond ne doive partir pour son cours de chinois. Après, ce n’était pas la première fois qu’il croisait Chat Noir sans être Ladybug : la première fois, c’était parce qu’une fille qui en pinçait pour lui avait été akumatisée et que Yuri avait estimé qu’il avait plus de chances de réussir à lui prendre son akuma sous son identité civile qu’en étant transformé, ce qui l’avait poussé à quelque peu tromper son coéquipier.

—Ca ne me gêne pas, poursuivit le héros en noir qui se retenait visiblement de se gratter une énième fois. La physique-chimie est ma matière préférée.

—Et moi je suis une des deux têtes de turcs de mon sadique de prof, lâcha le jeune homme à la chevelure de jais en se souvenant des horribles interrogations surprises de M. Curtiss et du fait qu’il allait certainement en avoir une demain. Sincèrement, c’est bien parce que je suis coincé que j’accepte…

Au bout de cinq minutes, Yuri avait monté ses cours sur la terrasse ainsi que de quoi grignoter, des coussins et une source de lumière. Il avait ensuite montré à Chat Noir à quel endroit de son devoir il coinçait et celui-ci, avec application, lui expliqua l’énoncé tout en l’aidant à comprendre pourquoi il ne trouvait jamais le même résultat à ses calculs.

A un moment, il nota que son partenaire bougeait son épaule de façon bizarre tout en grimaçant…

—Ca te démange où exactement ? demanda-t-il en posant ses affaires devant lui.

—En plein milieu du dos et c’est une pure horreur, répondit le héros qui recommençait à se contorsionner. J’ai l’impression parfois que j’ai du poil à gratter dans mon costume !

Honnêtement, il ignorait pourquoi il avait fait ça sur le coup mais Chat Noir qui bougeait dans tous les sens le perturbait beaucoup. C’était donc probablement pour cette raison qu’il avait posé ses mains sur son dos et qu’il avait commencé à le gratter dans la zone citée, faisant d’abord se figer le héros en noir avant que celui-ci ne lâche un soupir de délice tout en savourant ce contact.

—Juste là, oui, ronronna son partenaire en se rapprochant un peu de lui. Si tu pouvais y aller un peu plus fort…

—Comme ça ? fit Yuri en intensifiant son geste tout en se demandant à quel point le tissu de leurs costumes était fin.

Le hochement de tête affirmatif qu’il reçut fut une réponse suffisante et il commença à bouger ses mains par rapport aux indications qui lui étaient fournies… tout en faisant de son mieux pour ignorer à quel point son cher partenaire était bien foutu d’un point de vu physique.

-§-

Cette patrouille nocturne en solitaire aura finalement tourné autrement pour Flynn qui, à la base, n’arrivait pas à dormir à cause de ces fichues démangeaisons. Il était le premier de sa classe en physique-chimie – accessoirement, il était aussi le chouchou de son professeur qui appréciait son implication en classe et son sérieux – donc donner un coup de main à Yuri ne le dérangeait absolument pas.

Par contre, il ne s’était pas attendu à recevoir ce genre de traitement en retour. Lui qui n’avait guère l’occasion d’avoir des contacts physiques avec les autres en dehors du lycée, c’était totalement nouveau pour lui, surtout qu’il devait reconnaître que son camarade soulageait admirablement bien son problème. S’il pouvait rester ainsi toute la nuit, il le ferait volontiers.

Cependant, il s’était engagé à autre chose et après avoir dit à Yuri que ça ne le grattait plus – ce qui était vrai –, ils reprirent leur séance de révisions.

—Bon, avec ça, j’ai enfin fini ! s’exclama avec une joie non dissimulée le jeune homme aux cheveux de jais. Je vais pouvoir dormir tranquille maintenant.

—Tu n’avais pas quelqu’un dans ta classe qui aurait pu t’aider ? demanda Flynn, intrigué de ne pas avoir été approché sur le sujet. Je suis pourtant certain qu’une charmante demoiselle ou qu’une âme généreuse serait volontiers venu à ton secours !

—Pour les filles, j’en ai peut-être pas mal dans mes amies mais elles ne m’intéressent pas plus que ça et aucune de celles qui auraient pu me filer un coup de pouce n’en aurait vraiment été capable car elles arrivent à peine à se maintenir à la moyenne parfois. Sinon, j’avais bien quelqu’un qui pouvait m’aider mais le crétin de fils à papa de ma classe m’a pourri la vie et fait perdre le peu de temps libre que j’avais…

Le héros n’eut pas de mal à comprendre que Luke avait encore dû faire de Yuri sa cible privilégiée. Il avait déjà demandé à Natalia si elle pouvait le canaliser un peu mais ça n’avait eu aucun résultat, à croire que personne au lycée Bernard d’Andrésy(1) ne parvenait à le remettre durablement à sa place.

Cependant, Flynn réalisa après coup ce que son camarade avait sous-entendu au départ…

—J’ai peut-être mal interprété mais… commença le héros, ses yeux bleus fixant ceux gris de son interlocuteur. Tu es gay ?

—Yep, confirma Yuri avec un léger sourire. Je ne le crie pas partout mais je ne m’en cache pas pour autant.

Il comprenait mieux à présent pourquoi certains garçons de la classe restaient éloignés de celui à la chevelure de jais et que Chester était le seul avec qui il avait de vrais rapports amicaux – son meilleur ami était le seul avec Natalia à qui Flynn avait avoué ses préférences et cela ne l’avait pas du tout choqué.

—J’imagine que c’est aussi ton cas vu tes avances envers Ladybug, poursuivit Yuri avant de baisser les yeux vers ses affaires. Enfin… C’est pas mes affaires…

—Effectivement, je suis plutôt intéressé par les hommes, confirma le héros en se grattant nerveusement l’arrière du crâne. Cependant, je suis beaucoup moins ouvert que toi au quotidien et j’avoue que je profite d’être en costume pour me lâcher un peu.

Que penserait son père s’il savait que son fils parfait n’avait aucune attirance pour les femmes ? Vu le milieu dans lequel il évoluait, ce ne serait peut-être pas le pire drame qui soit mais il ne voulait pas prendre le risque de fragiliser encore plus leur relation. Le jour où il serait vraiment prêt à assumer cela dans sa vie civile, il irait lui en parler.

En tout cas, il était plutôt content de pouvoir en parler un peu avec quelqu’un qui pouvait comprendre un peu sa situation.

-§-

Lui et Chat Noir avaient parlé ensemble durant une bonne vingtaine de minutes avant que son partenaire ne s’en aille, réalisant qu’il se faisait tard et qu’il devait de rentrer chez lui. Ce n’était pas désagréable et il aimerait qu’il soit ainsi quand ils combattent ensemble. Il repensait encore au moment où il avait posé ses mains sur lui, se demandant pourquoi cela lui avait paru tout à fait normal alors que ce n’était pas vraiment le genre de choses que l’on faisait avec des amis mais plutôt avec… un amant ? Rien que d’imaginer ce que cela aurait été s’il n’avait pas porté son costume faisait monter sa température corporelle.

A présent, il était en cours de physique-chimie et, comme il s’y était attendu, le professeur Curtiss avait préparé une interrogation surprise de son cru et Yuri constatait qu’il en profitait pour commencer à corriger leurs devoirs. Cette première heure se termina avec leurs copies ramassées et tous n’étaient pas très sereins car les questions ne portaient pas seulement sur le chapitre en cours mais certains des précédents. Excepté Flynn, beaucoup sentaient visiblement venir la mauvaise note…

—Bien jeunes gens, fit le professeur de physique-chimie en remettant en place ses lunettes. J’ai terminé de corriger vos devoirs qui, comme je vous le rappelle, comptent double dans votre moyenne.

M. Curtiss eut un sourire à glacer le sang, faisant frémir la moitié de l’assemblée. Yuri se mit à déglutir en croisant son regard, sentant comme une aura sadique émaner de ce personnage.

—Je vous les rendrais avant la pause de dix heures, déclara l’enseignant en fixant avec suspicion le jeune homme ainsi que d’autres élèves dont Luke qui, visiblement, avait très envie de disparaître sous la table. Je vais m’absenter quelques minutes pour régler une petite affaire et vous laisser le temps de… décompresser.

La manière dont il avait prononcé ses derniers mots avait donné des sueurs froides à quasiment tout le monde et tous le regardèrent sortir de la salle en se demandant ce qu’il allait bien leur réserver à son retour.

—Comment un pareil psychopathe a pu devenir prof ? fit Chester en se tournant vers eux. Il me fout les jetons !

—Estime-toi heureux qu’il n’enseigne pas la biologie, répliqua Judith avec malice, faisant frissonner l’archer à ces mots. Il serait capable de disséquer un élève…

—C’est peut-être un peu exagéré non ? dit Flynn, les sourcils haussés. Je sais qu’il est sévère mais il est très bon je trouve.

Ca, c’était difficile à contester car il était réputé que ceux qui avaient à peine la moyenne auraient de très bons résultats avec un autre prof. Mais bon, s’il pouvait enfin cesser son règne de terreur…

Au retour de leur professeur, ils reprirent le chapitre en cours et, comme convenu, il leur rendit leurs devoirs avant la fin de l’heure. Sans surprise, Flynn avait eu les félicitations et Arche, qui avait beaucoup participé en classe, avait vu ses efforts être récompensés. Puis arriva Luke qui, face au regard acéré de M. Curtiss, tremblait sur sa chaise.

—Monsieur Fon Fabre, commença l’enseignant avec un rictus qui ne promettait rien de bon. C’est curieux ce paradoxe que j’ai constaté entre votre excellent devoir maison et l’interrogation de tout à l’heure. Auriez-vous été victime d’une brusque amnésie durant la nuit pour en oublier comment vous aviez répondu à la question numéro 3 qui était absolument identique dans les deux énoncés ?

Yuri put voir avec clarté le visage de celui qu’il détestait le plus devenir aussi blanc que la blouse de leur professeur. Il était clair à présent que le fils à papa n’avait pas fait lui-même le travail et d’après les mots qui sortaient de sa bouche, sa défense n’était pas très solide.

—Lorsque vous m’aurez expliqué ce curieux phénomène, je déciderai si je dois diviser votre note par deux ou la réduire à un simple cercle, déclara M. Curtiss avant d’aller vers la table de Yuri qui ne se sentait pas en grande forme tout à coup. Pour ce qui vous concerne Monsieur Lowell, très bel effort. J’espère qu’il se poursuivra car il serait fâcheux que votre moyenne dégringole.

Ses oreilles le trompaient ou bien son professeur venait de le féliciter ? Il regarda la feuille qu’il venait de lui rendre et, en rouge, il vit sa note : quatorze sur vingt, la plus élevée qu’il ait eue cette année en physique-chimie.

-§-

Du coin de l’œil, Flynn observait attentivement les réactions de Yuri et il avait eu du mal à cacher un sourire en le voyant agréablement surpris face à sa note. Honnêtement, il n’avait douté aucun instant que son camarade réussirait car il s’était bien appliqué à lui réexpliquer ce qu’il n’avait pas compris et il savait que c’était quelqu’un d’intelligent.

Cependant, le jeune homme n’arrivait pas à se sortir de la tête le moment qu’ils avaient partagé ensemble et le contact de ses mains sur son dos. Etrangement, depuis cette nuit, ses démangeaisons avaient totalement disparues et quand il en avait parlé à Plagg, celui-ci avait rétorqué que tout était peut-être dans sa tête depuis le départ et qu’il ferait mieux de passer à autre chose au lieu de l’ennuyer avec ça. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire car maintenant qu’il savait que Yuri était gay, il avait fini par noter que c’était quelqu’un de physiquement très attirant… ce qui posait un gros souci à Flynn car il était amoureux de Ladybug.

Que devait-il faire ? Continuer à courir après son coéquipier ou bien tenter sa chance avec quelqu’un qui lui était plus facilement accessible ?

(1) : Fallait que je nomme mon lycée donc vu que le collège a le nom de la vraie identité de Fantomette, j’ai choisi de faire pareil avec un autre « héros » de la littérature française en utilisant un de ses noms d’emprunt…

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May 13 – 14 Fern : “Discretion; secret bond of love”

Beta : Eliandre

UA : Crossover avec Arsène Lupin bien que j’admette qu’il est peu perceptible pour les non-connaisseurs de ce héros de Maurice Leblanc.

 


 

Encore une fois, les gros titres des journaux ne faisaient pas honneur à la police qui, encore une fois, n’avait pas réussi à coincer le célèbre gentleman-cambrioleur – il fallait dire que ce dernier s’était copieusement moqué, via une lettre envoyée à l’Echo de France, de l’inspecteur Cumore qui avait réussi à se faire piéger en beauté par le malfrat. Le vol incroyable d’une collection de tableaux faisait sensation, essentiellement parce que personne ne parvenait à comprendre comment il avait pu y parvenir.

Cependant, les petits mystères de ce genre, Flynn s’était habitué à les résoudre, accédant aux lieux en se faisant passer pour un journaliste ou un photographe – tout dépendait de qui acceptait de lui rendre service ou non. Il avait ainsi réussi à en éclaircir un certain nombre mais face au dédain de la police à son égard, il les gardait pour lui dans un petit carnet à la couverture de cuir marron qu’il rangeait dans un tiroir du bureau du petit meublé où il logeait.

Il y a quelques temps, alors qu’il rentrait chez lui, il eut la surprise de découvrir que quelqu’un y était déjà, visiblement en train de l’attendre en lisant le journal du jour. Bien entendu, il demanda à cet intrus au regard anthracite comment il avait pu pénétrer dans son appartement et pour toute réponse, il eut un sourire narquois puis l’inconnu lui avait montré son carnet de notes. Flynn Scifo avait alors compris qu’il avait face à lui le célèbre Yuri Lowell, voleur de renom qui s’était fraîchement évadé de la prison de la Santé.

Le cambrioleur lui avait proposé de rejoindre sa bande, offre que le jeune homme avait refusée poliment. Il préférait jouer les détectives amateurs pour passer le temps entre l’écriture de deux nouvelles plutôt que de franchir la ligne, une décision que celui qui devint un très bon ami respecta et il se contenta donc de lui conter ses différentes aventures à travers la France ainsi qu’à d’autres endroits du globe.

Ils se voyaient régulièrement, leurs rendez-vous n’étant jamais planifiés d’avance mais toujours des plus appréciés.

Puis un soir, leurs rapports se firent plus qu’amicaux, probablement en partie à cause de l’excellente bouteille de vin rouge qui avait accompagné leur dîner. Les regards se croisaient plus souvent qu’à l’accoutumée, leurs mains se frôlaient plus que les convenances ne le toléraient et lorsque que la fin du repas arriva, au lieu de prendre congé, le cambrioleur resta et lui proposa de lui conter une autre de ses aventures.

En tout honnêteté, l’écrivain ne se souvenait plus lequel d’eux deux avait initié ce baiser mais il se rappelait avec clarté de la nuit qu’ils avaient passé ensemble et du fait que le malfrat avait disparu au petit matin.

Cette liaison, Flynn la gardait secrète, d’une part car il ne souhaitait pas que les ennemis de Yuri se servent de cela contre lui et d’autre part car il savait pertinemment que malgré la grande popularité du gentleman-cambrioleur, personne n’accepterait qu’il ait un homme pour amant. Il acceptait donc les quelques aventures sentimentales que son aimé pouvait avoir au cours de ses escapades, même si cela lui était parfois difficile.

Cependant, l’écrivain oubliait tout cela quand son cher et tendre venait le voir lui faisant le récit de ses dernières péripéties ou partageant avec lui quelques moments d’intimité. Il avait même osé frapper à sa porte déguisé en femme, tout cela parce qu’un de ses voisins commençait à poser des questions sur qui pouvait bien venir le voir à cette heure du soir.

Récemment, ce souci de voisinage ne se posa plus car Flynn, grâce à un roman qui s’était bien vendu et suite à un héritage, avait acquis un modeste pavillon près d’Etretat où il pourrait avoir tout le loisir d’écrire au calme et où Yuri passait régulièrement le voir, restant parfois plusieurs jours d’affilé sous prétexte de vacances qu’il avait besoin de prendre.

Même s’ils ne pouvaient pas se montrer ensemble au grand jour, cela ne les empêcherait pas pour autant de s’aimer en secret…

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 May 9 – 10 Marvel of Peru : "Flame of love; timidity"

Beta : Eliandre

Note : Suite de l'UA Miraculous, toujours pour le Fluri Month 2016.


 

Demain, au grand dam de Yuri, c'était la Saint-Valentin, le jour de l'année qu'il détestait le plus. Soi-disant le jour des amoureux mais aussi d'une fête devenue purement commerciale qui lui donnait mal au cœur rien que d'y penser.

Seulement cette année, il allait être contraint d'y participer car Judith lui mettait la pression à lui ainsi qu'à Arche, une fille de sa classe, pour que tous deux se décident à avouer leurs sentiments aux personnes qu'ils aimaient…

—Judy, c'est stupide ton idée d'envoyer une carte, grommela-t-il en se repenchant sur ses devoirs de géographie. Tu sais que je déteste écrire en plus.

—C'est horriblement cliché, ajouta Arche, reconnaissable à ses longs cheveux roses noués en queue de cheval et à ses vêtements un peu amples qui masquaient le fait qu'elle n'avait pas de formes. Comme si j'allais envoyer une carte à l'obsédé de service alors que je lui ai balancé un seau dans la figure car je l'ai surpris en train de se rincer l'œil en cachette dans le vestiaire des filles.

—C'était d'ailleurs un tir magnifique de ce que j'ai entendu.

—Merci, j'en suis très fière !

—Dois-je vous rappeler les raisons exactes de vos célibats respectifs ? questionna Judith avec un grand sourire.

Yuri grogna à cette remarque, accompagné par Arche qui se mit ensuite à faire la moue en croisant les bras contre sa poitrine. Si le jeune homme n'avait jamais réussi à aborder Flynn à cause de sa poisse infinie, sa camarade aux cheveux roses ne parvenait pas à trouver comment déclarer ses sentiments à Chester à cause des rapports explosifs qu'ils entretenaient depuis toujours… et peut-être aussi parce qu'elle avait été possédée par un akuma il y a peu, la changeant en une sorcière qui adorait balancer des boules de feu un peu partout – même si elle avait récupéré sa confiance en elle après cet évènement, elle ne savait toujours pas si elle souhaitait prendre le risque ou non d'inviter à un rencard celui qu'elle aimait depuis un bon moment.

—Avec la chance que j'ai, le facteur va la perdre, déclara-t-il en rangeant ses affaires dans son sac à dos. Ne compte pas sur moi pour faire ça Judy.

—Et moi je préfère lui rendre la monnaie de sa pièce en allant l'épier sous la douche plutôt que de lui envoyer une carte qu'il ne va peut-être même pas lire, ajouta Arche en haussant les épaules. Je sais qu'il me déteste donc…

—Là, ma belle, je ne suis pas de ton avis, contra Judith avec fermeté. Si la carte vient de toi, il va forcément la lire !

—Pendant que vous discutez, je vais aller là où vous pouvez pas me suivre, fit le seul homme du groupe en quittant calmement la bibliothèque.

Bien qu'il ait sous-entendu qu'il allait aux toilettes, la vérité était qu'il comptait s'installer deux minutes dans un recoin tranquille à l'abri des regards. Une fois certain que personne ne risquait de venir le trouver là, il laissa sortir Tikki de la poche de sa veste.

—Sérieusement, c'est vraiment un truc de filles la Saint-Valentin, grommela Yuri, repensant encore à l'idée de cette carte que Judith lui avait suggérée. Pourquoi faudrait-il un jour bien spécifique pour déclarer sa flamme à quelqu'un ?

—Certains garçons sont romantiques tu sais, lui répondit son kwami avec un sourire. Après, si tu n'aimes pas écrire, tu peux toujours faire des biscuits ou un gâteau. Tu adores faire des pâtisseries !

—Serait-ce une façon déguisée d'exiger plus de cookies de ma part ?

—C'est surtout ma manière de te dire que j'aime beaucoup ta cuisine et de te remercier pour toutes les bonnes choses que tu prépares.

Le compliment lui faisait plaisir et il ne le cacha pas. Tikki vint lui faire un bisou sur la joue, un geste adorable qui fit germer une idée dans sa tête.

—Peu importe comment tu le formuleras, je ne suis toujours pas fan de la Saint-Valentin, dit Yuri avec le sourire. Cependant, rien ne m'empêche de décider de faire plaisir à tous ceux que j'aime en leur faisant de quoi grignoter.

—C'est une très bonne idée ! approuva vivement le kwami dont les yeux bleus pétillaient. Mais comptes-tu faire quelque chose de spécial pour Flynn ?

—Lui faire un cadeau sera déjà bien je pense. Je demanderai demain ses goûts à Chester pour être certain de viser juste.

Manifestement, ce plan convenait à Tikki qui hocha la tête avant de retourner se cacher dans la poche de sa veste. A présent, Yuri allait devoir expliquer au vieux qu'il aurait besoin de la cuisine pendant un bon moment… et réfléchir à s'il lui offrait ou non des biscuits sachant que son cher tuteur légal n'aimait pas ce qui était sucré et que lesdits biscuits risquaient fort d'être utilisés comme appâts afin de se dégoter un rencard à la dernière minute – connaissant Raven, il doutait fort que cela se passerait autrement.

-§-

Cela devait faire au moins une bonne demi-heure que Flynn était assis seul dans la classe, en avance pour le cours d'anglais. Bien qu'il ait prétexté qu'il finirait un devoir, en réalité, il se creusait les méninges pour écrire un poème de Saint-Valentin pour Ladybug, tout cela sous le regard ennuyé de Plagg qui profitait que personne ne soit là pour manger son camembert.

—Tu es quand même au courant que Ladybug a deux yeux, deux bras et deux jambes comme tout le monde ? questionna le kwami avec un certain agacement. Pas de quoi fouetter un chat !

—L'amour ça ne se contrôle pas, répondit Flynn en cherchant une rime à son poème. La Saint-Valentin est une parfaite occasion pour lui déclarer mes sentiments…

—Et te faire à nouveau jeter ?

… Plagg avait réussi à le déconcentrer. Le jeune homme poussa un soupir dépité et, pour la huitième fois depuis qu'il s'était installé là, il froissa sa feuille de papier puis la jeta dans la corbeille.

—A ce rythme, tu vas détruire une forêt entière, observa le kwami avant de manger en une bouchée sa part de camembert. Comment comptes-tu lui envoyer ton poème dégoulinant d'amour qui plus est ? Tu ne sais même pas qui il est réellement.

—Je lui remettrai en main propre, répondit Flynn avant de réaliser le problème qui se posait à lui. Mais encore faut-il que je le croise…

—Ah ben tu as enfin compris l'absurdité de ton idée ! Il était temps !

—Rien ne m'empêche d'aller lui dire en…

Soudain, un cri retentit à l'extérieur de la pièce. Plagg alla vite se cacher sous le col de sa veste tandis qu'il ouvrit la porte pour voir ce qu'il se passait. A peine eut-il mis le nez dehors qu'une flèche sombre passa à côté de sa tête et se planta dans le mur derrière lui avant de disparaître dans un nuage de fumée noire.

Il était aisé de deviner ce qu'il se passait : quelqu'un au lycée venait de se faire akumatiser.

Flynn se hâta de retourner dans la salle de classe après avoir vérifié que personne ne se trouvait à l'étage où il était. Plagg sortit en grommelant de sa cachette.

—Je n'ai même pas pu faire ma sieste digestive ! râla-t-il.

—Dis-toi qu'après tous ces efforts, tu dormiras très bien cette nuit, lui lança le jeune homme avec un sourire en coin avant de tendre sa main portant la chevalière en argent. Plagg, transforme-moi !

A contrecœur, le kwami se laissa absorber par le bijou, le Miraculous du Chat Noir, permettant ainsi à son porteur de revêtir le costume ainsi que le masque du héros Chat Noir. Certes, la tenue était moulante et les oreilles de chat sur sa tête ainsi que la longue ceinture qui pendait derrière étaient un peu gênant mais personne ne savait qui se cachait derrière cette identité, faisant que Flynn n'avait aucun problème pour dire ou faire tout ce dont il avait envie.

Il ressortit de la salle, son bâton extensible en main, puis il chercha où pouvait se trouver la victime du jour. Son ouïe très fine lui indiqua que sa cible avait dû semer pas mal de chaos derrière elle mais aucun bruit de flèches tirées ne provenait du lycée, signifiant que l'ennemi du jour avait quitté le bâtiment.

Avec l'aide de son bâton, il rejoignit les toits et scruta attentivement les alentours… pour repérer un homme vêtu d'un costume noir et rouge qui possédait aussi des ailes de cette même couleur. Face à lui, il y avait un de ses camarades de classe qu'il menaçait de son arc – à la longue tignasse rousse bien flamboyante, Flynn n'eut aucun mal à reconnaître Luke et vu le caractère de ce dernier ainsi que la situation dans laquelle il se trouvait, il ne devait pas être très innocent dans cette histoire. L'heure du sauvetage avait sonnée.

-§-

—Tikki, transforme-moi !

Chance qu'il s'était déjà caché car en plus de lui avoir donné un coin où se transformer sans attirer l'attention, cela lui avait permis d'éviter de recevoir une de ces flèches maléfiques et d'en subir les effets. Or, Yuri avait pu constater que quiconque en recevait une se retrouvait empli de haine envers ses proches et que l'ennemi du jour était donc une sorte de Cupidon inversé qui était très doué au tir à l'arc…

Un déclic se fit dans son esprit et, devenu Ladybug, il jeta un rapide coup d'œil à cet adversaire tandis qu'il prenait en chasse cet abruti de Luke Fon Fabre – Yuri n'avait jamais pu le piffer et ils étaient ennemis depuis qu'ils se connaissaient.

Pas de doute : la victime de Papillon était un homme et le seul garçon qui se débrouillait aussi bien avec un arc au sein du lycée était Chester Burklight – l'autre meilleur archer était une fille, Natalia Kimlasca Lavender, leur déléguée de classe et aussi l'autre personne que Yuri ne pouvait pas encadrer.

Il se dépêcha de retrouver l'ennemi du jour et n'eut pas beaucoup de distance à couvrir : Chester avait en joue Luke et s'apprêtait à lui faire subir le même sort qu'à tous ceux qui avaient été victimes de ses flèches…

—Prépare-toi à haïr tous ceux qui te sont chers, déclara la victime de Papillon. Tu vas payer…

—C'EST PAS VRAI, MES CHEVEUX ! hurla Luke en tenant sa tignasse entre ses mains. D'abord ce crétin de Lowell me renverse son jus de chaussette sur mes fringues et toi tu me ruines une heure de coiffage ! Donc tu sais quoi ? Tires-la ta foutue flèche, vas-y !

… Là, Yuri était estomaqué, ce qui était aussi le cas du cupidon maléfique qui ne savait visiblement pas comment réagir à cela. Cependant, le super-héros hésitait entre profiter de l'occasion pour tenter de piquer l'arc de son ennemi avec son yoyo, coller son poing dans la gueule de cet abruti de rouquin afin de lui apprendre à apprécier le café au lait et aussi pour lui rappeler qu'il n'était pas le seigneur de ces lieux ou attendre la suite.

—Finalement, ce serait du gâchis d'utiliser une flèche sur toi, conclut la victime de Papillon en baissant son arc. Avec ton caractère pourri, qui pourrait t'apprécier ?

—HEIN ? fit le principal concerné, l'air ahuri.

Profitant de cette ouverture, Yuri se servit de son yoyo et l'envoya droit sur le bras gauche de sa cible avant de tirer de toutes ses forces… puis de réaliser son erreur car s'il empêchait à présent Chester d'utiliser son arc, celui-ci avait bien compris qu'il n'avait qu'à s'envoler pour lui poser de sérieux soucis, ce qu'il n'avait pas hésité à faire. Le héros avait beau tirer, celui en face avait plus de force et il aurait récupéré son yoyo si son adversaire ne tenait pas fermement celui-ci.

Soudain, un éclair métallique vint frapper l'archer volant, lui faisant lâcher prise sur le fil.

—Besoin d'aide Buginette ? demanda Chat Noir qui vint le rejoindre en un bond, son bâton lui revenant dans la main.

—T'as mis le temps ! répliqua Yuri en récupérant son arme. Et arrête avec ce surnom !

Une volée de flèches maléfiques vint interrompre leur échange et les deux super-héros eurent juste le temps d'esquiver en sautant sur le côté.

—Où est caché son akuma ? questionna Chat Noir avant de faire tourner rapidement son bâton entre ses doigts pour se protéger d'une nouvelle attaque. Je ne crois pas qu'il soit dans son arme.

Bonne question ça. L'arc ou le carquois étaient effectivement à exclure car Chester ne venait jamais au lycée avec son équipement pour le tir à l'arc. Yuri évita à nouveau une attaque puis, tout à coup, il nota un objet brillant sur la bretelle du carquois. Qu'est-ce que c'était au juste ?

-§-

De tous ceux qui auraient pu être pris pour cible par Papillon, il avait fallu que ce soit son ami Chester. Flynn connaissait Luke et il avait dû s'en prendre méchamment à quelqu'un pour réussir à le faire sortir de ses gonds mais même cela n'aurait pas suffit à attirer un akuma vers l'archer… sauf si Natalia était impliquée. Son meilleur ami lui avait avoué avoir un faible pour elle et il n'était pas à exclure qu'elle ait rejeté ses avances et que Luke, en ayant été témoin, en ait rajouté.

Cependant, ce n'était pas sa principale préoccupation car à présent, le nouveau super-vilain les avait remarqués, ce qui signifiait qu'ils étaient devenus ses proies et qu'il ne désirait qu'une chose : leurs Miraculous.

—Il a un truc qui brille sur la bretelle de son carquois, lui signala Ladybug avant d'esquiver une nouvelle série de flèches.

—Je vais essayer de le distraire !

Sur ces mots, Flynn s'écarta rapidement de son partenaire et partit en arc de cercle, faisant attention à ne pas se rapprocher trop de l'ennemi.

—Hey Robin des Bois ! s'exclama-t-il en sautant sur un lampadaire. Tu veux jouer à chat avec moi ?

Manifestement, la réponse était oui vu que la victime du Papillon fonça droit sur lui et qu'il dut se dépêcher de fuir pour éviter un nouveau projectile. Cependant, l'archer prenait bien garde à rester en hauteur et en mouvement, empêchant toute tentative de saut. Ladybug en était certainement arrivé à la même conclusion car il ne retenta pas de l'attraper avec son yoyo.

Pendant un instant, il envisagea d'utiliser son superpouvoir, le Cataclysme, mais il n'avait rien à détruire à portée de main, excepté peut-être ce carquois mais c'était à condition de réussir à le toucher, ce qui n'était pas gagné. Le Lucky Charm de son partenaire pourrait peut-être compenser ce qui lui manquait…

—Chester, espèce de crétin !

Cette voix les fit tous deux se stopper et l'archer, flèche prête à être tirée, se tourna vers son origine… avant de se figer de stupeur.

—Arche ?

-§-

Profitant qu'il avait un peu de répit, Yuri utilisa son Lucky Charm… et il obtint un mégaphone rouge à pois noirs. Honnêtement, il aurait préféré des bolas ou un autre truc qui aurait pu lui permettre de clouer l'ange de la haine au sol mais c'était toujours moins ridicule que la serviette de bain ou la cuillère. Par contre, comment il allait se servir de ça au juste ?

—Ladybug !

A l'entente de son nom de super-héros, le jeune homme se tourna et fut surpris de voir arriver Arche vers lui, l'air complètement affolée. Pourquoi Judith n'était-elle pas avec elle ?

—Je ne sais pas exactement comment Chester est devenu comme ça mais quasiment tout le monde au lycée se déteste maintenant ! s'exclama-t-elle, faisant comprendre au héros que sa meilleure amie avait dû recevoir une flèche elle aussi. Il est passé devant moi sans me voir je crois et il a tiré sur Natalia avant de se barrer.

—Ecoute, tu devrais aller te mettre à l'abri dans un bâtiment, conseilla-t-il à la jeune fille. Ce serait plus…

Soudain, un déclic se fit dans l'esprit de Yuri. Le problème avec cet ennemi, c'était qu'il volait et qu'il était difficile à immobiliser – ce point-là, il l'avait compris à ses dépends. Chat Noir avait le pouvoir de neutraliser ses flèches mais tant qu'il bougeait, impossible pour lui de le plaquer au sol, même en utilisant son bâton. Cependant, une certaine personne savait très bien comment attirer l'attention de leur adversaire…

—Attends, fit-il en lui faisant signe de ne pas bouger. Tu le connais bien ?

—On se prend la tête une fois par jour minimum, répondit Arche sans hésiter. Pourquoi ?

—Fais-toi plaisir et vide ton sac.

Avec un grand sourire, il lui tendit le mégaphone… qu'elle fixa avec étonnement avant de le prendre entre ses mains. Puis, après une seconde d'hésitation, elle prit une inspiration et Yuri se hâta de s'écarter d'elle tandis qu'elle se servit enfin de l'appareil.

—Chester, espèce de crétin !

Dissimulé derrière un arbre, le héros nota que l'archer avait tourné la tête vers Arche et qu'il semblait étonné de la voir. La flèche qu'il avait encochée fut tirée mais elle rata la jeune fille d'au moins trois mètres, ce qui était inhabituel de la part d'un champion comme lui. Il était perturbé.

—Nan mais je rêve ! hurla sa camarade, visiblement en colère. Ca va pas la tête ! Comme si je pouvais pas te détester plus que maintenant espèce d'obsédé !

—Ca te va bien de me dire ça planche à pain ! cria l'archer, à présent bien énervé. Je me demande encore pourquoi tu te fatigues à mettre un soutif alors que t'as pas de seins !

—Et toi alors ? T'as peut-être de sacrés biscottos mais t'as un sacré pois chiche dans le cerveau par moment !

Là, ils étaient lancés et par expérience, Yuri savait qu'ils n'étaient absolument plus attentifs à ce qui les entourait. Il profita donc d'une nouvelle série de répliques cinglantes pour attraper l'arc avec son yoyo pendant que Chat Noir, ayant eu tout le temps de préparer son Cataclysme, sauta sur l'archer en un bond puissant.

Pris par surprise, l'ennemi se retrouva plaqué au sol et le héros en noir n'eut qu'à toucher son carquois pour détruire celui-ci, ne laissant que l'objet brillant qui se trouvait dessus.

—Fin des entrechats ! s'exclama son partenaire en attrapant l'objet du délit. A toi de jouer Buginette !

—La ferme chaton ! répliqua Yuri en attrapant le bijou que lui avait lancé Chat Noir.

Il laissa tomber ce qui s'avérait être une broche par terre et l'écrasa violemment avec son pied, libérant un papillon noir : l'akuma. Avec son yoyo, il le captura puis le purifia, laissant à sa place un papillon blanc. Ensuite, il n'eut qu'à récupérer le mégaphone et le lancer en l'air, libérant la magie se trouvant à l'intérieur qui répara tous les dégâts occasionnés par l'akuma.

Libéré de l'emprise du papillon maléfique, Chester était redevenu normal et était visiblement désorienté, n'ayant plus de souvenirs de son akumatisation.

—Mais qu'est-ce que je fiche ici moi ? demanda-t-il en regardant de tous les côtés avant de voir Arche qui venait vers lui. Il s'est passé quoi au juste ?

—Oh, t'as juste été encore plus crétin que d'habitude, répondit la jeune fille avec un sourire taquin. Je peux te donner plus de détails si tu veux.

Le bip que Yuri perçut dans ses oreilles lui indiqua qu'il était temps qu'il file : il n'allait pas tarder à se dé-transformer. Il s'apprêtait à partir quand Chat Noir s'interposa, lui faisant signe d'attendre.

—Qu'est-ce que tu veux au juste ? demanda le jeune homme en fronçant les sourcils.

—Je… répondit difficilement son partenaire, l'air penaud. J'aimerais te dire un truc… Je…

—C'est peut-être pas le bon moment.

D'un geste, il désigna la bague au doigt du héros en noir : elle n'avait plus que trois coussinets et se mettait elle aussi à bipper.

—Une prochaine fois peut-être ? proposa Yuri avec un sourire amical. Ce n'est pas comme si on ne risquait pas de se revoir tous les deux.

Et sur ces mots, il se hâta d'utiliser son yoyo pour partir.

-§-

C'était la Saint-Valentin et Flynn n'avait qu'une envie : se taper la tête contre la table pour ne pas avoir été fichu de déclarer sa flamme à Ladybug. Evidemment, Plagg s'était bien moqué de lui quand ils étaient rentrés et le jeune homme avait passé sa nuit à ruminer son échec.

Le bon côté, c'était que grâce à une idée diabolique de son partenaire, Chester était sauvé et était, comme tous les jours, assis à sa gauche en classe. La seule différence était qu'au lieu de discuter avec lui, il était occupé à papoter avec Arche, profitant que le cours n'avait pas encore commencé. Au ton de leur conversation, il était clair que ces deux-là s'étaient rapprochés dans le bon sens.

Au moment où il comptait entamer une discussion avec Judith, Yuri entra dans la salle de classe, les bras chargés de boîtes en carton. Flynn, par réflexe, se leva pour venir l'aider mais Luke, qui se tenait contre le bureau du professeur pour parler en face de Natalia, eut l'indélicatesse de pousser leur camarade, ce qui le déséquilibra et lui fit lâcher ce qu'il tenait.

—Attention !

De justesse, Flynn avait empêché la chute de Yuri et rattrapé les boîtes qu'il avait failli perdre, cela sous les yeux ébahis de certains de leurs camarades.

—Ceci est un jour à marquer d'une pierre blanche, déclara Judith. Un énième épisode poisse de Yuri fut évité grâce au courageux Flynn !

La remarque attira des applaudissements et quelques sifflements de la part de leurs camarades, ce qui, à la vue des rougeurs sur les joues de Yuri, le gênait autant que lui.

—C'est pas utile d'en faire un tel évènement Judy, déclara le jeune homme aux cheveux de jais en s'installant à sa place. Et si tu continues, tu n'auras pas le cadeau que je t'ai préparé.

—Toutes mes excuses dans ce cas, dit l'administratrice du Ladyblog en fixant les boîtes avec intérêt. C'est tout pour moi ?

—Pas seulement.

Yuri remit une boîte avec un ruban bleu à Judith qui se hâta de l'ouvrir… et dont les yeux se mirent à briller en voyant le contenu. Arche reçut une boîte avec un ruban rose tandis que en eut Chester une avec un ruban vert et tous deux furent visiblement très contents de leur contenu. Puis Flynn réalisa que son camarade lui en tendait une à lui aussi.

—On m'a dit que tu n'aimais pas le sucré mais j'espère que ça ira quand même.

Agréablement surpris de recevoir un cadeau, il murmura un « merci » timide puis ouvrit cette boîte avec le ruban blanc… pour découvrir qu'elle contenait une bonne dizaine de cookies entièrement au chocolat noir et dont l'odeur lui indiqua qu'ils étaient certainement faits maison. Tenté, il en goûta un et savoura le goût du chocolat ainsi que la saveur épicée qui vint ensuite en bouche.

—J'ai pris le risque de mettre du piment dans le chocolat, précisa Yuri en voyant son expression surprise. J'avoue que je ne suis pas très sûr de mon coup…

—C'est parfait, furent les seuls mots que Flynn prononça, savourant le biscuit avec délice.

—Je vais tous les mangers si je ne referme pas ça ! s'exclama Judith qui reposa un cookie aux raisins dans sa boîte. Ils sont exquis !

—Merci Yuri ! firent Arche et Chester avec leurs pouces en l'air.

Le concerné haussa les épaules comme si de rien n'était mais Flynn pouvait distinctement voir qu'il souriait, signe qu'il était probablement heureux de leur avoir fait plaisir.

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Titre : Combinaisons

Auteur ou cerveau disjoncté: Kaleiya Hitsumei

Beta complètement désespérée face à cela : Eliandre

Note : Presque le même principe que les Croisements (excepté qu'il n'y aura pas que des crossover je pense) mais… le rating est bien plus élevé dû à un contenu potentiellement bien plus osé et digne du PWP. Y aura pas forcément du lemon mais ça peut potentiellement frôler de très près le lime. Pour être certain que vous pouvez lire ce recueil d'OS/drabbles, vérifiez que vous respectez les conditions suivantes :

- Vous avez plus de 16 ans

- Vous êtes au courant depuis longtemps que le père Noël n'a jamais existé

- Vous savez comment on fait réellement les bébés

- Vous n'êtes pas homophobe

- Vous certifiez avoir lu et approuvé les conditions d'utilisations

- Vous n'avez pas menti à l'une des cinq exigences précédant celle-ci.

C'est tout bon ? Alors vous pouvez poursuivre.

Crossover : Arabian Nights (Tales of Vesperia x Aladdin)

Version alternative du Chapitre 6 : Que se serait-il potentiellement passé si Cumore n'était pas intervenu ? POV Yuri et dérapage potentiel en PWP.

Note dernière minute : Vu ce qu'il y a eu, je poste ceci maintenant pour que certains se changent un peu les idées.


Ses yeux azur s'étaient fixés dans ceux onyx de son compagnon. Sous la lumière du crépuscule, ses prunelles semblaient resplendir, ses longs cheveux de jais étincelaient de multiples nuances chatoyantes et son visage était iridescent. Son ami n'avait pas changé d'apparence mais les dernières lueurs du jour paraissaient vouloir lui donner une magnificence irréelle et éthérée.

Le prince ne sut ni comment, ni pourquoi. Sans même s'en rendre compte, ils avaient tous les deux rapproché leur visage sans cesser de se contempler. Flynn avait laissé son instinct guider sa conduite plutôt que sa raison. Dans un état second, il avait fermé les yeux, ressentant le souffle chaud du brun quand…

A l'instant où ses lèvres entrèrent en contact avec celles de son ami au regard céruléen, Yuri eut comme l'impression de planer dans les airs. Jusqu'ici, il s'était demandé ce que cela pouvait bien avoir d'extraordinaire quand il entendait les filles qui gloussaient entre elles parce que l'une d'elles avait échangé son premier baiser avec celui qu'elle aimait. Ce sentiment de plénitude voulait-il dire qu'il était amoureux de Blondie ? L'idée n'était pas déplaisante, loin de là.

Ce contact se rompit au bout de quelques secondes et, en croisant de ses yeux d'onyx ces orbes saphir qui se rouvraient à demi, le garçon des rues l'embrassa à nouveau, ses mains venant s'agripper à cette cape élimée comme pour se raccrocher à cet inconnu, l'empêchant ainsi de le quitter dans les teintes chaudes du crépuscule. Cependant, la séparation ne sera pas pour tout de suite car le jeune homme aux cheveux blonds avait passé un bras autour de sa taille et le tirait vers lui, faisant que la distance entre leurs corps s'était grandement réduite.

« Que faisons-nous au juste ? » lui demanda Blondie dans un souffle, son visage montrant ses hésitations.

« Aucune idée. » répondit Yuri avec un amusement qu'il avait du mal à contenir. « Une envie commune… »

« Oui… Quelque chose d'irrésistible. »

Un léger gémissement de Repede leur rappela qu'ils n'étaient pas seuls en ces lieux. Ils se tournèrent tous deux vers le chien qui, voyant qu'on ne s'occupait pas de lui, était en train de s'installer pour dormir, sa gueule grande ouverte sur un bâillement.

« Il faudrait que je m'en aille. » déclara l'inconnu aux yeux bleus avec regret. « Si je tarde de trop… »

Son invité ne poursuivit pas sa phrase, se mordant la lèvre, comme s'il craignait de trop en dire. Ceci rappela à Yuri les quelques observations qu'il avait faites sur son ami : très probablement un noble, un désir profond de changer les lois, une tendance à vouloir éviter les gardes… et un père malade ? Maintenant qu'il y réfléchissait, le jour où ils s'étaient disputés, c'était au moment où il avait parlé du sultan que le ton était monté. S'il devait combiner toutes ces informations ensemble… son instinct lui dirait qu'il avait affaire à quelqu'un de bien plus important que ce qu'il avait pu penser au départ.

Et en procédant rapidement par élimination, il réalisa que celui qu'il avait hébergé – ou involontairement caché – était très certainement le prince d'Agrabah ! Sauf que le voleur n'arrivait pas à se souvenir de comment il pouvait bien s'appeler…

« Je peux te raccompagner jusque chez toi si tu le souhaites. » proposa le garçon des rues, à la fois pour confirmer ses soupçons et dans l'espoir de retarder le moment de leur séparation.

« Non ! » s'exclama brusquement Blondie, sans savoir qu'il venait de corroborer les déductions de Yuri. « C'est mieux si je rentre seul, crois-moi. »

… Sauf que cela signifiait qu'ils auraient peu de chances de se revoir en étant aussi libres que maintenant. Si leurs chemins se recroisaient de nouveau – ce que le voleur espérait sincèrement –, cela ne sera plus pareil à cause du poids de cette différence sociale bien trop grande entre eux.

Il ne leur restait donc que cette nuit pour être ce qu'ils étaient actuellement… C'était assez égoïste dans un sens mais auraient-ils d'autres occasions comme celle-ci ?

« Reste encore cette nuit. » dit le garçon des rues, son ton s'étant involontairement fait implorant. « S'il te plait. »

Le regard azur revint se plonger dans le sien, brillant à la fois avec hésitation et passion. Il était évident qu'il était en train de peser le pour et le contre, lui aussi ayant probablement réalisé que leur prochaine rencontre ne leur permettra pas de satisfaire cet étrange désir qui les habitait.

« Juste cette nuit. » fit le prince avant de venir poser de nouveau ses lèvres contre les siennes.

Si leurs premiers baisers étaient impulsifs et emplis de ces sentiments dont le sens venait juste de leur apparaître, celui-ci était d'abord désespéré puis, quand leurs bouches s'entrouvrirent, c'était une curiosité, dictée par leurs instincts, qui se mit à parler. Le contact gagnait en intensité, leurs langues se rencontrant entre elles et permettant à l'un de pleinement apprécier la saveur de l'autre – son partenaire avait un goût très légèrement épicé avec une mince amertume qui n'était pas désagréable. Leurs souffles se mélangeaient avec de plus en plus d'ardeur… jusqu'au moment où l'air commença à manquer et qu'ils durent rompre le baiser.

La lumière déclinant de plus en plus, Yuri tira son ami vers l'endroit où se trouvaient les coussins mais, au lieu de s'y allonger pour dormir, il s'assit sur l'un d'eux et fut imité par le blond qui prit place très près de lui. Quand ce dernier se rapprocha pour l'embrasser de nouveau, il l'arrêta en posant deux doigts sur ses lèvres.

« Yuri. » dit le garçon des rues, son regard onyx ancré dans celui azur face à lui qui le fixait avec étonnement. « Je m'appelle Yuri. »

Il y eut un moment de flottement, passage où le voleur se sentit un peu gêné d'avoir donné cette information comme cela, sans trop réfléchir. Puis, quand il vit ces prunelles saphir s'adoucir et un sourire se montrer sur ce visage, il eut comme l'impression que son cœur venait de rater un battement.

« Flynn. » déclara le prince avant de lui caresser le visage d'une main. « Ravi de te connaître Yuri. »

« Le plaisir est partagé Flynn. » fit le garçon des rues avant d'esquisser une légère moue boudeuse. « Dommage que je n'ai plus de bonne excuse pour t'appeler Blondie. »

« Tant mieux car je n'aimais pas beaucoup ce surnom. »

Un léger rire leur échappa à tous les deux. Yuri fit mine d'aller embrasser de nouveau le blond puis, sans prévenir, il attrapa sa chemise et se laissa tomber en arrière sur les coussins, entraînant son ami avec lui qui se retrouva à quatre pattes au-dessus de lui. Le voleur noua ses bras derrière la nuque de celui aux yeux azur et leurs lèvres vinrent se rejoindre dans un baiser plus long que les précédents, langoureux et passionné. Une de ses mains vint s'égarer dans les courts cheveux blond cendré tandis qu'il sentait des doigts caresser son torse, lui arrachant des soupirs dès qu'il touchait une zone plus sensible qu'une autre.

Leur baiser touchant à sa fin, Flynn se releva légèrement et ôta sa cape, celle-ci devant certainement le gêner. Le garçon des rues, mué à la fois par l'envie et la curiosité, glissa une main sous la chemise de son partenaire, se demandant ce qui pouvait bien s'y cacher. Le prince, comprenant le message silencieux, enleva ce vêtement, montrant aux yeux onyx ce torse musclé qu'il ne pouvait parfaitement distinguer au vu du peu de lumière ambiante. Il lécha ses lèvres avec un désir qu'il ne cherchait pas à cacher et il se redressa, posant ses mains sur ces épaules carrées que, jusqu'ici, il n'avait pu que deviner. Ses paumes caressèrent la peau découverte, effleurant chaque détail et mémorisant soigneusement ceux-ci – Yuri notait dans un coin de son esprit que tous deux n'étaient pas taillés de la même manière, Flynn étant un peu plus large d'épaules que lui et sa taille n'étant pas marquée.

Quand un courant d'air froid s'engouffra dans les lieux, le voleur frissonna, ce qui n'échappa nullement à celui qu'il pouvait à présent considérer comme son amant. Ce dernier se sépara temporairement de lui pour replacer le drap devant l'ouverture dans le mur, faisant qu'à présent, leurs yeux durent s'habituer à la pénombre. En tournant la tête sur le côté, le garçon des rues vit la silhouette de Repede s'éloigner vers les escaliers, probablement pour trouver un coin plus silencieux pour dormir.

« Je crois qu'on a chassé Repede. » fit remarquer Yuri, amusé.

« Il se sentait probablement de trop. » supposa Flynn en s'installant derrière lui.

C'était vrai qu'il y avait de quoi…

Le prince glissa ses mains sous son gilet avant de le lui retirer lentement, au point que le voleur s'en impatienta en jetant le vêtement au loin. Il colla son dos nu contre le torse derrière lui, lâchant un profond soupir de bonheur et d'extase quand il sentit la chaleur qui s'en émanait. Tandis qu'il se laissait aller à savourer ce contact ardent, deux bras vinrent entourer sa taille, amplifiant le sentiment de sécurité qu'il avait.

« Tu n'as pas froid ? » lui demanda son amant avec une pointe d'inquiétude.

« Plus trop depuis qu'on est installés comme ça. » répondit Yuri en calant sa tête contre l'épaule de Flynn.

Jusqu'ici, il n'avait pas trop fait attention au parfum de son compagnon. Certes, avec leur duel, ils avaient beaucoup transpiré mais il aimait bien cette odeur, surtout les notes poivrées qu'il huma avec délice.

« Je ne pense que je sente très bon tu sais. » fit le prince sur un ton amusé. « Nous nous sommes bien dépensés tout à l'heure… »

« Pour avoir déjà eu un ou deux éléments de comparaisons, ton parfum est bien meilleur que celui d'un capitaine de la garde qui doit se baigner dans de l'Eau de Cologne tous les matins ! » répliqua le garçon des rues avant de poser ses lèvres sur la nuque du blond. « Tu ne peux pas imaginer à quel point… »

Un rire échappa à son amant qui resserra un peu sa prise sur lui puis il vint déposer un tendre baiser sur son front. S'il faisait jour, Yuri était certain qu'il verrait le sourire bête qui lui barrait le visage mais là, le manque de luminosité faisait qu'ils devaient surtout se fier à leurs autres sens et, honnêtement, cela avait quelque chose de grisant. Cela changeait la façon de percevoir l'autre et il était curieux de découvrir encore d'autres sensations.

Au moment où son partenaire le tourna pour qu'il soit face à lui, il comprit que cette envie devait être partagée.

De nouveau, ils s'embrassèrent avec passion, adaptant leur position pour être plus à l'aise au point que le garçon des rues se retrouva assis sur les cuisses du prince, leurs corps très proches l'un de l'autre. Il sentit une main descendre le long de son dos avant de se glisser sous le tissu de son sarouel et d'attraper fermement sa fesse droite, lui arrachant un léger gémissement surpris ainsi qu'un mouvement du bassin qui fit qu'il se retrouva collé à celui de son amant. Sauf que ce contact eut pour effet de les faire gémir tous les deux et de réaliser qu'il allait bientôt être temps d'envisager d'enlever le reste de leurs habits.

Cependant, Yuri appréhendait ce moment car s'il savait vaguement, via ce qu'il avait pu entendre dans les ruelles d'Agrabah, comment cela se passait avec une femme, il ne savait absolument pas de quelle manière procéder avec un homme…

« Tu veux continuer ? » lui demanda Flynn, le souffle court.

« Vu ce qu'on a entre les jambes, faudrait… » répondit le garçon des rues en reprenant sa respiration. « Le hic c'est que je ne vois pas trop quoi faire là. On est tous les deux des hommes donc… »

« Cela ne signifie pas qu'il nous est impossible de poursuivre. »

Le voleur admit que son amant n'avait pas tort. En y repensant, ils étaient équipés de la même manière à cet endroit-là donc il y avait au moins une chose que chacun devait savoir faire.

Handicapés par le manque de visibilité, ils jugèrent plus prudent d'enlever eux-mêmes le reste de leurs habits, les laissant dans un coin où ils ne risquaient pas de les gêner. Si l'un d'eux avait un quelconque malaise à être vu nu, dans cette pénombre, il n'avait plus vraiment lieu d'être. Leurs mains et leurs oreilles étaient devenues leurs yeux, ce qui ne posait guère de soucis tant qu'ils restaient à proximité l'un de l'autre.

A tâtons, ils se retrouvèrent, pas forcément exactement comme quand ils s'étaient séparés, puis ils reprirent leur étreinte là où elle s'était arrêtée. Les barrières de tissus s'étant envolées, chacun sentait parfaitement les mains de l'autre sur son corps.

Les doigts de Yuri descendirent lentement le long du torse de son partenaire, prenant parfois quelques détours quand il rencontrait une texture de peau différente qui correspondait très probablement à une cicatrice. Lorsqu'il atteignit les hanches, il hésita un peu puis, dans une lente caresse qui fit s'accélérer le souffle de Flynn, il glissa ses doigts jusqu'à son entrejambe, effleurant de son index le membre tendu tout en savourant les réactions de son amant.

Le garçon des rues embrassa de nouveau le prince… et il prit son sexe dressé dans sa main, lui arrachant un gémissement surpris puis commença à le masturber. Des grognements appréciateurs s'échappaient des lèvres du noble ainsi que des soupirs d'extase tandis que ses doigts se perdaient dans la longue chevelure sombre.

« Plus vite ! » souffla-t-il à son amant qui ne se fit pas prier pour s'exécuter.

Quelques mouvements de bassin accompagnaient les gestes du voleur et, alors que leurs lèvres s'étaient de nouveau rencontrées, le prince atteignit l'orgasme dans un cri étouffé, son sperme se répandant entre leurs corps avant que, épuisé, il ne pose sa tête sur l'épaule du garçon des rues.

Yuri laissa son ami reprendre son souffle quelques instants et, sans prévenir, il se retrouva allongé sur les coussins, Flynn au-dessus de lui. Sans avoir le temps de répliquer, il sentait la bouche chaude de son amant se poser à la jonction de son épaule avec sa nuque, lui arrachant un profond soupir appréciateur. Puis ces lèvres descendirent, touchant parfois des zones plus sensibles de son torse jusqu'à atteindre cette partie négligée de son corps au point qu'elle commençait à en devenir douloureuse… et lui faire pousser un cri d'extase face à ce contact ardent.

-§-

Quand il ouvrit les yeux au lever du jour, Yuri constata avec regret que Flynn n'était plus là. Son ami l'avait prévenu qu'il partirait au plus tard très tôt le matin, ce qui avait certainement été le cas. Les réminiscences de leur dernière nuit ensemble se faisaient encore sentir : les caresses tendres, les mains exploratrices, les bouches chaudes, les soupirs… Malheureusement, il n'y avait aucune chance pour qu'une telle chose se reproduise entre eux car le prince d'Agrabah était destiné à devenir sultan et le peuple avait hâte de le voir épouser une femme digne de lui.

C'était complètement injuste mais il ne pouvait rien y faire.

En voulant se lever, le garçon des rues réalisa que son corps nu était recouvert par la cape élimée que son invité portait depuis le jour de leur rencontre. Il ne put résister à l'envie de la porter à son visage et d'en respirer l'odeur du blond, encore très présente dessus.

Il finit par se faire violence, chassant de son esprit les images de ces quelques jours passés avec cet homme auquel il s'était attaché bien plus qu'il ne l'aurait dû. Il se répéta intérieurement qu'il devait se concentrer sur comment se nourrir aujourd'hui et non revoir encore et encore dans sa tête tous les endroits où ces lèvres étaient venues se poser, rougissant quand il repensa à l'un d'eux en particulier.

Il se donna une bonne claque mentale et enfila rapidement son gilet et son sarouel avant de se tourner vers Re… mais où était Repede ? Habituellement, il était toujours là quand il se réveillait. Avait-il raccompagné Flynn jusqu'au palais pendant qu'il dormait ? C'était probable et dans ce cas, son fidèle compagnon devait être sur le chemin du retour.

Yuri descendit les marches, se baissant pour éviter les poutres et arriva jusqu'en bas… où il eut la surprise de trouver son ami à quatre pattes qui toisait du regard Raven, le type louche de l'autre jour.

« Qu'est-ce que tu fais ici le vieux ? » demanda le garçon des rues, particulièrement méfiant vu qu'il n'avait indiqué à presque personne où il vivait.

« Je t'attendais gamin. » répondit son aîné avec un sourire en coin qui ne lui inspirait pas confiance. « On m'a raconté des trucs très intéressants à ton sujet et je me suis dit que tu serais peut-être apte à me filer un p'tit coup de main. »

« Aucune chance que je t'aide dans tes magouilles… »

« Oh, quel dommage ! Moi qui connais un bon moyen pour rentrer au palais sans être vu… »

Cette phrase piqua fortement l'intérêt du jeune homme… ce qui, il l'avait vu, n'avait pas du tout échappé à son interlocuteur.

« J'avais donc bon. » fit le plus âgé en se grattant le menton. « C'est pas évident d'être ami avec un prince quand on est un voleur, encore moins quand on en est amoureux. »

Le cœur de Yuri se serra fortement à cette phrase. Comment ce type avait-il découvert cela ?

« Qu'est-ce que tu veux le vieux ? » demanda le plus jeune, intérieurement paniqué à l'idée que l'on se serve de cette nuit passionnée contre Flynn.

« Quelque chose que je ne peux pas récupérer moi-même. » répondit Raven en s'étirant. « En échange, je garderai ton petit secret et je te montrerai le passage secret qui mène au palais. Marché conclu, Yuri ? »

Le garçon des rues ne prit que peu de temps pour réfléchir car il le savait très bien : il était coincé.

« Marché conclu. »


NB : Bon… J'ai réussi à écrire ce truc et, honnêtement, l'entraînement était nécessaire vu le temps que j'ai mis à écrire une scène de la première partie de Soleil de Minuit.

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 Crossover : Dragon Age Inquisition x Tales of Vesperia

Note : Ayant abusé des fics sur Dragon Age, j'ai fini par tenter d'imaginer ce que donnerait un crossover entre ce jeu et Tales of Vesperia. Voilà donc ce qui en résulte… Par contre, je précise que je n'ai pas terminé la quête principale sur Dragon Age Inquisition (faute à ma tendance au levelling perpétuel et à un inventaire que je ne pense jamais à vider à fond… le bon côté est que je peux espérer tuer les dragons)

Note 2 : Y a un lexique à la fin, essentiellement pour Eliandre à la base afin qu'elle comprenne un peu mieux l'univers.


Le chaos régnait à Thédas depuis le début de la guerre entre les templiers et les mages rebelles puis l'explosion du Conclave qui causa la mort de dizaines d'innocents, y compris de la Divine Justinia, sainte parmi les saintes. Seulement, suite à ce dernier évènement, la pire des choses se produisit : une énorme faille de l'Immatériel était grande ouverte dans le ciel, à proximité de Darse, et des démons en sortaient au fur et à mesure qu'elle s'agrandissait.

Face à toute cette anarchie et après la découverte de maître Lavellan, apparemment unique survivant de cet évènement tragique, la chercheuse Sodia O'Daly proclama l'Inquisition, s'attirant les foudres des quelques représentants de la Chantrie présents. Afin d'être aidée dans cette grande entreprise qui était de rétablir l'ordre en Thédas et de fermer cette immense faille, elle nomma trois conseillers pour l'Inquisition : le maître espion Raven, la diplomate Estellise Sidos Heurassein qui fut recommandée par ce dernier, et enfin, pour la partie militaire, le Templier Flynn Scifo, un des rares qui ne participait pas à cette guerre insensée avec les mages, très probablement suite aux évènements tragiques de Kirkwall dont il fut l'un des témoins.

Avec maître Lavellan et quelques combattants ayant rejoint l'Inquisition – l'elfe des bas-cloîtres Judith, la mage apostate Rita Mordio, le garde des ombres Duke Pantarei et le mage de cercle Witcher –, la chercheuse O'Daly avait ainsi pu offrir son aide à ceux qui en avaient besoin et fermer les différentes failles de l'Immatériel qui apparaissaient aussi bien à Férelden qu'à Orlaïs. Cependant, un choix devait être effectué afin de faire taire ce conflit qui prenait les vies de nombreux innocents : s'allier avec les mages ou avec les Templiers.

Lors d'un passage à Golefalois, l'élu d'Andrasté – surnom gagné par maître Lavellan quand le peuple de Thédas apprit qu'il était capable de refermer ces failles – découvrit la réelle situation des mages rebelles : le magister Alexei Dinoai, un mage du redoutable empire de Tevinter ayant rejoint les cultistes Venatori, avait pris le contrôle des mages, supplantant la grande enchanteresse Khroma, celle qui avait convaincu ses pairs de se révolter contre leur condition au sein des Cercles. L'Inquisition tenta de négocier avec lui mais sans succès. La discussion fut brusquement rompue quand son fils fut victime d'un malaise… et où ce dernier remit discrètement un message à l'élu d'Andrasté lui donnant rendez-vous ailleurs.

Accompagné de la chercheuse, du garde des Ombres et de la mage apostate, maître Lavellan se rendit à l'endroit désigné et tous furent surpris de se retrouver nez à nez avec une faille de l'Immatériel et Yuri Lowell, un mage Altus tévintide qui essayait tant bien que mal de combattre les démons qui en sortaient. Une fois la faille fermée, il leur dévoila que si Alexei avait réussi à prendre le contrôle des mages rebelles, c'était parce qu'il s'était servi de la magie temporelle pour supplanter Khroma.

Au centre de commandement à Darse, le commandant Scifo, en tant que Templier, avait montré son désaccord concernant ce choix d'alliance avec les mages… puis il se retrouva face à face avec le jeune mage de Tevinter qui ne se gêna pas pour lui dire sa façon de penser. Au grand dam de Flynn, l'élu d'Andrasté prit le parti des mages et, après l'arrestation d'Alexei, les mages rebelles rejoignirent l'Inquisition… ainsi que Yuri Lowell.

Aujourd'hui, les troupes de l'Inquisition s'entraînaient en vue d'êtres prêtes pour aller enfin fermer cette immense faille près de Darse. Après avoir été informé de l'avancement des réquisitions en cours, le commandant Flynn Scifo surveillait ses hommes, majoritairement des volontaires qui n'étaient pas habitués à tenir une arme contrairement à la poignée de Templiers qui leur enseignait l'art du combat.

Des éclats de voix attirèrent son attention du côté du lac gelé où il remarqua la présence de trois soldats et de Yuri Lowell. Il se rapprocha et, de par les postures de chacun, il ne lui fut pas difficile de comprendre que le tévintide n'était pas accepté par tous et qu'il subissait les conséquences de la haine qu'éprouvait le peuple de Férelden envers l'empire de Tévinter ainsi que celle que beaucoup éprouvaient déjà envers les mages.

« Un tévintide n'a rien à faire ici ! » hurla l'un des soldats en pointant son épée en direction du mage. « Vous et votre magie du sang… »

« Oh mais tue-moi si ça t'amuse tant ! » répliqua Yuri avec un sourire forcé aux lèvres tout en préparant une boule de feu dans sa main gauche. « Ou bien si tu es assez courageux pour cela. »

« Saleté de Magister de… »

« Que se passe-t-il ici ? »

La question de Flynn stoppa toute action et ses hommes baissèrent leurs armes tandis que le mage dissipa son sort… en tentant de dissimuler son bras droit aux yeux du commandant. D'ailleurs, pourquoi n'avait-il pas son bâton avec lui ?

« Que faisiez-vous au juste messieurs ? » demanda de nouveau le Templier en fronçant les sourcils.

« Il… Il nous a attaqués commandant ! » répondit un des soldats, peu confiant. « On l'a surpris en train de rôder et il nous a jeté un sort ! »

« C'est étrange car je ne vois pas de bâton et, de ce que j'ai cru entendre, la situation était inverse… »

Sans surprise, les trois hommes déglutirent, ayant apparemment compris que leur mensonge n'était pas passé. Après un regard réprobateur et un rappel concernant leur alliance avec les mages, Flynn leur ordonna de partir. Quand Yuri passa à côté de lui, le Templier lui attrapa le bras droit, lui arrachant un gémissement de douleur qui confirma ses doutes : le mage était blessé et avait essayé de le lui cacher.

« Fasta vass ! » jura le tévintide en tevene avant de s'extirper de la prise du chevalier. « Ca va pas la tête ? Tu sais que ça fait un mal de chien ? »

« C'est eux qui t'ont blessé ? » questionna Flynn en fixant le bras caché sous l'épais vêtement. « Si c'est le cas ils doivent… »

« Je suis tombé en voulant cueillir des elfidées pour Rita. Si tu vas un peu plus loin, tu devrais voir une longue trace dans la neige et mon bâton… ou plutôt ce qu'il en reste vu ce que j'ai entendu lors de ma chute. C'est après que je me sois relevé qu'ils me sont tombés dessus. »

A la vue de l'expression que Yuri avait sur le visage, il ne mentait pas. De plus, Flynn avait noté les quelques elfidées qui dépassaient de sa sacoche, ce qui confirmait la véracité de son témoignage. Vu où cette plante était capable de pousser et le climat dans l'empire de Tevinter, le jeune tévintide avait dû, sans s'en rendre compte, mettre le pied sur une couche de neige instable qui, en se détachant, l'avait emporté.

« Tu n'as pas d'autres blessures ? » demanda le commandant en essayant de voir s'il y avait quoique ce soit d'autre qui clochait.

« Heu… Juste que j'ai cru frôler l'hypothermie à un moment. » répondit Yuri, visiblement un peu surpris par cette attitude avant de se reprendre, affichant un léger sourire sarcastique. « Comment vous faites dans le sud avec toute cette neige ? C'est une galère pour se déplacer et je ne parle pas des températures qui sont si basses qu'il est impossible de dormir sans grelotter ! »

« On s'y fait et pour dormir, le secret quand on est frileux c'est d'avoir beaucoup de fourrures à portée de main. »

A partir de cet instant, la glace avait été brisée entre eux et, par la suite, il n'était pas rare, lorsque tous deux étaient libres, de les voir traîner ensemble à Darse – généralement, c'était parce que le mage avait réussi à convaincre le Templier qu'une pause lui ferait du bien.

Puis arriva le jour où il fallut refermer la faille qui terrorisait le peuple. Avec l'aide des mages, l'élu d'Andrasté avait obtenu le pouvoir nécessaire pour accomplir cette prouesse… mais si les réjouissances étaient de mise après cet exploit, elles furent malheureusement de courte durée car leur ennemi était venu les trouver, en colère de voir que la faille qu'il avait vraisemblablement ouverte lui-même n'était plus et, surtout, parce qu'on lui avait pris les mages qu'il convoitait… En conséquence, les Templiers rouges, des chevaliers sous l'influence du lyrium rouge, étaient à présent sous ses ordres.

Une fille étrange, Patty, était venue les avertir du danger mais elle n'avait pas pu empêcher les Templiers rouges de massacrer les volontaires présents devant les portes de Darse. Cependant, c'était indirectement grâce à elle qu'ils trouvèrent un moyen de fuir le village… avant que l'élu d'Andrasté, servant d'appât, n'ensevelisse Darse en provoquant une avalanche avec l'un des trébuchets. La chance voulut qu'il survive en ayant sauté in extremis dans une galerie qui le conduisit sur la route suivie par les survivants de l'attaque. Après de longues heures de marche dans la neige et face à un vent glacial, il les avait finalement rattrapés et, au moment où il s'écroula, le commandant Scifo le trouva et le ramena au campement pour qu'il soit examiné.

Cela devait faire une petite heure que Yuri observait du coin de l'œil Rita, installée près de maître Lavellan, qui travaillait avec acharnement sur ce qui ressemblait à un livre écrit par les elfes. Ne connaissant pas la langue de ce peuple, le tévintide ne pouvait pas l'aider dans sa tâche.

« Tu devrais rester sur tes gardes tu sais. » lui dit Sodia après avoir fini d'examiner son épée. « Beaucoup ont vu que des Venatori étaient présents dans le camp adverse et ils pourraient penser à nouveau que tu es un espion à leur solde. »

« C'est donc pour ça que j'ai droit en permanence à une chercheuse de vérité ou à un templier… » fit Yuri avec un ton légèrement exaspéré. « Si j'étais vraiment un cultiste Venatori, je serais déjà parti pour aller faire mes incantations macabres et sacrifier des esclaves pour pratiquer ma magie du sang. »

Les derniers mots s'étaient en partie étranglés dans la gorge du jeune Altus, très certainement à cause du très mauvais souvenir qui lui revenait en tête à chaque fois qu'il entendait parler de cette magie et de la raison pour laquelle il avait préféré suivre Alexei plutôt que rester dans le confort de l'empire Tevinter, une société où les mages étaient bien plus libres que dans le reste de Thédas.

« Souviens-toi que maître Lavellan et le commandant Scifo t'ont accordé toute leur confiance. » lui rappela la chercheuse en fronçant légèrement les sourcils.

« Et je ne compte pas les trahir si c'est ce que tu sous-entends. » répliqua Yuri en la regardant droit dans les yeux. « J'ai rejoint l'Inquisition en espérant pouvoir vous aider et pour le moment, je perds du temps à lutter contre ceux qui me confondent avec l'ennemi. Tout ce que je veux, c'est me rendre utile. »

« … Si nous survivons au voyage, je m'assurerai que tous se souviennent que tu es des nôtres. En attendant, il nous faut espérer et prier pour que le Créateur nous guide… »

L'espoir… un sentiment tellement fragile qu'il peut se briser à tout instant… pour mieux renaître par la suite. Ce fut ainsi que le peuple de Darse, dans un chœur mélancolique, reprit confiance et, guidés par l'élu d'Andrasté ainsi que par l'apostate Rita Mordio, ils poursuivirent leur route au lever du jour. Toutes les pensées des survivants allaient vers le Créateur, chacun l'implorant intérieurement de mettre fin à leurs souffrances.

Leurs prières furent entendues quand, avec un étonnement non feint, ils arrivèrent en vue d'une forteresse elfe abandonnée dans les montagnes enneigées : Fort Céleste.

Ainsi, l'Inquisition retrouva une base… et surtout, à l'unanimité, maître Lavellan fut officiellement nommé Inquisiteur. La première décision prise fut de s'atteler à la rénovation de leurs nouveaux quartiers généraux, ce qui donnait du travail à quiconque était capable de tenir un marteau. Là où à Darse la place manquait pour loger tout le monde, Fort Céleste possédait l'espace nécessaire pour que chaque unité puisse évoluer sans marcher sur les pieds d'une autre. Raven et ses espions avaient déniché une volière parfaite pour leurs corbeaux, située juste au-dessus d'une bibliothèque remplie de divers ouvrages. Estellise trouva sa place près de la table de guerre, établissant son bureau dans une salle précédant celle du conseil et proche du grand hall, lui permettant ainsi d'être facilement présente auprès de l'Inquisiteur quand il le fallait bien qu'elle avait hâte que les travaux de rénovation s'achèvent, les courants d'air ne manquant pas. Quant à Flynn, souhaitant être près des remparts, il avait choisi une tour où installer à la fois son bureau et, juste au-dessus, ses appartements… si l'on exceptait le fait que le toit aurait eu besoin de quelques réparations, ce qui ne semblait nullement préoccuper le Templier.

Tous s'investissaient durement pour l'Inquisition, que ce soit à une petite ou à une grande échelle… et parfois en s'oubliant soi-même.

« Depuis combien de temps tu n'y as pas touché Flynn ? » avait demandé Sodia avec inquiétude au commandant et conseiller militaire de l'Inquisition.

« Je ne sais plus exactement… » répondit le templier en essayant d'empêcher sa main de trembler encore plus qu'elle ne le faisait actuellement. « Mais promets-moi que si un jour je venais à ne plus être apte à assumer mes fonctions, tu me laisseras partir. »

La chercheuse de vérité ne put retenir une grimace à cette demande. C'était elle qui avait recommandé Flynn à ce poste, vu son potentiel… et surtout cette volonté qu'il possédait. Sans cette force de caractère, jamais il n'aurait réussi à ne pas prendre de lyrium pendant autant de temps. Cependant, le lyrium restait une substance très addictive et si les mages ne souffraient pas d'en prendre quand cela leur était nécessaire, ce n'était pas la même chose pour les Templiers qui ressentaient tous les symptômes de manque : tremblements, douleurs, migraines, cauchemars… Cesser d'en prendre était donc une véritable épreuve, un parcours du combattant des plus ardus.

Elle espérait sincèrement qu'il allait réussir à s'en remettre…

Après plusieurs opérations menées en Orlaïs et en Férelden, l'influence de l'Inquisition allait en grandissant, lui permettant de localiser son ennemi et de découvrir diverses failles de l'Immatériel que l'Inquisiteur Lavellan put aller refermer, aider par ses plus proches amis. Les trajets se faisaient tantôt dans la chaleur de la Porte du Ponant, tantôt sous le couvert des hauts arbres des Tombes Emeraudes, etc. Il y avait tant à explorer pour s'assurer de la sécurité de Thédas…

Ce jour-là, alors qu'il venait d'entrer dans sa tour, Flynn sentit une présence familière dans son domaine et, au moment où il leva la tête, il entendit un léger bruit en haut, ce qui le fit sourire avec amusement. Faisant comme s'il n'avait rien remarqué, il s'installa à son bureau et commença à lire les différents rapports qui l'attendaient.

Par deux fois, il avait été interrompu : la première fois par Sodia qui était venue voir que tout allait bien pour lui avant de se préparer à partir, la seconde fois par l'Inquisiteur Lavellan qui cherchait Yuri depuis un moment dans le but qu'il les accompagne à l'Emprise du Lion – n'ayant pu mettre la main sur le tévintide, ce fut Rita qui prit sa place et ce, de mauvaise grâce.

Lorsque le soleil commença à disparaître derrière les montagnes enneigées, le Templier demanda à l'un de ses hommes de lui amener de quoi se restaurer en précisant qu'il était affamé et qu'il avait encore beaucoup de travail à finir pour le lendemain. Une fois la collation arrivée, il attendit environ cinq minutes, le temps que l'odeur du poulet tout juste sorti du four embaume bien les lieux. En entendant du bruit à l'étage, Flynn ne fut absolument pas surpris de voir, quelques secondes après, Yuri descendre rapidement de l'échelle.

« Alors maintenant tu essaie d'éviter de partir en mission ? » demanda le commandant sur un ton taquin tout en lisant le dernier rapport qu'il avait reçu. « L'Inquisiteur ne va pas être content quand il sera de retour. »

« Je m'en fiche. » répondit le mage, emmitouflé dans une fourrure qu'il avait prise à l'étage. « Il est hors de question que j'aille encore me les geler à l'Emprise du Lion alors qu'il fait déjà très froid ici. »

De mémoire, cela devait être la quatrième fois que Yuri venait se cacher ici. Flynn n'y voyait pas d'inconvénient, essentiellement parce que cela lui permettait de s'assurer que son ami se portait bien et qu'il n'était pas occupé à faire une farce à quelqu'un – généralement, les idées venaient de Judith mais elle parvenait toujours à convaincre le tévintide de l'aider, comme la fois où elle avait réussi l'exploit de teindre les cheveux de Duke d'un rouge vif dont ce dernier eut bien du mal à se débarrasser.

« Et pourquoi Sodia est venue te demander comment tu allais ? » questionna le jeune Altus avant de mordre avec appétit dans un morceau de poulet. « T'as fini par chopper un rhume avec les trous dans ta toiture ? »

Face à cette question, le Templier grinça légèrement des dents, ce qui, vu la réaction du mage, n'était pas passé inaperçu. Il pesa longuement le pour et le contre, remerciant intérieurement son ami de ne pas le presser de questions sur sa condition, et finit par décider qu'il serait mieux de lui avouer ce qu'il risquait fort de deviner par lui-même.

« J'ai cessé de prendre du lyrium et elle venait vérifier si je n'avais pas besoin de son aide pour atténuer les effets secondaires. » admit Flynn en se passant une main sur le visage. « Même si j'apprécie sa sollicitude à mon égard, je ne compte pas l'appeler à la moindre migraine. »

« Du peu que je sais, il est très difficile d'arrêter le lyrium. » déclara Yuri en fronçant les sourcils, pensif. « De mémoire, Alexei s'y était intéressé dans le but de raccourcir la durée des effets secondaires sur les mages. Si tu veux, je peux aller lui demander ses notes et les étudier avec un arcaniste. Peut-être qu'il avait découvert quelque chose qui peut servir. »

« Ça ira, je peux me débrouiller seul… »

« Je n'ai pas l'intention de te laisser gérer cette saleté par toi-même Flynn. »

Le regard azur du commandant croisa celui gris et déterminé du mage.

« Depuis que j'ai rejoint l'Inquisition, tu m'as aidé quand j'en avais besoin. » poursuivit Yuri en posant brutalement ses mains à plat sur le bureau. « Il est donc hors de question que tu ne me laisse pas faire la même chose pour toi ! »

Le Templier s'apprêtait à répliquer mais une étincelle dans ces yeux anthracite le fit hésiter. Pourquoi avait-il le sentiment que quelque chose n'allait pas avec son ami ?

« Très bien. » abdiqua Flynn, épuisé. « Mais j'accepte à condition que la moindre de tes découvertes puisse aussi aider les autres Templiers. Pas uniquement moi. »

« Entendu. »

Ce fut ainsi qu'une nouvelle routine s'installa entre eux : chaque soir, le mage venait examiner le Templier, vérifiant son état physique et mental. Dans le cas où le chevalier était en proie à une crise de paranoïa, le tévintide restait à ses côtés jusqu'au matin, faisant qu'il avait fini par faire la plupart de ses recherches depuis la chambre du commandant de l'Inquisition. Cela n'aurait pas fait jaser au sein de Fort Céleste si un deuxième lit avait été installé dans cette tour, ce qui fit courir le bruit que les deux hommes étaient amants. Si la rumeur faisait rougir le conseiller militaire, le mage était étrangement sur la défensive quand il l'entendait, comme s'il craignait quelque chose…

… et ce fut l'Inquisiteur qui en découvrit le premier la raison lors d'un rendez-vous à Golefalois auquel lui et le tévintide étaient conviés. Presque personne n'était au courant de cette entrevue à part les concernés car celui qu'ils étaient allés rencontrer souhaitait que cela reste discret.

Après qu'ils furent de retour à Fort Céleste, Yuri avait demandé à être seul un moment, ce qui avait inquiété maître Lavellan. Ce fut pour cette raison que, une fois la réunion avec ses proches conseillers terminée, il demanda à Flynn de venir le voir dans ses appartements puis il lui dévoila ce qui s'était produit à Golefalois.

Suite à cela, le Templier demanda si quelqu'un avait vu le mage tévintide quelque part. Rita et Raven lui confirmèrent qu'il n'était pas venu à la bibliothèque, Sodia ne se souvenait pas l'avoir vu passer près du terrain d'entraînement et Judith confirma qu'il n'avait pas mis un pied à la taverne depuis son retour. Patty était la seule à l'avoir croisé dans les jardins et lui avait précisé que leur ami souffrait beaucoup intérieurement. Puis il alla voir Duke qui, comme à son habitude, était aux écuries…

« Il est en haut. » lui déclara calmement le Garde des Ombres avant qu'il ait pu lui demander quoique ce soit.

Flynn monta donc à l'étage et y trouva Yuri, assis dans un coin et qui avait un air misérable sur le visage. Le Templier ne put qu'en conclure que l'Inquisiteur avait raison d'être inquiet : le mage n'avait pas très bien encaissé le fait de revoir son père, l'homme qu'il avait fui car celui-ci, mécontent d'apprendre que son fils multipliait les aventures avec la gent masculine, avait voulu le faire rentrer de force dans le moule… en utilisant la magie du sang pour changer ce qu'il était. Le choix du jeune Altus était parfaitement compréhensible ainsi que la profondeur de la blessure qui lui avait été infligée le jour où il avait découvert tout cela.

Sans prononcer le moindre mot, Flynn s'installa à côté de son ami et il attendit de longues minutes avant que Yuri, d'une voix terne décide de vider son sac.

Le mage lui décrivit l'empire de Tevinter et son obsession à créer des mages parfaits. Les mariages d'amour n'existaient pas, en particulier chez les Altus. Ce n'était que des unions arrangées, une perpétuelle mascarade à laquelle les tévintides se prêtaient depuis bien longtemps et ce, même si cela ne leur convenait pas. Yuri, lui, avait essayé de cacher qu'il n'avait aucun attrait pour les femmes, acceptant les quelques propositions d'un soir qu'il pouvait trouver. La malchance avait voulu qu'un de ses partenaires d'une nuit soit marié et que sa femme soit jalouse. Quand le père du jeune Altus, le Magister Lowell, l'avait découvert, ils s'étaient disputés et, quelques jours plus tard, le jeune homme l'avait entendu parler de ce rituel sanglant destiné à rectifier l'erreur qu'il était. Il n'avait pas tardé à s'enfuir et il avait trouvé refuge auprès d'Alexei.

Yuri se tourna ensuite vers Flynn et lui dit qu'il était désolé d'avoir provoqué cette rumeur, ce que le Templier contra en déclarant qu'il n'avait pas à l'être et qu'à aucun moment il ne s'était senti honteux que l'on perçoive ainsi leur relation. Intrigué, le mage lui demanda d'être plus précis et, quand il vit l'hésitation du chevalier, il insista, ce qui provoqua un soupir d'appréhension chez son ami… avant que celui-ci ne pose sa main contre sa joue avec douceur et dépose un bref baiser sur ses lèvres.

Ce contact laissa le mage particulièrement confus et, afin de lui laisser le temps de réfléchir, le Templier lui précisa qu'il pourrait le trouver sur les remparts.

A présent, cela devait faire une bonne heure que Flynn avait inspecté cette zone en long et en large. Son regard était fixé sur les montagnes enneigées quand il entendit des pas derrière lui. Il se retourna et vit arriver Yuri, les bras croisés contre son torse et frottant ses mains contre ses épaules pour se réchauffer.

« Heu… » fit le tévintide, ses joues se colorant légèrement. « Je ne sais pas trop si… si c'est une bonne chose qu'on… »

« Vu comme cette rumeur amuse beaucoup tout Fort Céleste, je doute que la rendre vraie pose de souci à quiconque. » le coupa le Templier avec un léger sourire en coin. « Et s'il y en a à qui cela ne convient pas, tant pis pour eux. C'est à moi de choisir qui je veux fréquenter. »

« Donc… tu veux qu'on… »

Soudain, le mage fut secoué d'un rire nerveux. Flynn, perturbé par cette réaction, resta interloqué… jusqu'au moment où Yuri combla rapidement la distance entre eux et l'embrassa sur la bouche.

Ce changement officiel dans leur relation fut accueilli de façon positive par leurs proches, à commencer par Judith qui leur offrit une série d'ouvrages dont le contenu avait fait rougir le Templier jusqu'aux oreilles. Bien que le futur restait incertain à cause de la menace qu'ils avaient à affronter, ils pouvaient s'afficher librement dans Fort Céleste et ce, même si certains détournaient les yeux en voyant leurs démonstrations d'affection en public.

Peu importe ce qui les attendait, ils étaient ensemble pour lutter et c'était ce qui comptait le plus pour eux.


Equivalence personnages :

Sodia - Cassandra Penthagast

Flynn - Cullen Rutherford

Yuri - Dorian Pavus

Raven - Léliana Rossignol

Estelle - Joséphine de Montilyet

Judith - Sera

Duke - Blackwall

Rita - Solas (en partie seulement)

Witcher - Vivienne

Patty - Cole

Sans équivalence avec TOV : Varric, Iron Bull

Maître Lavellan : Si le joueur choisit un elfe comme personnage à incarner, il sera du clan Lavellan.

Darse : Village de Férelden et lieu de pèlerinage.

Thédas : Monde où se déroulent les évènements de Dragon Age. Dans Inquisition, les pays accessibles sont Orlaïs et Férelden.

Empire de Tevinter : Situé au nord d'Orlaïs, cet empire valorise les mages au contraire du reste de Thédas. L'esclavage est encore pratiqué et les non-mages ont peu de chances d'obtenir une place importante dans la société tévintide.

Divine : Leader de la Chantrie, obligatoirement de sexe féminin.

Chantrie : Organisation religieuse qui est dominante à Thédas. Jusqu'à la rébellion des mages, c'était elle qui avait le contrôle sur les cercles de mages, l'ordre des Templiers et les chercheurs de vérité. A Tevinter, suite à une rupture avec Orlaïs, existe la Chantrie Impériale qui est dirigé par un homme choisi parmi les Magisters.

Magister : Dirigeants des cercles de mages de Tevinter. Ce sont aussi eux qui dirigent l'empire de Tevinter.

Altus : Descendants de très anciennes familles de mages tévintides. Les Altus sont des mages qui, dans la société tévintide, occupent les plus hauts rangs.

Immatériel : Lieu où vivent les esprits et les démons. Il est séparé du monde de Thédas par le Voile et quand ce dernier est fragilisé, des failles apparaissent, laissant sortir les démons et les esprits.

Chercheurs de vérité : Organisation prenant ses ordres directement de la Divine et pouvant accomplir diverses missions. Ils peuvent aussi agir contre les templiers. Il n'y a pas de chercheurs de vérité à Tevinter.

Ordre des Templiers : Organisation militaire aux ordres de la Chantrie. Les Templiers sont chargés de traquer les mages apostats et de surveiller les cercles de mages (excepté à Tevinter où ils sont essentiellement une force militaire).

Cercles de mages : Regroupement de mages où les mages sont entraînés à maîtriser leurs pouvoirs sous le contrôle des Templiers. Ils sont dirigés par le premier Enchanteur, sauf à Tevinter où ce sont les Magisters qui en sont les dirigeants.

Gardes des Ombres : Guerriers ayant la capacité de combattre les Engeances, des créatures qui ont plusieurs fois menacé Thédas. La Garde des Ombres ne s'intéresse qu'aux compétences de ses recrues, faisant qu'elle met de côté tout le reste (race, classe, origine sociale, passé…). De plus, le rituel pour les rejoindre peut potentiellement être mortel. Leur nombre est assez réduit.

Mage apostat : Mages n'appartenant pas à un cercle et considéré comme une menace. Les apostats sont fréquents chez les elfes.

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 Disclaimer : Tales of Vesperia ne m'appartient pas

Titre : L'Union des braves

Arc UA : Super-héros

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta / Acolyte : Eliandre

Genre : UA / Aventure / Friendship / Humour (vu les réactions d'Eliandre, je suis obligée de le faire…)

Rating : T par précaution

Note : Nouvel arc UA, cette fois-ci sur les super-héros. Pour le moment, ce sera essentiellement la présentation des dits-héros qui s'uniront pour devenir « L'Union des Braves » et combattre le mal dans les rues de Zaphias. Je verrai comment organiser mes textes au fur et à mesure que ceci avancera.


A Zaphias, plus grande ville du continent d'Illycia, les forces de l'ordre étaient dépassées par la hausse fulgurante de la criminalité. Heureusement, un groupe de justiciers, certains possédants des capacités hors du commun, était là pour les protéger contre les méchants…

1 : La princesse et son chevalier

A l'origine, Flynn Scifo se destinait à faire carrière dans les forces de l'ordre, tout comme son père avant lui, mais le destin en avait décidé autrement quand, un jour où il patrouillait près du centre spatial de Zaphias, des criminels dérobèrent un morceau d'un astéroïde jugé radioactif et qu'en le récupérant sans protection, le jeune homme avait été gravement exposé aux radiations de cette pierre de l'espace.

Même s'il était triste, il ne s'en plaignait pas car il avait trouvé un travail assez confortable de garde du corps, protégeant Estellise Sidos Heurassein d'un éventuel enlèvement, doublé d'un job peu commun…

« Lâchez cette femme et mettez vos mains en l'air ! »

L'homme, actuellement occupé à brutaliser une femme dont il espérait récupérer le sac à main, s'était bien entendu arrêté en pensant avoir affaire à la police. Il fut très surpris de tomber sur un jeune homme vêtu d'un costume majoritairement blanc – le haut de la tenue possédait deux larges bandes bleues verticales qui encadraient un cercle noir à l'intérieur duquel se trouvait huit petits ronds de bronze qui en encerclait un, plus grand, en or –, dont le haut du visage était caché sous un masque blanc au liseré bleu – on pouvait voir qu'il avait des cheveux blonds en bataille – et qui le menaçait avec une épée dans la main droite tout en tenant un pavois blanc ornés en son centre d'un dessin de deux lames croisées dans sa main gauche.

« Me fais pas rire crétin ! » fit le criminel qui appréciait peu ce qu'il pensait être une plaisanterie avant de sortir une arme à feu de son blouson. « C'est trop tard pour Mardi Gras. »

« Dans ce cas, je me vois forcé de sévir monsieur. »

L'individu n'attendit pas qu'il s'avance et tira sur lui… avant de réaliser qu'il l'avait, curieusement, manqué – seuls cinq mètres au plus devaient les séparer et la ruelle n'était pas si large que cela, bien au contraire. Tandis que l'homme masqué commençait à marcher calmement vers lui, il tira deux autres coups… qui ricochèrent littéralement sur le torse de sa cible. Pris de panique, il ne réfléchit pas et vida son chargeur, espérant ainsi le tuer.

Cependant, il s'effondra au sol quand il reçut un violent coup de poing au thorax de la part de celui en costume.

« Putain mais t'es quoi au juste ? » demanda-t-il, terrorisé en comprenant que ce type était tout sauf normal.

« Le mot « qui » serait plus adapté monsieur. » répondit l'inconnu habillé en blanc avant de s'incliner respectueusement devant la femme qu'il avait sauvé tout en rangeant sa lame dans le fourreau qu'il portait à sa ceinture. « White Knight, au service de la justice. »

White Knight, un des premiers justiciers masqués qui était apparu à Zaphias et, très certainement, le plus populaire. Cette nuit-là, il était encore inconnu du grand public et, excepté en privé, personne n'avait encore pu constater son incroyable résistance physique. La rumeur disait que son corps était indestructible.

Le criminel, lui, avait voulu profité du fait que la femme remerciait son sauveur pour leur fausser compagnie mais un violent coup sur la tête le mit KO, le faisant tomber aux pieds de l'acolyte de White Knight : Lady Silver.

Elle était aisée à reconnaître dans son costume blanc et rose - celui-ci était composé d'un haut du même style que celui de son acolyte, à la différence qu'elle avait un cœur rouge entouré d'une couronne d'argent sur sa poitrine, et d'un bas qui se présentait sous la forme d'une jupe évasée accompagnée de collants blancs - et à son casque évoquant un diadème qui lui couvrait le haut de la tête – les cheveux blond platine qui s'en échappaient lui tombaient en de belles anglaises sur les épaules. Dans ses mains, elle tenait un sceptre argenté, celui-là même dont elle s'était servi pour assommer le bandit.

« J'y ai peut-être été un peu fort non ? » demanda-t-elle, un peu gênée, à son partenaire.

« Vous avez fait votre devoir madame donc n'en soyez pas confuse. » répondit White Knight avec le sourire.

Après avoir escorté la femme qu'ils avaient sauvé du danger jusque chez elle et déposé le malchanceux criminel près du poste de police le plus proche, ils rejoignirent leur véhicule, une berline blanche qui avait deux épées croisées entourées d'une couronne dessinées sur le capot et dont l'intérieur avait été quelque peu modifié. Lady Silver monta à l'arrière et White Knight à l'avant. Ce dernier appuya sur le bouton d'un petit écran sur son tableau de bord, ce qui alluma celui-ci en montrant la tête d'une adolescente aux yeux verts et aux courts cheveux châtain.

« Rien d'autre à signaler Rita ? » demanda le justicier.

« C'est plutôt calme apparemment. » lui répondit sa cadette sur un ton morne. « Vous pouvez rentrer. »

Sur cette phrase, l'écran s'éteignit. White Knight mit le contact et tourna la clé sur l'encoche du mode « pilote automatique » avant d'entrer la destination sur ce qui ressemblait fort à un GPS. Lady Silver, pendant ce temps, avait pris le bouclier de son partenaire pour le ranger sous les sièges arrières, dans une cache secrète qu'elle referma rapidement, puis elle appuya sur un bouton au dessus d'elle, faisant se lever une séparation avec l'avant du véhicule. De son côté, White Knight, en constatant que son acolyte avait mis en place cette séparation, enclencha un bouton gris qui fit se teinter toutes les vitres du véhicule juste avant qu'il ne démarre. Ensuite, il ôta son masque, redevenant le citoyen Flynn Scifo.

Ce n'était pas évident de se changer dans une voiture en mouvement mais, avec de l'entraînement, ils y étaient parvenus assez facilement, leurs costumes n'étant pas très compliqués à enfiler. Vu qu'ils rentraient, ils auraient très bien pu se passer de cette étape mais Rita, en écoutant la fréquence de la police, leur avait signalé des barrages sur la route, ce qui pouvait poser souci.

Justement, cela ne loupa pas : leur véhicule dut s'arrêter à l'un de ces points de contrôle. Flynn baissa donc la vitre du conducteur pour tomber nez à nez avec le sergent Adeccor. Au préalable, le jeune homme avait enclenché une commande pour masquer les modifications internes du véhicule et changer sa couleur extérieur en un noir profond pour passer inaperçu.

« Bonsoir sergent. » lança-t-il à celui qui était un ancien collègue à lui.

« Flynn Scifo ! » s'exclama le sergent Adeccor avec surprise. « Que faites-vous aussi tard en ville ? »

« C'est de ma faute monsieur l'agent ! »

Lady Silver, alias Estellise Sidos Heurassein, avait ouvert la vitre arrière et penché légèrement sa tête vers l'extérieur pour s'adresser au représentant de l'ordre.

« J'étais allée chez des amies et nous n'avons pas vu le temps passer. » mentit-elle avec un sourire désolée tout en remettant en place une mèche de cheveux roses derrière son oreille – étrangement, c'était sa couleur naturelle et, à cause de cela, elle devait porter une perruque quand elle était en Lady Silver afin de ne pas être facilement reconnue.

« Le travail donc. » fit Adeccor avec un léger sourire en se tournant vers son ancien collègue. « Vous pouvez passer. »

« Au fait, vous cherchez quelqu'un en particulier ? » demanda Flynn tandis qu'Estellise remontait sa vitre en écoutant d'une oreille ce qui se disait. « Je ne me souviens pas avoir vu ce barrage quand nous sommes passés par ici en début de soirée. »

« Une fausse alerte probablement mais on n'est jamais trop prudent. »

Vu la façon dont il vit la moustache du sergent frémir, c'était clairement un mensonge. A l'instant même où il remarqua ce détail, la radio d'Adeccor se mit en marche.

« Suspect appréhendé par le lieutenant O'Daly. Vous pouvez enlever tous les barrages. »

Bingo. Et manifestement, son ancienne coéquipière, Sodia O'Daly, était toujours aussi efficace.

« Bien reçu. » répondit le sergent à la radio avant de se tourner vers lui. « Bonne nuit à toi Flynn et à la prochaine ! »

« A bientôt Adeccor et finis bien ton service. »

Flynn et Estellise purent reprendre leur route en direction de la résidence Sidos Heurassein, celle-ci étant plutôt un vaste domaine comprenant un gigantesque manoir avec quelques annexes dont l'une d'elles, la plus grande, était occupée par Rita et ses travaux.

D'ailleurs, ils constatèrent, après avoir franchi la grande grille qui représentait l'entrée du domaine, que celle-ci les attendaient de pied ferme.

« Sortez vite de là-dedans ! » fit-elle une fois que le moteur fut coupé. « J'ai des modifications à faire dessus et ça va me prendre du temps ! »

Flynn et Estellise avaient l'habitude de cela de la part de Rita. Depuis le temps qu'ils travaillaient ensemble…

Quand le jeune homme avait dû quitter les forces de l'ordre, cela avait été un vrai crève-cœur pour lui qui espérait y faire carrière, tout comme son père avant lui. Il avait cherché un moment comment rebondir quand il reçut un coup de téléphone de la part de la riche héritière de la famille Sidos Heurassein. Il avait été une fois assigné à sa protection après que quelqu'un ait tenté de l'enlever contre une rançon et la jeune femme lui en était restée très reconnaissante, si bien que lorsqu'elle avait appris qu'il n'avait plus de travail, elle avait décidé qu'il était temps de l'aider à son tour.

C'était donc grâce à Estellise qu'il avait eu ce job de garde du corps et, honnêtement, il n'aurait jamais imaginé ce qui en découlerait par la suite.

Peu de temps après être entré à son service, il avait dû la protéger d'un homme qui tentait de la tuer et s'était interposé entre elle et la balle. L'individu fut abattu très vite par la sécurité – on découvrit d'ailleurs qu'il s'était récemment fait embaucher comme jardinier et que ses antécédents avaient été mal vérifiés – et, étonnamment, Flynn était indemne alors qu'il était certain d'avoir reçu le tir de plein fouet. En ôtant sa chemise dans sa chambre, il avait constaté que, effectivement, il avait été touché mais aucune blessure n'était visible sur son torse. Par contre, quand il s'était déshabillé, il n'avait pas noté qu'un objet était tombé… et c'est en le ramassant qu'il avait réalisé que c'était une balle de pistolet complètement déformée !

Il ne comprenait pas ce qu'il s'était passé et ne savait pas trop à qui en parler. Cependant, en le voyant aussi troublé, Estellise avait compris que quelque chose le travaillait et il lui avait raconté ses découvertes. Tout de suite, elle l'avait pris au sérieux, s'étant elle-même demandé ce qu'il était advenu de cette balle que personne n'avait retrouvée, puis elle l'avait emmené à l'annexe occupée par Rita Mordio, une surdouée de quinze ans qui vivait recluse et dont les travaux étaient financés par la famille Sidos Heurassein.

Si elle s'était montrée sceptique au début, l'insistance de celle aux cheveux roses – qui était aussi sa meilleure amie – fut ce qui la persuada de faire quelques tests. Flynn n'avait pas bronché face à la prise de sang – il avait dut la faire lui-même quand l'aiguille de la seringue se brisa pour la quatrième fois lorsque c'était sa cadette qui essayait de la lui planter dans le bras – mais quand il dut rester immobile face à des armes à feu pointées sur lui, il avait eu un mal fou à lutter contre ses instincts de policier.

Malgré cela, les expériences de Rita permirent de faire la lumière sur ce qui lui arrivait : l'astéroïde avait légèrement modifié son ADN, faisant que son corps était devenu invulnérable à beaucoup d'éléments pouvant le blesser – s'il ne craignait plus de se couper, cogner ou faire tirer dessus, il pouvait toujours se brûler et ce fut suite à cette constatation que la surdouée lui avait fabriqué un costume résistant au feu.

L'idée de devenir une sorte de super-héros était venue d'Estellise – il avait appris par la suite que la jeune femme, en plus d'avoir une couleur de cheveux inhabituelle, avait elle aussi d'étranges aptitudes qu'elle s'évertuait à dissimuler aux yeux du monde. Il avait trouvé cela un peu tiré par les cheveux au départ mais quand elle lui déclara qu'elle le ferait seule s'il le fallait, il avait cédé et c'était ainsi que White Knight et Lady Silver étaient nés.

Est-ce que Flynn regrettait son choix ? Non car il devait reconnaître qu'il se sentait plus à son aise à patrouiller dans les rues de Zaphias pour lutter contre le crime au lieu d'être cantonné à la protection d'une seule personne.

-§-

« Ces derniers jours, plusieurs délits ont été commis et les coupables ont rapidement été remis aux mains de la justice. D'après plusieurs témoignages, deux individus masqués, un homme et une femme se faisant appelés respectivement White Knight et Lady Silver, seraient spontanément venus à leur secours. Nous ignorons quelle est leur véritable identité mais il est certain que beaucoup de citoyens leur sont reconnaissants pour les avoir aidés. A présent, parlons de… »

« Les médias commencent à parler de nous ! » s'exclama Estellise dont le regard turquoise s'était illuminé.

« Je ne m'emballerai pas trop à ta place. » marmonna Rita qui avait changé de chaîne assez brutalement. « Pour le moment, nous sommes que des petits joueurs et ils le savent très bien. »

« Je suis aussi de cet avis. » approuva Flynn qui lisait quelques articles sur Internet. « Nous sommes surtout intervenus sur des agressions ou des petits larcins. Rien ne nous empêche de tenter des opérations plus ambitieuses mais les risques seront plus élevés et je suis le seul ici qui peut me passer d'un gilet pare-balles. »

« Ce ne sera pas difficile de revoir le costume d'Estelle je pense. » remarqua la surdouée en attrapant son ordinateur portable. « Je devrais même pouvoir y ajouter quelques gadgets très simples comme des fumigènes ou des lunettes à vision nocturne. Bien entendu, ça vaut pour toi aussi Flynn. »

« La sécurité d'Estellise est le plus important. La mienne passe ensuite. »

« Rita, tu crois que tu pourrais aussi… »

Le jeune homme décrocha de la conversation, se doutant déjà de quoi il s'agissait, pour s'intéresser à un article relatant quelques faits étranges à Zaphias : des effractions où strictement rien n'avait été volé. Dans la liste des lieux concernés, il y avait une parfumerie, le zoo, un musée et un antiquaire. Aucun lien n'était visible entre ces différents endroits et Flynn sentait que quelque chose se préparait. Cependant, il manquait encore d'éléments pour savoir quoi exactement.

-§-

Alors qu'il buvait tranquillement un verre dans un bar, il ne s'était pas attendu à entendre aux infos que deux justiciers masqués arpentaient les rues de Zaphias. Il s'en serait probablement moqué si les circonstances avaient été toutes autres mais là, sa curiosité avait été piquée au vif : qui étaient ces deux personnes qui dissimulaient leur identité ?

Il n'avait pas assez de données pour répondre à cette question mais il connaissait un bon moyen d'y remédier… restait juste à faire quelques préparatifs et de guetter le bon moment pour agir.


NB : Voilà ce qu'il en est pour Flynn et Estelle. Les autres vont suivre progressivement.

Auteur vs Persos :

Orieul : T'as abusé de Batman dernièrement toi.

Kaleiya : J'avoue que… oui.

Asahi : Là, c'est plutôt Superman qui a servi d'inspiration.

Kaleiya : Vous impatientez pas car j'ai tellement de taf en perspective que ça ne va pas avancer vite tout cela…

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 Titre : Par Osiris et par Apis…

Auteur contaminée par la folie de sa comparse : Kaleiya Hitsumei

Beta forcée de constater que sa folie est contagieuse : Eliandre

Disclaimer : Ni Tales of Vesperia, ni Les douze travaux d'Astérix ne sont ma propriété.

Note : Ceci est une tentative de suite de ma part de « L'île du Plaisir » écrite par ma comparse et qui, bien entendu, m'a donné son autorisation.


 

Par Osiris et par Apis…

Quelque part à Desier, il était possible de trouver la demeure d'un hypnotiseur, reconnaissable à son entrée triangulaire et aux personnes qui en sortaient… en se comportant comme s'ils étaient devenus des animaux. Personne n'avait résisté au regard envoûtant de cet être hors du commun et, pour cette raison, l'empereur Ioder avait estimé qu'il serait une excellente épreuve pour savoir si leurs deux invités étaient d'une étoffe divine ou non. S'ils venaient à échouer et à succomber eux aussi à cette influence mystique, cela lui ferait une nouvelle distraction des plus intéressantes…

« Ce n'est parce qu'ils ont vaincu les prêtresses de l'île du Plaisir et nos meilleurs soldats qu'ils… » commença Alexei avant de froncer le nez en entendant quelques soupirs rêveurs de la part des autres conseillers ainsi que quelques murmures vantant les mérites des femmes vivant au milieu du lac de Sharess. « Au lieu de penser à votre retraite messieurs, concentrez-vous sur la situation actuelle ! Ils ont déjà vaincu quatre des obstacles que nous leur avions préparés ! »

« Laissez-les donc faire. » lui déclara le jeune souverain avec un sourire amusé. « Ils ne sont pas aussi tenace que vous et moi face aux charmes féminins et puis n'oubliez pas que nos amis ont encore huit épreuves à réussir pour remporter le petit pari que nous avons fait avec eux. »

« Cela est exact. Rien que de penser à certaines d'entre elles, j'avoue avoir un peu pitié d'eux… »

« Justement, vous souvenez-vous de cet hypnotiseur à Desier ? »

« Comment l'oublier ? Une dizaine de nos hommes se prennent encore pour des chiens et aboient dès que l'on s'approche trop près d'eux… Ne me dites-pas que c'est cela l'épreuve que vous leur avez réservée ensuite ? »

Le sourire de l'empereur Ioder s'accentua à cette phrase et, face à cette vision, Alexei ne put que frémir face au génie machiavélique qui se cachait derrière ce visage d'ange et avoir une pensée pour celle qu'ils avaient désignée pour accompagner les deux hommes – elle avait longuement protesté contre ce voyage imposé mais c'était ça ou les lions vu qu'elle était en sursis pour avoir accidentellement brûlé sa demeure et celle d'un de ses voisins – en tant que témoin et arbitre pour valider leurs réussites ou leurs échecs.

Rita arriverait-elle à les ramener jusqu'à Zaphias s'ils échouaient à Desier ? Le conseiller avait quelques doutes sur la chose…

-§-

Si tout s'était passé comme prévu et sans encombre, Flynn aurait été de retour à Danhgrest et aurait fait le rapport sur ses découvertes à Don Whitehorse, le chef de son village. Cependant, lui et Raven ignoraient qu'un piège redoutable les attendait dans les bois de Quoi, plus précisément au milieu du lac de Sharess en la personne des prêtresses de l'île du Plaisir. Si son aîné y avait immédiatement succombé en entendant les chants mélodieux de ces demoiselles, le plus jeune avait réussi à conserver ses esprits mais, en voulant s'échapper, il s'était retrouvé nez à nez avec le seul habitant des lieux qui n'était pas une femme…

Durant un mois entier, il avait été retenu captif sur l'île. On pouvait supposer qu'il avait réussi seul à s'évader avec le temps et ainsi poursuivre sa mission mais en réalité, cela s'était passé bien différemment…

Assis sur un banc de pierre dans ce qui servait apparemment de salle d'attente au responsable de cette épreuve, Flynn attendait patiemment leur tour en compagnie de Rita, une adolescente aux cheveux châtain et aux yeux verts dont la tunique rouge et noire était légèrement brûlée par endroits, et de… Yuri, demi-frère de la Grande Prêtresse de l'île du Plaisir qui, de par le bâillement qui lui avait échappé, s'ennuyait ferme – s'il l'avait voulu, il aurait pu au moins penser à changer de vêtements avant qu'ils n'embarquent sur ce bateau pour Desier car cette toge sombre était loin d'être faite pour voyager et le guerrier était forcé de se retenir à chaque fois de baisser les yeux quand il devait lui parler.

Pour pleinement comprendre cette bizarrerie, il fallait revenir en arrière dans le temps… plus précisément dans les dix derniers jours de sa captivité.

L'île du Plaisir était loin d'être un lieu tenu secret et il arrivait que, de temps à autre, quelques hommes viennent volontairement s'y égarer. Cela n'avait rien d'anormal… sauf que le nombre « d'invités » explosa subitement à cette période, faisant que le seul autochtone mâle des lieux se retrouva avec bien plus de choses à faire que ce dont il était habitué, ce qui n'était pas du tout de son goût. Il s'était bien entendu plaint auprès de sa sœur… mais celle-ci lui avait répliqué qu'elles aussi étaient débordées et qu'il n'avait qu'à utiliser son « séduisant guerrier blond » pour l'aider.

Cependant, quand il avait constaté l'intérêt un peu trop marqué des prêtresses sur la personne du guerrier de Danhgrest, cela éveilla en lui une forte jalousie qui fit qu'il eut une violente dispute avec Judith sur ce sujet…

Tôt le lendemain matin, Yuri avait préparé des vivres pour deux personnes puis, après avoir pris une carte des bois de Quoi trouvée dans les affaires de sa sœur, il avait embarqué Flynn – les effets du nectar commençaient à se dissiper à ce moment-là vu que celui aux longs cheveux noirs avait cessé de lui en donner le soir précédent – et dérobé une barque afin de pouvoir quitter l'île du Plaisir.

Bien évidemment, quand le guerrier avait enfin pleinement retrouvé ses esprits, ils étaient au milieu des bois et il avait voulu revenir en arrière pour aller chercher Raven tandis que Yuri, lui, refusait obstinément de le laisser retourner là-bas. Agacé par cette situation et aussi par son nouveau compagnon de voyage dont il se serait bien passé, Flynn et lui avaient fini par se quereller verbalement puis en venir aux mains… ce qui, de par le boucan qu'ils faisaient et le fait qu'ils étaient plus proches de la sortie côté Zaphias qu'ils ne le pensaient, avait attirés les soldats de l'empereur jusqu'à eux, faisant qu'ils furent tous deux faits prisonniers et conduits dans les cellules de la capitale.

Le lendemain matin, l'empereur Ioder les avaient fait amenés dans sa salle d'audience où ils furent reçus par lui et ses plus proches conseillers. Le guerrier avait ainsi appris que lui et son aîné avaient bel et bien été piégés mais, se déclarant fondamentalement bon, le souverain avait décrété qu'il était prêt à passer l'éponge sur cette tentative d'espionnage de la part de Danhgrest à condition que le jeune homme accepte le pari qu'il lui proposait – il savait aussi que Yuri venait en fait de l'île du Plaisir, cela parce qu'il venait de recevoir un message de Judith qui souhaitait ardemment voir son cher frère lui revenir, ce qui n'était pas du goût du concerné. Si le jeune homme aux cheveux d'or refusait cette proposition, alors son redoutable village serait rasé par l'armée impériale.

Flynn avait donc ouvert grand ses oreilles et accepté cette proposition en grinçant des dents.

Après cela, l'empereur lui expliqua que certains de ses conseillers, impressionnés de voir qu'il avait résisté aux charmes de l'île du Plaisir, avaient émis la supposition que lui et ses compatriotes n'étaient pas des êtres humains, une idée qui l'avait beaucoup amusé et qu'il avait décidé de creuser en lui imposant une douzaine d'épreuves à réussir avant de gagner une paix durable entre Zaphias et Danhgrest – son évasion de l'île du Plaisir avait été comptée comme le premier défi réussi. Bien entendu, en cas d'échec, la guerre serait déclarée, ce qui plaçait un lourd fardeau sur les épaules du jeune homme.

L'après-midi, il fut placé dans une arène et fit face à sa deuxième épreuve, avec l'empereur et ses plus proches conseillers en guise de spectateurs ainsi que Yuri, ce dernier ayant obtenu le statut d'invité vu qu'il avait exprimé le souhait de ne pas retourner d'où il venait.

Les trois défis qui lui avaient été préparés dans ce lieu étaient de vaincre le maître d'une discipline particulière au sein de l'armée. Le premier étant un duel à l'épée, il le remporta sur la technique, désarmant son adversaire en profitant d'une faille dans sa défense dû à un excès de confiance. Le deuxième fut un concours de tir à l'arc et là, il dut remercier Raven de lui avoir enseigné ses méthodes de chasse et aussi dame Chance qui était de son côté. Par contre, la dernière fut un combat au corps à corps, un domaine où il aurait normalement dû mener mais en plus de se retrouver face à un adversaire plus petit que ce à quoi il s'était attendu, il s'était, par trois fois, fait mettre au tapis d'une manière totalement inattendue.

Alors qu'il s'était relevé pour un quatrième essai, à sa plus grande surprise, Yuri avait sauté dans l'arène… pour demander à son adversaire s'il pouvait lui expliquer comment il avait fait pour envoyer plus fort que lui à terre. Très pédagogue, le maître avait enseigné les mouvements au jeune homme aux longs cheveux noirs en lui servant de cobaye pour vérifier qu'ils les avaient bien assimilés. Ainsi, Flynn constata que le frère de la Grande Prêtresse de l'île du Plaisir apprenait très vite… et qu'il n'avait rien à envier à Raven dans le domaine de la ruse car, au bout d'un certain temps, celui que le guerrier n'avait pas pu vaincre était habilement neutralisé, battu par ses propres techniques de combat.

Face à cela, plusieurs conseillers avaient crié au scandale et déclaré que cette épreuve n'était pas valide mais Yuri, le regard sombre fixé sur l'empereur, avait rappelé à tous qu'il y avait deux espions en route pour Zaphias – lors de son séjour sur l'île du Plaisir, le guerrier aux cheveux d'or, dans son délire dû au nectar, avait vaguement parlé de Danhgrest et évoqué la mission qui lui avait été confiée, ce qui avait ensuite été confirmé par les déclarations du souverain – et que tant que l'un d'eux était retenu au milieu du lac de Sharess, il était tout à fait en droit de le remplacer. Ioder accepta très facilement ces arguments, ce qui ne plut guère à ses collaborateurs… jusqu'au moment où il leur rappela qu'ayant lui aussi résisté aux charmes des prêtresses, ce jeune homme était tout à fait apte à prendre part à ces épreuves.

Et voilà donc comment, après que Rita leur fut attribuée comme témoin, Flynn pouvait continuer à affronter les défis qu'on lui avait réservés afin de s'assurer de la sauvegarde de son village. Il avait une énorme dette envers Yuri, ce dont il se serait bien passé – bon, son compagnon d'infortune avait lui aussi intérêt à ce qu'ils réussissent car l'idée de rentrer chez lui ou d'être au service exclusif de l'empereur ne semblait pas du tout lui plaire.

« Bon, pour résumer votre défi du jour, vous allez devoir réussir à résister à Iris, un hypnotiseur qui fait pas mal de dégâts dans la région. » leur exposa l'adolescente en lisant les documents qu'on lui avait fourni avant leur départ en bateau. « Personne n'a réussi à lutter contre son emprise et le nombre de ses victimes se compterait par milliers si la zone n'était pas aussi peu peuplée. Quelques-uns viennent ici volontairement mais ils ne doivent pas être très sains d'esprit… »

« Comme la fille qui est assise là ? » demanda nonchalamment Yuri en désignant une femme trop maquillée qui était déjà là avant eux et dont les habits avaient dû lui coûter une petite fortune.

« Oui, et certainement celui qui est actuellement en rendez-vous… »

A peine ces mots furent prononcés par la jeune fille qu'un son clair retentit derrière la porte de pierre menant au salon de l'hypnotiseur. L'iris de l'œil peint sur celle-ci se mit à émettre une faible lueur orangée et, quand une voix rauque commença à se faire entendre, son intensité se mit à varier suivant les paroles prononcées…

« Par Osiris et par Apis, regarde-moi, regarde-moi bien… Tu es maintenant un chat, par Osiris et par Apis, oui… Un chat. Par Osiris et par Apis… »

Flynn échangea un regard intrigué avec Yuri, tous les deux se posant quelques questions sur ce qu'il était en train de se produire. Etaient-ils témoins d'un tour de magie ?

-§-

Il n'aurait peut-être pas dû quitter l'île sur un coup de tête mais entre être ici, s'occuper des corvées en espérant qu'une des filles ne tenterait pas de forcer la porte de sa chambre – en même temps, il aurait quand même dû rendre tous ses vêtements à Flynn ce jour-là au lieu de l'exposer quasi-nu aux regards des jeunes prêtresses qui n'avaient pas encore très bien intégré leurs coutumes – ou devoir servir ce gamin – le jeune homme ne pouvait pas s'empêcher de s'en méfier, très certainement à cause du sourire qu'il lui avait fait tout en le détaillant du regard –, Yuri ne regrettait nullement son choix, surtout qu'il n'avait jamais rien connu d'autre que l'île du Plaisir.

Accompagner le guerrier de Danhgrest dans ces épreuves promettait d'être une aventure des plus intéressantes et, qui plus est, cela lui donnait tout le loisir de profiter de sa compagnie, même si celui-ci prétendait qu'il n'était pas d'accord pour qu'il se montre aussi collant avec lui.

Un fait dont le frère de la Grande prêtresse était certain, c'était que son compagnon de voyage s'était montré très résistant face aux effets du nectar et que s'il avait trop attendu pour quitter l'ile, il aurait été contraint de le faire seul car celui aux cheveux d'or aurait probablement fini par succomber, comme les autres avant lui. Certes, il existait un autre moyen de lui faire reprendre ses esprits mais c'était sa chère sœur qui l'avait en sa possession et jamais elle ne le lui aurait fourni…

Dans tous les cas, le jour où il reverrait Judy, ça allait barder pour lui…

Cependant, Yuri avait suffisamment bien étudié Flynn sur l'île du Plaisir pour savoir qu'il ne voyait pas quand une personne avait de l'intérêt pour lui, ce qui pouvait expliquer une partie de sa ténacité vu qu'il était incapable de comprendre que quelqu'un était en train d'essayer de flirter avec lui. Son côté un peu pudique lui faisait éprouver de la gêne en voyant des personnes très légèrement vêtues mais ce n'était pas à prendre pour une possible attirance physique car la vraie raison de sa forte résistance face aux charmes des prêtresses était que, tout comme le seul habitant masculin des lieux, la gent féminine n'avait pas le moindre effet sur lui.

Bon, ce n'était pas la première fois que Yuri avait dû s'occuper d'hommes qui étaient dans ce cas mais généralement, ils tombaient tous sous ses charmes avec une facilité déconcertante, au point qu'il les délaissait rapidement pour les abandonner aux soins des femmes de l'île.

Mais Flynn, lui, avait été le premier à ne pas pleinement lui succomber alors qu'il était sous l'influence du nectar… Le guerrier avait été son premier réel défi et maintenant qu'il était de nouveau maître de lui-même, le véritable challenge était en cours : réussir à le séduire sans utiliser le moindre artifice.

Pour en revenir à leur situation actuelle, Yuri ne savait pas trop comment appréhender cette épreuve pour le moment. Qu'est-ce qui pouvait bien se cacher derrière cette porte et, surtout, comment parvenir à résister à l'hypnose ? Si seulement il savait ce qu'il se passait réellement dans cette pièce…

« Par Osiris et par Apis… Tu es un chat, oui un chat… Par Osiris et par Apis… Cha c'est un joli matou cha ! Maintenant va t'en ! »

Sur ces mots, la porte de pierre s'ouvrit et laissa sortir un homme… qui se déplaçait à quatre pattes et en miaulant. Il s'arrêta à un moment donné pour se lécher la main… avant de tendre une de ses jambes au sol et passer soigneusement sa langue dessus, comme le ferait un chat pour faire sa toilette.

Estomaqué, Yuri échangea un regard choqué avec Flynn avant de se tourner vers Rita, celle-ci ayant suivi la scène avec une exaspération très facile à percevoir.

« Vous comprenez maintenant pourquoi je disais qu'il ne faut vraiment pas avoir toute sa tête pour vouloir finir ainsi ? » leur demanda-t-elle dans un soupir de dépit.

« Existe-t-il un moyen d'inverser cela ? » questionna le guerrier avec une pointe d'inquiétude dans la voix, ce qui était parfaitement compréhensible de par la situation.

« Si c'était le cas, je peux vous garantir que cela se sau… »

La jeune fille s'était brusquement interrompue au milieu de sa phrase, très certainement à cause de l'homme chat qui, ayant achevé sa toilette corporelle, était venu se frotter contre elle en ronronnant de bonheur. Un grondement résonna dans la gorge de l'adolescente et, ses yeux verts luisant de fureur, elle se tourna vers celui qui l'avait interrompue pour lui coller avec violence son pied droit sur son postérieur, le projetant deux mètres plus loin. L'hypnotisé poussa un gémissement plaintif avant de vite sortir des lieux…

« Je vous attendrai dehors… » grommela Rita tout en se dirigeant vers la sortie d'un pas rapide.

Juste après que leur arbitre les ait quittés, la femme trop maquillée fut appelée à voir l'hypnotiseur et la porte de pierre se referma derrière elle, laissant les deux jeunes hommes complètement seuls dans cette salle d'attente.

« Comment parvient-il à… » commença Flynn avant de s'interrompre puis de lâcher un soupir d'agacement. « Je te prierai de poser ta main ailleurs… »

Yuri fit mine de n'avoir rien entendu du tout et laissa glisser ses doigts le long de la cuisse du guerrier, se délectant des frissons qu'exprimait son homologue face à ce contact qui était loin d'être innocent et savourant la vision de ses joues qui prenaient une teinte rosée. Cela aurait été plus amusant s'il ne portait pas ce pantalon marron ainsi que cette tunique bleue mais il trouverait bien une occasion de les lui enlever de nouveau.

A l'instant même où son compagnon de voyage tourna la tête vers lui, certainement pour lui dire d'arrêter de le tripoter de cette manière, il en profita pour lui dérober un baiser en posant sa bouche contre la sienne. Bien que cela n'ait duré que quelques secondes, il avait bien pu sentir que celui aux cheveux d'or s'était figé face à ce geste et en constatant que son visage avait viré au cramoisi, il ne put retenir un sourire victorieux, admirant ces yeux bleus qui essayaient tant bien que mal de ne pas se baisser vers la partie de sa toge qu'il avait écartée à l'instant, découvrant ainsi un peu plus son corps. N'étant pas sur l'île du Plaisir, il n'était pas forcé de le persuader de s'abandonner aux sensations qu'il était prêt à lui offrir… mais cela ne l'empêcherait pas de tenter sa chance dès qu'il voyait une ouverture.

Il s'apprêtait à l'embrasser de nouveau quand le même son clair retentit, signifiant qu'il allait devoir retenter cela plus tard et qu'il devait se concentrer sur ce qu'il allait entendre…

« Par Osiris et par Apis, regarde-moi bien ! Tu es maintenant une poule, par Osiris et par Apis, une poule. »

Cette fois-ci, la porte de pierre s'ouvrit plus rapidement et la femme trop maquillée en sortit… se déplaçant de la même manière que la gallinacée cité par l'hypnotiseur. Elle s'arrêta à leur hauteur en les regardant curieusement puis, quand elle tenta de picorer les pieds du guerrier, Yuri fit un grand « BOUH ! » qui la fit sursauter puis s'enfuir en criant. En voyant le regard réprobateur de Flynn, le jeune homme aux longs cheveux noirs se contenta de hausser les épaules et de remettre sa toge en place.

« Au suivant ! »

C'était donc leur tour et ils n'avaient toujours aucun indice sur ce qu'il allait se passer. Ils auraient donc très peu de temps pour trouver comment résister à l'hypnotiseur…

En parlant du loup, une fois que la porte de pierre se soit fermée derrière eux, ils purent constater que la pièce dans laquelle ils étaient était seulement éclairée par des bougies et que, derrière un bureau sur lequel se trouvait une sacrée pile de parchemins et de tablettes en pierre, se trouvait un homme vêtu d'un long manteau jaune et portant une coiffe bleue avec, au niveau du front, une petite lampe à huile qui éclairait son teint basané, ses yeux immenses, son grand nez busqué et la fausse barbe qu'il portait au menton. Voilà donc à quoi ressemblait Iris…

« Qu'est-ce que c'est ? Ah oui ! Je vous attendais ! » s'exclama l'hypnotiseur avec une satisfaction plus que visible. « Normalement, je fais passer un petit entretien à mes patients pour mieux les connaître mais comme vous le voyez, j'ai un carnet de rendez-vous plutôt chargé. »

Il désigna la fameuse pile de parchemins sur son bureau qui attestait, comme l'avait dit Rita, qu'il avait pas mal de personnes qui venaient le voir de leur plein gré.

« Bien, lequel d'entre vous va se prêter en premier à cette petite expérience ? » demanda Iris en souriant de toutes ses dents.

A cet instant, Yuri eut enfin un plan pour affronter cet homme mais, pour le mettre en action, il n'avait pas d'autre choix que de prendre un sacré risque et espérer que son idée allait fonctionner. Il fit donc un pas en avant et leva la main.

« Moi je veux bien essayer. »

-§-

S'il y avait bien une chose qui agaçait Flynn, c'était ce jeu que Yuri avait trouvé et qui consistait à essayer de l'embrasser à la moindre occasion qui se présentait. Dès qu'il sentait le contact, loin d'être désagréable, de ces lèvres douces et sucrées contre les siennes, il ne pouvait s'empêcher de revoir certains passages de son séjour sur l'île du Plaisir et de se souvenir à quel point il avait apprécié d'être collé à ce corps à la peau claire et aux senteurs parfumées – quoique depuis qu'ils avaient quitté les bois de Quoi, le parfum du jeune homme à la longue chevelure sombre n'était plus masqué par les odeurs des diverses huiles qu'il avait utilisé pour le masser, lui permettant ainsi de percevoir, quand il se tenait très près de lui, cette légère fragrance à la fois boisée et acidulée.

Quand ils furent appelés par l'hypnotiseur, le guerrier avait retenu un soupir de soulagement et s'était pleinement concentré sur comment réussir cette épreuve… jusqu'au moment où Yuri se porta volontaire pour subir l'hypnose.

Il fixa son compagnon d'infortune à la fois avec étonnement et crainte. Celui-ci dut percevoir sa peur car il lui fit un sourire confiant, très certainement pour le rassurer mais Flynn avait bien vu que ce regard sombre était rempli d'incertitudes. Respectant sa décision, il le laissa aller à l'endroit où deux chaises étaient l'une face à l'autre, prenant place sur l'une d'elles tandis qu'Iris s'assit avec cérémonie sur l'autre.

« Vous êtes prêt ? Je commence ! »

Le mystérieux son clair retentit et Flynn comprit à quoi il correspondait : au regard de l'hypnotiseur qui s'allumait et projetait une lumière dorée sur le visage de sa future victime.

« Par Osiris et par Apis, regarde-moi… » commença Iris de cette voix rauque qu'ils avaient entendue dans la salle d'attente.

« Comment vous arrivez à faire ça avec vos yeux ? » demanda subitement Yuri en penchant la tête sur le côté et, de ce qu'en voyait le guerrier, en essayant comme il le pouvait de ne pas éclater de rire.

C'était osé de faire cela mais, en constatant que l'hypnotiseur avait arrêté de parler et que son regard s'était éteint dans ce même son clair, Flynn songea que son compagnon de voyage avait peut-être trouvé comment lui résister… mais fallait-il encore que ce coup de bluff fonctionne jusqu'au bout.

« Silence ! » ordonna Iris avec une pointe d'agacement avant de rallumer ses grands yeux. « Concentre-toi ! »

C'était certain à présent : leur adversaire avait été déconcentré. Cependant, cela allait-il suffire ? Le guerrier n'avait aucune idée de ce que le frère de la Grande Prêtresse pouvait bien avoir comme stratégie pour venir à bout de cet homme.

« Par Osiris et par Apis, regarde-moi, regarde-moi bien… Par Osiris et par Apis tu es un… » reprit l'hypnotiseur de sa voix rauque avant de s'interrompre et d'éteindre à nouveau son regard. « Un quoi au juste… Quels genres d'animaux avez-vous donc à Danhgrest ? »

« Nous avons des bois très riches en gibier. » répondit Flynn, sachant pertinemment que Yuri ne saurait pas répondre à cette question vu qu'il lui avait avoué n'avoir jamais quitté l'île du lac de Sharess. « Il y a des cerfs, des faisans, des lapins, pas mal de sangliers… »

« Un sanglier ! Parfait ! »

« Heu… Il y a juste un souci. » déclara Yuri en faisant la moue. « Ça ressemble à quoi un sanglier ? Il n'y en a aucun sur l'île du Plaisir. »

Maintenant qu'il y réfléchissait, le guerrier avait effectivement vu beaucoup d'animaux sur l'île mais rien qui ressemblait de près ou de loin à un sanglier… Il se souvenait en avoir vu quelques-uns dans les bois de Quoi mais c'était quand ils les avaient traversés avec Raven.

« Aucune importance ! » s'exclama Iris avec un agacement de plus en plus palpable avant de rallumer ses yeux. « Par Osiris et par Apis, tu es maintenant un sanglier… »

« Vous êtes sûr que votre spectacle sons et lumières va marcher si je ne sais même pas ce qu'est cet animal ? » le coupa Yuri avec une interrogation tout à fait légitime.

« Assez silence ! On recommence ! » fit l'hypnotiseur d'un ton sec avant de reprendre de sa voix. « Tu es un sanglier m'entends-tu ! Un sanglier… »

« Vous pouvez allumer juste un seul œil à la fois ? »

« On se concentre ! »

… Phrase qu'Iris devrait d'abord appliquer à lui-même, son regard commençant à avoir une drôle de réaction : la lumière dorée qui l'illuminait se mit à aller de ses oreilles à ses yeux par intermittence, comme s'il en avait perdu le contrôle. Le son clair retentit et, manifestement épuisé, l'hypnotiseur se passa une main sur le visage.

« Où en étais-je ? Ah oui ! » fit-il avant de se reprendre. « Tu es un sanglier, par Osiris et par A… »

« Ça doit être pratique pour lire la nuit. » l'interrompit à nouveau Yuri qui semblait lutter pour ne pas montrer à quel point cette situation l'amusait, ce qui rompit de nouveau la concentration d'Iris.

« Mais silence ! On recommence ! »

L'hypnose reprit de nouveau… si on pouvait appeler cela ainsi car, de par le fait que l'hypnotiseur ne semblait plus du tout contrôler l'intensité de la lumière dorée qu'émettait son regard, Flynn avait plutôt tendance à penser qu'il s'était tellement énervé face à Yuri qu'il n'en avait plus les idées claires.

« Tu es un sangler, par Asoris et Opis… par Asopis et par… Oh ! Et puis zut ! »

Oui, il s'était totalement emmêlé les pinceaux sans se rendre compte que, depuis le départ, c'était lui qui se faisait mener par le bout du nez, exactement comme cela était arrivé dans l'arène quand le jeune homme à la toge sombre avait retourné les techniques de son adversaire contre lui.

« Répète après moi : Je suis un sanglier, je suis un sanglier… »

Le grand sourire victorieux sur les lèvres de Yuri était plus que facile à comprendre : il avait obtenu ce qu'il voulait. Ils avaient gagné.

« Tu es un sanglier, tu es un sanglier… » répéta l'autochtone de l'île du Plaisir en hochant la tête.

« C'est ça ! » confirma Iris, une expression de folie sur son visage. « Je suis un sanglier ! Groin ! Un sanglier ! Groin-groin ! Un sang… Groin-groin ! »

A l'instant où la porte de pierre s'ouvrit, Flynn s'écarta très vite du passage et suivit des yeux l'hypnotiseur qui sortit de la pièce en courant à quatre pattes droit devant lui. En entendant pouffer dans son dos, il voulut se retourner mais fut bloqué par Yuri qui s'était collé contre lui et qui enfouissait son visage dans le creux de son épaule pour y cacher, sans grand succès, son hilarité face à cette situation.

« Il s'est hypnotisé lui-même ! » s'exclama celui aux longs cheveux sombres en s'agrippant à son bras pour ne pas s'écrouler de rire sur le sol. « Qui aurait cru que ce serait aussi facile ? »

« Tu réalises que s'il avait été plus maître de lui-même que toi, tu serais très certainement à sa place actuellement ? » lui demanda le guerrier en commençant à avancer. « C'était très risqué de faire ce que tu as fait ! »

« Parce que toi tu aurais fait mieux ? Vu ce que j'ai observé jusqu'ici, je suis persuadé que tu ne lui aurais pas résisté plus de dix secondes. »

Flynn grogna face à cette remarque qui, il le savait, était vraie. Il n'aurait pas été capable de faire cette prouesse, la ruse n'étant pas un domaine qu'il maîtrisait bien qu'il avait plus d'une fois l'occasion d'observer cet art avec attention. Il finit donc par lâcher un soupir de dépit, jugeant que ce n'était pas une bonne idée de se battre avec Yuri…

« Et ça ressemble à quoi un sanglier ? » demanda subitement celui originaire de l'île du Plaisir. « C'est comestible ? »

« Etant donné qu'ils sont nombreux là d'où je viens, nous en mangeons beaucoup. » répondit le guerrier qui s'enchanta intérieurement de ce changement de sujet. « Leur viande est plutôt ferme et nous avons pas mal de plats où nous nous en servons comme ingrédient principal. »

« D'accord… Et c'est bon ? »

« Personnellement, j'aime bien. »

Pendant quelques secondes, Yuri resta silencieux. Puis quand ils n'étaient plus qu'à deux mètres de la sortie…

« Tu penses qu'il aurait essayé de te changer en quel animal ? » lui demanda de but-en-blanc son compagnon de voyage avec une note… légèrement sarcastique dans la voix.

« Aucune idée. » répondit le guerrier en évitant de tourner la tête. « Pourquoi cette question ? »

« Parce que pour avoir vu tout ce qui se cachait sous ces vêtements, j'aurai misé sans hésiter sur un taureau ou bien un étalon sauvage. »

… L'île du Plaisir avait apparemment bien perverti son esprit et il dut se forcer à chasser certaines images de son cerveau tout en se persuadant qu'il n'avait pas du tout perçu le sous-entendu dissimulé sous cette voix devenue chaude et séduisante…


 

Note de Kaleiya : J'ai gardé ce cher Iris car je n'avais rien de mieux sous la main. Eliandre m'a tannée pendant un moment sur l'animal que j'allais choisir mais j'ai décidé de garder le sanglier car je me suis souvenue de comment Obélix avait réussi à résister à l'île du Plaisir et qu'une petite référence à cela était de rigueur. Par contre, je n'ai pas osé conserver l'oiseau car je me voyais mal expliquer comment il arrivait à voler…

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 Note : Vu que je vais visiblement revoir mon découpage de chapitres, je les allonge ainsi que le temps entre les publications. Ce qui fait que mi-septembre, vous n'aurez pas la suite de l'arc des peintures oniriques mais une nouvelle fic.

Chapitre 3 : Complots

De par la situation actuelle, se réunir au palais était totalement impossible et à cause de son état, elle ne pouvait plus se déplacer librement, ce qui limitait encore plus le choix du lieu. Sodia O'Daly aurait préféré faire ceci chez elle mais le quartier noble était une mauvaise option, ce qui ne laissait que le quartier marchand – qu'ils furent obligés de rayer de leur liste à cause de la probabilité d'y croiser leurs ennemis bien que la famille Vectis était prête à les aider – et les bas-quartiers. Bien que l'auberge de la Comète était un endroit des plus modestes – elle avait blêmi en voyant qu'il fallait monter un escalier pour accéder aux chambres –, il était plus que parfait pour éviter les éventuelles oreilles indiscrètes…

« Je ne sais pas qui était cette femme mais je peux vous garantir qu'elle a des tours bizarres… »

Sergent Colin Vectis, reconnaissable à sa tignasse auburn et travaillant sous les ordres du capitaine Leblanc, dernièrement assigné à sa protection jusqu'à ce que le commandant par intérim ne décide de le renvoyer sous prétexte qu'il aurait commis trop d'impairs – le motif était totalement injustifié car bien qu'extrêmement maladroit, le jeune homme n'avait jamais failli à sa tâche et, après le capitaine Schwann, était reconnu pour son habileté à tirer à l'arc.

Le rapport qu'il venait de faire sur son espionnage au Bastion de Deidon leur confirma que les craintes d'une prise de pouvoir étaient fondées ainsi que le fait que le conseiller Maxwell était de leur côté. Par contre, il y a visiblement un autre parti dans l'affaire…

« Vous croyez qu'elle pourrait nous aider ? »

La question pleine d'espoir de Lady Estellise était compréhensible. Flynn était porté disparu depuis plus d'un mois et les recherches n'avaient rien donné – surtout que cet évènement avait été considéré comme un acte de désertion par une grande partie de la noblesse, ce contre quoi Ioder n'était pas parvenu à lutter très longtemps suite au fait que la criminalité ait brusquement augmenté jusqu'à ce que le commandant par intérim soit finalement nommé. De plus, Colin avait fait une découverte des plus alarmantes en se rendant à Halure il y a trois jours : Rita Mordio avait elle aussi disparue et, vraisemblablement, il y avait eu une lutte car une bonne partie du mobilier était soit cassée, soit en partie calciné. En prime, il avait réussi à trouver un témoin assez étrange qu'il n'avait malheureusement pas eu le loisir d'interroger, les chevaliers l'ayant emmené pour le questionner.

« Honnêtement, vu le personnage, je préfère pas lui demander. » répondit Colin en se massant le genou droit. « Mais possible qu'on la recroise car elle s'intéressait beaucoup au commandant Scifo. »

« Il faudrait déjà découvrir ce qu'il est advenu du témoin. » déclara Sodia en reprenant instinctivement son rôle de lieutenant. « Il sera certainement plus facile de l'interroger sur ce qu'il a pu voir en nous y prenant bien. »

La rousse avait bien entendu quand l'archer avait précisé que leur seul indice concernant la disparition de Rita était un gosse et qu'il était inconscient quand le jeune homme l'avait découvert caché dans une armoire vidée précipitamment de son contenu – on pouvait supposer que le mage Mordio en était la responsable mais pourquoi, de par l'attitude qu'elle avait depuis deux ans, aurait-elle pris quelqu'un chez elle ?

« Je vais essayer d'en parler à Leblanc et au conseiller Maxwell. » fit Lady Estellise en remettant en place la capuche de son manteau sombre. « Avec de la chance, il est à l'orphelinat. »

« J'ai pas eu le temps de bien le regarder mais je dirais qu'il a au moins dix ans et les cheveux châtain foncé. » précisa Colin en ôtant ses mitaines de cuir marron. « Par contre, ses vêtements ressemblaient plus à ceux d'un prisonnier qu'à ceux d'un enfant. Même les gosses des bas-quartiers n'ont pas de pareilles loques sur le dos… »

« Espérons que ce gamin n'a pas été torturé… » souffla Sodia, dévoilant ainsi ses craintes.

« On le trouvera, j'en suis certaine ! »

C'est sur ces paroles optimistes que la princesse quitta discrètement les lieux, se fondant parmi les habitants comme elle avait appris à le faire avec ses amis.

« J'espère me tromper mais je trouve que ça sent mauvais tout ça… » avoua Colin en quittant la chaise sur laquelle il était assis. « J'ai l'impression qu'on va dans une situation pire qu'avec Alexei Dinoai… »

« Sauf que la différence entre l'ex-Commandant Dinoai et le capitaine Arpagon, c'est que je vois mal ce dernier être celui qui tire les ficelles. » compléta la jeune femme tout en essayant de changer de position sur le lit malgré sa jambe gauche qu'elle ne sentait plus. « Tout ça s'est passé trop rapidement pour qu'il soit le cerveau de cette histoire. Mais si le commandant Scifo réapparait, il faudra l'avertir du danger rapidement. »

« S'il n'a pas été assassiné… »

C'était malheureusement la grande crainte de Sodia : que Flynn ait été tué afin de mieux pouvoir lui prendre sa place. Sans cet espoir de penser qu'il était en vie et le soutien de Colin, elle serait déjà devenue folle.

-§-

Ils étaient arrivés à l'embarcadère au coucher du soleil mais comme le bateau du marchand était absent, Thomas avait monté les tentes tandis que Flynn s'était occupé de trouver quoi faire du feu et que Sasha faisait des croquis dans son carnet à dessins.

Quand ils s'étaient levés ce matin-là, ils avaient été surpris de voir le jeune homme aux yeux acier avec un sac de voyage, une lance, un bouclier et semblant visiblement les attendre. Il expliqua que s'étant douté que la jeune femme risquait de fuguer – la concernée avait décidé de bouder dans son coin après que son ami lui ait démontré la justesse de son raisonnement en se servant de ses multiples escapades hors du village comme argument –, il avait décrété qu'il serait plus simple pour lui de se joindre au voyage plutôt que de perdre son temps à les pister jusqu'à Zaphias. Il avait d'ailleurs ajouté qu'il avait déjà prévenu tout le monde de leur départ afin qu'ils puissent partir sans délai.

Quitter cet endroit fut un soulagement pour le jeune chevalier, surtout quand il constata que les personnes présentes dans le village semblaient le regarder avec méfiance… Puis Thomas finit par lui expliquer que l'endroit avait été fondé il y a deux décennies grâce à Alexei Dinoai et que beaucoup ici lui en était reconnaissant. Bien qu'il ait commis des crimes par la suite, il était resté un personnage très apprécié et beaucoup déclaraient que les charges retenues contre l'ex-Commandant n'étaient que des calomnies, certains ayant été jusqu'à qualifier Flynn d'usurpateur.

« Et vous dites que cette clé a des pouvoirs bizarres ? » demanda le jeune homme à la lance en observant la clé en argent, sceptique après avoir entendu leur aventure dans les mondes oniriques.

« Je t'assure ! » s'exclama Sasha avant de lui montrer son croquis représentant un des cauchemars qu'ils avaient affronté. « Et on a affronté des monstres horribles comme celui-ci ! »

« Admettons… Mais pourquoi vouloir y retourner ? »

« Parce qu'ils ont vu Yuri là-bas ! »

« Tu es sûre que tu ne l'as pas encore imaginé ? »

« Mais je te dis que non ! Il est dans ces mondes oniriques et il faut qu'on le trouve ! »

« Attends Sasha. » s'interposa Flynn tandis que celui aux yeux acier reposait la clé par terre. « On sait juste qu'il est passé par cet endroit mais pas s'il y est encore. »

A cette phrase, la jeune femme se calma un peu mais restait manifestement fâchée par le fait que Thomas ne voulait pas les croire. Et de toute façon, ce dernier avait l'air préoccupé par quelque chose depuis qu'ils avaient établi leur campement ici. Après avoir mangé et attendu que la jeune artiste se retire dans sa tente, le chevalier alla le prendre à part durant son tour de garde.

« Quel est le problème ? » demande celui aux cheveux blonds, fixant la mer intérieure comme le faisait son compagnon de route.

« Depuis qu'on est arrivé, j'ai comme un mauvais pressentiment. » répondit celui aux cheveux châtain, l'air grave. « Mon instinct me hurle que quelque chose cloche ici mais impossible de dire quoi. »

Tout était calme pourtant et avec les répulsifs, ils ne craignaient pas les monstres durant la nuit. D'où pouvait venir le prob…

Tout à coup, ils virent approcher un bateau qui n'était manifestement pas celui d'un marchand de par la présence de canons et d'une figure de proue à l'effigie d'une sirène éclairée par une lanterne accrochée à l'avant du navire. Ils se mirent sur la défensive jusqu'à ce que Flynn put voir le drapeau flottant sur le mât : c'était celui d'une guilde et l'emblème correspondait à Siren's Fang.

C'était Patty !

Après avoir indiqué à Thomas qu'il n'y avait aucun danger, il fit un signe au navire tandis que l'équipage se préparait à l'amarrer à l'embarcadère. Une fois qu'ils eurent mis pied à terre et que Sasha se soit réveillée, Flynn ne cacha pas sa joie de retrouver la pirate aux nattes blondes, celle-ci partageant visiblement le même sentiment vu qu'elle se hâta de venir le saluer en l'enlaçant de toutes ses forces.

« Flynn ! » s'exclama-t-elle avec un grand sourire aux lèvres. « Qu'est-ce que tu fais par ici ? Tu fais une chasse au trésor nanoja ? »

« Moi aussi je suis content de te voir. » déclara-t-il chaleureusement. « Quant à ma présence ici… Nous attendions justement un navire pour Danhgrest. »

« Un navire marchand avec une voile bleue ? »

L'air grave qui était soudainement apparut sur son visage lui fit tout de suite comprendre que quelque chose s'était manifestement passé en mer. Une petite conversation autour du feu ne leur ferait pas de mal…

-§-

Ses jambes commençaient à être ankylosées à force d'être assise dans cet arbre à observer le trajet emprunté par chaque soldat gardant l'extérieur du palais. Ils avaient semblés étrangement agités au départ puis leur nombre s'était sensiblement réduit, signe qu'il devait très certainement se passer quelque chose à l'intérieur. Bien qu'elle avait une énorme faille défensive sous son nez, elle ne comptait pas en profiter car elle n'avait aucune raison valable pour entrer là.

« Hey ! T'as entendu la dernière ? » demanda un des hommes en poste près de l'endroit où elle se trouvait. « Paraît que les Gride offrent une récompense. Ils auraient perdu un gamin. »

« Ils ont un gosse ? Ils ne sont pas un peu vieux pour ça ? »

« Il aurait soi-disant été adopté mais il n'y a pas de nom sur l'affiche. Regarde. »

Tandis que le soldat sortait une feuille de papier d'une poche de son uniforme, la femme assassin se pencha pour la voir elle aussi et, si elle ne parvenait pas à déchiffrer le texte qui était marqué, le portrait assez approximatif lui était vaguement familier…

« Une douzaine d'années, les cheveux châtain foncé et les yeux noisette… » lut le deuxième homme. « On dirait n'importe quel gamin des quartiers pauvres. C'est cher payé d'offrir vingt mille galds pour ça.»

« Il a un signe distinctif de ce que j'ai pu entendre. » déclara le premier. « Une sorte de tatouage à l'arrière de la nuque… »

En entendant cela, son sang se figea durant deux secondes et elle sut instantanément qu'elle devait bouger d'ici et vite. Profitant que les deux soldats ne prêtait pas attention à leur environnement – elle les trouvaient particulièrement incompétents et les supposaient aisément corruptibles –, elle quitta silencieusement son point de vue pour aller trouver des informations sur cette famille Gride afin de leur rendre une petite visite de courtoisie…

-§-

Ils avaient pris la mer à bord du navire des Siren's Fang le lendemain matin en direction de Danhgrest. Sasha, bien qu'heureuse de pouvoir enfin voyager, avait un goût amer en bouche après ce que Patty leur avait raconté.

Cela faisait probablement un bon mois qu'elle était sur l'eau et, alors qu'ils passaient près de Zaude, ils avaient découvert trois bateaux non identifiés qui y étaient amarrés. Aussitôt qu'ils furent repérés, les navires inconnus les avaient attaqués et, face à un arsenal plus fourni que le leur, ils furent contraints de fuir mais l'ennemi les avait pris en chasse, manifestement décidé à les faire couler. C'est grâce à une mystérieuse nappe de brouillard – celle aux nattes blondes avait évoqué celui qui enveloppait l'Atherum à titre de comparaison mais la jeune artiste avait du mal à se projeter, n'ayant jamais vécu cette aventure – qu'ils avaient pu leur échapper mais, étrangement, il leur fut impossible d'en sortir jusqu'à la veille vers midi. Leur boussole déréglée, ils avaient navigué à l'aveuglette jusqu'à reconnaître les côtes de Yurzorea en fin d'après-midi et où ils découvrirent les restes d'un bateau marchand qui, justement, avait une voile bleu. En les fouillant, ils avaient récupéré les vivres et découvert le corps du propriétaire du navire, manifestement égorgé il y avait déjà au moins deux jours d'après l'odeur.

« Il se trame quelque chose vers Zaude on dirait. » déclara Thomas en vérifiant l'état de sa lance.

« Quoique ce soit, ils ne tenaient pas à avoir de témoins. » ajouta Flynn en terminant d'affûter la lame de son épée. « Il va falloir très vite mener une enquête mais avant ça, nous devons être prêts au combat. »

« Moi je m'en sortirai si tu me donnes un javelot. Sasha par contre… »

« J'ai juste une dague que Yuri m'a offerte, c'est tout. » déclara-t-elle en montrant l'arme blanche dans son fourreau noir. « Je n'ai jamais tenu une arme de ma vie. »

« Alors c'est le moment ou jamais d'essayer. » déclara le jeune chevalier en lui tendant une épée plus légère que celle qu'il possédait. « Je doute qu'on ait le temps pour de vraies leçons d'escrime donc on va juste se concentrer sur les bases. »

Honnêtement, elle ne se sentait pas trop à la hauteur sur ce coup et hésitait fortement à prendre cette lame en main. Après tout, elle n'avait jamais vu son frère se battre et Thomas utilisait plutôt des lances donc elle n'avait aucun repère. Mais comme elle savait pertinemment qu'elle n'avait pas le choix, elle accepta de se prêter à l'exercice en tentant de dissimuler au maximum ses appréhensions… qui disparurent très vite. Elle s'estima d'ailleurs heureuse d'avoir opté pour un chemisier beige et un bermuda kaki comme tenue de voyage car, en plus des bottes de son frère, c'était plus simple de se déplacer avec.

Flynn lui montrait comment tenir correctement son épée – d'instinct, elle avait choisi sa main gauche – ainsi que quelques parades simples afin qu'elle puisse au moins se défendre puis des coups relativement basiques. Au fur et à mesure, elle se sentait très à l'aise et, à l'étonnement général, parvint à assimiler très vite ce qu'elle apprenait.

« C'est plus facile que ce que je pensais en fait. » dit Sasha en remettant en place une mèche qui s'était échappée de la queue de cheval qu'elle s'était faite. « Une fois qu'on s'est habitué au poids de l'épée, ça va tout seul. »

« Pour quelqu'un qui n'a pas bougé de son lit pendant des années… » fit Thomas, manifestement très surpris. « Je ne pensais pas que tu y arriverais en seulement deux heures de pratique. »

« Yuri assimilait très vite les techniques d'escrime une fois qu'il les avaient vues lui aussi. » leur fit remarquer Flynn avant de lâcher un soupir de dépit. « Même s'il avait une certaine tendance à les déformer par la suite… »

« Je n'ai aucun doute sur le fait qu'elle suivra le même chemin vu comme elle peut être une vraie tête de mule. »

Elle jeta immédiatement un regard noir à son ami d'enfance, celui-ci l'ignorant royalement en retour tandis que le chevalier avait un sourire amusé aux lèvres.

-§-

Ce soir-là, Estelle n'avait pas vraiment envie d'être à ce bal mais en tant que membre de la famille impériale, elle se devait de s'y montrer. Même si elle était plus qu'habituée à ces mondanités, elle ne pouvait s'empêcher d'être inquiète pour Sodia bien que celle-ci, malgré son récent handicap, était apte à se défendre et qu'elle était sous bonne garde. De plus, la disparition de Flynn puis celle de Rita l'angoissait grandement et son intuition lui disait qu'aucun des deux n'était parti de son plein gré – cela était prouvé pour son amie via les découvertes de Colin mais pour ce qui était de son ex-fiancé, elle le connaissait suffisamment pour savoir qu'il n'aurait jamais déserté son poste.

Par contre, elle trouvait étrange l'attitude de son cousin, l'empereur Ioder, vis-à-vis de tout cela…

Lui qui était pourtant l'un des soutiens les plus puissants de Flynn au sein de l'Empire, comment avait-il pu croire à toute cette histoire de soi-disant trahison ? C'était complètement ridicule ! Qu'avait-on bien pu lui dire pour le convaincre ? Et puis pourquoi elle avait l'impression que quelque chose n'allait pas chez lui ?

« Tous ceux de sa garde personnelle qui étaient fidèles au commandant Scifo ont été changés de poste. » lui précisa le capitaine Leblanc qui se trouvait juste à côté d'elle. « De ce qu'ils m'ont rapporté, son Altesse a brusquement changé il y a une dizaine de jours, juste avant cette réunion avec le Conseil. »

« Il s'est donc produit quelque chose avant… » dit-elle à voix basse en réfléchissant. « Malheureusement, il ne me laisse même plus entrer dans ses appartements. »

« A ce qu'il paraîtrait, sa dernière visite était une domestique venue lui porter une tisane mais elle a malheureusement été tuée deux jours après dans une ruelle près du quartier marchand… Cela avait toutes les apparences d'un vol qui avait mal tourné. Une autre victime de cette soudaine vague de crime…»

« Vous avez retrouvé la trace du coupable ? »

« C'est là que cela devient… curieux. »

« Comment ça ? »

« Le commandant Arpagon est, depuis peu, très préoccupé par un individu qui semble ne cibler que des personnes ayant déjà commis des meurtres ou des crimes graves. Les coupables de ces faits sont généralement retrouvés étranglés en apparence et leur visage exprimant une frayeur extrême. Mais après autopsie, nous nous sommes aperçus qu'outre l'absence de traces de strangulation, tous étaient morts par asphyxie. »

« Ils auraient été étouffés ou empoisonnés ? »

« Impossible de le dire. Le seul autre élément qui a confirmé le lien entre toutes les scènes de crimes, c'est la faible odeur d'opium qui flottait dans l'air. »

… De l'opium ? Colin n'avait-il pas mentionné que cette mystérieuse femme en fumait ?

« Ont-ils… »

« AAAHHHHHH ! »

Un cri suivit d'autres interrompirent Estelle qui se tourna vers le balcon, là d'où venait toute l'agitation.

« Je vais aller voir ce qu'il se passe. » lui dit Leblanc avant de vite se diriger vers les femmes de la noblesse qui venaient de rentrer dans la salle de bal, certaines d'entre elles étant visiblement au bord de l'évanouissement.

Elle finit par lui emboîter le pas, craignant que quelqu'un ne soit blessé et, en arrivant sur le balcon où plusieurs personnes étaient déjà présentes, elle suivit leurs regards et comprit instantanément ce qui avait provoqué l'effroi de ces dames.

Juste au-dessus de l'encadrement de la voûte menant à la salle, deux corps qui, de par leurs habits, étaient respectivement ceux d'un homme et d'une femme, étaient maintenus contre le mur par ce qui ressemblait à d'énormes clous et du sang s'écoulait de chacun d'eux, laissant une trace sombre et luisante contre la pierre blanche. De par l'angle que formaient leurs jambes, Estelle pouvait sans aucun doute affirmer qu'elles étaient cassées et elle avait l'impression que c'était aussi le cas de leurs doigts. Ce qui la frappa le plus fut ces expressions de terreur extrême que la lueur de la lune lui permit de discerner sur leurs visages.

-§-

Sodia fut subitement réveillée, son intuition lui disant que quelque chose clochait. Il devait probablement être le milieu de la nuit vu le silence régnant à l'extérieur et le fait que Colin s'était, encore une fois, endormi sur la seule chaise de la pièce. Cependant, le fait que la fenêtre était grande ouverte n'était pas normal car le jeune homme l'avait fermée après qu'ils aient dîné. Puis elle la sentit : l'odeur d'opium qui se mélangeait à celle, métallique, du sang…

Le son de la porte se refermant réveilla en sursaut le soldat et la poussa à se redresser comme le elle pouvait, constatant que qui que soit la personne venue ici, elle venait à l'instant de partir.

« C'était quoi ça ? » demanda celui aux cheveux auburn à voix basse.

« Quelqu'un est entré ici… » commença-t-elle à répondre avant de réaliser avec effroi qui était leur probable visiteur et ce que ce qu'elle avait senti pouvait impliquer. « Allume ! Vite ! »

Maladroitement, Colin s'exécuta non sans mal – il venait de renverser au sol la boîte d'allumette, éparpillant tout son contenu par terre -, puis quand la lanterne éclaira la pièce, elle put confirmer qu'aucun d'eux n'était blessé mais qu'une personne de plus était parmi eux : un garçon d'une douzaine d'années aux cheveux châtain foncé qui était enroulé dans une couverture beige sur laquelle se trouvait des traces de sang. Le chevalier le libéra de la couverture, constatant ainsi qu'il n'était pas blessé, seulement endormi.

« Y a pas de doute, c'est bien le gosse que j'avais vu chez Mordio… » souffla-t-il en se tournant vers elle. « Et cette odeur… »

« Elle est venu ici nous le déposer. » termina Sodia, ayant compris la même chose que le jeune homme. « Mais pourquoi faire ça ? »

« J'en sais rien mais ce qui est sûr, c'est que le sang sur cette couverture est frais et qu'il n'appartient pas à ce gamin… »

Le chevalier éclaira le rebord de la fenêtre avec la lanterne, révélant la trace d'une paume de main ensanglantée et de quelques gouttes de sang, leur confirmant que cette mystérieuse femme était bien venue ici et qu'elle était blessée. Que s'était-il donc passé ?

-§-

Elle n'avait pas pu faire d'une pierre deux coups comme espéré et, à présent, elle avait un troisième corps dont il fallait qu'elle se débarrasse… Sauf que ça allait attendre un peu.

Les Gride ne lui avaient pas donné les réponses voulues et avaient persisté jusqu'à commettre l'erreur qui avait signé leur fin à tous les deux ainsi qu'un interrogatoire beaucoup plus poussé. Cela lui avait valu de confirmer ce dont elle se doutait : un complot se tramait à Zaphias et visait à discréditer Flynn Scifo. Et manifestement, on leur avait raconté que le gamin qu'on leur avait confié pouvait s'avérer précieux sauf que celui-ci avait réussi, ils ne savent comment, à mettre le feu dans la chambre où il était enfermé.

Retrouver la piste du garçon avait été plutôt facile en comparaison mais elle n'avait pas prévu de le dénicher drogué et de se prendre un coup de couteau de la part du coupable. Elle l'avait donc confié aux soins de poil de carotte car elle ne pouvait pas se permettre actuellement de l'avoir dans ses pattes…

Elle devait surtout mettre la main sur celui qui l'avait amené dans ce monde et qui, très probablement, pouvait la renseigner sur ce qu'il s'était produit…

-§-

Arrivé sur la terre ferme, Flynn eut du mal à dissimuler un soupir de soulagement, n'ayant jamais été très à son aise sur un bateau – c'était encore pire quand il s'agissait de voyager avec Ba'ul mais il reconnaissait que le temps gagné était considérable. Le port de Danghrest n'était pas très grand par rapport à celui de Capua Torim mais il était plus que suffisant pour le navire de Patty qui avait besoin d'un bon réapprovisionnement et de réparations. Pendant qu'il disait au revoir à son amie, Thomas était allé informer d'autres marins de ce qui était advenu du bateau marchand faisant la liaison entre la cité des guildes et Yurzorea tandis que Sasha s'était trouvé un emplacement pour dessiner.

D'ailleurs, en allant la retrouver, il s'aperçut vite qu'elle avait été rejointe par quelques curieux ainsi qu'un chien au pelage bleu et blanc qu'il reconnaitrait entre mille : Repede. Ce dernier, visiblement enchanté d'être avec la jeune femme, se mettait à grogner envers tout homme qui tentait de la toucher sans son accord.

« Tout va bien ? » demanda-t-il une fois qu'il fut à ses côtés, son vieil ami à quatre pattes lui lançant un aboiement joyeux en le voyant.

« Hm ? Oh oui ! » répondit Sasha une fois qu'elle n'était plus uniquement concentrée sur ses croquis. « Je suis désolée mais j'ai tendance à être dans ma bulle quand j'ai du monde autour de moi. Je n'ai pas l'habitude. »

« Ne t'excuse pas. C'est parfaitement compréhensible. Et puis Repede s'assurait qu'il ne t'arrive rien de fâcheux. »

Il se baissa pour caresser la tête du chien, ce qu'il n'avait pas pu faire depuis un bon moment. Yuri n'étant plus là et lui totalement indisponible ainsi que non-membre de Brave Vesperia, l'animal était resté « aux soins » de Karol et se déplaçait presque exclusivement avec ce dernier lors de leurs missions pour la guilde.

« Si vous avez fini, on devrait y aller. » leur dit Thomas quand il les eut rejoints. « Et il vaut mieux éviter de voyager par bateau. Beaucoup ont semble-t-il disparu ces derniers jours. »

« Cela devrait pouvoir se faire si la bonne personne est présente à Danghrest actuellement. » fit Flynn en se relevant avant de remarquer que Repede observait étrangement le jeune homme aux yeux acier, un peu comme il le faisait avec Estellise.

Il ne se souvenait plus tout à fait où se trouvait le QG de Brave Vesperia mais pour cela, il pouvait compter sur un guide fiable qui avait d'instinct compris la destination voulue. Ils le suivirent donc à travers les rues de la cité des guildes, se faufilant entre quelques groupes de personnes. Ils furent obligés de stopper deux reprises, Sasha s'étant arrêtée pour regarder la vitrine d'un magasin qui lui plaisait. A la troisième fois, Thomas avait fini par opter pour la manière forte en portant la jeune femme sur son épaule, celle-ci se mettant, par la suite, à exprimer vivement son mécontentement via des coups de pieds et de poings que le jeune homme ignora superbement, manifestement blasé de par l'expression de son visage.

Par contre, Flynn avait cru voir quelque chose s'échapper du chemisier de la jeune femme tandis qu'elle se débattait et réalisa ensuite ce que c'était : une des médailles que les chevaliers portaient autour du cou. Yuri lui aurait-il donné la sienne ? Ça lui semblait pourtant curieux qu'il ait pu la garder tout ce temps, surtout de par le peu de valeur qu'il avait toujours accordé à cet objet… En même temps, il n'avait jamais pu vérifier s'il la portait donc cela restait possible qu'il l'ait conservée au cas où.

Arrivés à destination, Sasha eut à nouveau l'autorisation de toucher le sol tandis que le jeune chevalier frappa à la porte du QG de la guilde. Le jeune homme aux chevaux châtain en bataille et aux yeux marron qui vint leur ouvrir ne cacha pas sa surprise en les voyant – s'il avait toujours son énorme sac et son foulard rouge autour du cou, Karol avait troqué son t-shirt jaune et blanc contre une chemise ocre à manches courtes et un gilet noir derrière lequel était brodé l'emblème de Brave Vesperia.

« Flynn ? Mais… » commença le dirigeant de la guilde en regardant tour à tour chaque membre de leur groupe. « Mais qu'est-ce que tu fais ici et qui sont ces… »

« Est-ce qu'on peut entrer avant qu'elle n'échappe encore à ma vigilance ? » coupa Thomas qui avait attrapé le poignet de la jeune femme lorsque celle-ci avait voulu faire un pas de côté, probablement pour mieux observer quelque chose.

Ils entrèrent dans la maison abritant la guilde de Brave Vesperia, arrivant ainsi dans ce qui ressemblait fort à une salle commune et où se trouvait, assis à une des tables, Raven, visiblement occupé à lire le courrier du jour et, sortant tout juste de ce qui était la cuisine, Judith qui, de par ce qu'il pouvait en voir via le profil de la robe bleu roi qu'elle portait, avait pris quelques rondeurs. Flynn se fit mentalement la remarque que soit il avait passé beaucoup de temps loin de Zaphias, soit il avait tellement été plongé dans son travail qu'il en avait négligé le reste – cette solution était la plus plausible vu qu'il avait oublié l'anniversaire d'Estellise et s'était peu voire pas du tout préoccupé de sa vie privée depuis que Yuri n'était plus présent, ce qui lui avait coûté ses fiançailles.

Après les échanges de politesse ainsi que les présentations, il avait jugé bon de ne pas perdre de temps et leur avait raconté ce qu'il s'était passé à Zaphias, sa rencontre avec cette femme assassin et le mystère de son réveil à Yurzorea. Il s'abstint de parler des mondes oniriques car cela ne s'était pas reproduit et il n'était pas persuadé que cet épisode ait un réel intérêt pour le moment.

« Sacré aventure ça gamin ! » s'exclama Raven une fois qu'il eut terminé son récit. « Mais je comprends un peu mieux à présent pourquoi le courrier venant de l'Empire avait subitement diminué depuis trois semaines… »

« Il se serait donc écoulé autant de temps… » fit Flynn en se massant les tempes, essayant vainement de se souvenir de ce qui avait pu se produire durant cette période.

« Peut-être même un peu plus mais c'est curieux que cela ne soit pas venu jusqu'ici car ça a dû faire du bruit cette histoire. »

« Sauf si quelqu'un a fait en sorte d'étouffer l'affaire rapidement. » supposa Thomas avant de se tourner vers lui. « Vu que l'on t'avait tendu une embuscade, on peut supposer qu'une personne avec un minimum d'influence voulait se débarrasser de toi. »

« La liste risque d'être longue dans ce cas. » remarqua Karol, assis sur une chaise avec les pieds sur la table. « Il y a pas mal de personnes qui veulent revenir aux blastias et qui jugent l'Empire responsable de leurs malheurs. »

« S'ils avaient toujours vécu sans, ils ne s'en plaindraient pas. Les blastias étaient peut-être pratiques mais pas sans risques contrairement à ce que l'on peut penser.»

« On a eu un accident une fois au village avec un blastia. » précisa Sasha. « Personne ne s'était aperçu qu'il possédait un défaut avant qu'il n'explose et tue une dizaine de personnes avec lui. Suite à cela, le peu que nous avions a été supprimé et nous avons parfaitement réussi à nous en sortir ainsi. »

De par le regard sombre que Judith avait, Flynn sut qu'elle avait deviné la même chose que lui : ils avaient eu un Hermès Blastia. Ils avaient cependant eu de la chance qu'il n'y ait pas eu plus de victimes ou bien une hausse subite de l'aer dans leur environnement. Il se souvenait de quelques vieux rapports mentionnant des Blastias défectueux suite à une mauvaise manipulation d'un mage et qui mentionnaient divers accidents plus ou moins graves.

« Les dispositifs exploitant le mana se multiplient mais ils sont encore expérimentaux pour leur grande majorité. » fit remarquer Raven. « Et pour en revenir au sujet initial, il y a eu plusieurs disparitions de constatées ces derniers jours un peu partout. »

« On a entendu cela au port. » déclara le jeune chevalier. « Patty a eu un accrochage avec des bateaux inconnus au niveau de Zaude qui plus est. »

« Tiens donc… il s'en passe de ces choses là-bas dites-moi… » dit Judith, l'air pensive. « Il faudra y jeter un œil à l'occasion. »

« Elle risque de venir vite si c'est lié aux personnes disparues. » lança Thomas avant de tourner ses yeux acier vers lui. « J'avais demandé à Patty Fleur s'ils ont trouvé d'autres corps dans les restes du navire marchand et il n'y en avait pas. Je n'étais pas le seul qu'il transportait jusqu'à Danghrest donc il se peut que des personnes de notre village étaient à bord. »

« Oh et dernière chose. » coupa Raven. « Comme je l'ai dit, le courrier venant de l'Empire a brusquement diminué mais il semblerait qu'ils aient comme un problème de meurtres de par ce que j'ai pu apprendre ce matin et le coupable a une fâcheuse manie, outre de donner l'impression d'avoir étranglé ses victimes, de laisser une odeur particulière derrière lui. Un nouveau justicier de l'ombre à ce qu'il se raconte vu ses cibles mais l'opium est plutôt cher donc possible que ce soit un noble. »

De l'opium ? Pourquoi c'était ce détail qui le frappait ? Il en avait déjà senti quelques fois chez certains nobles et avait dû en prendre une fois pour raisons médicales mais en quoi cela lui semblait important ?

Et là il revit le moment où, dans la grotte où se trouvait l'aer krene où Yuri était tombé, la femme assassin lui avait sauté par-dessus, lui laissant juste le temps de sentir brièvement son parfum où dominait l'odeur du cuir ainsi qu'une senteur, ténue ou étouffée par sa tenue, d'opium…

Elle était donc bel et bien restée à Zaphias, elle, la seule personne qui serait capable de le renseigner sur ce qu'il s'était passé après ce combat contre ces hommes invisibles.

Sauf qu'il semblerait que la piste menant à elle soit faite d'une rivière de sang…

-§-

La nouvelle était tombée de la bouche de Lady Estellise : la femme mystérieuse avait encore frappé en tuant le couple Gride, suspecté d'avoir été impliqué dans diverses disparitions d'enfants jusqu'à l'arrivée de Flynn au poste de Commandant. Sodia sut ainsi où ce garçon avait été emmené après Halure et, d'après le compte rendu sanglant qu'elle avait pu entendre, le mode opératoire avait été, cette fois-ci, bien plus violent.

Leur invité s'était réveillé et, après examen plus approfondit, n'avait aucune blessure récente mais… des tatouages. L'un derrière sa nuque était le numéro « 117 » et l'autre, recouvrant tout son dos, représentait un cercle contenant un pentacle inversé comportant diverses écritures indéchiffrables au sein de chacune de ses branches. Il n'avait, en plus, aucun souvenir de son nom et disait de le désigner par ce nombre qui lui avait été attribué mais ça, ils l'avaient tous refusé.

« Tu ne te rappelles vraiment de rien ? » demanda encore une fois la princesse avec inquiétude.

« Le plus loin dont je me souviens est le moment où on a tous été mis en rang… » marmonna-t-il à nouveau sans donner plus de précisions, ses yeux noisette luisant avec méfiance. « J'ai pas vraiment envie de me souvenir de ça. »

« Dans ce cas, tu te rappelles de Rita Mordio peut-être. » poursuivit Colin, changeant ainsi le sujet. « Une fille aux cheveux châtain et un peu excentrique. »

« J'ai atterri pas loin de chez elle oui. On n'a pas vraiment eu le temps de faire connaissance car elle m'a poussé dans un coin pour que je m'y cache quand quelqu'un a frappé violemment à sa porte. Je n'ai pas vu qui c'était mais il n'était pas seul et Rita était pas très contente de les voir. Après, y a eu comme une odeur bizarre et je me suis réveillé dans une chambre avec des barreaux aux fenêtres. »

Il était donc bien retenu prisonnier et son témoignage confirmait que Mordio avait dû être enlevée. De plus, il semblerait qu'elle connaissait son kidnappeur…

« C'est quand ils m'ont apporté mon… troisième repas je crois que j'ai réussi à leur piquer la clé de la porte et que je me suis enfui. » poursuivit le plus jeune, visiblement en train de se remémorer les évènements. « Ils pestaient des fois comme quoi ils ne comprenaient pas en quoi ils devaient me garder en vie… »

« Vous pensez que tout cela a un lien avec la disparition de Flynn ? » demanda Estellise avec une certaine inquiétude. « Car si c'est le cas… »

« Nous avons un plus gros problème que nous ne le pensions. » compléta Sodia en serrant les dents.

Elle était sure d'une chose : si le Commandant n'avait pas été enlevé comme Mordio, il ne fallait surtout pas qu'il revienne à Zaphias car elle était certaine qu'il allait se faire exécuter. Il se passait quelque chose dont ils étaient encore incapables de mesurer les conséquences et rien ne garantissait à ce qu'ils y parviennent actuellement.

-§-

Après cette longue discussion, Sasha avait fini par avoir droit à une petite visite de la ville avec Karol et Judith. En plus de voir beaucoup de choses dont elle avait seulement entendu parler, elle avait pu faire connaissance avec des amis de Yuri et ainsi apprendre quelques anecdotes sur son frère que ce dernier s'était bien gardé de lui raconter – en même temps, elle avait admis qu'il ne devait pas trop avoir envie qu'elle se moque de lui en l'imaginant habillé avec un costume de lapin. Elle avait ainsi profité de l'occasion pour contempler les articles dans un magasin spécialisé dans la vente d'objets créatifs et constater que Thomas avait dû beaucoup dépenser pour elle en voyant les prix de certains pastels.

Ils furent invités à passer la nuit au QG de Brave Vesperia pour récupérer des forces et le temps de préparer leur départ demain matin pour Zaphias. L'ancienne chambre de son frère lui fut attribuée – elle sut ainsi qu'elle était volontairement restée inoccupée depuis qu'il avait disparu – et, parmi les épées exposées au mur, elle fut invitée à choisir celle qu'elle désirait emmener avec elle – comme elle hésitait, Flynn était venu à son aide et avait immédiatement porté son choix sur la Vorpale car plus facile à manier pour elle qui débutait par rapport aux autres, plus lourdes. Raven lui avait précisé que des mitaines et des gants étaient rangés dans la petite commande et qu'elle était libre de les prendre si elle le voulait.

C'est en se demandant comment elle allait se débrouiller s'il fallait qu'elle se batte réellement qu'elle s'endormit… et atterrit dans les mondes oniriques.

Elle était de retour sur ce qui était censé être l'autel de l'eau et qui avait subi les assauts violents des cauchemars. Cependant, la couche de glace qui recouvrait la surface de l'eau avait manifestement presque entièrement disparue, ne restant que le grand rectangle sur lequel elle se trouvait actuellement ainsi que trois femmes qui la regardait avec méfiance. Elles avaient toutes un plastron de métal et de cuir adapté au physique féminin – celui-ci ne couvrait pas leurs épaules et le haut de leur dos car noué au niveau de la nuque et de la taille – ainsi que des jambières du même style qui, étrangement, ne couvrait pas leurs orteils et leurs talons. Distinguer leur visage était difficile car chacune portait un casque de métal sombre surmonté de plumes colorées qui masquait leur regard – seul un différait légèrement des deux autres car s'ils avaient tous des plumes marron et rouges, celui-ci avait en plus une grande plume jaune qui tranchait bien avec le reste.

« Qui est-ce Tatiana ? Elle n'a pas l'air de ressembler à une écaille. » demanda l'une d'elle à celle au casque à la plume jaune.

« N'oublie pas Cynthia que nous sommes censées protéger cet endroit en attendant que la grande prêtresse ait terminé de le renforcer. Manquer de respect au peuple qui y évolue n'est pas très bien indiqué, même si ce sont des individus que nous n'aimons pas.» répliqua celle qui portait le même casque.

« Et cette fille n'est pas une sirène. » répondit finalement la dénommée Tatiana qui semblait être la chef. « Elle n'a pas d'écailles sur son corps. »

Sasha hésita un peu avant de répliquer mais elle fut coupée en voyant Flynn apparaître subitement à un mètre d'elle. Sauf que si elle avait eu la chance d'atterrir sur la partie encore gelée, le jeune homme n'en eut pas autant car, n'ayant qu'un partie de son pied droit sur la glace, il fut tout à fait logique que, venant tout juste d'arriver, il n'eut pas le temps d'analyser pleinement la situation et il bascula en arrière, se retrouvant à prendre un bain forcé dans une eau qui, vu la tête qu'il faisait après avoir refait surface, ne devait pas être très chaude. Derrière lui, la tête de Sheen apparut - la jeune femme se demanda d'ailleurs pourquoi ses cheveux étaient devenus vert - ainsi que celle d'une petite fille aux yeux émeraude et aux cheveux d'une curieuse teinte turquoise.

« On vient tout juste de finir de purifier l'eau. » fit le jeune garçon tandis qu'elle tendait la main pour aider le chevalier à remonter sur la plaque de glace. « L'autel n'a pas l'air d'avoir subi de trop lourd dégâts autrement. »

« Voilà une bonne nouvelle. » déclara Tatiana avec un léger sourire aux lèvres. « Et connaissez-vous ces personnes prince ? »

« Ils sont ceux qui sont intervenus avec les princesses du pays du feu et de l'empire de la terre. Sans eux je ne serais peut-être plus ici pour vous parler. »

Quand le jeune garçon et la petite fille montèrent à leur tour sur la plaque de glace, Sasha réalisa que tous deux avaient de fines écailles vert clair aux mains et aux pieds, les deux étant légèrement palmés. Puis tous deux reprirent une apparence humaine, Sheen retrouvant sa tignasse blond vénitien et sa cadette arborant à présent de beaux cheveux blond clair.

« Il semblerait que la grande prêtresse ait terminé s'ils ont pu venir ici. » poursuivit-il avant de s'incliner respectueusement face aux trois femmes. « Et je vous présente encore une fois nos plus sincères condoléances pour ce qui est arrivé à vos consœurs. Même si nos deux peuples ont toujours eut quelques tensions, nous comprenons aisément votre douleur… »

« Elles sont appréciées et seront transmises aux autres sœurs harpies. » fit Tatiana avec chaleur. « Nous vous présentons aussi les nôtres pour la mort de votre frère et ceux qui ont perdu la vie face aux cauchemars. »

Sheen les remercia silencieusement tandis que la petite fille à ses côtés avait pris sa main dans la sienne. C'est d'ailleurs à cet instant qu'elle réalisa qu'elle et Flynn se tenait toujours la main alors que cela n'avait plus lieu d'être. Elle la lâcha discrètement tandis que les trois femmes… prirent littéralement leur envol, une paire d'ailes colorées étant apparue dans le dos de chacune.

« Rentre à la maison à présent Océana. » dit le jeune prince sur un ton bienveillant à sa cadette. « On ira dans les cuisines une fois que j'aurai fini, d'accord ? »

« Bien grand frère. »

Sur cela, la petite sœur de Sheen se dissipa et il ne resta plus qu'eux trois sur la plaque de glace.

« Il n'y a pas eu d'autres attaques de cauchemars ? » demanda Flynn une fois qu'ils se furent mutuellement salués.

« Le roi des démons a demandé aux harpies de nous protéger le temps que l'on ait pu purifier l'autel. » répondit le prince. « La grande prêtresse est venue elle aussi et le ciel est redevenu normal au-dessus de nous. Je crois d'ailleurs qu'elle est encore dans les parages… »

« Serait-on en train de parler de moi ? »

Ils se tournèrent du côté d'où venait la voix de femme pour voir, debout sur la plage de sable, une femme vêtue d'une longue robe blanche aux manches de dentelle et au col montant. Elle avait une ceinture dorée autour de la taille et un bandeau assortie qui tranchait avec ses longs cheveux noirs dont les deux mèches qu'elle avait devant ses épaules passaient au travers d'une série de trois grosses perles d'un blanc nacré. Elle les fixait avec un sourire mystérieux aux lèvres ainsi qu'une étincelle amusée dans son regard améthyste. Dans sa main droite, elle tenait un sceptre en or dont l'extrémité haute était une boule entièrement sertie de différentes topazes de toutes les couleurs.

Ils vinrent donc la rejoindre, non mécontents de quitter la plaque de glace qui n'en avait manifestement plus pour très longtemps…

« Je souhaitai vous remercier encore une fois avant de vous quitter madame. » déclara Sheen en s'inclinant avec respect.

« Ce n'est pas la peine. Je ne fais que mon travail après tout. » dit-elle avec un sourire aux lèvres. « Ma magie devrait tenir les cauchemars à distance pour un bon moment. Cela devrait laisser le temps aux mondes oniriques de se rééquilibrer d'eux-mêmes avec un peu de chance. »

« Bien. » fit le prince avant de se tourner vers eux. « Désolé mes amis mais je ne peux pas rester avec vous cette fois-ci. Peut-être une prochaine fois. »

Puis Sheen se dissipa exactement comme sa sœur l'avait fait peu de temps auparavant.

« Avant que je ne reparte chez moi… » reprit la grande prêtresse, l'air un peu plus sérieuse qu'au départ. « Je pense que vous devriez suivre la direction du serpent car je crois que vous n'êtes pas venus seuls ici. »

« La direction du… » commença Flynn sur un ton interrogateur avant de s'interrompre. « Vous parlez des panneaux. »

« Exact Flynn ! Je savais que je pouvais compter sur toi ! »

C'est sur cette phrase qu'elle disparut dans un éclair de lumière blanche… en les laissant face à une subite réalisation : comment savait-elle comment le jeune homme s'appelait alors que c'était la première fois qu'ils se rencontraient et que personne ne l'avait appelé par son nom jusqu'ici ?


Auteur vs Persos :

Kaleiya & Mélissa (mélangent activement quelque chose)

Asahi : Vous foutez quoi au juste vous deux ?

Mélissa : On se demandait ce que donnerait un mélange de la cuisine de tous les pires cuistots qu'on connait sur des cauchemars.

Orieul : Je ne suis guère persuadée qu'ils y touchent mais qui sait avec ces choses…

Salomé (lit le journal) : Au pire on y gardera pour tuer d'éventuels rats… et quelques fouineurs.

Kaleiya : Ce récipient contient un plat fait par Flynn, un autre fait par Orieul et le dernier fait par Asahi…

Asahi (jette un regard noir à Mélissa) : C'est pour ça que tu m'as fait cuisiner ?

Mélissa : Et je dois encore constater que tu as réussi un exploit : trois cuissons différentes sur un même plat et j'arrive toujours pas à comprendre pourquoi c'est le milieu qui est cramé…

Kaleiya (avec une paire de jumelles) : Ennemi droit devant ! Orieul, on te laisse le plaisir de tirer.

Orieul : Vais pas y aller trop fort.

Sur ce, Orieul envoya le mélange avec force aux pieds du cauchemar. Il l'observa puis le goba à la surprise générale… avant de s'écrouler en hurlant de douleur puis de succomber à la mixture qu'il avait avalée… Face à cette scène, alors que tous les autres étaient restés bouches bée, Orieul et Salomé échangèrent un bref regard avant de partir dans un fou rire, heurtant l'ego d'Asahi, ce qui entraîna l'hilarité de Mélissa quand elle vit la tête qu'il tirait.

kaleiyahitsumei: (Default)
 Note : Bon, on change de POV ce coup-ci pour passer à celui de Sodia. A ceux qui ne l'aiment pas, je vous préviens d'avance que ce n'est pas mon cas (elle est un des personnages du jeu que j'affectionne le plus, sachez-le), d'où cette fic que j'écris en partie pour lui redorer son image.

Tentative 2

Sodia O'Daly voulait bien croire aux coïncidences et aussi que Terca Lumireis était moins vaste qu'elle ne l'imaginait… mais qu'on la remette sur une mission conjointe avec Yuri Lowell, là elle trouvait cela hautement suspect. Elle en conclut donc qu'elle allait devoir envisager très sérieusement d'inclure dans le courrier du Commandant toutes les lettres de femmes qu'elle ôtait volontairement de la pile afin qu'il ne soit pas distrait par ces multiples demandes en mariage – la rouquine en avait lues certaines et elle se souvenait parfaitement de l'une d'elles, très riche en détails érotiques et dont l'auteur était une duchesse ayant passé la soixantaine qui était connue pour être une véritable croqueuse d'hommes… ce qui était manifestement toujours d'actualité vu toutes les suggestions « d'exercices physiques » qu'elle proposait dans divers endroits de la capitale ainsi que dans pas mal de pièces du palais impérial.

Etrange qu'elle ne le plaigne pas d'avance sur ce coup… La colère sûrement.

Basiquement parlant, sur une mission d'escorte aller-retour au bastion de Deidon, il n'y avait pas de quoi se plaindre et c'était un trajet qui durerait, au plus, deux jours. Sauf que le problème était que la personne qu'ils devaient protéger était une jeune femme de la noblesse nommée Elisabeth Magnolia, une amie d'enfance de Sodia qu'elle n'avait pas revue depuis des années et qui, bien que très gentille, risquait fort de dévoiler des détails sur sa vie privée qu'elle aurait bien aimé garder pour elle.

Dès l'instant où elle avait su cela, elle n'avait pas pu s'empêcher de craindre le pire… ce qui se confirma dès le moment où Betty – c'était le surnom qu'elle employait à l'époque pour désigner la jeune femme aux yeux marron et aux longs cheveux blond platine coiffés en un élégant chignon – commença à essayer de lui faire parler du temps où elles jouaient ensemble enfants et qu'elle repéra inconsciemment la lueur d'intérêt qui s'était allumée dans le regard anthracite de Lowell.

« Je suis ici pour vous protéger de tout danger Lady Magnolia, pas pour faire la conversation. » avait-elle finit par dire froidement, se fermant ainsi totalement à tout ce qui n'avait rien à voir avec son devoir de chevalier.

« Mais… » avait tenté Elisabeth avant de se raviser, l'air visiblement blessée. « Je comprends oui. »

« Je sens que ce travail va être d'enfer si on a déjà la reine des glaces qui est de sortie… » avait lancé l'épéiste avec son habituel ton sarcastique, s'attirant ainsi un regard noir de colère qu'il ignora superbement.

Elle s'était retenue de lui dire sa façon de penser à ce moment-là mais, actuellement, elle était en train de se demander si elle n'aurait pas dû lui coller son poing dans la figure car, si elle se fiait au fait qu'il avait l'air de bien s'entendre avec Lady Magnolia et le ton qu'il employait avec elle, il flirtait avec son amie d'enfance. Le pire était que ça n'avait pas l'air de la déranger outre mesure, ce qui ne faisait que décupler la colère que ressentait Sodia et que Repede, le quatrième membre de leur groupe, semblait parfaitement percevoir vu la façon dont il la fixait de son œil valide.

« Qu'est-ce que tu as au juste ? » demanda-t-elle à l'animal sur un ton agacé, surveillant discrètement les deux autres qui étaient à environ deux mètres derrière eux.

Il lui répondit en continuant de la fixer, ce qui commençait à sérieusement la mettre mal à l'aise.

« Ça m'énerve de voir ton maître faire ça, c'est tout. » déclara-t-elle en s'assurant de prime abord que ceux à l'arrière étaient trop pris par leur conversation, ce qui semblait être le cas. « Nous sommes censés travailler et lui, il en profite pour draguer. C'est d'un manque de professionnalisme… »

La façon que le chien avait eue de gémir l'intrigua, comme s'il lui faisait remarquer que ce n'était peut-être pas la seule chose qui l'agaçait dans cette situation. On aurait vraiment dit qu'il était parfaitement capable de la comprendre…

« Pourquoi est-ce que je te parle au juste ? » demanda-t-elle en soupirant de dépit. « De toute manière, je vais devoir supporter un type que je ne peux pas encadrer donc je suis obligée de faire avec. »

Et puis, même si elle et Elisabeth ne s'étaient pas vues pendant des années, elle savait tout de même pas mal de choses à son sujet qu'elle aurait aimé ne jamais voir ressortir. Ce n'était pas la faute de Sodia si elles avaient perdu contact tout ce temps mais il était vrai qu'elle avait coupé les ponts avec beaucoup de personnes à cette même époque et que le fossé entre elle et sa sœur s'était brusquement élargi par la même occasion…

Elle avait parfaitement conscience qu'elle s'était isolée et, vu ce qu'elle avait fait à Zaude, les minces espoirs de changer cela s'étaient brisés d'un coup.

Quand elle y repensait, elle avait rejoint les chevaliers impériaux pour éviter un mariage arrangé et c'était la seule chose qui la motivait au départ. Sauf qu'elle avait à présent un frein énorme à son ambition de carrière et c'était ce secret qui lui faisait encore faire des cauchemars la nuit. Mais ce n'était pas toujours l'épéiste qu'elle se voyait poignarder…

Le grognement de Repede la fit se mettre immédiatement sur ses gardes. Une dizaine de secondes après, elle vit quatre hommes sortir des buissons qui, à leur attitude, étaient certainement des bandits.

Ça tombait bien car elle mourrait d'envie de frapper quelqu'un…

« Hey les gars ! On a trois gonzesses pour nous tous seuls ! »

… Elle avait bien entendu si elle se fiait au gros soupir d'agacement que Lowell avait laissé échappé. En même temps, elle aurait été un homme, elle non plus n'aurait probablement pas apprécié d'être désignée ainsi. Quoique là, ce qu'elle n'aimait pas, c'était la façon dont l'un d'eux la reluquait…

« Tu crois qu'elle porte quelque chose sous sa jupe la rouquine ? »

Bingo… Le nombre de fois qu'elle y avait eu droit à celle-là, c'était dingue. A croire que les hommes devenaient des animaux dès qu'ils voyaient une femme avec une jupe s'arrêtant au-dessus des genoux voire plus haut encore.

« J'étais pas au courant qu'il y avait un élevage de porcs par ici. » déclara l'épéiste qui s'était placé au même niveau qu'elle. « Faut croire que je devais avoir le nez sacrément bouché la dernière fois que je suis passé par ici. »

« Mais c'est un mec ? » demanda l'un des bandits, réalisant leur première erreur.

« Ravi de constater que vous avez pas autant de merde dans les yeux que ce que je pensais… »

Sodia remarqua que Repede s'était mis en retrait, très certainement suite à un signe de son maître, et qu'il se tenait à présent près d'Elisabeth, paré à la défendre contre tout danger.

« Si ça se trouve c'est un travelo. » reprit un autre bandit. « C'est pas possible pour un mec de porter des cheveux aussi longs. »

« Si Duke Pantarei était présent lui aussi, je me demande ce que ça aurait donné. » fit-elle en sortant son épée, jugeant qu'il était plus que temps d'aller régler leur compte à ces imbéciles.

« Il les auraient probablement ignorés. » lui dit Lowell en l'imitant. « Sauf que là, c'est nous deux qu'ils insultent et en plus, ils nous barrent la route. »

« Un ratio de deux contre un donc. Qui prend qui ? »

« Honneur aux dames. »

Galant, lui ? Elle n'allait pas s'en plaindre aujourd'hui car ça l'arrangeait. Son choix fut très rapide et, en un éclair, elle leur fonça dessus, suivie de près par l'épéiste qui prit le reste de la bande. Bien que les bandits s'étaient préparés à se défendre, ils n'étaient pas très bons au combat et celui-ci fut vite écourté quand, dans un réflexe faussement maladroit, elle frappa l'un d'eux à l'entre-jambe.

« Ils font encore les coques pour protéger les bijoux de famille dans l'armée impériale ? » lui demanda Yuri une fois le combat fini. « Parce que là, j'envisage sérieusement d'investir dedans. »

« Tu as si peur que je te frappe un jour à cet endroit précis ? » répliqua Sodia avec un léger sarcasme, sachant pertinemment que cela risquait fort de ne pas arriver.

« Disons qu'étant un homme, je peux te dire que ça fait VRAIMENT très mal de se prendre un coup à cet endroit. Ce n'est pas une expérience que t'as envie de renouveler généralement. »

Cette escarmouche avait eu le mérite de mettre la rouquine de meilleure humeur qu'à leur départ de Zaphias mais, jusqu'à leur arrivée au Bastion de Deidon, elle ne put s'empêcher de regarder discrètement Elisabeth qui riait en entendant les anecdotes racontées par l'épéiste et dont les joues rosissaient légèrement quand il se montrait plutôt enjôleur. Elle avait du mal à comprendre en quoi cela pouvait autant l'agacer…

Une fois à destination, elle s'était séparée du groupe, officiellement pour leur réserver une tente pour la nuit – Lady Magnolia avait, de par son statut de noble, le droit de dormir dans sa propre tente si elle le souhaitait donc Sodia était allée s'occuper de cela –, officieusement pour être enfin un peu seule et essayer de faire un peu le point sur la situation. Sauf qu'elle se retrouva face à un souci : le seigneur des plaines était apparemment de sortie en ce moment et le nombre d'emplacements pour dormir était donc limité à cause du nombre élevé de personnes qui étaient coincées ici.

En d'autres termes, soit elle partageait la tente d'Elisabeth, soit elle dormait à la belle étoile avec Lowell. Super le choix…

D'ailleurs, en parlant du loup, il était en train de venir à sa rencontre.

« Où est Lady Magnolia ? » demanda-t-elle dès qu'il fut à moins de deux mètres d'elle.

« En sécurité avec Repede. » répondit Yuri avant de reprendre en plissant légèrement le nez. « Il faut qu'on parle toi et moi, de préférence en privé. »

Bien que réticente à la chose, Sodia accepta – en même temps, elle doutait de pouvoir refuser – et elle suivit l'épéiste jusqu'à l'un des postes de vigie du Bastion, actuellement inoccupé vu qu'il était situé à l'opposé de là où sévissait le seigneur des plaines et que les gardes surveillaient grandement la bête pour parer à toute éventualité. Elle s'assit sur la caisse de bois présente à cet endroit, sentant instinctivement qu'elle n'allait probablement pas aimer la conversation…

« Bon, c'est quoi ton problème exactement ? »

Direct, ça on pouvait le dire. Diplomate par contre, ce n'était pas tout à fait cela vu le ton exaspéré qu'il avait employé – et puis elle savait très bien que ce n'était pas une qualité qu'il avait en sa possession.

« Excepté toi ? » répliqua-t-elle avec agacement et une pointe d'ironie.

« Je suis sérieux là. » fit sèchement Yuri, visiblement pas d'humeur à plaisanter. « Tu es d'une sale humeur depuis qu'on est partis et Betty n'a pas cessé de me demander ce qui n'allait pas alors que je n'en ai strictement aucune idée. »

« Oh ? Vous en êtes déjà au stade des surnoms ? Si possible, attendez que je ne sois pas là pour passer à l'étape suivante… »

« Attends, stop. C'est ça qui te dérangeait depuis le départ ? »

« Je te rappelle que nous sommes ici pour travailler, ce que tu as l'air d'avoir totalement occulté vu ton attitude. »

L'épéiste resta stupéfait pendant deux secondes avant de pousser un soupir exaspéré. Il lui fit signe de se pousser un peu puis il s'assit à côté d'elle.

« Tu as ta façon de bosser et moi j'ai la mienne. » déclara-t-il en se tournant vers elle. « Qui plus est, toi t'es sûre d'avoir un salaire, peu importe ce que tu fais. Moi par contre, si je n'ai pas de mission, je ne touche pas un seul gald. C'est compris ça ? »

« Mouais… » fit Sodia avec une moue boudeuse, n'appréciant guère que Yuri Lowell lui parle comme si elle avait six ans. « Je ne suis pas une gamine donc je te prierai de changer de ton. »

« C'est pas l'impression que tu me donnes actuellement et, si je te traite comme une adulte, c'est certain que je vais te coller une paire de baffes. Aux dernières nouvelles, frapper les gens n'aide pas toujours à faire la paix avec eux… »

Faire la paix ? Là, elle était littéralement estomaquée et elle ne pouvait cacher son étonnement à son interlocuteur qui, d'un regard appuyé, lui confirma qu'il était sérieux.

« Là où je voulais en venir, c'est que j'ai besoin de m'assurer que j'aurais du travail donc, pour ça, je fais en sorte que les clients reviennent. » poursuivit-il avec un sourire en coin.

« D'où le flirt… » réalisa la rousse en se frappant le visage. « Je me suis imaginé des trucs donc… »

« Si tu me voyais déjà en train de la demander en mariage, je peux te dire que tu te trompais lourdement. Elle ne m'intéresse pas plus que ça et je ne m'amuse pas à coucher avec mes clientes, même si j'en connais une qui adorerait me mettre la main dessus… »

En le voyant faire la grimace, il n'était pas difficile de comprendre que Yuri n'était pas tenté par l'idée d'avoir des rapports plus intimes avec cette personne… Sodia ne put s'empêcher de pouffer légèrement de rire, ce qui lui valut un coup de coude dans les côtes qui, au lieu de stopper son hilarité, la fit s'amplifier.

« Je te jure que ce n'est absolument pas drôle ! » s'exclama-t-il sur un ton faussement outré. « Imagine-toi à ma place, face à la chef d'une puissante guilde qui demande sans arrêt à ce que ce soit toi qui fasse certaines missions pour elle et qu'elle passe son temps à te faire du rentre-dedans… »

« Tu as donc le privilège d'être le petit préféré de Kaufman ? » comprit la rousse avant de se remettre à pouffer de rire.

« C'est pas la pire encore. J'en ai connu une qui a été assez culottée en proposant carrément de me payer pour que je passe la nuit avec elle. Même si je reconnais que le montant était alléchant, j'aurais préféré qu'elle ne soit pas noble et âgée d'au moins soixante-dix ans… »

« La description que tu me fais me rappelle une duchesse qui a envoyé une lettre très… intéressante au Commandant et que j'avais interceptée… Elle a une réputation de croqueuse d'hommes qui est apparemment véridique. »

« … A tout hasard, tu as gardé cette lettre ? Juste histoire d'avoir une meilleure idée de ce à quoi j'ai échappé. »

« Aux dernières nouvelles, toi et moi ne sommes pas amis. »

A cette remarque, il la fixa en haussant un sourcil.

« Donc, si nous avions été amis, j'aurais pu lire cette lettre ? » demanda Yuri sur un ton moqueur. « Intéressant… »

« On est loin de l'être et ça a très peu de chances d'arriver. » répondit Sodia avec amertume en repensant à ce jour où elle avait pris une des pires décisions de sa vie.

Elle n'avait toujours pas trouvé le courage d'avouer sa faute à Flynn par peur de perdre sa confiance… Ce poids était lourd à porter et elle n'avait personne pour l'y aider… si l'on exceptait le seul autre à savoir ce qu'il s'était réellement passé mais lui avait-il réellement pardonné ?

« Dois-je en conclure que tu es aussi seule que tu en as l'air ? »

La rousse eut la gorge nouée face à cette question et ne put s'empêcher de déglutir en pensant à la réponse. Oui, elle était seule…

« Je propose juste que l'on fasse la paix. » poursuivit l'épéiste en lui tendant la main. « Si ça ne te convient pas, tant pis. »

« … D'accord. » fit-elle en lui serrant la main. « On essaie de partir sur de nouvelles bases. »

Un sourire satisfait se peignit sur les lèvres du jeune homme et elle ne put s'empêcher de l'imiter. Il était vrai qu'elle aurait eu tort de ne pas saisir cette chance, surtout si ça l'aidait à alléger le poids qu'elle avait sur les épaules.

« Bien. » dit-il en se levant. « Et si tu veux un conseil d'un non-ami, je connais une demoiselle très sympathique qui adorerait discuter de trucs de filles avec toi. Je dis ça, je dis rien. »

C'est sur cette phrase qu'il la laissa en lui faisant un signe de la main. Sodia avait parfaitement compris ce qu'il lui suggérait de faire et elle se demanda un court instant si c'était une bonne idée de sa part de renouer avec Betty… avant de convenir que ça ne pouvait pas lui faire de mal de mettre un peu de côté son masque de soldat, ne serait-ce que pour se sentir moins seule.

En retournant au campement, elle ne fut pas surprise de voir Yuri commencer à s'atteler à faire le repas du soir, Repede l'observant du coin de son œil valide. Il lui désigna la tente qui se trouvait derrière lui et elle y entra, trouvant Lady Magnolia en train de défaire son chignon, libérant ainsi ses longs cheveux blond platine qui descendaient jusqu'à sa taille.

« Sod… Ahem… Lieutenant O'Daly. » se corrigea la jeune noble en réalisant sa présence. « Que puis-je faire pour vous ? »

« Je viens m'excuser pour mon attitude de tout à l'heure. » fit la rousse, ce qui étonna son interlocutrice. « Est-ce que ça te dérangerait qu'on reste entre filles cette nuit Betty ? »

A cette question, le visage de son amie d'enfance s'illumina de joie.

-§-

Après une longue réunion, Flynn put enfin retourner dans son bureau où, suite au fait qu'il avait croisé Sodia dans les couloirs du palais, il s'attendait à y voir Judith en train de patienter jusqu'à son arrivée. Cependant, pas de signe de la krytienne excepté la fenêtre grande ouverte… et le tiroir de son bureau où il rangeait sa correspondance personnelle !

Pris de panique, il vérifia ses poches et réalisa son erreur : il avait dû la poser la clé sur son bureau au lieu de la garder sur lui, comme à son habitude. Et bien entendu, elle en avait profité pour agir…

Evidemment, le chevalier n'avait pas de preuves que c'était elle mais qui d'autre avait intérêt à ne prendre que le contenu de ce tiroir précisément ? La liste des suspects était relativement faible et quelque chose lui disait que ses craintes seraient bientôt confirmées…

-§-

Ce n'était pas que Judith ne faisait pas confiance à Flynn – l'existence de ces lettres était tout de même un excellent moyen de pression – mais sa loyauté envers ses amis risquait de lui faire vendre la mèche si elle n'agissait pas vite. Il lui parut donc évident qu'elle devait dérober les lettres pour préserver au maximum son chantage… et qu'elle y gagnerait à se trouver un complice dans cette affaire.

« Oh ? Bonsoir mademoiselle Judith. » la salua l'empereur Ioder quand elle entra dans son bureau. « Que puis-je faire pour vous ? »

« J'aurais un petit quelque chose à vous proposer votre Altesse… »


NB : Judith assure ses arrières tandis que Flynn… est en mauvaise posture.

Auteur vs Persos :

Orieul : Elle aurait pu crocheter la serrure.

Mélissa : Tout le monde n'est pas comme toi à se balader avec un kit de crochetage dans son soutien-gorge…

Asahi : … Dois-je demander comment tu sais qu'elle le range là ?

Kaleiya : C'est vrai qu'avec elle…

Mélissa : Je l'ai vue faire en direct… Quand elle a crocheté la porte de ta chambre hier.

Asahi : … Quoi ?

Orieul (file à l'anglaise)

Asahi : REVIENS ICI ! (la suit)

Kaleiya : Et dire qu'il n'a pas voulu m'écouter lorsque je lui ai conseillé de faire exprès de perdre de temps en temps quand il jouait contre elle à des jeux d'argent…

kaleiyahitsumei: (Default)
 Disclaimer : Tales of Vesperia ne m'appartient pas

Auteur : Kaleiya Hisumei

Beta : Eliandre

Titre : Off, the third one ! XD (et peut-être le dernier parce que faut quand même envisager de boucler cette chose un jour…)

Rating : M

Note : Je ne pensais pas en faire un troisième, je vous le jure ! Mais l'image de Flynn avec des oreilles de chat a hanté mon esprit…

Note 2 : Je voulais le poster plus tard à l'origine mais j'ai vu qu'une certaine personne (nous l'appellerons Mademoiselle S. ou Miss ToB pour préserver son anonymat) fêtait son anniversaire donc comme Flynn est présent, je le poste plus tôt que prévu en pensant fortement à elle.

Playlist :

Adam Lambert – If I had you

Scorpion – No one like you


 

Usant, c'était le mot. La journée de travail de Yuri avait été particulièrement longue et il en avait assez de devoir tenir une caisse – ça allait étant donné qu'il faisait rarement des erreurs mais l'une de ses collègues, un peu trop bavarde, avait tendance à les cumuler. Comme il avait fini tard, il avait mangé un sandwich lors de sa pause afin de ne pas être affamé en rentrant et pouvoir directement aller s'écrouler quelque part pendant deux jours… tout en essayant de se rappeler ce qu'il avait l'impression d'avoir oublié depuis ce matin.

Sa priorité était surtout de rentrer à l'appartement et d'y retrouver un Flynn probablement en train de travailler. Ça l'énervait de le voir ramener du boulot à domicile en permanence, surtout quand il avait la sensation qu'il ne recevait pas beaucoup de reconnaissance derrière. A chaque fois, il prenait un malin plaisir à l'interrompre, soit en débranchant d'un coup le chargeur de son ordinateur portable quand la batterie était encore faible, soit en le distrayant d'une manière ou d'une autre – suite à une fois où il lui avait carrément fait une fellation alors qu'il était en train de taper un long mémo, son cher meilleur ami gardait à présent l'ordinateur sur ses genoux pour éviter que cela n'arrive de nouveau.

Honnêtement, la situation affective dans laquelle il était lui pesait sur le cœur depuis un bon moment mais si cela rendait service à son ami d'enfance, il continuerait sans hésiter et ce, jusqu'à ce que ce dernier ait trouvé quelqu'un digne de lui. Il avait longuement espéré être cette personne mais il s'était finalement résigné à aller tenter sa chance ailleurs lors de ses années lycées. Puis quand il avait commencé à voir que le comportement de Flynn avait changé, il avait compris qu'il avait peut-être une ouverture possible… avant de se coller une claque mentale en se souvenant qu'il risquait de foutre en l'air leur amitié s'il jouait au con.

Sauf que quand il l'avait mis au pied du mur et qu'il avait vu la détresse dans son regard, il lui avait machinalement proposé de coucher avec lui.

Dans sa tête, Yuri s'était traité de tous les noms pour avoir osé sortir cette phrase à celui qui était son premier amour mais en voyant que celui-ci réfléchissait à cette idée au lieu de s'indigner, il ne lui présenta pas ses excuses, attendant de voir sa réponse. Il se souvenait qu'il avait failli s'évanouir quand Flynn lui avait dit qu'il acceptait… avant de pester pendant plusieurs heures car celui-ci, prudent comme ce n'était pas permis, l'avait contraint et forcé à faire cette putain de prise de sang afin de savoir s'il avait choppé une saloperie avec ses coups d'un soir – suite à cela, il avait appris par cœur les emplacements de tous les endroits en ville où il pouvait trouver ces fichus trucs caoutchouteux pour éviter de renouveler cette expérience…

En tout cas, il avait passé une semaine très… sportive si l'on peut dire. S'il avait surtout utilisé le premier jour pour expliquer à son ami comment il devait s'y prendre, le reste avait été de la pratique où les draps de leurs chambres avaient fini extrêmement froissés à la fin – ils avaient d'ailleurs eu une pensée pour les femmes de ménage à un moment… avant de tester une nouvelle position.

Son ami d'enfance était-il un bon coup ? Oh que oui. Au point qu'il n'avait plus été tenté de vérifier comment c'était ailleurs, surtout après qu'ils mirent leur arrangement tordu au point et où il s'estimait particulièrement satisfait au niveau sexuel.

Cependant, avec le temps, il s'était mis à en vouloir plus et même vivre avec Flynn ne lui suffisait plus. Il commençait sérieusement à en avoir assez de cette situation mais ne savait pas trop comment s'en dépêtrer sans laisser son meilleur ami tout seul. Il avait la trouille qu'en lui avouant son désir d'une vraie relation, celui-ci décide de couper les ponts car il ne voulait vraiment pas le perdre.

Mais ces derniers temps, avec la routine qui s'était installée et les multiples remarques de leurs voisins, il se demandait si, à présent, cela pouvait fonctionner car au final, ça ne changerait pas grand-chose pour eux.

Il était enfin rentré et fut peu surpris de voir que Flynn n'était pas dans la pièce à vivre. Yuri déposa son manteau en vrac sur le sofa et, en voyant de la lumière dans la chambre de son colocataire, se douta qu'il devait être encore réveillé et, à tous les coups, en train de travailler.

Puis il ouvrit la porte dans le but de lui souhaiter une bonne nuit… quand il tomba sur une vision bien différente de celle à laquelle il s'était attendu au départ.

Flynn était assis sur le bord du lit… uniquement vêtu un string blanc – Yuri se posa brièvement la question si le vêtement n'était pas un poil trop petit – qui était assorti aux oreilles de chat qui étaient sur sa tête ainsi qu'aux mitaines qu'il avait aux mains. Autour du cou, il avait un collier en cuir bleu auquel pendait un grelot ainsi qu'une pancarte sur laquelle était marquée « joyeux miaouversaire ! », lui faisant ainsi réaliser ce qu'il avait oublié : demain, c'était son anniversaire…

« Tu… sais que tu as un jour d'avance ? » demanda-t-il en essayant de se remettre du choc qu'il venait d'avoir.

« Oui mais techniquement parlant, tu es né vers une heure du matin donc j'ai plutôt cinq heures d'avance environ. » lui répondit son colocataire, les joues légèrement roses.

C'était curieux… Sauf si…

« Tu travailles demain, n'est-ce-pas ? » questionna Yuri, voyant le truc venir gros comme une maison.

« Je pars en milieu d'après-midi et je reviens la semaine prochaine. » confirma Flynn, l'air désolé.

Bingo : voyage d'affaire. Même si cela le rendait triste, il n'allait pas le retenir car après tout, ils étaient juste des amis et puis le fait que son meilleur ami ait accepté de l'attendre dans une tenue où il n'était visiblement pas à l'aise pour se faire pardonner était… touchant.

« Et tu as eu l'idée de ce charmant accoutrement dans quel film pour adultes que je sache quoi regarder durant ton absence ? » demanda-t-il sur un ton joueur tout en venant s'asseoir à côté de son colocataire, lui permettant ainsi de découvrir qu'au dos de son seul vêtement, une queue blanche et touffue était accrochée.

« Je commence sérieusement à me dire que c'était une mauvaise idée. » fit son meilleur ami en se levant.

Il ne lui laissa pas le temps de s'éloigner, lui attrapant le bras pour le tirer en arrière. Il le regarda d'un air méfiant, craignant probablement des moqueries, mais au lieu de cela, Yuri désigna ses cuisses d'un geste de la main, faisant ainsi comprendre à son partenaire qu'il comptait bien profiter de cette surprise… tout en ne se gênant pas pour admirer cette belle paire de fesses dont il allait bien profiter.

« Donc on fait du cosplay maintenant ? » demanda Yuri une fois que son amant se soit assis sur ses cuisses. « Rappelle-moi pourquoi on a pas fait ça avant ? »

« Parce que tu as dit que tu refusais de faire l'infirmière. » répondit Flynn du tac-au-tac en croisant les bras contre son torse. « Et puis il me semble que l'on ne voulait pas risquer d'attirer l'attention de tu-sais-qui… »

Ah oui… C'est vrai qu'ils avaient des voisins qui auraient flairé le costume à trois kilomètres à la ronde et qui, rien que pour en avoir un aperçu, seraient capables de faire un trou dans le mur – il se demandait d'ailleurs si cela n'était pas déjà fait depuis le temps… Mais bon, c'était tout de même dommage d'avoir attendu si longtemps avant l'étape des déguisements, surtout qu'il était prêt à changer d'avis sur ce point précis.

« Je pense que l'on va revoir cela très vite… »

Sur cette phrase, il entraîna son partenaire dans un baiser passionné en tirant sur la pancarte qu'il avait autour du cou. Il détacha cette dernière alors qu'il sentait une main passer derrière sa tête et une autre se poser sur son épaule. Ils se séparèrent un instant pour recommencer plus fougueusement par la suite, son bras gauche venant enserrer la taille de son compagnon pour approfondir ce contact. Le son du grelot commença à l'agacer, agressant un peu trop ses oreilles à son goût, et il s'attela vite à tenter de le décrocher du collier, sans autre succès que de le rendre encore plus bruyant qu'il ne l'était – avec le boucan que ça faisait, il ne serait pas étonné d'apprendre que ses deux chers voisins les épiaient avidement. Il opta donc pour l'autre solution : enlever, un peu à regret, cette lanière de cuir bleu du cou de son compagnon.

« Est-ce une impression ou bien tu aurais aimé que je garde le collier ? » lui demanda Flynn, quelque peu suspicieux.

« Pour montrer que tu n'étais pas disponible, oui. » répondit machinalement Yuri avant de se mordre la langue, réalisant trop tard ce qu'il venait de dire. « Mais si tu préfères, je peux prendre un marqueur et te laisser un autographe sur ton noble postérieur. »

« Et après, je suis obligée de savonner deux fois plus cette zone car l'encre ne part pas. Tu m'as déjà fait ce coup-là il y a deux ans. »

« Ah. Il va donc falloir que je me renouvelle. Une ceinture de chasteté peut-être ? »

Un léger pouffement se fit entendre… sauf qu'aucun d'eux n'en était à l'origine. Ils échangèrent un regard inquiet, comprenant tous deux que les deux voyeurs qui vivaient près d'eux devaient les observer d'une manière ou d'une autre. Un soupir leur échappa et Yuri se dit que, décidément, il n'était pas possible d'avoir un minimum d'intimité dans cet appartement…

-§-

« Oups ! » fit Judith en décollant son oreille du verre qu'elle tenait contre le mur en carrelage gris de la salle de bain de Raven. « J'ai l'impression qu'ils m'ont entendue… »

Le plus âgé acquiesça… bien qu'il était plus concentré sur les formes de sa voisine, magnifiquement mises en valeur par ce caraco aux tons orangés et ce… était-ce donc un de ces fameux tangas dont il avait entendu parler ? La confusion avec le string était facile mais il fallait reconnaître que la dentelle était très belle à regarder et qu'elle encadrait joliment ces superbes…

« Hm ? Peut-être que non… »

Son imagination lui jouait-elle des tours ou bien avait-elle un petit grain de beauté en haut de sa fesse droite ? Pour en être certain, il lui faudrait soulever délicatement cette bande de tissu coloré et frôler de ses doigts abîmés cette peau qui semblait si douce… De plus, c'était l'une des parties du corps de la jeune femme qui était la plus ronde et cela, peu importe ce qu'elle…

« Fausse alerte. Ils se sont mis à simuler. »

Il faudra peut-être qu'il envisage de jeter un œil à son plafond car il avait l'étrange impression d'avoir quelque chose qui gouttait sur son bras. Mais bon, cela pouvait attendre qu'il ait fini d'admirer ces belles cuisses finement musclées et qui, très certainement, devaient ouvrir les portes de ce petit paradis que chaque femme en ce bas-monde cachait en son sein…

« Raven ? »

Oh oui. Cet Eden que tout homme rêve de visiter en entendant le chant mélodieux de la sirène qui le possède. Tel Ulysse, il ligotera sa conscience au mât du navire de son esprit pour ne pas chercher à rejoindre cette créature enchanteresse mais la lutte sera difficile et il doutait d'avoir assez de courage pour oser tenter de résister à ces sons divins qui donnaient envie de s'y noyer…

« Je vois… »

Un claquement de doigts sortit Raven de sa rêverie et il réalisa ainsi que Judith était face à lui. Elle lui désigna son mention de son index avant de s'en aller en lui faisant un signe de la main. Il la regarda jusqu'à ce qu'il entende sa porte d'entrée se refermer puis il se tourna vers son miroir, constatant ainsi qu'il avait une sacré trace de bave qui partait du coin gauche de ses lèvres pour descendre en bas de son menton. Une goutte était actuellement retenue par un de ses poils de barbe et menaçait de se faire la belle à son tour.

Il était bon pour se nettoyer le visage à présent… et rebrancher ses neurones.

-§-

Ce qu'il ne fallait pas faire des fois… Mais apparemment, cela avait fonctionné et, après quelques minutes pour s'assurer que tout était bon, ils avaient pu reprendre leurs activités puis dormir à poings fermés.

En se levant, Yuri fut à peine surpris de constater que Flynn était déjà parti – ce n'était pas rare qu'il quitte l'appartement sans faire un seul bruit le matin – sauf qu'il ne s'attendait pas à trouver un petit paquet cadeau de couleur dorée posé sur la table de la pièce à vivre. Il l'observa sous toutes les coutures avant de défaire le ruban pourpre l'entourant et d'ôter le papier… dévoilant un petit écrin noir qui lui fit rater un battement de cœur.

La main tremblante, il l'ouvrit et y découvrit un anneau composé d'une bande d'or blanc et d'une autre en or jaune ainsi qu'un morceau de papier plié. Il prit le mot et le déplia, y lisant cette simple phrase :

« Acceptes-tu de rester encore un peu avec moi ? »

Un rire nerveux s'échappa des lèvres du jeune homme quand il réalisa ce que cela signifiait. Il ne parvenait pas à y croire et il dut relire plusieurs fois ces quelques mots écrit à l'encre noire pour pleinement prendre conscience que Flynn lui proposait de partager une véritable relation avec lui.

Il chercha son téléphone portable du regard et le repéra près du pot de géranium qu'Estelle leur avait offert l'année dernière. Il se dépêcha d'écrire un message et l'envoya à son colocataire…

« T'aurais au moins pu avoir le courage de me demander ça en face crétin ! »

La réponse ne se fit pas attendre et c'est après un léger « bip » que Yuri put la lire :

« Pas eu le temps à cause de l'interruption de cette nuit. Dois-je en conclure que c'est oui ? »

Le jeune homme s'apprêtait à confirmer quand une meilleure idée lui vint à l'esprit. Il mit l'anneau à son annulaire gauche et prit une photo avec son téléphone avant de l'envoyer à son compagnon… tout en essayant de retenir le sourire d'imbécile heureux qui menaçait d'apparaître sur ses lèvres.

Maintenant, il ne lui restait plus qu'à faire son petit-déjeuner, prendre le courrier du jour… et allez voir Raven pour lui donner ses revues cochonnes qui, encore une fois, auront mystérieusement atterri dans la mauvaise boîte à lettres…


 

NB : Il semblerait que Raven ait souffert d'un grave trouble de l'attention… Etrange n'est-ce pas ?

Auteur vs persos :

Orieul (occupée à faire des calculs très compliqués)

Kaleiya : Que fait-elle depuis tout à l'heure ?

Salomé : Elle essaie de déterminer combien de coups de reins elle a reçu depuis qu'elle est avec Sheen. Rien de bien étonnant donc. Je lui ai aussi proposé de calculer le nombre de kilomètres tant qu'elle y était.

Kaleiya : … Je comprends pourquoi Belphégor est soudainement absent…

kaleiyahitsumei: (Default)
 Note : Bon, voyons voir ce que nos pauvres protagonistes vont subir…

Tentative 1

Intérieurement, il maudissait à la fois Flynn et ce sale gosse d'Ioder avec leurs idées tordues…

Bon, Yuri reconnaissait que refuser une mission de la part de l'Empereur, ça faisait très mauvais effet pour Brave Vesperia – surtout que leur guilde était devenue très demandée, au point qu'ils étaient obligés de recruter et que la rumeur courait qu'ils allaient peut-être obtenir la place de l'Alliance de Sang au sein de l'Union – mais déjà, il trouvait louche que seul lui ait été exigé pour ce travail et que, en plus, on lui colle d'office un équipier sans lui demander son avis – quoique connaissant la personne, il se doutait que le sentiment était pleinement réciproque.

Merde quoi. Une mission conjointe pour resserrer les liens entre leurs deux nations, il pouvait le comprendre, mais être contraint de le faire avec la fille qui avait tenté de le tuer, c'était un peu fort ça…

Bien entendu, il avait jeté un regard assassin à son meilleur ami auquel ce dernier répondit que c'était son Altesse qui avait exigé cela et qu'il ne pouvait en aucun cas aller contre ses ordres – le léger rire nerveux qu'il avait cru entendre à un moment lui avait confirmé qu'il lui cachait une partie de la vérité. Il lui aurait volontiers collé son poing dans la figure…

A présent, le voilà coincé avec Sodia à enquêter dans les rues de Zaphias pour trouver celui qui avait volé un « objet très précieux » à un baron dont il avait immédiatement oublié le nom – il avait été tenté de lui dire une petite pique bien sentie mais la rousse lui avait écrasé les orteils avec violence et ce, sans interrompre sa discussion avec le noble.

« Sérieusement, comment cet abruti veut qu'on trouve son voleur si on ignore ce qui lui a été pris ? » demanda Yuri à sa camarade sur un ton agacé. « Il aurait au moins pu être précis… »

« Ne te plains pas Lowell. » répliqua la jeune femme d'une voix glaciale. « Et si tu avais été professionnel en écoutant ce qu'il se disait, tu saurais qu'on cherche quelqu'un de pas très malin. »

« Je ne suis pas aveugle tu sais. J'ai bien vu que cet imbécile a dû se prendre de plein fouet cet espèce de buisson dans sa fuite et qu'il… »

« Il a laissé des cheveux d'un blond terne avec un morceau de tissu blanc. »

D'accord… Professionnelle jusqu'au bout cette fille. Elle cachait très bien ses émotions dans ces cas-là et se comportait en parfait petit soldat… bien qu'il ait pu constater qu'elle n'avait aucun souci à faire tomber ce masque quand il était avec elle – il devait admettre qu'elle pouvait exprimer une vaste palette de sentiments quand elle se dévoilait et ce, bien qu'il n'ait essentiellement vu que la peur ou la colère chez elle.

« En d'autres termes, vu la qualité du tissu, nous cherchons tout simplement un noble. » exposa Sodia en lui montrant la preuve en question qu'elle avait pris soin de récupérer.

« Ça réduit effectivement les recherches. » admit Yuri en tournant la tête sur le côté, ne cherchant même plus à cacher tout le mépris qu'il avait pour cette affaire. « On cherche donc un blond de sang bleu qui est assez stupide pour ne pas voir où il va. On y est encore dans un mois… »

Il s'était attendu à une réplique acérée de la part de la jeune femme – il savait par Flynn qu'elle était issue de la noblesse – mais, au lieu de ça, il détecta une micro expression sur son visage qui lui laissait penser… qu'elle était d'accord avec lui ? Tiens donc…

Ils avaient commencé à parcourir le quartier noble en silence, cherchant du regard tous ceux qui pouvaient correspondre – Yuri en avait repérés quelques-uns qui portaient des perruques, ce qui le fit soupirer intérieurement – jusqu'à remarquer un homme qui avait la bonne couleur de cheveux et qui avait quelques griffures au visage, cachées maladroitement sous une couche épaisse de maquillage.

« J'suis pas très au fait de la mode par ici mais c'est la nouvelle tendance chez les hommes ? » demanda-t-il sur un ton ironique.

« Même si certains se maquillent, je doute fort que le style « agressé par un buisson à épines » soit très en vogue actuellement. » lui répondit Sodia sur le même ton.

L'individu tourna la tête vers eux après cette phrase et, en les voyant, se figea d'un coup – bon, il fallait dire aussi que Yuri était en train de lui faire un sourire assez sadique et que la rousse lui faisait signe de venir tout en lui jetant un regard glacial. Il ne fut absolument pas étonnant pour eux de voir leur suspect tenter de fuir… et glisser sur le pavé pour se retrouver les quatre fers en l'air. Cela faisait à peine une seconde de course poursuite.

« Comment il a fait son compte alors que le sol est sec ? » se demanda-t-il à voix haute, encore stupéfait par cette chute inattendue. « Il a deux pieds gauche ou quoi ? »

« Ou des chaussures trop grandes pour lui. » lui pointa la rouquine en désignant le soulier noir qui était au sol et qui, après examen, devait faire une taille de trop pour son propriétaire.

« Ça explique sa façon de marcher. »

Au moment où le type s'apprêtait à se relever, Yuri lui écrasa la main avec son pied, lui arrachant un cri de douleur – quelque peu exagéré vu qu'il n'appuyait pas aussi fort que ça.

« Vous me faites mal ! » s'exclama le noble en essayant de s'échapper. « Je porterai plainte pour agression ! »

« Et moi je peux vous arrêter pour refus d'obtempérer ainsi que cambriolage. » le contra Sodia sur un ton ferme en le pointant avec son épée. « On a une cellule de libre si ça vous intéresse… »

« Estimez-vous chanceux qu'il fasse beau en ce moment car quand il pleut, il y a de sacrées infiltrations d'eau par endroits. » en rajouta l'épéiste sans dissimuler le plaisir qu'il y prenait. « Et je ne parle de l'odeur qui y règne à cause de l'humidité… »

« STOP ! J'avoue tout… »

Il n'aura pas tenu longtemps le bougre. C'est dommage car il s'apprêtait à lui parler de la qualité de la nourriture en prison ainsi que des couchettes très confortables et des rencontres très intéressantes que l'on pouvait y faire des fois – après tout, c'est en cellule qu'il avait connu Raven et grâce à ce dernier qu'il en était sorti, sans oublier le fait qu'il avait aussi été enfermé dans une cellule avec Judith à la tour de Ghasfarost. En plus, pour une fois que Sodia ne lui gâchait pas son plaisir, il aurait aimé pouvoir faire durer un peu plus celui-ci.

Leur type avait vite admis les faits et ils l'avaient donc escorté jusqu'à chez lui pour récupérer ce qu'il avait dérobé. Ils retournèrent donc vite restituer son bien au baron… bien qu'ils tiraient tous les deux une sale tête en constatant que « l'objet très précieux » de l'affaire était en réalité un caleçon pour hommes – soi-disant une édition limitée faite par un tailleur très renommé et qui valait une petite fortune, un détail qui n'allégea en rien la forte exaspération qu'ils ressentaient.

« Mais c'est pas possible de faire perdre du temps aux gens pour des sous-vêtements… » soupira Yuri une fois qu'il furent dehors. « Donner des missions aussi stupides… Je m'en souviendrai que ce gosse est aussi tordu qu'il en a l'air. »

« Je te remercierai de ne pas insulter son Altesse. » lui lança Sodia sur un ton ferme. « Pour le reste, j'admets qu'il y a des manières plus judicieuses d'utiliser le personnel militaire… »

« Oh ? Donc en gros, quand je dis que la noblesse en général est pourrie, tu ne me contredis pas ? »

« Certains nobles sont des gens très biens mais oui, la majorité aime un peu trop leurs petits privilèges et les pires ne sont pas forcément ceux de plus haut rang contrairement à ce que l'on pense. Ma sœur aînée a cherché à me convaincre d'épouser un homme que je méprisais juste parce qu'il avait un meilleur titre que nous et qu'elle espérait voir son époux entrer au Conseil grâce à cette union… »

« Sauf qu'à la place, tu t'es engagée dans l'armée. Pas mal comme acte de rébellion. »

Elle eut un petit sourire en coin à cette phrase, suffisant pour exprimer toute la fierté qu'elle avait d'avoir choisie sa propre voie.

« J'ai aussi été dans la brigade dirigée par cet homme vu qu'à l'époque, il était capitaine. » poursuivit-elle avec une grimace de dégoût en se tournant vers lui. « Il n'arrêtait pas de me faire du rentre-dedans quand je m'entrainais. »

« Cumore… » en conclut Yuri avec les éléments qu'il avait en sa possession. « Un bon exemple de pourri ce type. »

« La chance a été que Flynn Scifo venait d'être nommé lieutenant et qu'il lui fallait un sergent pour le seconder vu qu'il venait tout juste d'avoir sa propre brigade. J'ai immédiatement sauté sur l'occasion alors que je ne savais absolument pas qui il était et que je ne partageai pas vraiment ses espoirs pour l'Empire. »

Leur gros point commun à tous les deux : Flynn. Il n'était pas vraiment étonné de constater à quel point ses idéaux avaient pu séduire ceux qui voulaient du changement, ce qui signifiait aussi que lui et la jeune femme avaient aussi ça en commun.

Arrivés aux abords du palais, Yuri sentit immédiatement que la trêve entre lui et Sodia venait de s'achever, celle-ci ayant remis en place son masque du parfait petit soldat.

« Je m'occupe de faire le rapport au Commandant. » déclara-t-elle avec neutralité. « Ça ne sert à rien d'être deux pour ça. »

« Dommage car j'aurais bien collé mon poing dans sa gueule d'ange pour la peine… » répliqua-t-il en ne plaisantant qu'à moitié.

« Raison de plus pour que je sois la seule à me charger de lui faire un compte-rendu de cette affaire… »

Vu le regard qu'elle lui jetait, il était clair qu'elle voulait qu'il s'en aille et vite. Il s'exécuta donc sans broncher – ça ne valait pas le coup qu'il traîne plus longtemps de toute façon et chercher des poux à la rousse ne l'intéressait pas actuellement – et il alla à l'auberge de la Comète pour oublier un peu le fait qu'il avait perdu son temps pour un simple caleçon… ainsi que peut-être envisager de faire un peu plus d'efforts avec la rouquine car elle commençait à piquer sa curiosité.

-§-

Flynn avait entendu le rapport de Sodia sur son travail conjoint avec Yuri. Si l'on exceptait l'absurdité de cette affaire, cela s'était apparemment bien passé. Il l'avait donc rapidement congédiée… après qu'elle ait eue la sympathie d'apporter une énorme pile de documents à signer – en croisant le regard de sa subordonnée, il comprit tout de suite que c'était sa façon à elle de se venger d'avoir été contrainte à faire cette mission.

Environ une heure plus tard, Judith était arrivée en passant par la fenêtre.

« Je les ai observés et je confirme qu'ils sont parfaitement capables de coopérer. » lui rapporta-t-elle avec un sourire satisfait. « Si on arrivait à les mettre dans un contexte un peu différent, je pense que leur relation s'améliorerait plus rapidement. »

« Je t'arrête : je pense que cette expérience est suffisante. » coupa-t-il en grimaçant face à la paperasse supplémentaire qu'il devait encore lire et signer. « On sait à présent qu'ils peuvent faire des efforts ensemble, ce qui est déjà bien. »

« Hm… Ça me rappelle qu'Estelle voulait qu'on se prenne un thé juste elle et moi. Je me demande de quoi je pourrai lui parler… »

« D'ACCORD ! Je vais voir ce que je peux faire mais ils vont finir par se douter de quelque chose si toutes les missions viennent de l'Empire. »

« Aucun problème. »

Pour elle, c'était certain qu'elle ne craignait pas grand-chose. Lui par contre, il se voyait déjà écrasé sous une montagne de paperasse par Sodia et, très probablement, devoir affronter la mauvaise humeur de Yuri pendant un moment.


NB : Pauvre Flynn… A mon avis, il aurait préféré le coup de poing.

Auteur vs persos :

Flynn (a des cernes horribles sous les yeux) : Enfin terminé…

Kaleiya : On dirait moi quand j'ai pas pu dormir…

Belphégor : Oui, c'est ta tête sans le maquillage.

Kaleiya : … Merci de ta délicatesse…

kaleiyahitsumei: (Default)
 Cafuné : the act of tenderly running one's fingers through someone's hair

Titre : La nouvelle Raiponce…

Genre : Humour, Parodie (Romance en cherchant bien peut-être…)

Rating : T

Mots : 1474

Note : Rendons à César ce qui est à César vu que l'idée de ce crossover me vient d'Eliandre qui, quand je lui ai raconté mon idée de base, a tout de suite proposé cette amélioration.


Il était une fois dans un lointain royaume, une haute tour de pierre qui n'avait pour seule entrée qu'une large fenêtre à son sommet. Comment y pénétrer ? La rumeur racontait qu'une princesse à la voix angélique y vivait et que, si on l'appelait par son nom, elle lâchait sa longue chevelure douce et soyeuse, permettant ainsi à quiconque le désirait de venir la rejoindre… à condition de ne pas craindre la sorcière qui la gardait férocement.

Cette dernière, à ce que l'on disait, était jalouse de la beauté de la belle et, alors que celle-ci n'avait qu'une douzaine d'années, l'avait kidnappée puis l'avait enfermée tout en haut de cette tour où elle cacherait de nombreux trésors. Elle lui aurait ensuite jeté un sort qui serait la cause de l'incroyable longueur de sa chevelure et qui les rendraient insensibles à n'importe quelle paire de ciseaux, faisant qu'il lui était impossible de les couper.

Voilà donc l'histoire qui l'avait amené jusqu'ici…

Sauf qu'actuellement, vu sa situation, il avait vite pu constater quelques incohérences dans les différentes versions du récit qu'il avait pu entendre, l'une d'elle étant de taille : ce n'était pas une princesse mais un prince qui était coincé là-haut ! Mine de rien, ça change pas mal de choses et ça explique qu'il soit toujours ici si tous ceux qui sont venus avant lui pensaient trouver une jolie demoiselle en détresse.

Ils ont dû être aussi bien reçus que lui en toute logique…

Dans les autres erreurs qu'il avait pu constater, l'une d'elle était la sorcière et le kidnapping car, apparemment, le prince était en fait dans cette tour pour se cacher car il n'arrivait pas à assumer ce qui lui était arrivé : une magicienne du palais avait apparemment fabriqué une lotion pour favoriser la pousse des cheveux qui était extrêmement efficace et elle ne l'avait pas très bien rangée, si bien qu'elle s'est mystérieusement retrouvée dans les affaires du prince et qu'un serviteur a cru que la fiole contenait une huile pour entretenir la chevelure de son maître…

Malheureusement, la partie sur l'impossibilité de couper cette incroyable longueur capillaire était vraie et le jeune noble commençait à désespérer de pouvoir sortir un jour d'ici…

Après, en toute honnêteté, Yuri Lowell, jeune voleur de la région, était peut-être le seul qui s'était pointé ici pour le trésor et non pour se taper la prétendue princesse qui vivait dans cette tour. D'ailleurs, il commençait à se demander si cette histoire n'avait pas pour origine les cheveux blonds du prince qui, au soleil, brillaient avec un éclat si intense que la confusion avec ce précieux métal était possible.

Par contre, il aurait dû tenir sa langue quand il a précisé la raison de sa venue car, manifestement, Flynn Scifo, prince malchanceux de cette histoire, n'appréciait pas beaucoup les criminels vu qu'après l'avoir assommé, il s'était servi de ses longs cheveux d'or pour le ligoter à une chaise…

Ça devait maintenant faire une heure qu'il essayait de libérer sa main gauche tout en écoutant d'une oreille les malheurs de son geôlier…

« Donc en définitive, mes chers parents espéraient qu'avec cette histoire de sorcière, quelqu'un viendrait ici avec une solution pour me débarrasser de ça. » fit Flynn en désignant l'incroyable longueur de cheveux blonds qu'il possédait. « Sauf que jusqu'à maintenant, tous ceux qui ont défilé ici espéraient passer du bon temps avec une princesse et éventuellement être entretenus jusqu'à la fin de leurs jours… »

« Ben en même temps, sauver une princesse du danger veut souvent dire qu'elle doit écarter les cuisses après… » répliqua Yuri du tac au tac. « Il aurait mieux valut raconter un récit plus proche de la vérité pour attirer les aventurières… ce qui n'aurait peut-être pas changé les motivations finales. »

« J'avais suggéré cette idée mais la magicienne responsable de ce désastre a menacé de faire exploser le château si on révélait qu'elle était fautive. Je peux attester qu'elle a toutes les capacités pour le faire.»

« C'est chiant ça… Et elle n'a pas essayé de résoudre le problème ? »

« Si les conseillers de mon père lui en avait laissé le temps avant de l'exiler loin du royaume, peut-être qu'elle aurait pu le faire… »

En sentant ses liens se resserrer puis le regard bleu méfiant sur lui, Yuri comprit qu'il n'était pas prêt de sortir d'ici. La poisse…

-§-

Quitte à être captif d'un prince qui avait eu un sacré coup de malchance, autant se rendre utile s'était-il dit… Surtout qu'il n'avait pas vraiment le choix vu qu'à chaque fois qu'il tentait de faire une sieste, il recevait un coup sur la tête.

Par contre, Yuri s'estima heureux de ne pas être dans le même cas que Flynn car déjà qu'il arrivait limite à entretenir ses long cheveux noirs, il imaginait aisément la galère que c'était quand il y avait facilement une vingtaine de mètres de longueur impossible à couper… Dans un sens, c'était dommage car ils étaient beaux et doux au toucher mais le côté totalement encombrant prenait vite le dessus sur les quelques qualités de cette chevelure d'or.

Au bout de deux mois de captivité, il eu le temps de mieux faire connaissance avec le prince… et de chasser cinq coureurs de jupons qui espéraient trouver un très bon parti à épouser – au départ, il les avaient laissé venir pour s'amuser un peu mais l'un d'eux l'ayant pris pour une servante, il n'avait pas pu résister à l'envie de les frapper.

« Bon, si je résume, on a essayé les ciseaux, la scie, la hache, le couteau, le rasoir, la faux, l'épée et pleins d'autres trucs coupants qu'on a réussi à trouver. » déclara Yuri sur un ton blasé. « Au final, aucune lame n'a survécu à ta tignasse Flynn… Et le pire, c'est qu'ils ont l'air plus épais qu'avant.»

« J'avais remarqué, merci… » grogna le concerné en chassant une mèche qui le gênait. « Il y a bien quelque chose que nous n'avons pas essayé, non ? »

« Ben… A part les brûler… »

« … On fait un essai juste sur une mèche dans ce cas… »

Honnêtement, aucun des deux n'était très confiant dans cette idée vu les résultats obtenus précédemment mais le prince reconnaissait que le voleur était le seul qui avait fait l'effort d'essayer de l'aider à se sortir de cette sale situation. Ils tentèrent donc l'expérience avec une flamme de bougie et un seau à proximité au cas où… pour constater que le feu ne faisait que les chauffer, rien d'autre.

C'est sur ce nouvel échec qu'ils s'en allèrent dormir… après avoir chassé un abruti qui chantait faux en bas de la tour tout en jouant très mal de son instrument – les souffrances de la guitare furent vite abrégées quand elle fut confisquée à son propriétaire une fois qu'il eut quelques dents en moins suite à une droite bien placée.

Le lendemain matin, Yuri se réveilla plus tôt qu'à son habitude, se demandant pourquoi il avait l'étrange impression d'avoir dormi sur de la paille… quand il s'aperçut que la longue chevelure d'or avait entièrement roussie ! Il en prit une mèche entre ses doigts et constata qu'en plus d'être devenue rêche au toucher, elle était aussi très fragile, se cassant net alors qu'il la frottait contre son index et son majeur.

Il entendit bouger puis vit Flynn se lever en sursaut, ayant visiblement lui-même remarqué ce phénomène. Ils échangèrent un bref regard puis, d'un coup, le voleur se rua sur le prince et l'aida à se frotter vigoureusement la tête, détachant ainsi toutes les longues mèches roussies qui, séparées des fils d'or, se désagrégèrent au point de devenir poussière.

Il passa une dernière fois ses longs doigts fins dans ces courts cheveux blonds en bataille, les ébouriffants encore plus au passage tout en savourant ce contact et la vision du jeune homme aux yeux azur avec une coiffure qui lui correspondait bien mieux.

« T'étais clairement pas fait pour les porter aussi longs. » fit Yuri avec ironie.

« J'avoue. » répliqua Flynn avec un sourire amusé avant d'attraper une mèche noire entre ses doigts. « Je te laisse volontiers ce privilège. »

Ils échangèrent un léger rire avant, par la suite, de se poser deux questions très importantes.

La première d'entre elle fut quelle était la cause exacte de la libération du prince de cette incroyable masse capillaire ? Etait-ce la flamme de la bougie ou bien les effets de la lotion avait-ils finalement prit fin ? C'était une réponse qu'ils ne sauraient peut-être jamais… et dont ils se fichaient un peu.

Par contre, concernant la deuxième question, ils voulaient VRAIMENT connaître sa solution actuellement…

Comment sortir de cette fichue tour quand la seule ouverture est une fenêtre à son sommet et l'unique moyen d'en descendre littéralement parti en poussière ?

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 Viraag (Hindi) : the emotional pain of being separated from a loved one

Titre : Alliance

Disclaimer : Tales of Vesperia et Pirates des Caraïbes ne sont pas à moi

Genre : AU, crossover

Rating : K+

Mots : 834


Et dire qu'il venait de sauver une pauvre jeune femme de l'infâme emprise de son corset… Alors qu'elle venait de tomber à l'eau, il n'avait pas hésité à plonger pour la repêcher avant qu'elle ne se noie et lui avait ensuite arraché cet horrible vêtement qui l'empêchait de respirer.

Des remerciements pour son geste héroïque totalement désintéressé ? Absolument aucun.

L'un des soldats a vu sa marque sur son bras indiquant qu'il était un pirate et n'a pas hésité une seule seconde à vouloir le jeter dans une cellule ! Quelle ingratitude ! Et le pire, c'est que la clé, il l'avait juste sous le nez mais… il semblerait que le chien borgne au pelage bleu et blanc n'était pas très disposé à la lui donner alors qu'il la désire ardemment ! C'était la seule chose qui lui permettrait de retrouver sa chère et douce liberté qui lui manquait tant… et ainsi de partir en quête de son cher navire qui lui avait été dérobé.

Tout à coup, l'animal s'en alla avec son passeport pour sortir d'ici, laissant sa place au forgeron qui l'avait combattu, un certain Flynn de ce qu'il avait pu entendre.

« Toujours ici à ce que je vois. » constata le jeune homme aux cheveux blonds en croisant les bras contre son torse.

« C'est pas passé loin pourtant mais semblerait que ce n'était pas mon jour de chance… »

En lançant cette réplique, Yuri Lowell désigna la cellule d'à côté dont le mur comportait un trou béant fait par l'un des canons de l'Atherum, au moment où le navire a attaqué le port en compagnie de son équipage maudit. Il avait d'ailleurs eu une petite visite de celui qui en était à présent le capitaine…

« J'ai cru comprendre que tu étais un pirate. » reprit Flynn en fronçant les sourcils.

« Bien observé ! » fit-i avec sarcasme. « Qu'est-ce qui t'as mit sur la voie ? Le tatouage sur le bras, les soldats qui me courraient après ou bien le fait que je sois coincé ici car la clé vient de s'en aller ? »

« J'ai besoin de ton aide… pour retrouver l'Atherum. »

Vu la grimace que faisait le jeune forgeron, cette demande ne lui plaisait pas et il n'avait probablement pas d'autres choix. Pourquoi donc ? Il venait de piquer sa curiosité… mais rien ne l'empêchait de le faire mariner un peu.

« Qu'est-ce que j'ai en échange ? » questionna nonchalamment Yuri, ses yeux gris observant attentivement le langage corporel de son interlocuteur. « Car à moins que tu ne veuilles te lancer dans la piraterie, je ne vois pas vraiment pourquoi tu voudrais trouver un navire maudit… »

« Ils ont enlevés Lady Estellise. » répondit gravement Flynn en détournant légèrement le regard.

Ah… La fille du gouverneur. Celle qui avait faillit se faire tuer par son corset. C'était donc pour ça qu'il était venu : il désirait la libérer et pour ça, il avait choisi de s'adresser à un pirate – pas illogique en même temps et aussi un sacré coup de chance vu qu'il était déjà allé à Zaude, ce qui facilitait pas mal de choses…

Mais risquer sa vie comme ça… En même temps, il trouvait curieux que son ex-second ait agit ainsi car ce n'était pas franchement son style. Il l'aurait plutôt jetée par-dessus bord ou laissée dans une chaloupe. Pas net ça…

« T'avais donc une copine Blondie ! » lança Yuri en se rallongeant au sol. « Si tu tiens tant à la sauver, vas-y donc jouer les preux chevaliers ! »

« Hey ! Je t'ai demandé de m'aider ! » répliqua Flynn, n'ayant visiblement pas apprécié son attitude. « Elle est en danger et personne ne sait où se trouve l'Atherum ! Si tu le sais, je te libère. »

« Et comment ? Je te rappelle que la clé s'est barrée en courant. »

« Je n'en ai pas besoin. »

Son intérêt fut de nouveau piqué et il se redressa pour voir que le jeune forgeron était en train de déplacer un banc de bois.

« Si j'utilise ceci comme levier, la grille devrait se soulever. » expliqua son interlocuteur en plaçant l'objet en question de la façon voulue.

« Rappelle-moi ton nom au juste… »

« Flynn Scifo. »

Oh oh ! Ca pour une surprise… Il lui semblait bien que ce type lui rappelait quelqu'un. Yuri sourit intérieurement tout en pensant que le vieux allait faire une attaque en voyant ce qu'il ramenait avec lui à Danhgrest.

« Alors dépêche-toi de me faire sortir d'ici qu'on se mettre au travail ! »

Finalement, il avait trouvé bien mieux que cette clé et, avec de la chance, il pourrait trouver la fille et ainsi satisfaire le désir de celui qui risquait d'être un sacré gros atout dans sa manche pour récupérer son cher navire…

L'Atherum allait bientôt retrouver son capitaine et ce dernier était très impatient d'en tenir de nouveau le gouvernail.

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Queesting (Dutch) : when you invite someone into your bed for some pillow talk

Genre : Crossover, Romance, AU

 

Disclaimer : Rien ne m'appartient …. Et je me demande encore comment j'ai pu avoir cette idée…

Note : J'en ai fais des choses douteuses mais là… Penser carrément à Crimson Spell…

Mots : 1034

Titre : Possessif

Rating : T


Après ce dur combat et cette expérience littéralement traumatisante qu'il avait vécu, le prince Flynn avait trouvé légitime de coller un coup de poing à Yuri – quand le sorcier et ami qui vous accompagne depuis le début de votre périple s'empale sur votre propre épée sous vos propres yeux et que, quand vous vous réveillez de ce cauchemar, celui-ci fasse comme si de rien n'était en ajoutant que vous aviez eu raison de le tuer alors que, intérieurement, vous étiez totalement fou de chagrin, il y avait de quoi être en colère. Certes, il était content de le revoir dans son état normal mais tout de même…

Il a aussi été face à un choc en voyant son reflet : des marques noires étaient présentes sur ses tempes, ses cheveux étaient plus longs qu'auparavant et ses mains étaient pourvues de griffes… Il comprit à cet instant que c'était ce à quoi il ressemblait quand le démon qui l'habitait prenait le dessus sur lui. Il ressentait aussi un fort désir de luxure… comme si la bête en lui voulait absolument satisfaire un fort appétit charnel et se plonger dans des délices érotiques.

A cet instant, Yuri vint pour s'excuser de son attitude… et ça a rapidement dérapé au point que cette discussion s'achève dans la chambre de ce dernier via des exercices physiques assez intenses et dont il a fait pour la première fois l'expérience – ce n'était pas tout à fait vrai vu que le démon qui l'habite était apparemment un grand amateur de la chose… mais ça ne changeait rien au fait que Flynn avait ressenti un certain embarras à un moment.

La nuit était bien avancée et le prince n'arrivait décidément pas à trouver le sommeil…

« Un problème ? » lui demanda le sorcier en se redressant sur un coude.

« Je me demandais juste si j'allais être libre un jour… » répondit-il en jetant un coup d'œil vers l'endroit où était posée Deim Nomos, l'épée qui l'avait maudit et qu'il était le seul à pouvoir manier.

« Ca prendra du temps… J'aurais eu assez de pouvoirs pour ça, je t'aurais déjà guéri. »

« Même avec ce que tu m'as prit quand je n'en étais pas conscient ? »

Yuri soupira d'agacement avant de se rallonger.

« J'ai profité de l'occasion et je sais que je n'aurais pas dû le faire sans ton consentement ! » s'exclama-t-il sur un ton irrité. « Mais je n'aurais pas fait ça, tu serais devenu hors de contrôle ! »

« C'est vrai… » admit le prince un peu difficilement. « Sauf que j'aurais préféré que tu sois franc avec moi au lieu de me cacher quelque chose comme ça. »

« Oh ? Donc tu aurais voulu que je te dises au p'tit déj' à quel point ton cher démon me suppliait de venir prendre soin de lui chaque nuit et que c'était parfois limite s'il ne tentait pas de m'arracher mes fringues parce qu'il avait des périodes de manque ? »

« … Je t'aurais probablement frappé, effectivement… »

« Et je ne mentais pas quand je te disais que je t'aimais tu sais… »

Là, il sentait parfaitement les battements de son cœur s'accélérer, comme cette fois où il avait regardé les lèvres du sorcier avec tant de désir durant son sommeil ou quand ce dernier lui avait volé un baiser juste après qu'ils aient combattus une horde de monstres attaquant un village.

A cet instant, Yuri vint se coller contre lui, passa un bras autour de sa taille pour approfondir ce contact.

« Flynn… » commença ce dernier en plongeant ses yeux gris dans son regard azur. « Je comprendrai parfaitement que tu ne m'aimes pas mais laisse-moi rester à tes côtés, au moins jusqu'à ce que je tienne la promesse que je t'ai faite. »

« Alors ne me force plus jamais à de telles extrémités. » déclara le prince avec fermeté. « Si je venais à revoir de nouveau ton corps sans vie, je crois bien que j'en mourrai… »

La surprise fut aisée à lire sur le visage de celui qui avait d'abord été son compagnon de voyage, puis son ami avant de devenir son amant. Il combla rapidement la distance qui séparait leurs lèvres, lui offrant ainsi un baiser emplit de toute la passion qu'il avait à son égard et auquel il répondit de la même façon.

« Plus de mensonges donc. » fit le sorcier avec un sourire en coin une fois qu'ils eurent rompu leur contact. « Donc si je dois te dire la vérité, faut-il que je te demande ce qu'il s'est réellement passé avec cette plante ? »

Flynn sentit immédiatement le rouge lui monter aux joues à ce souvenir des plus humiliants. En même temps, qui aurait qu'un végétal aussi tordu – et très certainement pervers – pouvait exister dans la nature ?

« J-je ne s-sais pas de q-quoi tu veux p-parler ! » bafouilla-t-il en repensant involontairement aux évènements.

« Ah ? » fit Yuri en haussant un sourcil. « Il m'a pourtant semblé qu'avait que tu ne casses cette statuette, elle allait parler du fait que tu as beaucoup apprécié ce que… »

« J'ai aimé ça, d'accord ! Sauf que je ne me souviens pas ce qu'il s'est passé ensuite… »

« Ton démon l'a très certainement tué… Ça me fait d'ailleurs penser que j'ai encore l'aphrodisiaque que j'ai fabriqué avec ce monstre… »

En prononçant cette dernière phrase, Flynn vit comme un mélange de sadisme et d'envie dans le regard de son amant. Ça ne présageait rien de bon… et il se demandait d'ailleurs si son compagnon n'avait justement pas utilisé cette plante comme ingrédient par vengeance ou jalousie car, pour avoir passé beaucoup de temps avec lui, c'était quelque chose dont il était parfaitement capable…

« De toute façon, je me suis assuré que plus rien ni personne ne poserait ses sales pattes sur toi. » poursuivit le magicien.

« Comment ça ? » demanda le prince, intrigué.

« J'ai mis un sceau pour m'assurer que personne d'autre ne passera après moi. »

… Jaloux et possessif donc… Dans le fond, ça ne l'étonnait pas tant que ça…

 

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Kaleiya Hitsumei

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