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Note : Punaise… Ça fait un bail ! Donc non, je n’ai pas oublié cette fic mais j’ai juste pas eu le temps de m’en occuper… La Definitive Edition de Vesperia a eu le mérite de me relancer dedans donc je vous souhaite une bonne lecture !

Playlist :

- Imperia – Facing Reality

- The Dark Element – My Sweet Mystery

- Cellar Darling - Challenge

- Amorphis – Dark Path

- Beast in Black – Blind and Frozen

- Lacuna Coil – Fire


Partie 6

Durant leurs longues recherches dans les archives de Séléné, Estellise et Rita avaient regroupé tous les ouvrages traitant des divinités existantes. Au début, la princesse impériale avait hésité à intégrer ceux venant de Myorzo mais en parcourant l’un d’eux, elle s’était aperçue que les krytiens avaient quelques histoires plutôt intéressantes qui pourraient être pertinentes si elles étaient regroupées avec ce qu’elles savaient déjà.

A présent, elles étaient dans la demeure du devin lunaire, occupées à parcourir tout ce qu’elles avaient emprunté sous le regard de leur aîné qui préparait des ustensiles pour un rituel – Yeager était actuellement en négociation avec Ioder afin d’obtenir de Séléné de l’aide pour que son peuple, le moment venu, puisse repartir sur de nouvelles bases et se construire un avenir moins sanglant que celui qu’il a toujours connu.

« Il y a plus de divinités que l’on veut bien nous le dire. » grommela Rita après sa lecture de textes relatant l’origine d’Océan. « Même si je reconnais que nous n’avons aucune raison de les prier en Hélios, ce n’est pas une raison pour ne pas nous parler de l’autre dieu originel ! »

« Il faut dire que, tout comme celui du Néant, le dieu de la Création est scellé. » lui fit remarquer Estellise en se remémorant ses cours et ses lectures. « Innonimat et l’Adephagos étaient réputés pour se haïr après tout. »

« Leurs natures même les opposaient. » précisa Duke, toujours concentré sur son travail. « Ce qu’Innonimat créait, l’Adephagos le détruisait, créant un cycle sans fin. Celui-ci se brisa après que l’Adephagos ait dérobé une partie de son pouvoir à Innonimat, lui permettant ainsi d’engendrer ses trois enfants tandis que son ennemi eut juste le temps de donner naissance à Océan avant d’être scellé par son adversaire de toujours. »

Estellise avait déjà entendu l’histoire des origines une fois lorsqu’un diplomate krytien était venu à Tsuki pour une visite amicale. Gravement blessé par l’Adephagos, Innonimat avait usé de beaucoup de son pouvoir pour créer Océan, faisant de ce dernier le second dieu possédant un fort pouvoir de création. Cependant, le dieu de la mer Azurée ne pouvait point créer des divinités de lui-même car il n’avait pas la puissance infinie d’un originel et ses créations furent longtemps limitées à des cours d’eau ou à des lacs. Ce ne fut qu’après avoir rencontré Sol, Umbra et Luna qu’il découvrit qu’avec l’aide de l’un d’eux, il était capable d’engendrer une nouvelle divinité…

« Celui qui a fait ce dessin d’Océan avait une drôle de vision des choses… » leur déclara la jeune hélienne en leur montrant une représentation du dieu des krytiens où celui-ci, au lieu d’être un jeune homme athlétique aux muscles saillants brandissant un trident, était un pêcheur plutôt enrobé dont le profil mettait bien en valeur son ventre imposant.

« Non, c’est bien une des apparences connues de ce dieu. » lui précisa la princesse, s’attirant la stupéfaction de son amie. « En fait, quand il a rencontré Luna, le pouvoir de la déesse a stimulé celui d’Océan qui a vu son corps se modifier comme sur cette image. Avant que Sol et Umbra ne lui donne le collier qu’il porte sur les représentations actuelle, Océan devenait ainsi dès qu’il approchait de Luna et il donnait ensuite naissance à différents êtres. Ce fut suite à l’une de ses rencontres avec notre déesse que sont nés les krytiens. »

« Tu veux dire qu’en fait, sur cette image, il est… »

En voyant Rita grimacer, visiblement dégoûtée par l’idée même qu’une divinité connue comme étant un homme pouvait porter un enfant en son sein, Estellise comprit à quel point les héliens étaient ignorants sur les dieux autres que Sol. A Séléné, tout le monde savait que si l’union entre Océan et Luna avait été aussi fructueuse, c’était parce que plus le dieu aquatique passait du temps avec la déesse de la lune, plus il avait de chances de créer énormément d’êtres à la fois. Seulement, c’était aussi handicapant pour lui car bien souvent, il s’était retrouvé plusieurs fois père rien qu’en posant les yeux sur la divinité lunaire, raison pour laquelle il ne se maria avec elle que quand Sol et Umbra lui eurent remis un collier permettant d’annuler le pouvoir de Luna sur lui.

« Si l’on veut être corrects, Océan serait une divinité hermaphrodite mais comme ses amours se sont toujours limités à Luna, il est impossible de le certifier. » leur pointa Duke tout en vérifiant l’état d’un kiseru. « Ce pouvoir est aussi une des raisons pour laquelle Umbra se méfie de lui. Le dieu des Nyx a un jour piégé Océan en l’enfermant avec Luna et il s’était rendu au sceau d’Innonimat pour dérober un peu du pouvoir du dieu de la Création. Seulement, le dieu des ténèbres a vite regretté son geste en découvrant malgré lui le fonctionnement de ce pouvoir… »

« Oui, je me souviens de cette histoire-ci. » fit Estellise en fouillant dans sa mémoire. « A cause du tour que lui avait joué Umbra, Océan a donné naissance au peuple krytien et quand il fut libéré, le dieu aquatique avait découvert le dieu des ténèbres en train de se tordre de douleur. Il a prévenu Luna et celle-ci est venue aider son frère à mettre au monde les Nyx. Après cela, Umbra n’a plus jamais été tenté de dérober le pouvoir de Création. »

La divinité de la nuit avait souffert pendant sept jours et sept nuits pour chaque Nyx qui était né, faisant que depuis, il gardait une certaine distance avec le dieu de la mer Azurée, craignant certainement que celui-ci lui fasse revivre cette expérience. Vu qu’Umbra n’avait plus rien créé par la suite, c’était qu’il avait probablement usé de tout ce qu’il avait réussi à voler à Innonimat… bien que la princesse, avec ce qu’elle connaissait du dieu des ténèbres, trouvait curieux de sa part qu’il n’ait pas sollicité Océan pour créer les Nyx. Il faudra qu’elle fouille dans les poèmes et chansons du peuple de la nuit pour savoir quels étaient les rapports entre Umbra et Océan à l’origine.

« Qui plus est, les krytiens comme les Nyx tiennent beaucoup de leur dieu. » ajouta Duke après avoir fini d’inspecter son matériel. « Lorsqu’ils séjournent à Séléné où l’influence de Luna y est forte, nous sommes obligés de leur rappeler d’être prudents les nuits de pleine lune, surtout pour les hommes. Seulement, cela n’empêche pas certains de ne pas suivre les conseils donnés et de découvrir quelques semaines plus tard qu’ils devront se préparer à subir une césarienne au bout de quelques mois. »

« En plus des rituels, le devin lunaire doit savoir pratiquer une césarienne dans le cas où un krytien s’est… trop approché du réceptacle de Luna. » expliqua Estellise à Rita. « Cela peut paraitre étrange, je le sais, mais jusqu’à ma majorité, j’ai toujours eu interdiction d’approcher de moins de cinq mètres d’un krytien et cela a été le cas des précédentes femmes de ma famille. Seulement, même à cette distance, je vois bien qu’ils sont affectés par le pouvoir de la déesse de la Lune. »

Quand elle était enfant, la princesse avait trouvé amusant de voir ces gens aux oreilles pointues prendre des rondeurs en sa présence. Elle se souvenait encore de ce krytien, un jeune marchand aux habits amples, qui était entré mince au palais et dont le corps, au fil des minutes qu’il avait passés dans la même pièce qu’elle, s’était sensiblement modifié, faisant qu’au bout d’une heure, il avait été contraint de partir car il craignait que ses vêtements ne finissent par craquer.

« En tant que réceptacle de Luna, tu peux avoir les mêmes pouvoirs qu’elle ? » questionna Rita, visiblement très intriguée. « Si c’est le cas, alors… »

« En toute logique, cela est valable pour les autres divinités aussi. » répondit Duke de sa voix posée en venant s’installer sur un zabuton. « Cela est certainement peu perceptible chez les Nyx et les krytiens vu qu’ils sont déjà proches d’Umbra et d’Océan mais j’imagine que pour Sol, celui qui joue le rôle de son réceptacle doit avoir été bien préparé pour supporter une divinité d’une telle puissance… »

Il était vrai que durant ses échanges avec l’hélienne et leurs différentes lectures, Estellise avait réalisé qu’excepté Cyan – elles avaient eu beaucoup de mal à trouver des informations sur lui et le nombre très réduit d’écrits le mentionnant ne parlaient que de sa fonction de dieu du Neilos sans entrer dans les détails –, toute la descendance de Sol était mortelle car Topaze n’avait été divinisée que peu après la naissance de son troisième fils. Du coup, quels étaient les critères de ce dieu pour ses réceptacles ? Dans le cas de Luna, c’était la déesse elle-même qui choisissait la personne qui lui semblait la plus adaptée parmi la famille impériale et la personne était souvent privilégiée dans l’héritage – la princesse n’avait pas eu de difficultés à faire comprendre qu’elle ne souhaitait pas régner et que la fonction de devin lunaire lui convenait mieux, son cousin Ioder l’ayant toujours soutenue.

« Sauf qu’il y a un problème. » déclara la plus jeune en fronçant le nez. « Si je me fis à ce que j’ai lu, Sol est un dieu très puissant et aucune divinité n’a réussi à le battre à la loyale. Qui plus est, ses fils ont fondé la famille royale et les rares fois où celle-ci a été menacée, c’était à cause d’un autre membre de cette famille. En se basant là-dessus, cela pourrait signifier que l’actuel réceptacle de Sol est forcément le roi Thar mais le dieu est en colère et tout le pays est persuadé que c’est notre dirigeant le coupable… »

« Sol aurait effectivement eut largement la capacité de l’éliminer. » réalisa Estellise en se basant sur ce qu’elle vivait avec Luna. « Il devrait même pouvoir passer outre le rituel d’invocation ! Seulement, s’il ne l’a pas fait, cela voudrait dire que sa rage n’est pas dirigée sur celui que tout le monde pense. »

La véritable origine de la crise en Hélios était peut-être plus profonde que ce qu’ils pensaient… mais comment la découvrir ? Ils allaient devoir consulter tout ce qui datait du règne du précédent roi jusqu’à la mort de ce dernier pour essayer de comprendre à partir de quel moment le dieu solaire s’était réellement mis à déverser sa colère sur son pays.

-§-

A quel jeu jouait-il ? Yuri n’était pas au mieux de sa forme et cela jouait sur ses capacités de Nyx mais il savait que le roi Thar mijotait quelque chose car autrement, il n’aurait pas cherché à faire cette mise en scène pour faire croire à ses scribes que son favori avait passé la nuit dans ses appartements.

Lorsque Rowen leur avait apporté leurs affaires, ils n’avaient eu que deux minutes pour se changer, aidés par le serviteur qui soignait certains détails, notamment le contraste de sa tenue avec le lit royal et le fait que le soldat devait passer le plus inaperçu possible. Le souverain avait exigé assez vivement que Flynn remette son masque et cache le bracelet de Cyan, deux points qui avaient aiguisés ses soupçons sur un possible mensonge qu’il avait pu rater. Une fois apprêtés, leurs rôles leur avaient été rapidement expliqués et chacun s’était mis en place avant l’entrée des scribes.

Dans une position limite aguicheuse, il était resté en partie allongé sur les draps, sa tête sur les cuisses du roi et son visage caché par ses longs cheveux noirs, lui permettant de faire croire à leurs invités qu’il dormait alors qu’en fait, il gardait un œil ouvert, prêt à déchiffrer le moindre signe suspect. Sans surprise, les trois scribes n’étaient pas très à l’aise d’être reçus ainsi mais un regard noir du maître des lieux les poussa à ignorer leur gêne… bien que celle-ci était feinte pour le plus âgé d’entre eux qu’il avait plusieurs fois surpris en train de fixer l’ouverture de sa tenue avec grand intérêt tout en essayant de se pencher discrètement pour tenter d’avoir une meilleure vue – le Nyx avait fait exprès de bouger légèrement, faisant glisser un peu plus le tissu sur sa cuisse, offrant ainsi un joli spectacle à son voyeur qui, vu qu’il s’était soudainement mit à baisser les yeux après un raclement de gorge du souverain, s’était fait griller en beauté.

Ce fut lorsqu’ils parlèrent des offrandes faites au temple de Sol que Yuri repéra de légers signes de nervosité chez l’un d’eux, comme s’il n’était pas à l’aise avec ce qui était énoncé. Il s’intéressa aux deux autres et vit qu’eux aussi avaient des tics étranges mais pas de la même nature que ceux de leur collègue qui, lui, était clairement plus impressionné qu’eux par le roi Thar. Dans tous les cas, quelque chose concernant le temple de Sol les mettaient tous les trois mal à l’aise…

Lorsqu’ils furent congédiés, leur petite comédie cessa et le souverain lâcha un soupir d’agacement.

« Qu’avez-vous vu tous les deux ? » demanda le roi Thar dont le regard mordoré lançait des éclairs sur la porte par laquelle étaient sortis les trois scribes.

« Ils cachent un truc concernant le temple de Sol. » déclara le Nyx avant de lâcher un bâillement. « Je pense que l’un d’eux sera plus disposé que les deux autres à parler car il était moins sûr de lui. »

« C’est peut-être lié aux chiffres qu’ils ont énoncés. » ajouta Flynn après avoir ôté son casque et son masque. « Si je me base sur ceux que j’ai lu tout à l’heure et ce que je sais via une amie, ils ont donné des chiffres plus bas que sur ce qu’ils prélèvent dans la réalité. »

« Les récoltes sont divisées en trois. » énonça le souverain qui eut l’air pensif. « Une partie est conservée par le peuple pour qu’il puisse se nourrir, une autre est prélevée en guise d’impôt royal et la dernière revient aux temples. Or, suite aux risques de famine, la part dédiée aux impôts royaux a été diminuée et en compensation, les paysans qui le peuvent travaillent dans les mines et carrières des Dunes. A ma connaissance, le temple de Sol n’a rien changé à sa façon de faire… »

En d’autres termes, il y avait une partie des récoltes récupérées par les prêtres qui s’était volatilisée. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien en faire s’ils ne l’utilisaient ni pour les offrandes, ni pour leurs usages personnels ? Quel intérêt avaient-ils à en détourner une partie ? Des bijoux ou de l’or, cela aurait été plus logique comme mobile mais de la nourriture ?

Le favori leva la tête vers le souverain pour essayer d’en savoir plus mais il vit quelque chose de curieux : le regard mordoré de celui-ci semblait… luire. Seulement, cela ne dura pas longtemps et le maître des lieux se tourna vers Rowen qui venait d’entrer avec un plateau de nourriture entre ses mains.

« Le capitaine Schwann est ici avec Lucrèce, votre Altesse. » déclara le serviteur juste avant que ceux-ci n’entrent par le passage reliant les deux chambres royales.

« Vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ? » les questionna le roi Thar.

En face de leur maître, Raven et l’érudit échangèrent un drôle de regard – Yuri réalisa soudain que tous deux n’étaient pas du tout à l’aise, comme s’ils avaient une mauvaise nouvelle à annoncer. Un signe du maître des lieux les incita à parler.

« Narcisse n’était pas le coupable de l’empoisonnement au Peyolt. » répondit Lucrèce avant de baisser les yeux, l’air un peu honteux. « Celui-ci nous a bien eu… »

« Il semblerait qu’effectivement, quelqu’un au harem s’est bien joué de nous depuis un bon moment. » précisa l’espion qui ne semblait pas du tout enchanté par cela.

« J’imagine que c’est d’Orpin dont vous parlez. » supposa le roi Thar, qui ne semblait guère surpris.

Pour le coup, Yuri ne l’avait pas vu venir : le bariolé était celui qui avait empoisonné tout le monde au harem l’autre jour ? En même temps, il était bien incapable de le cerner ce type donc c’était tout à fait possible mais jusqu’ici, il l’avait toujours pris pour un simple d’esprit… ce qu’il, manifestement, n’avait jamais été. Mais comment faisait-il donc pour qu’il soit impossible de lire clairement en lui ? Seule la folie pourrait expliquer cette bizarrerie… ou bien la magie.

« C’est bien lui, oui. » confirma Raven, l’air grave. « Ses motivations ne sont pas très claires mais vu que c’est Garista qui l’a sorti du harem... »

« Ils travaillent ensemble, c’est certain. » conclut le roi Thar sans détour. « Quant à son mobile, vu les évènements d’hier, j’ai bien mon idée. »

Le regard mordoré se baissa vers lui… et le Nyx comprit : les évènements du banquet avaient été plus ou moins planifiés, signifiant que peu importe s’il avait bu ou non ce verre de vin, Narcisse aurait plongé et Orpin aurait été écarté du palais. L’empoisonnement au Peyolt était destiné à pousser l’amoureux de sa petite personne à commettre cet acte afin de s’en débarrasser, signifiant que le laurier rose lui avait probablement été remis par le sorcier solaire lui-même.

Le favori égocentrique s’était fait piégé et il en avait payé le prix fort… Mais pour quelle raison l’éliminer alors qu’il était clairement en disgrâce ? Savait quelque chose de compromettant pour eux ou avaient-ils juste eu besoin d’un bouc émissaire ?

« Avec Orpin en guise d’espion, Garista savait tout des favoris et de leurs relations entre eux. » fit Lucrèce en grinçant des dents. « Il savait que j’allais m’assurer que Narcisse paie pour ses crimes et il savait qui il allait cibler. »

« Et ce n’est pas un hasard si cette fouine n’est pas revenue au harem. » ajouta Raven, la mine sombre. « Avec la nouvelle lune de demain soir et les ordres qui ont été donnés, il n’a pas dû mettre longtemps à comprendre que nous savons ce qui risque de se produire demain dans la nuit… »

Si Flynn et Rowen semblaient ignorer le sous-entendu, ce n’était pas le cas des autres personnes présentes et surtout de Yuri qui avait vite deviné ce qui se tramait : l’Alliance de Sang allait venir le chercher et ce, certainement en laissant quelques cadavres dans son sillage. Et vu la manière dont cela était présenté, le vieux était certain de quand ils viendraient… ce qui ne pouvait signifier qu’une chose.

« Depuis quand Barbos a ses hommes en Hélios ? » questionna le Nyx sur un ton glacial, provoquant un échange de regard entre le capitaine et le souverain. « J’imagine qu’il a déjà fait quelques victimes… »

« D’après les derniers rapports, Hamil a bien été confirmée comme ayant été… entièrement décimée. » déclara Raven après un signe du roi. « Seulement, Barbos a aussi réussi à infiltrer quelqu’un dans le clan adverse et celui-ci serait probablement déjà à Aurum selon notre source la plus fiable. Le hic est qu’il est impossible de mettre la main sur cet individu… »

Soit les soldats d’Hélios étaient mauvais, soit le type était doué pour le camouflage, ce qui était l’explication la plus probable vu que les Nyx étaient d’excellents chasseurs. Cependant, les températures d’ici ne devaient pas lui plaire la journée donc sauf s’il était très tolérant à la chaleur, il ne sortirait que la nuit… à condition de s’être trouvé une cachette qui n’attirerait pas l’attention, ce qui n’était pas chose aisée en terrain inconnu. Excepté s’il avait un complice sur place qui avait déjà tout préparé pour ce genre de cas de figure… Vu qu’il était clair que personne à Némésis n’était censé savoir qu’il était vivant, Barbos avait forcément été informé par quelqu’un d’Hélios car Yuri était certain de n’avoir croisé aucun Nyx avant d’entrer au harem… et il ne mit pas longtemps à en conclure que Garista était probablement celui l’ayant renseigné.

« Si nous avions un objet appartenant à cet individu, notre alliée aurait pu faire quelque chose mais elle n’a pas eu l’occasion de lui dérober quoique ce soit. » poursuivit Lucrèce avant de lâcher un soupir de dépit. « La seule solution est de s’assurer que tout le monde est barricadé dans les bains ou toute autre partie du harem dont il est aisé de bloquer les accès. »

« Le souci est que certains pensionnaires du harem souffrent encore des conséquences de l’empoisonnement. » ajouta Raven, la mine sombre. « Il va être compliqué de tous les déplacer dans une zone sûre. »

« Alors maintenez-les eux et leurs serviteurs hors du harem. » trancha le roi Thar. « S’ils demandent pourquoi, dites que c’est pour s’assurer que tout a bien été examiné. Si l’on prend trop de risques, le nombre de victimes sera très élevé… »

Yuri ne pouvait que donner raison au souverain : combien de fois avait-il vu des membres de l’Alliance de sang tuer leurs rivaux, même sans défense ? C’était certain qu’en territoire ennemi, ils n’allaient pas se gêner pour éliminer quiconque se trouvera dans leur champ de vision, quitte à faire couler du sang pour leur propre plaisir.

« De plus, il va falloir que tu prépares un convoi le plus tôt possible. » poursuivit le maître des lieux. « Vu les derniers évènements, il est urgent que je me rende à la frontière ainsi que Yuri car autrement, l’Alliance de Sang ne sera pas la seule à venir nous rendre ce genre de visites… »

« Vous voulez qu’il retourne sur les Terres des Nyx ? » s’étonna Flynn tandis que le favori cachait au mieux son appréhension à l’idée de retourner dans cet enfer. « Mais… »

« Il le faut. S’il ne le fait pas et que Barbos meurt, le peuple de la nuit va sombrer dans le chaos le plus total et cela ne sera bénéfique à personne. Même si je ne sais pas ce que vaut le chef des Griffes de Léviathan, il va être vital que je négocie avec lui pour débarrasser Hélios et Séléné de ce fléau qu’est l’Alliance de Sang. »

« Donc Yuri va servir de monnaie d’échange. »

Le ton du soldat était à la fois sec et acide, trahissant avec clarté le fait qu’il n’approuvait pas cela. Seulement, le Nyx se doutait qu’il n’y avait pas d’autre solution, surtout pour obtenir la paix entre leurs deux pays qui étaient certainement aussi fragilisés l’un que l’autre. Là où ça coinçait, c’était qu’il n’était pas du tout prêt à assumer la fonction de sage nocturne, n’ayant jamais suivi sa formation jusqu’au bout et, en prime, n’ayant rien fait pour retenir au maximum ce qu’il était censé savoir…

« Je crains d’être quelque peu… surévalué. » admit le Nyx qui se doutait bien que Barbos ne mettrait pas longtemps à comprendre qu’en réalité, celui qu’il convoitait n’allait pas lui servir à grand-chose. « Cela fait des années que j’ai quitté Némésis et on ne peut pas vraiment dire que j’ai été un élève modèle avant ça… »

« Ça c’est ennuyeux… » fit Lucrèce en plissant les yeux. « Tu connais au moins les rites de base ? »

S’il savait identifier des objets destinés au culte d’une divinité et qu’il se souvenait très bien des offrandes préférées des divinités les plus plébiscitées par le peuple de la nuit, Yuri était en revanche bien incapable d’exécuter un rituel en l’honneur d’Umbra et ignorait de quelle manière l’invoquer, ce qui, vu l’expression du favori taciturne et celle de l’espion, devait se lire sur son visage.

En se tournant vers le roi, le Nyx eut à nouveau l’impression que le regard du souverain s’était mis à luire brièvement et, cette fois-ci, il se demanda si c’était vraiment son imagination.

« Très fâcheux oui… » concéda le roi Thar qui semblait pensif, comme s’il réfléchissait. « A moins de demander à Umbra lui-même, il va être compliqué de rattraper ce retard avant demain soir. »

… Qu’est-ce que c’était que cette idée-là ? Poser la question au dieu de la nuit alors que celui-ci venait à l’improviste lui piquer son corps, parfois sans même qu’il ne s’en rende compte ? Etait-il seulement possible de discuter avec cet espèce de pervers dont l’occupation principale dès qu’il prenait sa place semblait être d’essayer de dépuceler Flynn sans pour autant avoir l’accord du principal concerné ?

Yuri commença à sérieusement se demander ce que le souverain d’Hélios leur cachait encore car il semblait en savoir bien plus long qu’eux et ce, depuis un petit moment…

-§-

Le temps leur manquait pour rejoindre Aurum mais depuis Nomos, il fallait au moins compter trois à quatre jours de trajet avec un cheval mais Sodia savait qu’il serait impossible d’en obtenir suffisamment pour elle et ce groupe de quinze de Nyx. Pour cette raison, Judith avait proposé, en échange de l’emplacement du passage secret pour rejoindre la région du Lymna ainsi que d’autres informations, de leur trouver une embarcation pour descendre le Neilos, ce qu’elle avait réussi à faire avant que leurs routes ne se séparent.

« Le courant est de notre côté, nanoja ! » s’exclama Patty, la propriétaire du bateau les conduisant vers Aurum. « Demain soir, nous serons à la capitale ! »

« Vous êtes vraiment certaine que vous ne voulez rien en échange ? » la questionna Gauche qui était toujours étonnée que cette étrange adolescente les ait pris à bord si facilement. « Même pas des améthystes ? »

« J’allais dans cette direction de toute manière… bien que je ne me souvienne pas pourquoi j’ai quitté la Mer Azurée, nanoja. Et puis c’est pas tous les jours que l’on peut croiser des Nyx vous savez. Une petite histoire ou deux me suffira comme paiement, nanoja. »

Cette Patty était une fille curieuse avec ses nattes blondes, ses yeux bleus et ses vêtements de marin. Autour du cou, elle portait un collier composé de plusieurs nœuds en fils de lin et de deux pierres, l’une d’un bleu bien prononcé et l’autre d’une blancheur nacrée – Judith lui avait dit que cette adolescente avait certainement déjà été à Myorzo car ce bijou était fabriqué par les krytiens pour honorer Océan et sa fille Sephira, la protectrice des marins ainsi que déesse de la chance. Le plus étonnant avec elle était que tout portait à croire qu’elle maniait seule ce grand esquif dont la cabine était juste assez grande pour que les hommes de Gauche puissent se reposer.

« Habituellement, les héliens craignent les Nyx pourtant. » remarqua Sodia qui ne savait quoi penser de l’adolescente. « C’est rare d’en croiser qui sont amicaux envers eux. »

« Qui dit que je suis une pure hélienne ? » répliqua Patty, l’air un peu offusquée. « Je suis une fille de la Mer Azurée, prête à pourfendre ses dangers et découvrir les nombreux trésors qu’elle recèle ! Et techniquement, je suis plutôt une sang-mêlé, nanoja. Ma mère était une sélénite. Et puis ce n’est pas votre faute si vous êtes dirigés par un fou furieux, nanoja. »

Gauche montra une certaine surprise en entendant ces mots puis, calmement, alla rejoindre les membres de son clan pour se reposer. Quant à la rousse, elle observa un moment l’adolescente faire une prière à une statuette représentant Sephira avant de s’installer sur un côté de l’esquif et de regarder défiler le paysage au fil de l’eau. A cette heure-ci, le soleil devrait être ardent et taper durement sur la peau mais des nuages étaient venus le masquer depuis un petit moment, faisant que les températures, bien que toujours étouffantes, étaient plus supportables, surtout avec cette légère brise qui soufflait que le Neilos…

Sodia sentit le poids de la fatigue peser sur ses épaules. Elle ferma les yeux puis les rouvrit… et fut étonnée de voir un esquif qui était à présent à côté du leur, avançant à la même allure qu’eux.

Comment était-il apparut si vite ? C’était étrange… Tout comme les deux passagers à son bord : un jeune homme aux cheveux d’or s’arrêtant au niveau des épaules avec des yeux azur ainsi qu’une boucle d’oreille en turquoise et une jeune femme aux longs cheveux blonds coiffés en deux nattes, de grands yeux bleu rieurs et un collier ressemblant fortement à celui de Patty – la tenue qu’elle portait était curieuse car qui aurait l’idée de coudre un filet de pêche sur tout un côté de sa robe ?

Elle ne put s’empêcher de les observer en train de discuter, la fille étant visiblement très prise dans son histoire au point de la ponctuer de grands gestes, ce qui amusait beaucoup le garçon qui souriait et parfois riait aux éclats avec elle. A un moment, ils se lancèrent dans ce qui ressemblait fort à un concours de grimaces, chacun essayant d’avoir l’expression la plus loufoque possible, et ce fut celle aux nattes blondes qui l’emporta haut la main sous les applaudissements du jeune homme.

Alors qu’ils commencèrent un nouveau jeu, Sodia réalisa qu’une troisième personne se trouvait sur leur esquif : un homme aux cheveux blonds en épis dont les yeux mordorés les fixaient avec bienveillance. L’armure dorée qu’il portait contrastait avec les habits des plus jeunes mais elle était certaine d’avoir déjà vu celle-ci quelque part… avant de réaliser que c’était sur une représentation du dieu Sol ! Cela signifierait donc que cet homme était le dieu d’Hélios en personne ? Dans ce cas, ces deux-là seraient…

Soudain, elle sentit quelque chose sur son visage, la ramenant à la réalité… et lui faisant réaliser qu’elle avait rêvé pendant tout ce temps quand elle vit qu’aucune embarcation n’était à côté de la leur.

« On dirait que la pluie vient nous voir nanoja. » entendit-elle Patty dire à ses côtés.

Sodia sentit une goutte d’eau s’écraser sur son bras, suivit d’une autre. Puis l’averse débuta avec légèreté mais les sons grandissant trahissaient le fait qu’un véritable déluge allait bientôt s’abattre sur eux, ce qui se confirma quand la jeune femme tourna la tête en direction des Dunes pour s’apercevoir que celles-ci étaient rapidement masquées par des trombes d’eau tombant du ciel.

« On dirait qu’Hélios a droit à un peu de chance pour aujourd’hui, nanoja. »

-§-

Après avoir échangé leurs informations, le roi Thar avait donné des instructions à chacun : Lucrèce avait la charge de régénérer au mieux Cyan, Raven de préparer à la fois leur départ et la défense d’Aurum contre l’Alliance de Sang. Pour ce qui était de Yuri, il devait impérativement entrer en contact avec Umbra dès la tombée de la nuit, ce que le favori ne semblait pas très tenté de faire – Flynn pouvait le comprendre vu la personnalité du dieu des ténèbres. En revanche, le souverain avait clairement dit au soldat qu’il devait continuer à veiller sur le Nyx et ne surtout pas quitter le harem sans sa permission, ce qui intrigua le jeune homme.

Il garda ses interrogations pour lui durant tout le trajet de retour vers le bâtiment des favoris où les attendaient Repede, Karol… et une femme aux cheveux vert anis coiffés en couettes qu’il ne connaissait pas.

« La joueuse de lyre du banquet je présume ? » supposa Yuri avec un sourire en coin, répondant ainsi à la question que se posait le soldat. « Je croyais pourtant t’avoir recommandé de quitter les lieux. »

« De ce que j’ai compris, Droite est restée après avoir été convaincue par notre cher capitaine. » précisa Lucrèce à qui avait été remis le bracelet de Cyan. « Elle nous a permis de confirmer qu’Orpin était derrière le premier empoisonnement. »

« Qui aurait cru que ce type bossait pour Garista ? » fit remarquer Karol, silencieusement approuvé par les autres pensionnaires du harem. « Tout le monde le prenait pour un simplet ! »

« Ou bien il n’était pas tout à fait seul dans sa tête. » souligna le bel éphèbe en grinçant des dents. « C’était impossible pour moi de discerner le vrai du faux dans ses paroles. »

Sur ce point, le soldat ne pouvait qu’être d’accord : Orpin avait toujours eu une attitude donnant l’impression qu’il n’était qu’un simple d’esprit mais la folie n’était pas à exclure – une nuit, il l’avait aperçu en train de danser de façon étrange tout en récitant des paroles incompréhensibles. Seulement, si cette personne était vraiment folle, n’était-ce pas risqué pour le sorcier solaire d’avoir un tel allié ?

« On m’a donné les nouvelles des Terres des Nyx. » ajouta la jeune femme avec gravité. « J’ai encore du mal à y croire mais…»

« J’en conclus que tu vas rester ici tant que je serais à Hélios… » coupa le Nyx en se passant une main sur le visage. « Sauf que je ne me rappelle pas la moitié de ce que je suis censé savoir pour être le sage nocturne. A priori, je vais devoir poser la question à ce dieu pervers pour qu’il me fasse une séance de rattrapage et espérer qu’il me réponde… »

« Il le fera. » fit la voix de Cyan, surprenant Karol et Droite qui ne lui avait encore jamais parlé. « Le seul souci est que tu devras attendre cette nuit pour le contacter et entrer dans son subconscient. »

« … Je peux faire ça ? »

« Il peut te prendre ton corps avec facilité, ce qui signifie qu’un pont a été établi entre vos deux esprits et qu’il perdurera jusqu’à ce que celui-ci soit rompu, généralement quand un nouveau réceptacle est désigné puis préparé à accueillir en lui la divinité concernée. C’est en tout cas comme cela que ça marche avec Sol et moi. »

Donc le dieu d’Hélios avait lui aussi un réceptacle… Sauf que si c’était le cas, pourquoi ne pas communiquer avec la divinité via cette personne pour qu’elle cesse d’abattre sa rage sur tous ? Cela avait-il un rapport avec ce que les prêtres de Sol détournaient ?

« Pour Sol et toi… » répéta Lucrèce, l’air intrigué. « Maintenant que j’y pense, je ne me souviens pas avoir lu quoique ce soit expliquant comment préparer un réceptacle pour Topaze. Dois-je supposer que pour elle, c’est différent ? »

« Ma mère n’aime pas trop que l’on choisisse pour elle, un point qu’elle n’a pas vraiment pardonné à oncle Umbra, cela même s’il me semble qu’il a joué un rôle dans sa divinisation. » expliqua calmement Cyan. « Elle et ma cousine Sephira se choisissent elles-mêmes leurs réceptacles mais je redoute que pour ma mère, elle n’ait pas réussi à établir de pont solide avec le sien si celui-ci n’était pas assez proche de Parques. Je crains même que ma mère soit plus affaiblie que je ne le suis… »

Topaze serait donc elle aussi en danger alors qu’elle était pourtant une divinité encore priée en Hélios, surtout par les femmes ? Quant au nom de Sephira, Flynn crut se souvenir qu’elle était priée dans la Mer Azurée car protectrice des marins… et le jeune homme vit qu’une drôle d’expression était présente sur le visage des deux Nyx depuis qu’ils avaient entendu son nom.

« Yuri, Sephira n’est pas la fille d’Océan qu’Umbra a tenté de noyer dans le Lymna ? » questionna Droite avec une grimace.

« C’était dans le Styx. » rectifia Yuri en grinçant légèrement des dents. « Sauf qu’elle a réussi à en réchapper en lui jouant un tour et à priori, ça l’a encore plus motivée à tenter d’épouser Umbra… »

« Le pire est qu’oncle Océan a donné sa bénédiction pour que ma cousine continue de le courtiser et cela uniquement parce que ça l’amusait beaucoup… » précisa Cyan dont il était possible de percevoir une hilarité qu’il tentait au mieux de cacher. « En revanche, si un mariage devait se faire, mon père m’avait clairement dit qu’il s’y opposerait. »

« Cela éviterait de compliquer leur arbre généalogique… » lâcha le favori taciturne en se massant la tempe gauche. « Si les papotages inutiles sont terminés, je recommanderai à ceux voulant se laver de le faire dès maintenant car j’ai besoin d’eau du Neilos pour ce que je dois faire et seuls les bains en ont. »

Un long silence se fit entre eux… si l’on exceptait Repede qui n’avait, semble-t-il, pas trop aimé que l’on prononce le mot « bain » – le chien avait peur de l’eau et n’acceptait d’être lavé qu’avec un chiffon humide. Puis Flynn nota une odeur assez déplaisante, comme un mélange de cendres froides et de renfermé, qui semblait émaner de Droite, un détail que les autres avaient aussi remarqué vu que tous la fixaient avec insistance. La jeune femme, voyant les regards fixés sur elle, huma sa propre odeur… et grimaça en la sentant – le soldat l’entendit maudire le bâtiment abandonné. Sur un signe de Lucrèce, elle partit en direction des bains, suivie par le favori taciturne qui attrapa Karol pour l’emmener avec lui, Repede fermant la marche.

A présent, il était seul avec Yuri et le silence perdura jusqu’à ce que plus personne ne soit dans leur champ de vision.

« Il n’a pas tout dit. » déclara soudainement le Nyx, les yeux fixés droit devant lui et ne semblait rien regarder de précis.

« Qui ça ? » demanda le soldat, intrigué.

« Le roi Thar. Je ne sais pas ce qu’il nous cache encore mais j’espère que ça ne nous retombera pas dessus vu ce qui arrive… »

Dans un sens, cela ne l’étonnait pas vraiment mais le garde trouvait quelque peu étrange que le favori ait attendu ce moment pour en faire part. Seulement, il préféra laisser cela de côté car autre chose le dérangeait.

« Et devons-nous nous attendre à affronter des assassins ? » demanda Flynn, sa main se posant instinctivement sur le pommeau de son glaive.

« C’est l’Alliance de Sang donc je peux te certifier qu’elle porte très bien son nom. » lui répondit Yuri en le fixant avec froideur. « Et nouvelle lune ou pas, je te déconseille de les affronter au combat. »

« Je sais me défendre. »

« Contre des maîtres de la persuasion qui tuent depuis l’enfance ? La nuit, tu n’as aucune chance et je ne pourrais pas te protéger si tu penses être capable d’affronter des tueurs de sang froid au moment où ils sont les plus redoutables. »

« Depuis quand tu ne t’es pas battu ? Je ne t’ai pas vu t’entrainer une seule fois depuis que je suis ici ! »

Cette remarque lui valut un regard noir du Nyx qui n’avait visiblement pas apprécié que l’on remette ses capacités martiales en doute. Ce dernier partit d’un pas rapide dans la cour devant le bâtiment des favoris, forçant le garde à lui emboîter le pas pour ne pas le perdre de vue, puis il le vit ramasser quelque chose au sol… et ce fut en entendant le son du métal qu’il réagit instinctivement en sortant son glaive, parant de justesse la lame qui avait été dressée contre lui.

« Mais qu’est-ce que… » fit Flynn, surpris à la fois par ce qu’il venait de se produire et par la vitesse de son adversaire. « Qu’est-ce que tu fiches ? »

« Tu as déjà oublié comment ça fonctionnait là d’où je viens ? » répliqua Yuri sur un ton acide.

… Les Nyx préféraient les actes à la parole. Par ce geste, le favori venait de lui prouver qu’il était loin d’être sans défense… ce qui laissait une question dans la tête du soldat : comment se faisait-il qu’il sache se battre alors qu’il était destiné à être un sage nocturne ? De mémoire, les prêtres d’Hélios n’avaient pas de formation militaire… mais le peuple de la nuit ne fonctionnait clairement pas de la même manière…

« Tous les enfants d’Umbra apprennent à se battre dès leur plus jeune âge. » lui confirma son adversaire en tentant de lui porter un nouveau coup qu’il para avec plus de facilité. « Les conflits entre clans, la chasse, les prédateurs qui rôdent dans les montagnes en attendant que l’on baisse notre garde… Les Nyx ont tous eu du sang sur les mains au moins une fois dans leur vie, que ce soit celui d’un animal ou d’un être humain. En prime, les Dents de Cerbère recèlent d’autres vilaines surprises pour compliquer un peu plus notre survie… »

La vitesse des frappes de Yuri s’accentua, contraignant Flynn à reculer pour ne pas être touché tout en bloquant les coups comme il le pouvait. Puis à un moment, il nota qu’il était à quelques pas d’un bouclier, probablement oublié par un des gardes qui devait assurer la protection de l’un des autres favoris. Il espérait une ouverture pour le récupérer et celle-ci se présenta d’une façon inattendue : dans la fièvre du combat, aucun d’eux n’avait dû réaliser qu’un vrai déluge arrivait sur eux, faisant qu’ils le reçurent de plein fouet. Si le soldat n’était pas gêné par la pluie, le Nyx en revanche eu sa vue obstruée par une mèche mouillée durant deux secondes, un laps de temps qui fut suffisant à l’hélien pour récupérer ce bouclier et ainsi parer avec plus de confort la lame qui venait sur lui.

« Et tu comptes vraiment retourner dans cet enfer sans rien dire ? » lança Flynn en haussant le ton, ses yeux azurs plantés dans ceux anthracites de son adversaire tout en bloquant le glaive le menaçant. « Je sais que tu ne le veux pas… »

« Je n’ai pas le choix ! »

Yuri se relança dans une série d’attaques rapides mais sa lame se heurta à chaque fois au bouclier, le bruit du métal qui résonnait étant en partie étouffé par celui du déluge qui s’abattait sur eux et qui ne semblait pas vouloir s’arrêter. Le soldat contrattaqua, inversant les rôles entre le Nyx et lui qui montra des signes de difficultés – il suspectait que la fatigue était en train d’avoir raison de lui et que l’énergie qu’il avait mise dans ce duel n’allait pas tarder à s’épuiser mais ce n’était pas une raison valable pour lui de baisser sa garde.

Avec cette pluie intense, la visibilité s’était grandement réduite et le sol sec de la cour était devenu glissant, le sable et la poussière recouvrant une partie des pavés s’étant changés en une boue qui les faisait déraper par moments. La précision de leurs gestes se trouvait affectée par tout cela, si bien qu’arriva ce qui devait arriver : aucun d’eux ne réalisa qu’ils s’étaient rapprochés du bassin où les favoris pouvaient nager librement et, en repoussant trop brutalement le Nyx, celui-ci glissa au niveau du rebord et tomba dans l’eau.

Sans réfléchir, Flynn jeta ses armes et se délesta vite de son armure avant de sauter dans le bassin, émergeant à côté de Yuri qui crachait l’eau qu’il avait avalée dans sa chute et dont il écarta les mèches de cheveux de son visage.

« Tu te sens mieux à présent ? » demanda-t-il calmement au favori. « Ou bien tu as encore du stress à évacuer ? »

« … Tu réalises que j’aurais pu te tuer ? » répondit le Nyx sans le regarder. « Ou du moins… »

« Oui. »

Il s’en doutait : Yuri avait déjà dû tuer certains de ses semblables par le passé. Il mentirait en disant que c’était quelque chose qu’il acceptait, surtout quand il pensait à quel âge il avait potentiellement dû devenir un meurtrier. Mais la violence dans laquelle il avait grandie… L’hélien se demandait comment le Nyx avait réussi à s’adapter à Hélios où la notion de survie n’était pas la même. Cela avait dû lui prendre du temps pour mener une vie plus paisible…

« J’aimerais que tu puisses être libre tu sais. » avoua-t-il, s’attirant le regard surpris du favori. « Tu n’es pas fait pour être enfermé dans une cage, quelle qu’elle soit. »

« … Et toi tu devrais échanger de poste avec le vieux. » répliqua le bel éphèbe avec humour. « Je suis persuadé que tu serais mille fois plus compétent que lui pour commander ! »

Il sourit à cette remarque puis, constatant que cette pluie semblait vouloir durer, il estima plus sage pour eux d’aller se mettre à l’abri avant d’attraper la mort. Avec précaution, ils sortirent du bassin, essayant de ne pas glisser, puis quand Flynn eut récupéré son armure – il jugea préférable de ne pas la remettre sur lui – et son glaive, ils rejoignirent la chambre de Yuri, trempés jusqu’aux os.

« Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu un tel déluge. » nota le soldat en refermant la porte derrière eux. « C’est plutôt une bonne chose. »

« Oui et non. » déclara le favori en essorant ses cheveux. « La terre est très sèche en ce moment donc si la pluie s’arrête trop tôt, l’eau ne va pas pénétrer dans les sols. Par contre, le niveau du Neilos et des différents puits va certainement remonter. »

« Oui… C’était nécessaire. »

L’hélien tourna son regard vers le Nyx, le voyant ainsi peigner sa longue chevelure de jais avec ses doigts. Il détailla sa silhouette de ses yeux azur, notant que les vêtements en lin noir qu’il portait étaient, à cause de l’eau, à présent collés à sa peau, des gouttes translucides tombant de temps à autre d’une manche. Le maquillage avait été effacé depuis longtemps par leur passage aux bains, les restes des traces de coups qu’il avait reçus étant de nouveau visibles, mais à présent, le bel éphèbe donnait une impression de force et de fragilité, ainsi qu’autre chose sur lequel il n’arrivait pas à mettre de mots, un ensemble qu’il trouvait magnifique à regarder.

« Et je voulais… m’excuser pour le sale coup d’Umbra la dernière fois. » déclara Yuri en soupirant. « Ce n’est pas correct qu’il t’ait agressé comme ça et... »

« Tu ne veux pas que je sois avec toi cette nuit j’imagine. » en conclut aisément Flynn. « Tu crains qu’il ne veuille recommencer. »

A ces mots, le Nyx détourna le regard quelques secondes, ses joues ayant pris des couleurs. Quand les yeux anthracite revinrent se fixer sur lui, l’hélien nota que le jeune homme lui faisant face s’était légèrement mordillé la lèvre inférieure – il ne savait pas trop comment interpréter cela, si c’était de la gêne ou bien autre chose.

« C’est pas exactement ça. » précisa le favori en grognant. « Je ne veux pas le tenter, même si j’ai bien une idée du pourquoi il s’est amusé à ça et de comment essayer de le convaincre de ne pas recommencer. Mais sincèrement, je comprendrai que tu ne veuilles pas faire ce qu’il aimerait… »

« Qu’est-ce que c’est au juste ? » questionna le soldat, appréhendant le pire.

« … Qu’on s’embrasse… »

En entendant cela, il ne cacha pas sa surprise… ainsi que sa gêne, sentant clairement qu’il était en train de rougir vu la chaleur que son visage était en train d’émettre. Il baissa un instant les yeux, maudissant cette divinité tordue qui, manifestement, avait de drôles de façon de s’occuper.

« Un vrai pervers celui-là. » lâcha Yuri dont la couleur des oreilles avait virée au rose. « A croire que ça l’amuse de tenter de dévergonder quelqu’un sans expérience… »

« Ce n’est pas parce que je n’ai rien fait que je ne sais pas comment ça se passe ! » répliqua Flynn, quelque peu vexé. « Et puis on ne peut pas franchement dire que tu m’as épargné sur le sujet… »

« Ce n’est pas de ma faute si tu ne connais que la théorie. »

« Je n’ai pas eu d’occasions pour pratiquer ce genre de choses et j’en sais assez pour me débrouiller le moment venu ! »

« Vraiment ? »

A cet instant, le soldat réalisa qu’il aurait mieux fait de se taire : en entendant sa dernière phrase, il avait clairement piqué l’intérêt du favori qu’il voyait sourire avec amusement, une main posée sur la hanche et le fixant avec un air provocateur.

« Donc là, maintenant, si je te dis que tu peux m’embrasser, tu le feras ? » répliqua le Nyx en venant se planter juste en face de lui dans une démarche suggestive. « En sachant bien sûr que nous n’avons personne pour nous regarder et donc cafter à qui que ce soit… »

« Je… » fit l’hélien, pris de court gêné par cette soudaine proximité. « Heu… »

« Juste des mots donc. Rien de surp- »

Cette remarque le poussa à réagir et, avant que Yuri n’ait terminé sa phrase, Flynn avait posé une de ses mains sur la mâchoire du bel éphèbe, le faisant taire, puis, prudemment, il combla ce qu’il restait de distance entre eux pour poser un baiser bref et maladroit sur cette bouche délicate. Avait-il détesté faire ça ? Non, cela bien qu’il reconnaissait que son manque de pratique dans ce domaine s’était certainement ressenti vu que leurs nez s’étaient frôlés et que le contact avait à peiné duré une seconde. Il avait inconsciemment passé sa langue sur sa lèvre inférieure, y trouvant un léger goût sucré qui n’y était pas auparavant et qui n’avait rien de désagréable.

Il ôta sa main, s’apprêtant à remettre de la distance entre eux quand le Nyx lui passa une main derrière la tête avant de l’embrasser, non pas brutalement comme Umbra avait pu le faire mais avec une douceur et une délicatesse à laquelle il ne se serait pas attendue de sa part. Le contact fut plus long de quelques secondes, lui laissant pleinement le temps de sentir les longs doigts fins passer dans ses mèches humides et de savourer les sensations agréables que cela lui procurait.

Puis leurs bouches se séparèrent, ne laissant que quelques millimètres entre elles, juste ce qu’il fallait pour sentir le souffle de l’autre. Il vit le favori se mordre la lèvre inférieure un bref instant mais à aucun moment il n’ôta sa main de ses cheveux.

« … Tes lèvres sont sèches. » lui murmura Yuri en baissant légèrement les yeux.

« … Les tiennes ont un goût de dattes enrobées dans du miel. » répliqua Flynn de la même manière. « Vu comme tu te jettes sur les desserts, ça ne devrait même pas me surprendre… »

« Hélios a beaucoup de choix en desserts mais j’ai eu du mal à m’y faire au départ. Trop sucré pour moi à l’époque. J’ai été habitué aux baies qui poussent dans les Dents de Cerbère comme les fraises, les airelles, les myrtilles… »

Le Nyx eut un sourire nostalgique en prononçant ce dernier mot, ses yeux se relevant et faisant que leurs regards se croisèrent à nouveau.

« J’adorais me gaver de myrtilles, même si je me retrouvais avec la bouche toute bleue après. » poursuivit-il avec un certain amusement, le regard brillant avec une certaine envie. « Je me faisais réprimander quand je rentrais mais j’étais content de moi. Plus jamais je n’ai pu en manger une fois en Hélios… »

« Tu as donc au moins un bon souvenir de ton enfance. » constata l’hélien avec un léger sourire.

« Oui… »

Aucun d’eux n’ajouta quoique ce soit, chacun étant à trop occupé à scruter intensément les yeux de l’autre tandis que cette proximité était toujours maintenue. Le silence régnait, cela si l’on exceptait le son de leurs respirations et la pluie, moins forte que plus tôt mais toujours audible, qui tombait sur le harem.

Puis cet instant cessa quand Yuri eut un frisson, le poussant à retirer sa main puis à s’écarter pour serrer ses bras contre lui et ses vêtements trempés.

« Il faut que je dorme un peu si je veux pouvoir tenir cette nuit face à Umbra. » précisa le favori en détournant le regard, le visage rougit par la gêne. « Si tu peux… »

« Bien sûr. » comprit Flynn qui se retourna, tout aussi embarrassé que son camarade.

Il entendit des légers sons derrière lui, signe que le bel éphèbe devait se déshabiller… ou du moins essayer, celui-ci s’étant mit à pester contre sa tenue encore gorgée d’eau et qui lui collait trop à la peau. Le soldat eut un sourire amusé avant de sentir un picotement au niveau de son nez, lui rappelant que lui aussi portait des vêtements trempés et il ne put retenir un éternuement, faisant émettra un léger rire au favori… qui éternua à son tour deux secondes après.

-§-

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas pu se battre contre quelqu’un de coriace – Judith était restée son adversaire la plus redoutable depuis qu’il l’avait affrontée – et il devait admettre que combattre Flynn lui avait fait un bien fou. S’il avait su qu’il était aussi fort, Yuri l’aurait provoqué en duel bien plus tôt et ça leur aurait évité de finir tous les deux dans le bassin à cause de ce déluge – vu la durée de celui-ci, il suspectait que les prières régulières de son amie à Océan avaient enfin porté leurs fruits.

Etre seuls dans la même pièce avec des habits leur collant à la peau était loin d’être la meilleure idée qu’il ait eue car même si l’hélien portait un pagne en plus de la tunique sous son armure, cela suffisait amplement à mouler toute sa musculature, un détail que le Nyx avait bien noté et qui n’avait pas manqué de le perturber. C’était en partie pour cette raison qu’il n’avait pas réfléchit en le provoquant et qu’il avait été pris de court quand celui-ci l’avait embrassé. S’il n’avait pas réussi à se retenir de l’embrasser à son tour, il était parvenu, non sans mal, à en rester-là et s’il n’avait pas réalisé qu’il avait froid, il aurait peut-être cédé de nouveau à la tentation.

Il s’était pas mal débattu avec son habit, frissonnant une fois qu’il s’en fut débarrassé, et il s’était hâté de trouver de quoi finir de se sécher – pour ses cheveux, il ne se faisait pas d’illusions sur le fait qu’ils seraient encore humides une fois la nuit tombée. Puis il avait eu la mauvaise idée de lever les yeux en entendant le soldat se déshabiller… et de rester bloqué cinq bonnes secondes sur ce fessier musclé qui était loin de lui déplaire – depuis trois ans, il en avait vu passer des paires de fesses dans ce harem, une bonne partie des pensionnaires aimant se baigner nus dans le bassin, mais là, ce cul lui donnait envie de croquer dedans pour savoir s’il était aussi ferme qu’il en avait l’air.

Yuri s’était vite hâté de chasser de son esprit toute image pouvant encore plus exacerber son attirance pour Flynn avant d’aller se coucher… ce qui ne l’avait pas empêché de rêver qu’ils étaient allés plus loin que ces chastes baisers – si jamais ce dieu pervers lui conseillait de se faire sauter par son garde, il allait lui coller son poing dans la figure.

Karol l’avait réveillé au crépuscule puis aidé à enfiler des habits secs. Le soldat n’était pas dans la chambre, ce qui était peut-être préférable. Ce ne fut qu’une fois dans la cour qu’il le vit à l’entrée des bains en train de parler avec Raven ainsi qu’un Lucrèce visiblement épuisé.

« Quelqu’un est debout on dirait. » fit remarquer le capitaine, faisant se retourner le garde vers lui. « Prêt à rendre visite à ton créateur ? »

« Je vais surtout lui dire ma façon de penser. » précisa Yuri avant de se tourner vers l’érudit. « Tu vas bien ? »

« J’ai juste besoin de dormir un peu… » répondit mollement Lucrèce, confirmant qu’il était fatigué. « C’est là que je regrette d’avoir congédié tout mon personnel… »

« Je vais t’aider à rejoindre ta chambre. » proposa Flynn en lui tendant son bras.

« Merci. »

Calmement, le soldat laissa le favori taciturne s’appuyer sur lui puis après les avoir salués et que le Nyx ait échangé un regard avec l’hélien aux cheveux blonds, ils montèrent les escaliers puis disparurent de leur champ de vision une fois arrivés à l’étage.

« Comme je l’expliquais à Flynn, les préparatifs pour le départ ont été en partie retardés à cause du déluge de tout à l’heure. » déclara Raven avec sérieux, attirant le regard du Nyx sur lui. « Qui plus est, Lucrèce et moi trouvons curieux que Garista soit si discret… »

« Il prépare quelque chose. » en conclut aisément Yuri. « Comme faire venir l’Alliance de Sang ici. »

« Ce n’est pas impossible mais nos options pour les arrêter sont très réduites. »

Sauf si Umbra lui-même intervient… Mais encore fallait-il savoir ce que la divinité de la nuit pensait réellement de tout cela car, aussi loin qu’il s’en souvenait, le favori n’avait jamais eu l’impression que leur dieu voulait qu’ils cessent les combats. Cela mériterait qu’il tire ça au clair en priorité…

« Autre chose. » ajouta l’espion en lui faisant signe de le suivre. « A l’exception de Karol, plus aucun d’entre vous n’est autorisé à sortir d’ici par la grande porte. »

« La grande porte… » répéta Yuri, intrigué par ce choix de mots alors que tous deux allaient quitter le quartier des favoris. « Il y a donc une autre sortie… »

« Un passage secret que le roi Thar m’a montré récemment. Droite l’a probablement déjà exploré en entier mais celui-ci relie l’ancien bâtiment des enfants à la salle du trône ainsi qu’à l’extérieur. J’ai personnellement vérifié et personne ne peut entrer au harem par ici : les portes sont fermées par un mécanisme qui ne s’ouvrent que si l’on possède la bonne clé. Quant à ce qu’est cette clé, c’était quelque chose en rapport avec Topaze… »

« Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle tu sais le vieux. Même si je ne pense pas que ces abrutis soient des fervents admirateurs de Topaze, Parques est dans les Terres des Nyx. »

En réalité, si la situation entre Parques et Barbos était la même, il était possible que cette ville soit toujours hostile au vieux chef de clan car après tout, Parques était aussi surnommée « la ville des femmes » car seules femmes et enfants avaient le droit d’y pénétrer – une exception était faite pour le sage nocturne, ce qui avait permis à Yuri de voir les plus redoutables combattantes de son peuple sous un nouveau jour.

« Droite et sa sœur viennent de Parques et la dirigeante de cette ville est, selon les dires de notre alliée, plus favorable à la Griffe de Léviathan qu’à l’Alliance de Sang. » précisa Raven en ouvrant la grille barrant l’accès au bâtiment abandonné. « Je te laisse à présent. J’ai encore des choses à vérifier… Je reviendrai au lever du soleil pour t’ouvrir. »

« Ça marche. »

Le Nyx rentra dans la cour du bâtiment sinistre puis s’avança vers ce dernier, entendant la grille être fermée à clé derrière lui dans un grincement strident. L’obscurité prit peu à peu le dessus, un point qui ne le gênait nullement… mais qui lui révéla, au fur et à mesure de son avancée, l’horreur qui avait eu lieu ici par le passé : des murs noircis par la fumée, des plafonds en partie effondrés, des ossements calcinés ou des fragments ayant éclatés à cause d’une chaleur trop intense, une odeur de cendres froides et humides… Cet endroit avait été victime d’un incendie et vu la fragilité dont semblait souffrir ce bâtiment, il aurait déjà dû être démoli depuis longtemps.

Le favori réprima un haut le cœur face aux scènes atroces qui se dessinaient dans son esprit puis il chercha Droite du regard. Deux secondes plus tard, un bruit attira son attention et en s’avançant, il vit la jeune femme sortir d’un trou dans un mur de pierre. Celle-ci s’apprêtait à le refermer quand elle l’aperçut.

« Oh ! » fit-elle, surprise, avant de lui faire signe de venir. « Je faisais à nouveau le tour de ce passage secret pour vérifier les accès. »

« Quelque chose d’intéressant ? » questionna-t-il en la rejoignant.

« Je pense que cette porte-ci était très utilisée, que ce soit dans un sens comme dans l’autre car elle est très facile à ouvrir. Celle menant à la salle du trône aussi mais je ne pense pas que ce soit le cas dans l’autre sens. Pour celle menant à la sortie, aucune chance qu’un de ces abrutis puisse passer par là : personne de Parques n’aurait rejoint l’Alliance de Sang. Ce serait se mettre Kaufman à dos et personne ne le veut… »

« Donc c’est elle qui est à la tête de cette ville maintenant… Elle est de votre côté ? »

« Maître Yeager lui reverse une partie de nos butins en échange de son soutien. Dès qu’il sera chef des Nyx, elle veut rouvrir toutes les routes commerciales avec Séléné et Hélios. »

Une tâche ardue mais pour une femme telle que Kaufman, nul doute qu’elle allait parvenir à son but. Cette commerçante née pouvait vendre n’importe quoi à ceux du peuple de la nuit alors faire cela avec leurs voisins allait être une partie de plaisir pour elle – il se souvenait que lors de sa dernière visite à Parques, elle avait réussi à vendre en un temps record plusieurs statuettes de Topaze, souvent à des personnes qui en avait déjà chez elles.

Après qu’ils aient discuté, Droite lui laissa un peu d’espace, lui promettant de garder un œil sur lui. Avec appréhension, Yuri s’assit en tailleur dans un coin un minimum dégagé et entreprit de faire une chose qu’il n’avait pas faite depuis longtemps : méditer. Quand il vivait à Némésis, il s’installait dans un recoin calme des montagnes, sentant ainsi l’air frais sur son visage et humant les multiples odeurs qui arrivaient à ses narines – celles des nombreuses fleurs sauvages poussant sur les rives du Lymna et sur les versants des Dents de Cerbère prenaient souvent le dessus sur toutes les autres. A son arrivée en Hélios, il avait eu plus de mal à trouver un endroit adapté à la méditation – et puis il avait moins ressenti le besoin de reprendre le contrôle de ses émotions par rapport à son pays d’origine où il était en permanence sous tension – mais une fois que c’était fait, il avait pu ressentir de nouvelles choses, à la fois intrigantes et exotiques. Puis une fois entré au harem, il avait cessé de s’y adonner, estimant que cela n’était plus possible dans pareil endroit.

A présent, il était plus que temps qu’il se remette à cette activité seulement là, une fois qu’il eut fermé les yeux, au lieu de totalement vider son esprit, il se concentra sur une seule chose : Umbra.

Il pensait qu’il allait devoir attendre un bon moment avant d’obtenir quoique ce soit, n’ayant aucune idée de si cela allait donner des résultats, mais en entendant un son qui n’était pas venu à ses oreilles depuis des années, le Nyx ouvrit les yeux… pour voir qu’il n’était plus dans le bâtiment abandonné mais debout dans une caverne au plafond ouvert. De la neige recouvrait le sol de pierre et, face à lui, sculpté dans de l’améthyste, un trône sur lequel siégeait une personne aisément reconnaissable avec ses yeux rouge sang, sa longue chevelure noire, son long manteau fait de fourrures d’ours et de loups et ses bottes fourrées…

« Trouvé ! » lui lança Umbra en penchant sa tête sur le côté, dévoilant un pendant d’oreille fait en métal et certainement avec un croc de loup. « Ce n’était pas si compliqué. »

« Personne n’a jugé bon de me dire que c’était possible avant aujourd’hui. » dit Yuri en croisant les bras sur sa poitrine, jetant un regard noir à son dieu. « Et on ne peut pas franchement dire que vous ayez cherché à entrer en contact avec moi. »

« L’habitude… Et puis normalement, je n’autorise pas mes réceptacles à m’atteindre mais pour toi, j’ai fait une exception. »

« Trop d’honneur… Surtout de la part de quelqu’un qui ne se soucie pas de son propre peuple. »

Umbra avait plissé les yeux à cette remarque mais rien d’autre chez lui n’indiquait que cette pique l’avait affecté d’une manière ou d’une autre. De la part d’un dieu réputé pour être fourbe et menteur, c’était à prévoir… Il allait être très difficile voire même impossible de lire en lui.

« J’ai peut-être créé les Nyx par accident mais je sais très bien ce qu’il se trame sur notre territoire. » déclara la divinité sur un ton plus ferme. « Et cela ne m’a pas du tout amusé quand j’ai senti que cette sale vermine avait éliminé un sage nocturne que j’appréciais beaucoup. Il mérite pleinement le sort que Yeager lui prépare… »

« Pourquoi ne pas intervenir vous-même pour stopper l’Alliance de Sang ? » questionna le jeune homme, suspicieux.

« Parce que ce clan possède une particularité à laquelle Barbos a soigneusement veillé via les différents raids sur Hélios : tous ses membres sont de sang-mêlé. Je ne peux pas les contrôler comme j’aimerais le faire depuis vingt bonnes années… »

Cela, Yuri l’ignorait… mais cela pouvait expliquer certaines choses, notamment comment ils pouvaient supporter les températures d’Hélios… et pourquoi ce clan tendait à ne pas trop s’aventurer dans les zones les plus froides des Dents de Cerbère. En revanche, cela signifiait qu’une confrontation avec eux serait inévitable et, que ça lui plaise ou non, se salir de nouveau les mains – la dernière fois qu’il avait dû tuer quelqu’un, c’était de la légitime défense et il n’aurait pas réussi à le pousser dans le vide, ça aurait été lui qui aurait fini mort et enterré.

« Avant de débuter avec les choses sérieuses… » commença Umbra en quittant son siège, un air espiègle sur le visage. « Tu aurais dû aller plus loin avec lui. Vu son langage corporel, il n’y aurait pas émis la moindre ob- »

« Non. » coupa fermement le Nyx, agacé par la suggestion perverse qui lui était faite. « C’est un hélien et moi je vais être coincé toute ma vie sur les Terres des Nyx… »

« Pas tout à fait. Cela inclut aussi toute la région du Lymna, y comprit les parcelles qui appartiennent officiellement à Hélios et Séléné. Officieusement, cette partie n’est à personne. Sol, Luna et moi en avions décidé ainsi pour une raison… précise. »

Après ces mots, la divinité de la nuit vint se planter face à lui en un éclair, le faisant presque sursauter, et affichant un air grave sur son visage.

« Tu n’es pas sans savoir que mon cher père a été scellé sous le lac Lymna. » dit Umbra qui poursuivit quand il le vit hocher la tête. « En tant qu’enfants du dieu du Néant, nous sommes censés posséder chacun un peu de son pouvoir mais dans les faits, ce n’est pas le cas pour nous tous. Luna n’en a pas une once en elle tandis que pour Sol, celui-ci a fusionné avec sa lumière pour donner son feu destructeur. Je suis le seul à avoir des pouvoirs proches de l’Adephagos. »

« Donc la capacité à détruire toute création. » en conclut Yuri, ce que la divinité lui confirma. « Dans une moindre mesure j’imagine. »

« Tout à fait. Cependant, cela fait aussi de moi le plus à même pour sentir une… anomalie. »

Umbra leva sa main et claqua des doigts, faisant souffler un bref vent glacé sur eux. A côté d’eux, la neige fut balayée puis, dans un son cristallin, des améthystes sortirent du sol, cela jusqu’à former quelque chose de familier aux yeux du Nyx : une carte de la région du Lymna et de Dents de Cerbère.

« De nous trois, c’est moi qui suis situé le plus proche du sceau de père, une décision qui n’a pas été prise au hasard. » poursuivit la divinité en désignant ce qui représentait le lac Lymna. « Quand Barbos a commencé à monter son Alliance de Sang, j’ai fait l’erreur de ne pas y prêter attention, faisant que j’ai compris un peu tard que le sceau s’était peut-être fragilisé de notre côté. »

« Fragilisé ? » tiqua Yuri, n’aimant pas trop ce que cela pouvait signifier. « L’Adephagos pourrait donc… »

« Je ne pensais pas cela possible à l’époque car je n’ai plus rien noté sur la partie du sceau que j’ai placée moi-même et je doute que celle de Luna ait bougée. En revanche, quelques années après, les rumeurs sur Hélios sont arrivées à mes oreilles mais le « charmant cadeau » de père m’empêchait de vérifier le sceau de mon frère… »

Le Nyx vit que durant une microseconde, Umbra avait laissé passer des signes montrant à la fois de la frustration et… de la souffrance.

« Qu’est-ce que le dieu du Néant vous a fait au juste ? » questionna le jeune homme, faisant se voiler un bref instant le regard rouge sang face à lui.

« L’aube et le crépuscule… » répondit la divinité en grinçant des dents. « A l’origine, Sol et moi pouvions nous voir librement dans le ciel mais père détestait mon frère et ne supportait pas notre proximité de l’époque… alors il a déchiré le ciel pour que le jour et la nuit ne puissent plus jamais se toucher l’un et l’autre. Bien qu’il soit à présent scellé, mon frère et moi n’avons jamais pu passer outre cette barrière, pas sans ressentir une douleur intense. »

« … C’est pour ça que je me suis réveillé en Hélios après ma fuite : parce que vous ne pouviez pas faire autrement. »

Le Nyx avait toujours gardé un grand trou de mémoire sur comment il avait fini de traverser ce lac puis passé la frontière avec Hélios. Depuis peu, il suspectait Umbra d’en être le responsable mais n’avait jamais réussi à comprendre ses motivations.

« Oui… » confirma la divinité avec gravité. « Et depuis quelques heures, les soupçons que j’avais se sont changés en certitude : le sceau de Sol a été fragilisé, surement sur plusieurs années. La nourriture que ces prêtres détournent n’a pu être utilisée que comme offrande à un dieu et je suis persuadé que ce n’est pas pour mon frère… mais pour mon père. »

Ce qui voudrait dire que les prêtres de Sol avaient trahis leur propre divinité… mais pour quelle raison ? Le pouvoir peut-être ? Ou la folie ?

« Vu le peu de temps que nous avons tous les deux cette nuit, je vais t’enseigner les rituels qui, dans le cas présent, sont les plus importants. » poursuivit Umbra. « Nous allons aussi devoir apprendre à nous harmoniser et ça, ça ne sera pas une mince affaire… »

Sur ce point-là, Yuri n’allait pas le contredire mais vu les enjeux, il n’avait pas d’autres choix que de s’appliquer pour retenir tout ce qu’il n’avait pas pris la peine d’écouter dès le départ…

-§-

S’il disait qu’il avait passé une bonne nuit de sommeil, Flynn mentirait. Après avoir aidé Lucrèce à rejoindre sa chambre et avant d’aller se coucher, il avait préféré faire le tour du harem une dernière fois, vérifiant que rien n’avait bougé depuis sa dernière patrouille – il avait profité de la sieste de Yuri et du retour de Karol et de Repede pour bien inspecter les lieux durant l’après-midi, cela malgré la pluie qui n’avait cessé que peu avant la fin de sa patrouille. Si ce n’était qu’un changement du garde chargé de surveiller les portes du harem, il n’y avait rien eu à signaler… faisant qu’il se retrouva à repenser ce baiser… ou plutôt ces baisers.

Inconsciemment, il avait posé ses doigts sur ses lèvres, se remémorant les délicieuses sensations de ce contact intime, ce petit goût sucré qui correspondait très bien au favori et surtout, le fait qu’il n’avait pas détesté ça. Il n’était pas certain de ce que cela signifiait. Est-ce qu’il avait une attirance physique pour le Nyx dont la beauté l’avait plus d’une fois ébloui ou bien était-ce plus que ça ? Il n’avait pas le souvenir d’avoir ressenti quelque chose d’équivalent avec qui que ce soit auparavant…

Puis il se rappela ce que le capitaine Schwann lui avait précisé sur les sages nocturnes et que Lucrèce avait confirmé un peu plus tôt : en tant que représentants d’Umbra, ils avaient interdiction de se marier mais en revanche, rien ne leur interdisait de fonder une famille ou d’avoir des relations amoureuses, cela à la seule condition que leur impartialité ne puisse pas être remise en cause – son supérieur lui avait précisé que le prédécesseur de Yuri avait respecté cette règle en envoyant sa famille loin de Némésis et que ceux-ci vivaient toujours près de la frontière avec Hélios. Donc en théorie, s’il envisageait une relation avec le favori une fois que celui-ci aurait quitté le harem, cela serait possible…

Ses pensées continuèrent de le tourmenter dans ses rêves, lui faisant entrevoir ce qui aurait éventuellement pu se passer si le Nyx et lui étaient allés plus loin – cette image d’eux nus, collés l’un contre l’autre en train de s’embrasser avec ardeur risquait d’être très difficile à oublier – ainsi que les conséquences dramatiques que cela aurait eu s’ils avaient été découverts. Flynn s’était réveillé en sursaut à l’aube quand ses songes lui avaient montré sa propre exécution par décapitation, sa main se posant instinctivement sur sa gorge, là où le sabre aurait dû lui trancher la tête.

A l’exception de Repede, personne n’était réveillé dans le bâtiment des favoris, faisant que le soldat en avait profité pour aller se passer de l’eau sur le visage et marcher un peu. La chaleur revenait doucement au fur et à mesure que les teintes chaudes de l’aurore chassaient le ciel nocturne. Les pas du soldat l’amenèrent devant les grilles du bâtiment abandonné, lieu bien sinistre à cette heure-ci, et dont la vision lui rappela que le favori était toujours à l’intérieur.

L’hélien hésita un moment, se demandant s’il ne valait pas mieux qu’il attende la venue de son supérieur, avant de finir par escalader les grilles et se diriger vers cette lugubre construction… avant de s’arrêter à mi-chemin en sentant que les températures devenaient plus froides au fur et à mesure qu’il s’en approchait. Qu’est-ce que cela signifiait au juste ? Prudemment, il entra à l’intérieur… et fut frappé de plein fouet par le froid glacial et pénétrant qui y régnait. L’autre chose qui le surprit fut quand il entendit craquer sous son pied… et qu’il découvrit qu’il avait marché sur une espèce de couche blanche et étincelante semi-translucide.

« Q-Qui est là ? » lança Droite avant d’apparaître dans son champ de vision, ses bras serrés contre elle et claquant des dents. « C-C’est t-toi. C-C’est déj-jà le m-matin ? »

« A peine. » répondit-il en frottant ses mains contre ses bras pour tenter de se réchauffer et voyant qu’il faisait si froid que leurs souffles étaient visibles. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? »

« T-Tout s-s’est mis a-a gi-ivrer d-dans la n-nuit. J-J’ose m-même p-pas le t-toucher… »

… Le toucher ? Est-ce que c’était de Yuri dont elle parlait ? Le jeune homme se mit à le chercher frénétiquement du regard, sans succès, puis il s’avança dans une pièce voisine… et se figea quand il découvrit dans quel état était le favori : celui-ci était assis sur le sol en tailleur, les yeux fermés… sa peau bien plus blanche que d’ordinaire, ses lèvres bleues et son corps en partie recouvert de cette chose étincelante et semi-translucide. Ne voyant pas la poitrine de celui-ci montrer le moindre signe de respiration, le soldat voulut lui poser la main sur la nuque pour vérifier qu’il était bien vivant…

« Non ! » s’exclama une voix puissante en le tirant en arrière. « Si tu n’attends pas que le soleil se lève, tu risques de le tuer ! »

Flynn tourna la tête et fut surpris de découvrir que c’était le roi Thar qui l’avait stoppé. Mais d’où venait-il ?

« Rowen m’a proposé de me faire gagner du temps pour arriver ici via les passages secrets. » précisa le souverain en ôtant la cape aux tons clairs qu’il portait, dévoilant le fait qu’en dessous, il ne portait une tunique et un pagne clair. « Je voulais voir s’il avait réussi à contacter Umbra et il semblerait que ce soit le cas. Tout cet endroit est sous l’influence du dieu des ténèbres. »

« Est-ce qu’il… » commença le jeune homme, trahissant son inquiétude.

« Il est vivant mais son corps a été gelé, probablement parce que c’était sa première vraie prise de contact avec son dieu. »

D’un geste de la main, le maître d’Hélios indiqua à Droite de quitter les lieux, ce que celle-ci s’empressa de faire, ayant visiblement hâte d’aller se réchauffer. Une fois certain qu’elle n’était plus là, le roi Thar lui remit sa cape puis se plaça face à lui, permettant à Flynn de constater que son aîné n’était pas du tout apprêté, ses cheveux étant en bataille et aucun trait de khôl n’étant là pour souligner ce regard mordoré qui le fixait avec intensité.

« Comment cela se passe pour Lucrèce ? » le questionna le souverain sur un ton inquisiteur.

« Il était épuisé hier soir. » répondit le soldat sans détour. « Quand je l’ai ramené à sa chambre, il tenait à peine sur ses jambes. »

« C’était à prévoir. Autre chose : où es enterré ton père ? »

« A Spero, mon village natal. »

Depuis Aurum, il n’était pas très difficile de s’y rendre vu que c’était un des premiers villages que l’on croisait lorsque l’on remontait le fleuve en partant de la capitale – le jeune homme se demanda d’ailleurs comment se portait Sodia, n’ayant pas eu l’occasion de la voir depuis qu’il était entré en poste au sein du harem. Spero était au départ un village de paysans mais beaucoup, comme son père, avaient dû se reconvertir en mineurs dans les Dunes pour gagner de quoi vivre.

Le roi Thar avait hoché légèrement la tête en entendant sa réponse puis, soudain, le soldat vit le regard mordoré de cet homme s’illuminer un bref instant. Avait-il rêvé ? Il était pourtant certain d’être bien réveillé…

« Le soleil est là semble-t-il. » déclara le souverain en se tournant vers le corps gelé du Nyx. « Mets-toi derrière lui mais fait attention à ne pas le toucher tant qu’il ne bouge pas. »

Bien qu’intrigué, Flynn s’exécuta et s’accroupit derrière le favori tandis que le roi se plaçait en face de celui-ci avec un genou au sol – le jeune homme fut surpris en voyant que ce « givre » qui était au sol fondait autour du souverain, ne laissant que quelques gouttes d’eau qui s’évaporèrent en un instant. Le regard de son aîné se mit de nouveau à luire, cette fois-ci durant plusieurs secondes, puis le souverain prit une profonde inspiration avant de souffler sur le corps glacé de Yuri. Le soldat était étonné de sentir un air aussi chaud être expiré, faisant que s’il n’avait pas vu le Nyx basculer en arrière, il ne l’aurait pas rattrapé à temps. Ses yeux bleus se baissèrent sur le bel éphèbe en sentant que les habits de ce dernier étaient trempés, voyant ainsi que celui-ci avait une respiration lente et qu’il commençait à reprendre des couleurs.

« Il va rester endormi plusieurs heures le temps que son corps se remette de cette hibernation forcée. » expliqua le roi Thar tandis que le garde enroulait Yuri dans la cape pour ne pas qu’il prenne froid. « Par contre, il faudra bien s’assurer qu’il se réchauffe durant son sommeil. »

« Comment avez-vous… » commença Flynn en levant la tête vers le souverain, abasourdi par ce qu’il venait de voir. « Vous saviez que cela allait se produire ? »

« Je l’ai supposé en me basant sur ce que j’avais moi-même expérimenté avec Sol. Umbra et lui sont des divinités très puissantes donc en devenir le réceptacle nécessite une certaine préparation si l’on ne tient pas à y laisser la vie, surtout avec Sol. »

Ce qu’il avait… Mais bien sûr : le roi Thar était l’actuel réceptacle de Sol. Il aurait dû le comprendre plus tôt. Sauf que si c’était le cas…

« Si tu te demande pourquoi je ne laisse pas ma place à Sol pour qu’il dise le fond de sa pensée à Garista, saches que bien que l’envie ne me manque pas, cela m’est impossible. » déclara le souverain en se relevant. « Depuis que ce bâtiment a brûlé, le dieu d’Hélios et moi-même ne sommes plus en phase. Mon frère a été contraint de bloquer mon lien avec la divinité car suite à l’incendie, j’ai développé une peur du feu. »

« Sauf que vous pouvez toujours utiliser les pouvoirs de Sol… » souligna le jeune homme, intrigué.

« Je reste son réceptacle, cela même si ses interventions auprès de moi se résument le plus souvent à observer ce qu’il se passe en Hélios et à me donner son avis quand il n’est pas de mauvaise humeur. Si je voulais être séparé de lui, il faudrait que je meure ou qu’on lui désigne un autre réceptacle. »

Vu la façon dont ce regard mordoré s’était mis à le fixer, Flynn devina que leur conversation était terminée, cela bien que d’autres questions lui brûlaient la langue. Le soldat regarda le souverain partir rapidement par ce qui était manifestement un passage secret puis il se débrouilla pour caler au mieux Yuri contre lui avant de le porter dans ses bras. Il réussi sans souci à le sortir du bâtiment, retrouvant des températures normales ainsi que Droite qui l’attendait près des grilles ouvertes avec le capitaine Schwann. Personne ne fit de commentaire quand ils virent l’état du favori et, calmement, il avait ramené ce dernier dans sa chambre où Karol, à moitié réveillé, se hâta d’aller chercher de quoi le réchauffer.

Après cela, le jeune homme était resté à surveiller le Nyx pendant que le serviteur s’occupait de Lucrèce qui était retourné aux bains régénérer Cyan et que la jeune femme était allée dormir dans la chambre de l’érudit – ce dernier n’y voyait aucune objection tant qu’elle ne touchait pas à ses affaires. Repede s’était allongé contre son maître pour aider à le réchauffer mais quand le garde constata que le bel éphèbe était toujours glacé, il dut se résoudre à s’allonger aux côté de ce dernier jusqu’à la fin de la matinée – bien qu’il voyait très bien que le favori respirait, il restait inquiet car celui-ci ne bougeait pas d’un millimètre, faisant qu’il restait très attentif à son état. Ce ne fut que vers midi qu’il vit que le jeune homme aux cheveux de jais pliait par moment ses doigts dans son sommeil, ce qu’il jugea comment étant un bon signe.

Flynn avait enfin été rassuré dans l’après-midi quand il avait posé sa main sur le front de Yuri et que celui-ci avait légèrement gémit face à ce contact, sa température corporelle étant enfin revenue à la normale. Laissant le favori sous la garde du chien borgne, l’hélien était allé rejoindre Lucrèce qui mangeait avec Karol et Droite – l’érudit était encore plus fatigué que la veille au soir et cette fois, ils avaient tous insisté pour qu’il se repose un peu, Cyan, visiblement revigoré, ayant précisé qu’il pouvait à présent se passer de lui le temps qu’ils rejoignent le Neilos. Quand il eut de nouveau monté le favori taciturne dans ses appartements, le soldat entreprit de faire le tour du harem en commençant par la chambre du Nyx – celui-ci était toujours profondément endormi et il eut du mal à ne pas admirer l’air paisible qu’il avait, se retenant de justesse de lui remettre en place une mèche de cheveux lui barrant le visage.

Comme la nouvelle lune était pour ce soir, le jeune homme décida d’être minutieux et de bien inspecter les lieux, débutant par la partie réservée aux favoris – il s’attarda longuement sur les bains, seul pièce où il était possible de se retrancher, notant que le jeune serviteur avait visiblement tout préparé pour bloquer les portes. Il vérifia ensuite le bâtiment abandonné dont il dut escalader les grilles – le capitaine Schwann les avaient verrouillées ce matin – mais rien n’avait été bougé et l’instabilité potentielle du lieu ne l’encourageait pas à poursuivre son inspection – un léger grincement l’avait intrigué mais quand il vit une pierre tomber à un mètre de lui, il jugea préférable de ne pas continuer.

Flynn s’apprêtait à aller vérifier le dernier bâtiment du harem avant de retourner veiller sur Yuri, et éventuellement se préparer à devoir le déplacer, quand il nota que la porte du harem était entrouverte. Les ordres du roi lui interdisaient de sortir mais il ne lui était pas interdit de vérifier si le garde qui était censé être entre les deux portes était à son poste… et il constata vite que celui-ci manquait à l’appel.

« Qu’est-ce… » murmura-t-il avant de baisser les yeux, notant au sol la présence d’une pièce d’or qui n’était pas censée se trouver ici.

Le sang de l’hélien se glaça : si la personne chargée de surveiller les allées et venues n’était plus ici, alors n’importe qui pouvait entrer ici et Yuri risquait de…

Soudain, un son fit se retourner le soldat en direction de la cour du harem, celle normalement occupée par les pensionnaires qui n’étaient pas les favoris du roi, et il ne tarda pas à voir une silhouette colorée qui n’avait rien à faire ici : Orpin était revenu et celui-ci le fixait d’un air… étrange. Flynn allait lui demander ce qu’il faisait ici quand le favori imprévisible se faufila dans une pièce du bâtiment, obligeant le garde à vite prendre une décision : aller chercher de l’aide ou lui mettre la main dessus tant qu’il ne pouvait pas s’échapper.

Il opta pour la deuxième solution et le suivit dans ce qu’il se doutait être une chambre… mais à peine avait-il passé la porte pour coincer Orpin qu’il reçut un coup violent derrière la tête et s’écroula au sol, à moitié assommé. La dernière chose qu’il vit avant de perdre connaissance fut l’étrange jeune homme qui vida le contenu d’une fiole sur un linge blanc avant de le lui plaquer contre le visage…

-§-

Toute la nuit, il l’avait passée à s’entrainer avec Umbra pour mieux s’accorder avec le dieu quand celui-ci prenait possession de son corps et revoir en accéléré tout ce qu’il devait savoir pour occuper sa fonction de sage nocturne – la divinité avait jugé plus urgent qu’il apprenne le rituel de passation afin que le prochain dirigeant des Nyx puisse régner sur le peuple de la nuit en toute légitimité. C’était éreintant mais cela en valait la peine et lui permettait de détourner son esprit de son attirance pour Flynn qui le dérangeait au plus haut point – heureusement, ce dieu pervers n’était pas d’humeur à le déconcentrer avec des allusions sur leur relation, ce qui l’avait bien arrangé.

Ce devait être l’après-midi quand il se réveilla dans sa chambre, probablement transporté jusque dans son lit par le soldat pour éviter qu’il ne dorme sur le sol froid et sinistre du bâtiment abandonné. Il chercha d’ailleurs celui-ci du regard, s’attendant à le voir, comme souvent, adossé contre un mur pour être le mieux placé possible pour surveiller les lieux mais, étrangement, il était absent…

Un peu déconcerté, il se leva en baillant et tourna son regard vers Repede, le seul autre être vivant qui était avec lui et qui, visiblement, montait la garde, signe qu’ils étaient probablement seuls dans les parages – logiquement, Lucrèce devait être retourné dans les bains pour continuer de régénérer Cyan et Karol avait certainement dû aller chercher de quoi s’occuper.

« Ça fait longtemps que je dors ? » demanda-t-il à son ami canin avant de le rejoindre pour observer le ciel, constatant que le bleu de celui-ci avait commencé à prendre les teintes chaudes du couchant, signe que le soleil était très proche des Dunes. « Apparemment oui… »

Il jeta un autre coup d’œil dans sa chambre, repérant une assiette de dattes dans laquelle il commença à piocher… lorsqu’il eut une drôle de sensation. Il crut avoir rêvé mais quand Repede se mit à grogner et qu’il ressentit à nouveau cela, il sut que quelque chose n’allait pas… Des pas précipités se firent entendre puis Karol arriva en courant dans la pièce, complètement essoufflé.

« Yuri… » commença le jeune serviteur en reprenant difficilement son souffle. « Y a… un problème… »

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda le favori en se mettant vite au même niveau que son ami.

« Droite… a vu Flynn… se faire attraper par des types… Elle pouvait pas… intervenir… Ils l’ont… emmené… hors du harem. »

Le Nyx sentit son sang se glacer en entendant cela. Pourquoi enlever le soldat ? Cela n’avait absolument aucun sens ! Il n’y avait rien le concernant qui justifiait un tel acte… n’est-ce pas ?

Retrouve-le, tout de suite !

La voix d’Umbra résonna dans sa tête et vu le ton employé, le dieu des ténèbres était encore moins calme que lui. Seulement, comment pouvait-il lui parler alors qu’il faisait encore jour ? Etait-ce parce que le crépuscule avait débuté ? Mais dans ce cas…

Ne reste pas planté là ou bien il sera mort quand on le trouvera !

« Restez-ici tous les deux. » dit Yuri en partant le plus vite possible en direction de la sortie du harem. « Et qu’est-ce que tu veux dire par là dieu pervers ? »

Tu vas bientôt le découvrir… Et prend le passage vers la salle du trône !

Sans chercher à comprendre, le Nyx s’exécuta et fonça vers le bâtiment abandonné. A peine arrivé devant celui-ci, il ne perdit pas de temps et escalada les grilles pour se laisser tomber avec souplesse de l’autre côté avant de reprendre sa course. Droite l’interpella mais il était pressé et il lui dit de rester où elle était avant d’entrer dans le passage secret puis de prendre à droite en direction de la salle du trône.

Alors qu’il était presque arrivé au bout, cette sensation étrange revint, suivie d’une soudaine montée de température… et quelques secondes après, ses oreilles perçurent un cri déchirant qui lui fit froid dans le dos.

-§-

Il était en plein entretien privé avec le roi pour l’informer des mesures prises pour cette nuit quand ils entendirent cet horrible cri résonner dans le palais. Raven sentit son sang ne faire qu’un tour et il partit immédiatement vers l’origine de ce son, suivant son souverain qui courait en direction de la salle du trône, une épée à la main – l’espion avait attrapé son arc et son carquois de sorte à pouvoir protéger son maître le plus efficacement possible.

La première chose qui lui vint en tête était une attaque de l’Alliance de Sang mais le fait que ce soit le crépuscule balayait cette hypothèse car tant que le soleil était présent dans le ciel, les Nyx ne bénéficiaient d’aucun avantage – une nuit noire leur était plus profitable car il était quasi impossible de les voir venir.

Une fois arrivés devant les portes, l’absence de gardes lui parut immédiatement suspecte… ainsi que la chaleur étouffante qui émanait des lieux. D’un geste, le roi Thar le dissuada de toucher les panneaux en bois sculptés et tous deux reculèrent pour ensuite donner un grand coup de pied dans les portes, les ouvrant brutalement… pour découvrir l’origine de tout cela.

Ils étaient arrivés près du trône du roi d’Hélios, surélevé par deux marches afin que celui qui y était assis puisse être au-dessus du peuple quand il recevait celui-ci dans cette salle qui était une des plus vastes du palais. Des ouvertures du côté des plus grandes portes et du plafond permettaient au soleil de pénétrer, permettant ainsi au soleil couchant de leur montrer Garista ainsi que des prêtres de Sol qui semblaient en pleine cérémonie… autour d’une personne se faisant dévorer par des flammes dorées et qui hurlait de douleur. En apercevant une mèche d’une teinte blonde qu’il connaissait pour l’avoir vue plusieurs fois, il ne mit pas longtemps à comprendre que celui qui subissait ce supplice n’était autre que Flynn.

« Ils ont osé invoquer Sol… » fit le roi Thar d’une voix blanche. « Nous sommes perdus. »

Raven fixa avec horreur son souverain, ce dernier étant comme figé sur place. S’il disait vrai, alors un arc et des flèches ne pouvaient rien pour le stopper.

Son regard se baissa vers le sol de marbre clair sur lequel il remarqua des symboles suspects qui avaient été tracés au fusain et qui semblaient entourer la divinité, plus comme une sorte de prison qu’autre chose. Sa supposition se confirma quand il vit que Sol tentait de s’échapper, sans succès à cause de ce cercle d’écriture et des prêtres qui ne cessaient de psalmodier des incantations. Seulement, vu les gouttes de sang ardent qui commençaient à tomber, il y avait de fortes chances que ce rituel soit fatal à Flynn s’il n’était pas stoppé au plus vite.

A peine eut-il pensé cela qu’un craquement sinistre retentit, suivi de la chute de l’un des prêtres… due à Yuri qui, manifestement, venait de lui briser la nuque, le tuant sur le coup et attirant sur lui l’attention de Garista.

« Attaque-le. » ordonna le sorcier solaire sur un ton glacial.

Les symboles au sol émirent une lueur sinistre, arrachant un cri de douleur à celui qui en était prisonnier. Contraint et forcé, Sol se tourna vers le favori alors que celui-ci venait de poignarder un second prêtre et il créa une boule de feu ardente dans sa main.

« Umbra… » fit une voix rocailleuse dont la souffrance était plus que perceptible.

D’un geste, il lança la boule de feu vers sa cible qui l’évita mais qui, à la place, brûla vif l’un des prêtres présents. Raven détacha ses yeux de la scène… pour réaliser que Garista avait disparu et que le roi était toujours figé sur place, faisant qu’il était à présent le seul à pouvoir aider le Nyx à interrompre cette invocation.

Yuri ne pouvant plus s’occuper de neutraliser ceux qui maintenaient cette prison magique, l’espion s’en chargea et, rapidement il prit une flèche dans son carquois et banda son arc, fichant le projectile droit dans la gorge de sa cible la plus proche. Il réitéra son geste, tenant compte de ses mains qui devenaient moites avec cette chaleur étouffante, le tout en gardant un œil attentif sur le combat inégal entre le favori et Sol qui pouvait à tout instant très mal se finir.

Soudain, une gerbe de flammes sortit dans l’angle mort du Nyx et celui-ci sauta vite sur le côté pour l’éviter… mais hurla de douleur quand une boule de feu toucha son avant-bras, lui faisant lâcher son arme et le forçant à s’arrêter durant quelques secondes. Ce moment d’immobilité coûta cher au favori car Sol vint le rejoindre et, profitant que la souffrance de Yuri l’avait déconcentré, il lui attrapa la nuque d’une main ardente, faisant crier sa victime qui tenta de se libérer. Raven tenta de l’aider en tirant une flèche sur le dieu solaire mais celle-ci fut réduite en cendres avant de toucher sa cible, ne laissant que peu de chances de survie à cette dernière.

« EHCAL-IOM ! »

Un puissant souffle glacial balaya la pièce, éteignant les flammes du cercle et atténuant fortement celles de la divinité solaire. L’archer dut se protéger un instant les yeux et, quand le vent se calma, il réalisa que le soleil ne brillait plus… et qu’Umbra avait pris possession de Yuri. Les yeux rouges du dieu de la nuit brillaient avec force tandis que sa longue chevelure noire prit vie, chaque mèche bougeant comme bon lui semblait avant de s’allonger subitement prenant de court les derniers prêtres qui se firent étrangler par certaines d’entre elles tandis que les autres s’enroulaient autour de Sol.

« Um… bra… »

« Sec sreimuf tnov reyap ruop t’ riova tiaf aç… »

Les ténèbres s’épaississaient à toute allure, cela au point que la dernière chose que Raven vit fut le regard rouge d’Umbra avant que toute lumière présente ne disparaisse, laissant un noir glaçant autour d’eux – l’espion frissonnait, sentant que les températures avaient brutalement chutées – puis un silence angoissant, comme s’il n’y avait plus rien d’autre que le néant qui avait tout englouti.

Après ce qui leur parut être un long moment, les ombres se dissipèrent progressivement… révélant les corps des prêtres tués un à un – l’archer reconnut aisément ceux qui avaient succombés à ses flèches ainsi que ceux que le dieu de la nuit avaient éliminés, ces derniers étant morts dans un cri étranglé en se tenant la gorge. Cependant, deux d’entre eux avaient leurs toges qui avaient disparues et la raison de cela s’expliqua quand les dernières ténèbres eurent disparues, révélant Yuri, ses vêtements en partie brûlés par endroits, assit sur le sol, tenant fermement contre lui un corps, certainement celui de Flynn, enveloppé dans des tissus et dont on ne voyait que le bas du visage gravement brûlé ainsi qu’une main dans un état similaire. Le Nyx tremblait comme une feuille, des larmes coulants le long de ses joues et murmurant quelque chose qu’il ne parvenait pas à entendre. Le regard anthracite était encore en partie rouge, signe qu’Umbra était toujours là, et, en s’approchant, Raven comprit pourquoi : des ténèbres étaient encore présentes là où le favori avait reçu les attaques de Sol et quand celle-ci se dissipèrent, aucune brûlure grave n’était visible mais des cicatrices montraient bien que la peau avait souffert à ces endroits précis.

L’espion s’apprêtait à écarter Yuri de ce carnage mais ses yeux notèrent un léger mouvement, presque imperceptible, sous ces tissus. Il eut un instant de doute, pensant l’avoir imaginé, mais en voyant cela se reproduire, il se demanda par quel miracle c’était possible : Flynn était encore vivant.


NB : (il semblerait que l’auteur de cette fic se soit volatilisée… Les derniers témoins disent l’avoir aperçue vêtue d’un trench et d’un fedora rouge à la gare de…)

En Noir

Nov. 2nd, 2018 03:52 pm
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Fluri Fortnight – Formal Wear

Titre : En Noir

Disclaimer : TOV ne m'appartient pas

Note : Texte court pour le Fortnight. Mes excuses pour ma façon de traiter ce thème mais ma première idée ne me plaisait pas et j'ai pris la seconde…


Le choix avait été fait pour ce moment : une tenue intégralement noire qui collait le mieux avec ses goûts et aux convenances. Cela faisait un moment que ce costume trainait au fond d'un placard et cette occasion était la bonne pour le sortir de là. Une chemise noire et une cravate sombre qu'il n'avait jamais portée avaient été choisies pour compléter l'ensemble, donnant un ensemble chic et sobre à la fois qui faisait qu'il ne détonnait pas par rapport au reste des invités. Ses cheveux auraient pu être noués en catogan mais cela n'aurait en rien collé avec ce qu'il était…

Peu importe tout ce qui avait pu être dit, Yuri avait toujours eu une certaine classe quand il faisait l'effort de porter des tenues habillées, cela même s'il avait toujours haï cela. Après tout, il avait toujours été un grand adepte des chemises mal fermées, des jeans slim déchirés aux genoux et de t-shirts divers et variés. Il avait aussi une vieille veste en cuir qu'il gardait précieusement et qu'il ne mettait que les week-ends pour sortir mais celle-ci avait souffert dernièrement, au point qu'elle n'était plus portable.

Pour Flynn, c'était étrange de ne pas le voir porter une tenue décontractée mais pour ce genre d'évènement, il était mieux de respecter les convenances… même si la pilule restait dure à avaler.

La main de Judith sur son épaule suffit à le sortir de ses pensées, le ramenant à cette réalité qu'était cette mise en bière et dont il aurait aimé s'évader plus longtemps, refusant encore d'admettre que devant ses yeux se trouvait le corps de son meilleur ami, décédé dans un accident de la route après avoir été percuté par un chauffard ivre, placé dans un cercueil ouvert afin que la famille puisse se recueillir une dernière fois avant qu'il ne soit scellé pour la cérémonie.

Pourquoi ne l'avait-il pas dissuadé de sortir ce soir-là ? Cette question tournait en boucle dans son crâne depuis qu'il avait été prévenu de l'accident puis que le décès fut prononcé quelques heures plus tard.

Si Judith et Sodia ne s'étaient pas proposées pour l'aider, jamais il n'aurait eu la force d'organiser des funérailles et de contacter tous leurs amis, Yuri n'ayant plus de famille depuis très longtemps. Pour cette raison, elles étaient restées à ses côtés et elles ne comptaient pas l'abandonner de si tôt.

En entendant des bruits venant d'une pièce voisine, Flynn su que cet instant de recueillement allait toucher à sa fin et il prit sur lui pour y mettre un terme et sortir du funérarium… avant de finir par craquer dans la voiture de Judith, les larmes de douleur coulant sur ses joues en pensant à l'injustice qu'était la mort de son meilleur ami…


NB : De mémoire, je crois que je n'avais jamais osé tuer Yuri… Maintenant c'est fait.

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 Fluri Fortnight – Octobre 31/Novembre 1er : Halloween

Note : A l'origine, je devais poster cela l'année dernière pour le Fluristelle Month. Or, je n'ai pas pu le terminer faute de temps et d'idées donc c'est resté dans mes dossiers jusqu'à ce que je le ressorte pour le réécrire un peu afin de le caser pour le Fluri Forthnight de cette année. Donc mes excuses pour cette longue attente…


 

Quelques secondes après que Yuri ait perdu connaissance, Flynn avait cru que son monde s'était à nouveau effondré, cela jusqu'à ce qu'il comprenne que son aimé était toujours vivant et qu'il avait besoin de son aide. Le ramener au manoir Blackwood était donc urgent car c'était le seul endroit où des fantômes errants n'oseraient jamais pénétrer… et si jamais ils essayaient, ils n'allaient pas tarder à goûter à un sacré comité d'accueil.

Le souci était qu'ils étaient la nuit d'Halloween, soit une des plus chargées pour un Faucheur comme lui à cause de ces fameux esprits qui étaient plus actifs que d'ordinaire tant que le soleil n'était pas visible et aussi à cause de ceux qui manquaient de prudence durant cette fête, causant leur propre mort ou celles de personnes qui auraient dû pouvoir vivre encore de belles et longues années. Avec Sodia qui était elle aussi dans un état inquiétant, ça signifiait qu'il se devait de les tenir éloignés loin de l'autre afin d'éviter toute mauvaise surprise le moment où il sera contraint d'aller accomplir sa macabre besogne… ce qui risquait de ne pas tarder vu le sifflement qu'il commençait à percevoir et qu'il n'avait pas intérêt à ignorer trop longtemps s'il ne souhaitait pas en payer le prix.

—Retrouvez-moi tous au manoir avec Sodia, ordonna le Faucheur en serrant Yuri contre lui. Patty, tu garderas un œil sur elle à tour de rôle avec Judith et vous vous assurerez qu'elle ne quittera pas sa chambre sans mon accord.

—Compris nanoja, dit l'adolescente avec gravité, celle-ci comprenant très bien pourquoi leur camarade devait être isolée.

—Je prendrai le premier tour de garde, ajouta Judith tandis que Karol l'aidait à placer Sodia sur son dos.

—Merci.

Après cela, Flynn avait usé de sa magie pour le ramener lui et Yuri au manoir, plaçant vite le jeune homme entre les mains de Rita pour qu'elle use de ses capacités afin de neutraliser le poison, ce qu'elle fit avec brio – c'était loin d'être la première fois qu'elle soignait quelqu'un ayant été victime d'un fantôme d'une victime d'empoisonnement donc elle savait très bien ce qu'elle faisait, étant le seul type d'esprit capable de neutraliser les effets de ce poison qui agissait par simple contact physique. Elle était ensuite vite allée s'occuper de Sodia, le laissant seul avec celui qui risquait fort d'être leur invité pour un bon moment.

Le manoir Blackwood comptait quatre chambres au premier étage et au deuxième, des chambres de bonnes se trouvant sous les toits. Si le Faucheur s'était installé dans celle de feu Robert Blackwood, la chambre d'amis était à présent celle d'Estellise et de Rita tandis que les chambres de bonnes étaient normalement occupées par les autres fantômes – souvent, Patty préférait élire domicile dans l'abri de jardin pour permettre à Sodia et à Judith d'avoir plus d'espace. Une des chambres du premier étage était un bureau et la dernière, qu'il s'était toujours refusé à toucher, était celle de Lilith.

En toute logique, Flynn avait installé Yuri dans cette pièce, la seule de la demeure qu'il avait laissée dans son état d'origine et où, sauf certaines exceptions comme le ménage, les fantômes n'avaient pas le droit d'aller. Les tapisseries d'un rouge profond avaient un peu vieillies, tout comme les rideaux qui s'étaient décolorés avec la lumière du soleil, mais la coiffeuse était toujours présente tout comme cette armoire en bois sombre, sa commode assortie et le grand lit qui était d'une étonnante simplicité comparé au reste du mobilier qui était plus ouvragé. Le contenu de l'armoire et de la commode était toujours le même depuis cette nuit fatidique, faisant qu'il allait certainement devoir envoyer Raven et Karol chez le jeune homme pour qu'ils récupèrent au plus vite ses affaires…

Durant cette nuit, il dut s'absenter à plusieurs reprises, le contraignant à laisser Yuri sous la surveillance de Repede et d'Estellise avec pour instruction de le prévenir dès qu'il se réveillerait ou que son état changeait – Rita n'avait rien pu faire contre sa fièvre et avait besoin de plus de temps pour essayer de déterminer ce qu'il lui arrivait au juste. Il avait envisagé d'aller demander à d'autres faucheurs ce qu'il se passait exactement mais suite aux évènements de cette nuit d'Halloween, il était à présent extrêmement suspicieux concernant ses confrères et ne leur faisait plus confiance car pour contrôler une telle quantité de fantômes à la fois, il n'y avait qu'un émissaire de la Mort pour y parvenir. Il n'en était pas certain mais il pensait de plus en plus que Lilith avait bel et bien été tuée par un faucheur, ce qui expliquerait qu'il n'ait jamais pu trouver son âme sur place. Seulement, pourquoi la réincarnation ? C'était insensé…

—Des nouvelles ? demanda-t-il à l'érudite une fois de retour vers quatre heures du matin.

—Quoiqu'il lui arrive, je peux certifier que ce n'est pas contagieux, répondit-elle, ce qui sous-entendait certainement que Karol ou Raven avaient dû être mis à contribution contre leur gré à un moment donné. En revanche, l'anneau est bizarre…

A peine a-t-elle dit cela qu'elle désigna la main gauche de Yuri… ou l'on pouvait nettement voir l'alliance briller par intermittence. C'était la première fois qu'il voyait ça…

—Estelle a parcouru les bouquins que le Faucheur qui t'as servit de témoin de mariage t'avait offert, poursuivit Rita. Apparemment, il se peut qu'il soit en train de chercher à rejeter l'anneau mais le hic, c'est que s'il le fait maintenant…

—Sa vie sera à nouveau en danger, compléta Flynn en voyant la mine grave de l'adolescente. Il faudrait savoir exactement ce qu'il se passe dans son esprit.

Et chance, il avait une bonne idée de comment faire cela…

Durant son temps libre, Flynn avait passé de longues heures à étudier de vieux écrits concernant les Faucheurs et, surtout, ceux qui avaient été mariés à des mortels. Suite à ce qu'il avait pu lire de l'expérience de l'un d'entre eux, il avait décidé qu'il était temps de tenter quelque chose qu'il n'avait jamais voulu essayer avant aujourd'hui : entrer dans les songes de Yuri grâce au lien entre les anneaux. L'idée le dérangeait un peu car les rêves étaient quelque chose d'assez… intime mais s'il voulait savoir comment se portait réellement son ami, c'était la solution la plus efficace. Qui plus est, il avait peut-être une chance de trouver un indice sur l'identité de l'assassin de sa compagne.

Après avoir congédié Rita, il s'allongea aux côtés de son ami, joignit leurs mains gauches puis ferma les yeux, se laissant emporter par le sommeil. En ouvrant les yeux, il était toujours dans le manoir… mais vu l'état des lieux, durant le XIXème siècle.

La chambre de Lilith était en désordre, ce qui était son état normal quand la maîtresse des lieux était vivante – le Faucheur avait eu pas mal de disputes avec elle à ce sujet avant de comprendre que cela ne servait à rien et qu'il valait mieux qu'il range lui-même s'il voulait que ce soit fait un jour. Le lit était jonché de vêtements qui avaient vraisemblablement été sortis de l'armoire et jetés à cet endroit vu que certains avaient dû glisser par terre. Fouillant parmi ses placards, Lilith était manifestement en train d'essayer de déterminer ce qu'elle allait mettre ce jour et n'était actuellement vêtue que d'une chemise légère blanche et d'un pantalon de lingerie qui était généralement porté sous une robe. Ses cheveux de jais étaient plus ou moins maintenus en un chignon approximatif mais une mèche venait régulièrement lui chatouiller le nez, faisant qu'elle soufflait à chaque fois sur celle-ci pour la chasser – il mourrait d'envie d'aller lui placer cette mèche derrière son oreille, cela afin d'en profiter pour caresser son visage et voir ses beaux yeux se tourner vers lui.

Soudain, des coups violents retentirent à la porte de sa chambre… bloquée par une chaise afin d'empêcher quiconque d'entrer.

—Elisabeth ! tonna sa tante en tentant, sans succès, de pénétrer dans la pièce. Ouvrez cette porte !

—Je suis occupée ! répliqua la jeune femme en jetant un chapeau dans le coin où Repede dormait.

La scène continua de se dérouler sous les yeux de Flynn, reconnaissant un épisode que lui avait conté sa compagne lors de leurs nombreuses discussions. Lady Greed tenait à ce que sa nièce adopte les dernière modes, notamment celles de la période victorienne où les robes des femmes étaient assez chargées. Seulement, Lilith détestait porter des jupons et, surtout, des corsets, faisant qu'elle avait sciemment détruits chacun d'eux, s'attirant les foudres de sa parente qui finit par abandonner à force de voir l'obstination de la jeune femme à saccager tous les vêtements qu'elle lui apportait.

En voyant ce moment du passé recommencer du début, le Faucheur eut des soupçons puis, afin de comprendre ce qui était en train de se passer, il changea de pièce afin de vérifier son hypothèse, se rendant dans le petit salon qu'il connaissait si bien. Là, un autre évènement du passé s'y déroulait : une après-midi calme entre Estellise et sa compagne. Celle-ci était en train de jouer Lettre à Elise pour son amie qui semblait en savourer chaque note. Il vit, sur la table basse, deux tasses de thé ainsi qu'un ruban vert anis dont il se rappelait assez bien, faisant que vers la fin du morceau, il se décala… et laissa la place à sa version de lui-même de l'époque, habillé en peintre et subjugué par la musique que Lilith jouait sur son piano.

Il en était certain à présent : à tous les coups, Yuri rêvait de toute sa vie antérieure, revoyant tout ce qu'avait vécu Elisabeth Blackwood. Par contre, cela ne lui disait pas où il pouvait bien être…

Sans perdre de temps, il visita toutes les pièces du manoir, faisant face à bon nombre de souvenirs qu'il avait ou non partagé avec sa compagne – il eut le rouge aux joues en entrant dans sa chambre et en tombant pile sur ce qui devait correspondre à leur nuit de noces vu qu'il n'y avait aucun signe des vêtements de la jeune femme dans la pièce. Une fois le tour de la demeure faite, il en conclut que son ami ne s'y trouvait point et continua donc dans le jardin.

Derrière le manoir, il y avait un pommier que feu Robert Blackwood avait planté quelques années avant qu'il ait recueillit sa petite fille et celui-ci avait pris de l'ampleur au fil des ans, faisant que, une fois, le Faucheur s'était endormi dessous suite à une journée qui l'avait pas mal épuisé au niveau émotionnel. Seulement, Lilith avait aussi choisi ce jour précis pour grimper dans cet arbre afin d'en cueillir les fruits pour préparer des desserts et elle avait tellement agité les branches qu'une des pommes était tombée sur sa tête, le réveillant brutalement et déclenchant une bonne série de piques verbales entre eux qui s'acheva quand sa compagne tomba de l'arbre et qu'il servit à amortir sa chute.

Alors qu'il repensait à cela, Flynn reçut quelque chose derrière la tête, lui arrachant un « Aïe ! » de douleur. Il baissa les yeux et vit que c'était une pomme bien rouge qui était la coupable. Cependant, il n'était pas sous l'arbre donc comment était-ce possible ?

Un autre fruit se cogna contre son crâne et il se tourna pour en esquiver un troisième de justesse. En levant les yeux vers la cabane servant d'abri de jardin, il réalisa que, assit sur le toit avec une pomme dans la main, il y avait Yuri qui le fixait avec méfiance, visiblement prêt à lui envoyer un autre projectile.

—Tu comptais me dire un jour la vérité j'espère ? lui demanda son ami qui semblait de mauvaise humeur. Parce que j'avoue que là, j'ai bien envie de t'en coller une !

Il devait admettre que celle-là, il l'avait méritée… et vu la situation, il n'avait plus aucun intérêt à lui mentir, même s'il se doutait que, vu leurs caractères respectifs, il y avait un risque non nul qu'ils en viennent aux mains – par principe, il détestait frapper quelqu'un qui était sans défense mais il avait déjà pu constater que Lilith avait un très bon crochet du gauche, un détail qui n'avait pas dû changer…

—J'avais peur que tu te fasses tuer de nouveau, répondit Flynn en se massant l'arrière du crâne. Qui plus est, tu avais ta propre vie donc je ne voulais pas t'imposer quoique ce soit…

—Ah oui ? répliqua Yuri, clairement suspicieux. Alors pourquoi tu es resté dans les parages ? Pour m'espionner ?

—Dois-je te rappeler que l'anneau à ta main n'est pas sans danger ?

A cette remarque, Yuri grogna et jeta un œil au bijou en question. Il le fixa quelques secondes avant de jeter une pomme sur le Faucheur qui, cette fois-ci, la rattrapa avant qu'elle n'atteigne sa cible.

—Je suis désolé pour tout cela, dit Flynn en se dirigeant vers l'échelle contre la cabane. Je m'inquiétais pour toi et je refusais de te perdre à nouveau…

—A raison faut croire, grommela son ami avant de froncer les sourcils. Soit je n'avais pas de chance, soit quelqu'un ne devait pas vouloir que je retrouve les souvenirs d'une vie antérieure…

D'un pas vif, il monta les barreaux de l'échelle puis une fois en haut, il s'assit à côté de son ami, son regard azur admirant la vue qui leur était offerte sur les lilas aux tons blancs et violacées.

—Pendant des années, j'ai mené mon enquête mais jamais je n'avais envisagé que le coupable de ton meurtre pourrait être autre chose qu'un humain, admit le Faucheur en grinçant des dents. Si j'avais seulement pris cela en compte…

—Ca aurait été pire Flynn.

Les yeux anthracite de Yuri étaient à présent plantés dans les siens et le fixait avec intensité.

—… Il m'aurait tué pour me faire taire, conclut le Faucheur en se remémorant ce fameux soir où son bonheur avait volé en éclats. S'il est ce que je pense qu'il est, il n'aurait pas hésité. Mais s'il t'a tué, comment a-t-il fait pour cacher cela ? Un faucheur ne doit pas tuer d'humain…

—Si je me souvenais de ce jour-là, ce serait possible mais va comprendre pourquoi, c'est le seul souvenir auquel je n'ai pas accès, lui déclara son ami, contrarié. Si on excepte bien sûr cette scène que j'ai vue sans cesse…

Ce rêve étrange qu'il faisait depuis pas mal de temps… Sauf que, en se souvenant des descriptions faites, une incohérence le frappa : si Lilith était morte à ce moment-là, comment Yuri pourrait voir son cadavre vu qu'il était sa réincarnation ? Ce n'était pas logique, tout comme le fait que, dans ce songe, le piano s'obstinait à jouer le troisième mouvement de la sonate Clair de lune, celui qui avait toujours posé des difficultés à sa compagne mais dont elle jouait admirablement bien quand elle était sous le coup d'une émotion forte…

D'ailleurs, de quoi se souvenait-il de ce fameux 31 octobre ? Beaucoup de choses vu qu'à chaque fois qu'Halloween approchait, il se repassait en boucle ce jour fatidique pour essayer de comprendre pourquoi cela s'était terminé ainsi…

—… Et si je te montrais ce dont je me rappelle ? proposa le Faucheur. Cela doit être possible vu où nous sommes à la fois physiquement et psychiquement…

—… Le manoir existe toujours, en conclut Yuri avec un sourire en coin. Tu l'as donc gardé ? Durant toutes ces années ?

—Je n'ai jamais eu le cœur de m'en séparer. J'ai dû y faire quelques modifications et rénovations avec le temps, comme revoir l'installation électrique ou bien planter un nouveau pommier suite à un accident avec l'ancien mais dans sa globalité, ton ancienne maison n'a quasiment pas changée.

Face aux avancées technologiques et aux effets du temps qui passe, Flynn avait fait au mieux pour limiter les gros travaux, se concentrant uniquement sur ceux qui étaient nécessaires comme la plomberie, l'électricité et l'isolation du toit – les murs du manoir étaient suffisamment épais pour garder la fraicheur en été et la chaleur en hiver, ce qui lui avait bien rendu service à l'époque. S'il n'avait pas touché aux portes qui avaient étonnamment bien vieillies, il avait été contraint de faire changer certaines fenêtres à cause des facéties de ses pensionnaires fantomatiques et de faire refaire la cuisine – il n'avait pas besoin de manger pour survivre mais l'arrivée de Sodia qui était un fantôme ressentant la faim l'avait poussé à installer un réfrigérateur et réhabitué à prendre ses repas comme s'il était un humain comme les autres. Le plus simple pour lui avait été de changer les tapisseries qui avaient perdu de leur éclat ou qui se déchiraient, le tout en restant le plus fidèle possible au style d'origine – pour ça, il avait pu se faire aider de Karol puis de Sodia, tous deux étant capables d'interagir avec tous les objets et personnes qu'ils désiraient sans la moindre contrainte et sans qu'il ne doive user de ses pouvoirs. En revanche, concernant le jardin, s'il n'avait pas eu un jour la bonne idée de vouloir planter un second pommier à partir d'un plant venant du premier, il aurait été contraint d'en acheter un vers les années 50 – suite à une dispute entre Raven et Rita, cette dernière avait accidentellement mis le feu au vieux pommier, ce qui avait valut aux deux concernés de se faire remonter les bretelles en beauté et au Faucheur de devoir revoir l'ensemble des protections qu'il avait placées sur le manoir afin de les étendre au jardin, rendant ainsi toute la propriété insensible aux pouvoirs des fantômes.

Avec prudence, Flynn tendit sa main vers Yuri qui fixa longuement cette dernière avant de lever les yeux vers lui.

—Est-ce que tu es prêt à accepter mon aide ? demanda-t-il avec appréhension. Je te promets que tu pourras rentrer chez toi si tu le désires et qu-

—Je suis chez moi, le coupa le jeune homme. J'ai autant envie que toi de connaitre le fin mot de cette histoire, même si je crève d'envie de te coller mon poing là où je pense.

Sans hésitation, Yuri lui prit la main, serrant celle-ci entre ses doigts avec fermeté… avant de le tirer vers lui et d'attraper le col de sa chemise de son autre main pour ensuite le plaquer contre le toit avec force.

—Et une fois qu'on sera sortis de là, il faudra qu'on parle toi et moi, lui rappela le jeune homme en se plaçant au dessus de lui. Donc n'espère pas que je te lâcherai si facilement…

—C'est bien compris, répondit Flynn, captivé par cet éclat fougueux dans le regard de son aimé qui lui avait tant manqué.

Après quelques secondes de flottement où il voyait que le jeune homme semblait en grande réflexion, ce dernier finit par se baisser vers lui avant de marquer un bref instant d'hésitation qui se dissipa à l'instant où il unit leurs lèvres durant un court instant. Suite à cela, tous deux se relevèrent et quittèrent le toit de l'abri de jardin, retournant à l'intérieur du manoir en gardant bien leurs mains jointes.

Très concentré, le Faucheur gardait son esprit focalisé sur le jour du 31 octobre 1870, se remémorant chaque détail de cette journée à partir de son commencement, le tout en conduisant son aimé vers le lieu correspondant.

—C'est peut-être un peu tôt pour les galipettes, fit Yuri quand ils pénétrèrent dans la chambre à coucher que Flynn avait occupé depuis son emménagement au manoir.

—J'ai pourtant la certitude que cela ne t'arrêtait pas, répliqua-t-il avec un sourire amusé face à l'air faussement innocent que lui montrait son aimé. Et puis tu avais passé la nuit dans ma chambre, ce qui n'était pas désagréable à voir.

A peine eut-il prononcé ses mots que la scène dont il se rappelait se dessina dans la pièce aux tapisseries bleu pastel : allongée sous les draps bleu roi, Lilith était endormie, ses cheveux de jais éparpillées autour de sa tête tandis que le Faucheur était allongé à ses côtés, la regardant dormir avec un sourire rêveur sur les lèvres.

—Jamais je ne me suis lassé de ce spectacle, avoua Flynn avec un certain émerveillement. Même maintenant, tu es toujours aussi captivant quand tu es endormi…

—… Rappelle-moi de te coller une baffe pour chaque fois où tu es entré dans mon studio à mon insu pour me mater dans mon sommeil, menaça Yuri en lui jetant un regard noir. Et tu as intérêt à ne pas mentir sur le nombre…

Le Faucheur eut un sourire amusé en entendant cela, surtout quand il vit que le jeune homme à ses côtés avait les joues plus roses que d'ordinaire.

Malheureusement, ce jour-là, il n'avait pas pu assister au réveil de Lilith, son travail d'émissaire de la mort s'étant rappelé à lui à cause d'un accident domestique qui s'était avéré mortel – il avait dû faire preuve de psychologie face à ces fantômes qui étaient très paniqués afin de les calmeret de les aider à accepter leur sort, même si ce n'était pas facile. Du coup, ils avaient changé de pièce, se rendant dans la salle à manger où il avait retrouvé sa compagne en train de prendre son petit-déjeuner avec Repede à ses côtés – ce n'était pas la pièce où elle passait le plus de temps, surtout parce qu'ils recevaient rarement pour dîner à l'exception d'Estellise qui venait au moins une fois par semaine et aussi car sa compagne préférait manger à l'extérieur quand la météo et les températures le permettait.

Rien de particulier ne s'était passé à ce moment précis : il avait rejoint Lilith pour le petit-déjeuner, échangé quelques banalités tandis qu'elle finissait de se réveiller puis quand ils eurent tous deux fini, il avait commencé à débarrasser la table au moment où il avait été appelé à de nouveau remplir ses fonctions, cette fois-ci à cause du choléra qui avait fait de nouvelles victimes dans un hôpital à quelques kilomètres du manoir.

Il lui avait presque fallut une heure pour terminer sa macabre besogne, cela à cause de décès supplémentaires qui n'étaient pas tous liés à cette maladie – il avait été contraint de prendre quelques minutes pour se calmer après avoir envoyé dans l'au-delà une femme qui avait succombé aux coups de son époux qui risquait fort d'échapper à la justice vu son statut social. A son retour au manoir, sa compagne s'était absentée, probablement pour aller au marché, et il en avait profité pour aller s'installer dans le petit salon pour y lire le premier livre qui lui était tombé sous la main.

Environ une demi-heure plus tard, il avait entendu Lilith revenir et, à son pas rapide sur le plancher, il n'avait pas mis longtemps à comprendre qu'elle aussi n'était pas de très bonne humeur.

—Quelle bande de sales commères ! s'était-elle exclamée en rentrant dans la pièce, jetant son chapeau à ses pieds avec un certain agacement. Je ne peux pas faire un pas en ville sans que cela ne murmure sur nous dans mon dos. Elles ne peuvent pas trouver un autre sujet de discussion ?

—Le jour où un autre couple marié restera plusieurs années sans enfants, cela arrivera certainement, avait souligné Flynn avec une certaine tristesse, sachant très bien que beaucoup reprochaient à sa compagne d'être la raison pour laquelle ils n'avaient aucun enfant alors qu'en réalité, le problème venait de lui. Seulement, en jasant comme ils aiment tant le faire, ils vont leur faire plus de mal qu'autre chose…

En l'entendant dire cela, Lilith s'était instantanément calmée, une lueur d'inquiétude s'étant allumée dans son regard. Puis, brusquement, elle lui avait arraché son livre des mains et s'était assise à ses côtés, attirant toute son attention vers elle.

—Ne me dis pas que tu recommences à broyer du noir avec ça ? lui avait-elle dit, suspicieuse. Nous en avons déjà parlé et ce n'est pas comme si je m'étais engagée avec toi pour être mère de famille !

—Ca ne m'empêchera pas de m'en vouloir de ne pas être capable de fonder une famille avec toi, avait-il répliqué en baissant les yeux. Je m'en veux de te laisser seule ici avec Repede…

—Sauf que vu ce que tu es, c'est trop risqué de prendre du personnel et puis… je t'avoue que je pense de plus en plus à l'adoption…

A ces mots, il avait brusquement relevé la tête vers elle, lui permettant de découvrir le léger sourire qu'elle avait aux lèvres et qui trahissait le fait qu'elle craignait qu'il réagisse mal à cet aveu… probablement à cause du fait qu'il allait certainement être celui qui enverra son épouse et ses enfants dans l'au-delà.

—Le manoir serait plus animé, avait-il dit avec un sourire, rassurant sa compagne. Cet endroit est un peu trop calme par moments.

—Entièrement d'accord.

C'était probablement un des plus grands regrets de Flynn : ne pas avoir eu d'enfants avec Lilith, même si ceux-ci n'étaient pas de leur sang à l'un ou à l'autre. N'ayant jamais eu de relation affective depuis qu'il était devenu un Faucheur, il avait découvert avec sa compagne que cela avait probablement eu pour conséquence de le rendre stérile – à partir de leur nuit de noces, leur vie sexuelle était active, cela même s'ils faisaient chambre à part une nuit sur deux, et il pouvait attester que tous deux savaient parfaitement comment s'y prendre pour concevoir un enfant.

Après un an sans résultat, tous deux s'étaient faits à l'idée qu'il leur serait compliqué d'être parents…

—Dans un sens, vu ce qu'il s'est passé ensuite, c'était peut-être mieux qu'il n'y ait eu personne d'autre au manoir, finit par dire Yuri avant de déglutir. J'imagine que si Repede est un fantôme…

—Il a été tué le même soir que toi, oui, confirma Flynn qui se souvenait encore très bien que l'animal avait été égorgé et que son esprit errait près du corps de sa maîtresse. J'ai voulu l'envoyer dans l'au-delà mais dès que j'ai sorti ma faux, il m'a vite fait comprendre qu'il n'était pas d'accord.

Depuis cette nuit fatidique, le chien et lui recherchaient le coupable derrière ce crime mais malheureusement, ils n'avaient pas eu beaucoup de résultats et le Faucheur savait à présent que c'était normal vu qu'en réalité, c'était un de ses semblables qui était derrière tout cela… mais son identité ainsi que son mobile lui échappait. Qui plus est, cela n'expliquait toujours pas pourquoi l'âme de sa compagne s'était réincarnée car il ne voyait aucune raison de tuer une personne pour la forcer à renaître quelques années ou siècles plus tard – c'était une capacité que possédait les émissaires de la Mort mais elle n'était que rarement utilisée car cela signifiait que le Faucheur qui en faisait usage entrait dans une période de sommeil le temps de récupérer toute l'énergie dont il avait dû faire usage, ce qui le rendait vulnérable et posait souci au niveau des fantômes qui n'avaient pas d'autre choix que d'errer dans le monde des vivants – et où il avait bien pu se cacher durant autant de temps après avoir fait cela.

Ils continuèrent ensuite de faire le tour de ses souvenirs, passant par la moitié des pièces du manoir mais sans rien voir de très intéressant – la majorité du temps, chacun était concentré sur ce qu'il faisait comme lire le courrier ou faire la cuisine –, cela jusqu'à avoir atteint la dernière scène qui se déroulait à la nuit tombée…

D'après le nombre de coups de l'horloge, il était dix heures du soir quand ses sens de Faucheur avaient été alertés par un grand nombre de décès, encore une fois dus à l'épidémie de choléra. A ce moment-là, il était en train d'écouter sa compagne qui jouait un des Nocturnes de Chopin – s'il ne se trompait pas, c'était l'opus 9, numéro 2 – qui s'était interrompu en voyant qu'il s'était levé en grimaçant.

—J'ai peur de rentrer tard encore une fois, avait-il dit en passant sa main dans ses cheveux. C'est sérieux donc…

—Je ne t'attends pas pour aller me coucher, je sais, avait-elle complété avant de lâcher un soupir. J'ai l'habitude… Et tu m'as assez rabâché ces derniers jours de ne laisser rentrer personne ici un 31 octobre. Tout ira bien.

Malheureusement, Lilith s'était trompée vu qu'après son départ, elle avait été assassinée dans cette pièce, vêtue de cette même robe blanche style empire qu'elle avait mise car elle était plus légère que ce qu'elle avait porté le matin pour aller au marché – il l'avait entendue râler sur le fait qu'il faisait plus chaud qu'elle ne l'avait prévu pour un mois d'octobre. Malgré les protections qu'ils avaient mises sur le manoir pour que sa compagne ne reçoive aucune visite de fantôme errant, elle n'avait pas pu échapper à ce sort funeste, rien ni personne n'étant en mesure de la sauver à ce moment précis.

—A part m'avoir comblé quelques trous sur ce jour précis, je n'ai rien de nouveau qui me vient en tête, signala Yuri une fois qu'ils eurent vu tout ce dont il se souvenait. Ca ne m'explique toujours pas ce fichu rêve qui tourne en boucle avec le piano qui joue du Beethoven…

—Tu peux me montrer ce rêve ? lui demanda Flynn en se souvenant qu'il avait cru relever des incohérences, cette mélodie étant l'une d'elles. Il y a quelque chose que j'aimerai vérifier…

—Il y truc qui ne colle pas avec le reste.

Il avait réalisé lui aussi, probablement grâce à la mémoire de Lilith et à ce qu'il lui avait montré.

Son ami lui tenait toujours la main puis, alors qu'il se concentrait, rapidement, les lieux se modifièrent et, à peine la pièce fut nette à leurs yeux que le troisième mouvement de la sonate Clair de lune résonna avec force, couvrant les autres sons qui auraient pu être présents.

Son regard azur nota chaque détail, allant du courant d'air à la fenêtre à la tasse en porcelaine brisée au sol, le tout en n'oubliant pas le foulard en soie claire qui était déchiré ainsi que les quelques autres signes prouvant qu'il y avait eu lutte dans cette pièce – de mémoire, il confirmait que la lampe qui se trouvait ici à l'origine avait bien été cassée cette fameuse nuit et les meubles avaient bien été bougés de cette façon mais pour ce qui était de la tasse brisée, cela ne collait pas car il avait retiré ce plateau de la table bien avant son départ et le service était intact.

Puis en apercevant le corps sans vie de sa compagne, le Faucheur déglutit, son cœur se serra dans sa poitrine et ses souvenirs de cette horrible découverte lui revinrent en mémoire : son effroi en la découvrant ainsi au sol, sa peau aussi froide qu'un bloc de glace... Ses yeux bleus n'arrivaient pas à se détacher de ce visage, plus pâle que d'ordinaire, aux yeux gris éteints et aux lèvres bleues entrouvertes dans un cri muet…

—Flynn !

La voix de Yuri le ramena à lui, lui rappelant que ce qu'il voyait n'était pas réel. Il détacha son regard du corps de Lilith et se concentra sur l'élément le plus incohérent qui soit : le piano.

En recoupant ses souvenirs de ce jour fatidique avec ce qu'il voyait, il nota que la partition qui était sur l'instrument n'était pas celle du troisième mais du premier mouvement – c'était d'ailleurs étrange en soit car ce jour-là, à sa connaissance, elle n'avait pas du tout joué de Beethoven mais plus du Chopin ou du Mozart. De plus, les feuillets qu'il voyait n'étaient plus très lisible… à cause d'une trace de main ensanglanté sur l'une des pages, ce qui ne correspondait pas à la réalité car les feuillets étaient en excellent état et tous rangés avec soin, signe que sa compagne avait dû en réalité finir le morceau qu'elle jouait avant qu'il ne la quitte.

—Je comprends mieux pourquoi je ne supporte pas les écharpes, ironisa Yuri qui examinait le corps de Lilith. Tu as trouvé quelque chose ?

—Ce n'est pas fidèle à ce que j'ai constaté en découvrant… la scène de crime, révéla difficilement Flynn en prenant garde à ne pas fixer le cadavre de sa compagne. Il n'y avait aucune partition sur le piano et aucune n'était tachée de sang.

—… Tu m'as bien dit que Repede est mort aussi ce jour-là ?

—Oui, sa gorge avait été tranch-

Le Faucheur ne poursuivit pas sa phrase, ayant soudain prit conscience d'une grave incohérence qui n'avait absolument aucun sens si le meurtrier n'était pas humain : quel besoin avait-il de tuer Repede et pourquoi lui et sa maîtresse étaient morts de deux façons différentes ? Qui plus est, dans quel ordre avaient-ils été tués ? La logique aurait voulu que ce soit le chien en premier pour éviter qu'il ne donne l'alerte mais si l'assassin était un faucheur, il pouvait facilement prendre Lilith par surprise mais pourquoi choisir la strangulation alors qu'il avait de quoi égorger quelqu'un ?

Soudain, un mal de crâne commença à vriller la tête de Flynn, sonnant une sorte de glas à l'intérieur de sa tête. Un coup d'œil à sa main droite qui se couvrait progressivement de taches noires lui confirma ce qu'il pensait : quelqu'un était mort et comme il tardait à réagir à cause du fait qu'il était dans l'esprit de Yuri, il en payait le prix. S'il restait ici trop longtemps, il allait se faire éjecter de force et attirer d'autres faucheurs, ce qu'il voulait éviter vu les circonstances.

—Il faut que je parte, déclara Flynn en grimaçant tout en désignant sa main. Je ne peux pas rester ici plus longtemps et… ce serait bien qu'à mon retour, tu sois réveillé. Nous avons pas mal de choses à régler je pense.

—Je pense aussi, confirma Yuri en lui serrant plus fermement la main avant de sourire en coin. On a combien à rattraper au juste. Plus de cent cinquante ans non ?

—C'est à peu près ça.

-§-

A peine Flynn avait quitté ses songes que Yuri s'était réveillé avec la tête lourde. Il avait tenté de se lever mais le Faucheur ainsi qu'une adolescente qu'il n'avait jamais vue – il avait cru comprendre qu'elle s'appelait Rita – le lui ont vivement déconseillé… ce qu'il comprit vite en constatant qu'il avait de la fièvre ainsi que des vertiges. Il était donc obligé de se reposer et de rester alité tant que son état ne s'améliorait pas.

Il essaya donc de dormir un peu mais ce n'était pas facile, surtout avec ce rêve qui persistait à tourner en boucle dès qu'il fermait les yeux. Qui plus est, maintenant qu'il se souvenait de sa vie en tant qu'Elisabeth Blackwood, il trouvait ces images très désagréables à voir au point d'en avoir des nausées.

A son réveil, le soleil commençait à filtrer à travers les vieux rideaux. Il se tourna du côté opposé pour voir Flynn, endormit sur une chaise et qui, vu ce qu'il avait dans les cheveux, avait dû passer par une soirée d'Halloween – il se demandait si le Faucheur avait réalisé qu'il avait un morceau de fausse toile d'araignée violette collée dans sa tignasse ainsi que de la mousse à raser et un truc vert qui semblait bien gluant. En baissant les yeux, il s'aperçut que quelqu'un d'autre était là et, qu'en le voyant ou l'entendant bouger sur le lit, cela l'avait réveillé.

—Salut Repede, murmura-t-il à son vieil ami à quatre pattes en tendant la main vers lui. Ca fait un bail.

En guise de réponse, le chien se rapprocha pour lui renifler la main… avant de glisser sa tête dessous, permettant à Yuri de lui gratter les oreilles. D'ailleurs, comment pouvait-il le toucher alors que Repede était un fantôme ?

—Il peut interagir avec tous les objets et personnes qu'il désire, répondit la voix de Flynn qui était en train d'ouvrir les yeux. Qui plus est, avec l'alliance, tant que tu la portes, tu restes lié à moi et tu peux donc toucher tous les fantômes si tu le désires dans une certaine mesure.

—Qui est… ? fit-il, son regard concentré sur son vieil ami à quatre pattes qui était visiblement enchanté de le retrouver, même s'il avait beaucoup changé.

—Tu n'es pas un faucheur donc tu dois rester prudent quand tu en touches un, surtout si c'est celui d'une victime d'empoisonnement. Ceux-là peuvent tuer un humain au moindre contact physique.

Il comprenait mieux pourquoi Sodia lui avait dit qu'il allait mourir s'il en touchait un autre…

—Ceux des électrocutés sont dangereux pour les personnes cardiaques ou portant un pacemaker mais dans ton cas, tu risques juste de sentir une légère décharge, comme avec de l'électricité statique, poursuivit Flynn. Pour les autres, au sein du manoir, il n'y aura aucun souci. J'ai suffisamment chargé celui-ci en protections pour m'assurer qu'il ne tombe pas en ruine en mon absence…

Vu la manière dont il avait prononcé ces mots, il y avait pas mal de vécu derrière…

—Et excepté Repede, il y a combien de fantômes ici ? demanda Yuri en se mettant en position assise. Un certain nombre j'ai l'impression…

—Tu en connais déjà quelques-uns et, si je ne me trompe pas, ils sont sept, répondit le Faucheur en se massant les tempes. Certains d'entre eux sont passés maîtres dans l'art de me donner des maux de tête…

Par déduction, le jeune homme en conclut aisément que Karol, Patty et Sodia étaient tous trois des fantômes ainsi que cette Rita qu'il avait vue tout à l'heure. Judith, qui lui avait été présentée rapidement la veille, en était un à coup sûr ainsi que ce type – s'il avait bien compris, il s'appelait Raven. Il lui en restait donc un à rencontrer.

—D'ailleurs, j'ai l'impression que tu as dû faire fureur cette nuit, fit-il en désignant la tignasse blonde de son ami qui se passa la main dans les cheveux, grimaçant en sentant ce qui s'y trouvait. Je croyais que la capuche était de rigueur pour ta tenue de travail ?

—J'ai dû passer par une soirée d'Halloween très animée, précisa Flynn en prenant un mouchoir en tissu dans une de ses poches pour essayer de nettoyer les dégâts. Il y avait tellement de monde que j'ai eu du mal à trouver l'âme que je cherchais. J'ai fini par lui mettre la main dessus au niveau du bar où il était devenu un fantôme et où il essayait d'augmenter encore plus son taux d'alcoolémie… ce qui était la cause de sa mort.

—Certains n'ont jamais appris ce qu'était la modération… et de mémoire, je crois que tu détestes gérer ce genre de fantômes.

D'après les souvenirs qu'il avait récupéré de sa vie antérieure, le faucheur n'avait jamais apprécié devoir gérer ceux décédés suite à un coma éthylique, principalement car ceux-ci, une fois devenus esprits, restaient ivres même après leur mort et il était difficile de leur faire comprendre qu'ils avaient passé l'arme à gauche, voire même de les envoyer dans l'au-delà car ces esprits étaient imprévisibles à cause de leur état d'ébriété.

—J'en viens des fois à regretter les épidémies de choléra, soupira Flynn avant de lui sourire. Tu m'as manqué tu sais…

—Et tu me sors ça comme ça ? répliqua Yuri, l'air faussement agacé. En me plaçant au même niveau qu'un virus pourri ?

—D'abord, le choléra n'est pas un virus mais est dû à une bactérie et ensuite, de toutes les âmes que j'ai pu rencontrer dans ma longue vie, jamais je n'en ai vue une aussi belle et éblouissante que la tienne. Jamais.

… Pas de doute, c'était la vérité. Déjà dans sa vie précédente, le Faucheur lui avait déclaré cela avec la même ferveur et à présent, il comprenait à quel point le physique importait peu à ses yeux car il s'en fichait que son partenaire soit un homme ou une femme. Tout ce qui l'intéressait, c'était ce qu'était la personne à l'intérieur, qui elle était réellement.

—Je vois que t'as pas changé, constata le jeune homme avec un certain amusement. Toujours à me balancer ce genre de niaiseries…

—Ce n'est que la pure vérité, déclara l'émissaire de la mort en se rapprochant de lui. Et encore, cela fait un bon moment que je me retiens de te dire à quel point j-

—La ferme.

Pour être certain que Flynn se taise, Yuri l'attrapa par la chemise et le tira brutalement vers lui avant de rapprocher leurs visages puis de plaquer leurs bouches l'une contre l'autre, faisant se frôler leurs nez au passage. Au bout de cinq secondes, il s'écarta de quelques centimètres, constatant que le Faucheur était encore surpris par ce geste… et il en profita pour lui coller son poing en pleine mâchoire, prenant l'autre totalement au dépourvu.

—Ca c'est pour m'avoir encore espionné dans mon sommeil ! s'exclama-t-il, faisant craquer ses doigts alors que son ami se tenait la mâchoire. Maintenant, tu vas me dire combien de fois tu m'as épié qu'on règle cela dès maintenant…

—J'aurais dû deviner… fit Flynn en massant la zone qui avait été frappée. Et ça n'est pas impo-

—Combien ?

—… Une dizaine je dirais…

Vu le regard bleu fuyant et le fait que ses pieds s'étaient légèrement tournés vers la porte de la chambre, Yuri estima que le compte n'y était certainement pas ou avait été largement revu à la baisse, faisant que, par mesure de précaution, il jugea préférable de se préparer à asséner une centaine de baffes au Faucheur avant que celui-ci ne lui fausse compagnie…


NB : Suite y aura-t-il ? Pas dans l'immédiat car ceci était mon dernier texte pour le Fortnight mais ça ne signifie pas que je compte arrêter cette fic. Ca dépendra surtout de mon temps libre.

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 Fluri Fortnight : 29 octobre / 30 octobre : Festival

Disclaimer : Tales of Vesperia ne m'appartient pas

Titre : Rythme estival

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Rating : T

Note : Texte écrit à la dernière minute pour cause de blocage (mon cerveau refusait catégoriquement de faire autre chose que la Fête de la Musique… et j'ai fini par céder en voyant que je n'aurais qu'un seul texte si je me bougeais pas les fesses), manque de temps et chat pas très coopératif ces derniers jours (comprenez-le : il s'est mis à faire froid et je dors dans la pièce la plus chaude de la baraque donc…). Il n'a donc pas été corrigé donc j'espère qu'il n'y a pas trop de fautes qui subsistent et que cela vous plaira malgré tout.

Playlist : Beast in Black – Born Again


C'était chaque année lors du jour le plus long de l'année que tout le pays était rythmé par le soleil et la chaleur de bien nombreuses mélodies, celles-ci résonnant dans les rues au moins jusqu'à la tombée de la nuit.

Au début, pour eux, ça ne signifiait pas grand chose excepté le "Festival du bruit" dont se plaignait régulièrement Hanks et auquel ils avaient trouvé drôle de participer à leur façon en jouant des cymbales avec des couvercles de poubelles. Cela leur avait valu un bon sermon mais, sincèrement, ils ne regrettaient rien.

Ensuite, en grandissant, ils avaient commencé à comprendre que ce jour de fête était plus que des basses faisant trembler le sol et tapant contre les murs. Jeunes collégiens, ils avaient arpentés les rues pour voir les différents groupes jouant devant les bars, commerces et parc où des scènes avaient été installées pour l'occasion. Même s'ils n'avaient pas les mêmes avis sur les différents genres musicaux que l'on pouvait entendre, ils avaient fait de chouettes découvertes.

Les années passaient et bien que leur amitié avait subit des revers au lycée, cette fête sonore où la nuit était la plus courte de l'année demeurait et, même s'ils étaient fâchés pour des raisons diverses et variées, ils étaient bien forcés de s'y croiser. D'abord, chacun faisait mine de ne pas avoir vu le premier, facilement reconnaissable à l'œil au beurre noir que le second lui avait fait avant de se prendre en retour un uppercut qui lui avait laissé un bel hématome au bas du visage. Puis en ayant assez de s'ignorer, ils profitaient d'un bar ouvert pour s'asseoir à une table devant un soda ou un jus de fruit, faisant la paix tout en écoutant le groupe de jazz qui jouait à côté.

Après le lycée, ils se sont séparés pour que chacun suive sa route mais ça ne les avaient pas empêchés de se retrouver lors de cette première soirée d'été, près d'une scène où jouait un groupe de rock et tous deux accompagnés d'amis qu'ils s'étaient fait. Leurs deux bandes s'étaient mélangées, bien qu'ils étaient très différents sur bien des points et tous avaient passé un bon moment. Les deux amis étaient heureux de se retrouver, retrouvant vite leurs marques, cela sous le regard d'une des filles de leur groupe qui, face à leur complicité, eut un sourire plein de mystère et de malice aux lèvres avant de prendre une gorgée de sa bière ambrée, le tout sur une reprise d'une chanson des Beatles.

Enfin vint l'année précédente, riche en rebondissement divers et variés : l'un avait brutalement rompu avec sa petite amie et l'autre avait eu un différend avec son employeur. Tous deux s'étaient retrouvés pour repartir du bon pied, faisant cela en se mettant en colocation et reprenant ensemble ce rythme si particulier qui, sans le savoir, leur avait manqué. Cependant, aucun d'eux n'avait vraiment envisagé qu'un nouveau tempo allait s'installer progressivement et que durant cette première nuit d'été, sur le chemin du retour et au son lointain d'une voix suave chantant une chanson d'amour, ils échangeraient un regard d'une telle intensité. Quelque chose leur avait soudain semblé évident, comme si c'était sous leur nez depuis le début mais qu'ils avaient été trop aveugles pour s'en apercevoir plus tôt.

C'était resté dans leurs esprits quand ils montèrent l'escalier de leur immeuble, cela même quand ils entendirent que leur vieille voisine du deuxième étage devait encore être débout en train d'écouter un vieux vinyle d'Edith Piaf. Aucun d'eux n'avait sommeil quand ils entrèrent dans leur appartement et c'était tout naturellement que l'un d'eux avait pris son téléphone pour mettre une radio diffusant surtout des morceaux de musiques allant du rock au metal, faisant qu'ils tombèrent pile au début d'une chanson d'un groupe nommé Beast in Black, à laquelle ils n'auraient pas prêté plus d'attention que cela, la gardant en simple fond sonore, si les premières paroles avaient été différentes.

Aucun d'eux ne bougeait, chacun écoutant attentivement la musique et les mots prononcés par le chanteur. Lors du refrain, chacun plongea son regard dans celui de l'autre, cherchant une étincelle prouvant que ce qu'ils avaient réalisé plus tôt était réciproque, leurs oreilles restant attentives au morceau qui passait à la radio. Ils se rappelèrent leurs précédents souvenirs de la Fête de la Musique, commençant par leurs frasques d'enfance, leur rivalité adolescente, le moment où leurs routes s'étaient séparées pour finalement se rejoindre à nouveau... Lors du solo de guitare, ils s'étaient inconsciemment rapprochés l'un de l'autre et ce ne fut qu'à la reprise du refrain qu'ils franchirent la ligne qui allait à jamais changer le rythme de leur relation.

Un an après, la chaleur se ressentait à travers la ville ainsi que les multiples notes dont les rues étaient parsemées depuis la fin de l'après-midi où démarrait la Fête de la Musique. Assis sur le rebord de la fenêtre de leur appartement, il y avait Yuri qui cherchait un peu de fraicheur, simplement vêtu d'un large débardeur et d'un short noir s'arrêtant à mi-cuisses qui accentuait le côté androgyne de sa silhouette. Installé au comptoir qui leur servait de table pour prendre leurs repas, il y avait Flynn qui terminait de vérifier leurs comptes en banque, s'assurant que leur budget du mois avait été respecté et qu'ils avaient de quoi se permettre de remplacer le vieux sofa qu'on leur avait donné lors de leur emménagement et qui était assez peu confortable.

En entendant résonner une reprise de "Paint it Black" venant d'une rue proche de leur immeuble, Flynn finit par éteindre son ordinateur, estimant qu'il avait eu toutes les réponses qu'il souhaitait pour aujourd'hui, puis il tourna son regard azur vers celui qui était à la fois son ami d'enfance, son meilleur ami, son colocataire et son petit ami, lui permettait de le voir bouger son pied en rythme avec la musique, le tout en suçant un glaçon qui devait auparavant être dans le verre de thé glacé qu'il s'était servi plus tôt.

—Tu es d'accord pour sortir ce soir ? demanda-t-il, cela bien qu'il se doutait quelle serait la réponse.

—Ca dépend, lui répondit Yuri avant de donner un coup de langue au peu qu'il restait de son glaçon et de le remettre dans le verre vide à ses côtés. Seuls ou en groupe ?

—D'après ce que j'ai compris en discutant avec Sodia hier, il se peut qu'on la croise en ville accompagnée de Judith. C'est moi ou b-

—Nan. Elles trainent ensemble trois soirs par semaine depuis un mois et elles passent tantôt la nuit chez l'une, tantôt chez l'autre. J'verrais bien si Judy se décidera à arrêter de me répondre à coup de « peut-être » quand je lui demande si elle fait des galipettes avec Roxy ou si je dois justement enquiquiner Roxy jusqu'à ce qu'elle lâche le morceau et qu'elle me colle une baffe après.

Flynn préféra ignorer cette dernière remarque, surtout qu'il n'allait pas défendre sa moitié s'il mettait celle-ci à exécution car là, il cherchait les problèmes. Il s'installa donc face à lui, son regard azur profitant de la vue qui lui était offerte sur ce visage aux traits fins encadré par des mèches sombres s'échappant de ce chignon fait à la va-vite qui n'était maintenu en place que par une pince à cheveux… jusqu'à ce que son petit ami vienne poser son pied nu sur son épaule.

—Tu comptes rester dans cette tenue ? questionna-t-il, attirant sur lui un regard anthracite qui sous-entendait clairement que son cher ami ne voyait pas quel problème cela pouvait poser. Je vais finir par croire que toi et Judith êtes en train de faire un concours à celui qui portera le moins de tissu…

—Serais-tu jaloux que quelqu'un d'autre que toi puisse avoir le plaisir d'admirer ces gambettes ? répliqua Yuri avec sa malice habituelle, le tout en faisant glisser son pied sur le torse de son compagnon qui était caché sous une chemise claire à manches courtes.

—Je doute fort que d'autres les voient d'aussi près, surtout que tu sembles beaucoup aimer me les passer autour du cou ces derniers temps…

—Est-ce de ma faute si elles s'accordent à la perfection à ta gueule d'ange ? Elles mettent ton teint en valeur.

Il sourit à cette phrase, toujours amusé par leurs petites taquineries mutuelles qui duraient depuis des années. Quand il entendit la nouvelle musique jouée et finit par reconnaitre une reprise de « No one like you » de Scorpions, il combla la distance entre eux pour poser ses lèvres contre celles de sa moitié durant une seconde… qui fut plus longue que prévue quand l'intéressé ne le laissa pas rompre le contact si facilement, ayant passé sa main derrière sa tête pour l'empêcher de s'écarter, changeant un simple baiser en un échange plus fougueux et rythmé…


NB : Voilou… Je précise bien entendu que je ne ferais pas de suite, même si je suis tentée d'écrire du Judith x Sodia un jour.

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 Mélodie Funèbre - 4

Fluristelle Month : Day 4 : Anniversary – Illness

Notes : Bon, très en retard sur celui-ci et ça va faire pareil pour tout le reste… Le manque d'inspiration et le fait que j'ai jeté aux orties plus de 2000 mots car l'idée ne me plaisait pas ont contribué à creuser le retard. Bonne lecture !


C'était le 31 octobre, jour d'Halloween, et Yuri s'estimait heureux de ne pas travailler aujourd'hui car il était plus que crevé. Déjà, il avait été contraint de jeter des restes de nourriture à la poubelle car ce qu'il avait mangé la veille avait fini dans la cuvette des toilettes ce matin en plus de lui couper l'appétit un bon moment. En prime, il devait avoir de la fièvre vu qu'il avait chaud alors que le thermomètre affichait à peine dix-huit degrés et qu'il était en t-shirt. Il était donc en pyjama, à moitié somnolant devant son bol de riz et sa pomme qui, tant qu'il n'était pas fixé sur ce qu'il avait bien pu attraper, seraient son seul repas du jour.

Ces rêves étranges et ces absences avaient continué, lui montrant d'autres moments de la vie de cette Lilith qu'il commençait à bien connaître et apprécier : elle aimait jouer du piano, s'habiller comme elle le désirait – il avait vu la mode des femmes ainsi que son évolution au XIXème siècle et il devait reconnaître que les robes étaient de moins en moins pratiques avec le temps –, être libre de ses faits et gestes… Il était certain qu'elle aurait adoré vivre au XXIème siècle. Par contre, il n'arrivait toujours pas à comprendre ce qu'il lui était arrivé la nuit où elle a été vraisemblablement assassinée ainsi que la signification de ce morceau joué au piano.

Après son repas frugal, il s'accorda une sieste pour essayer de récupérer…

-§-

Le soleil brillait ce jour-là et Lilith jouait au piano « Lettre à Elise » avec Repede à ses côtés comme spectateur. Seulement, le chien n'était visiblement pas au mieux de sa forme : il avait un bandage autour de la tête qui couvrait son œil gauche et, à son attitude, il était clair que quiconque entrerait pour faire du mal à la jeune femme risquait de subir son courroux.

Soudain, l'animal se mit à grogner, attirant l'attention de sa maîtresse qui cessa de jouer… lui permettant d'entendre ce qu'il se passait derrière les portes.

Vous avez… commença la voix de sa tante, manifestement choquée. Et vous croyez vraiment que cela va changer qui vous êtes ? Vous n'êtes qu'un moins que rien !

Faites très attention Lady Greed, l'avertit son interlocuteur. Cette demeure ne vous appartient pas à ce que je sache…

Sortez d'i-

Refusez encore une fois ce mariage et je me verrai contraint de révéler à tous vos intentions réelles vis-à-vis de votre nièce ainsi que la longue liste de vos crimes.

Très intéressée, Lilith se rapprocha de la porte pour écouter, percevant ainsi le cri étranglé de sa tante quand leur visiteur lui énonça tous les évènements inhabituels ayant eu lieu au manoir ainsi qu'une dizaine de noms.

Je vois laisse le choix Lady Greed, déclara l'homme sur un ton glacial. Soit vous quittez cette maison et abandonnez l'idée de mettre la main sur l'héritage, soit je me verrai dans l'obligation de vous conduire devant la justice. Dans les deux cas, ce mariage se fera, que ce soit avec ou sans votre accord.

Lorsque ces mots résonnèrent à ses oreilles, la jeune femme ne put s'empêcher de sourire, incapable de cacher sa joie de savoir qu'enfin, sa tante allait quitter cet endroit. Elle était enfin libérée de ce tyran…

-§-

Des coups à la porte réveillèrent Yuri qui constata qu'il était bientôt cinq heures du soir. Difficilement, il se leva et alla ouvrir… à une pré-ado aux longues nattes blondes qui était en avance pour la chasse aux bonbons. Son déguisement de pirate lui allait très bien, il le reconnaissait, mais là, il n'avait vraiment pas envie de la voir.

—Bisou ou friandise nanoja ? lui demanda-t-elle en tendant son panier en forme de crâne tout en le fixant d'une manière qui ne lui inspirait guère confiance.

—Patty, comment tu sais où j'habite et comment tu es arrivée jusqu'ici ? la questionna-t-il, suspicieux. Tu ne m'as quand même pas suivi ?

Patty Fleur, une ado qui, à son plus grand désarroi, avait flashé sur lui et passait à l'épicerie une fois par semaine pour le voir tout en essayant de le convaincre de sortir avec elle, ce qui amusait grandement un certain Flynn qui avait faillit se prendre un coup de poing dans la figure pour avoir ricané alors qu'elle lui offrait un gâteau sur lequel elle avait réussi à faire son portrait en chocolat – il reconnaissait cependant qu'elle avait un certain talent en cuisine. Cette fille était têtue et quand il croyait qu'il en était débarrassé, elle lui prouvait vite le contraire.

—Hummm, fit-elle, l'air pensive. Peut-être ?

—C'est pas vrai, grogna Yuri en se passant une main sur le visage. Rentre chez toi.

—Attends ! Bisou ou friandise nanoja ?

En guise de réponse, il lui claqua la porte au nez… puis il nota dans un coin de sa tête qu'il ferait bien de déménager au plus vite car il avait au moins un voisin qui laissait entrer n'importe qui dans l'immeuble.

-§-

Ce jour-là, il pleuvait à l'extérieur mais cela n'empêchait en rien Lilith de jouer du piano, plus particulièrement le deuxième mouvement de la sonate Clair de Lune qui emplissait les lieux d'une musique joyeuse contrastant avec la grisaille qui régnait dehors. Assis sur la causeuse, un homme aux cheveux blonds consultait des documents éparpillés sur la table basse avec grand intérêt.

Visiblement, elle a dépensé une partie de ton héritage, lui déclara-t-il en classer les papiers qui étaient devant lui. Heureusement, elle n'avait pas accès à l'intégralité de celui-ci grâce aux instructions très claires de Robert Blackwood.

Grand-père avait spécifié que je ne pourrais me servir de l'argent qu'à partir de mes dix-huit ans, précisa la jeune femme en terminant de jouer le morceau. En plus, il m'avait montré où il avait caché certains de ses biens de valeur au cas où. Cette demeure est un vrai coffre au trésor quand on sait où regarder.

Je l'avais constaté quand tu m'avais montré que l'on pouvait passer de ta chambre à celle d'à côté en tirant sur la bonne applique. Sans ça, tu serais peut-être…

Je le sais oui.

Lilith attaqua ensuite le troisième mouvement de la sonate avec vigueur, concentrée sur ce qu'elle jouait…

-§-

La sonnette de la porte le tira de ce nouveau rêve. Yuri constata qu'il était presque six heures et alla ouvrir pour tomber sur un adolescent déguisé en grenouille et une jeune femme dont la tenue de diablesse ne laissait nullement place à l'imagination – elle n'avait pas froid avec juste un short ultra-court et un soutif ?

—Farces ou friandises ? demandèrent-ils en tendant chacun la citrouille qu'ils avaient en main.

—C'est toi cap'tain ? s'étonna-t-il en reconnaissant la voix de Karol, un adolescent avec qui il discutait souvent à l'épicerie de sujets divers et variés.

—Ouais, confirma le plus jeune en enlevant la tête de son costume, révélant ses cheveux châtains en bataille. Je m'y suis pris trop tard donc c'était ça ou me déguiser en fille…

—Je ne vois pas ce que tu as contre les robes, fit la jeune femme, ses cheveux bleus attachés en chignon étant surmontés d'une paire de cornes rouge vif. Elle t'allait à ravir !

—Judith ! Au moindre coup de vent, on voyait tout !

Elle par contre, c'était la première fois qu'il la voyait… quoiqu'il était prit d'un doute car il lui semblait l'avoir déjà aperçue quelque part mais cela devait dater d'avant son déménagement car jamais elle n'était venue à l'épicerie et c'était le seul endroit à Halure où il voyait passer du monde.

—J'imagine que t'es la baby-sitter, supposa Yuri en jetant un rapide coup d'œil au tour de poitrine de la jeune femme.

—C'est exact, confirma la dénommée Judith avec un sourire en coin. Ses parents ont peur de le laisser sortir tout seul la nuit et j'aime bien me déguiser donc je l'accompagne. C'est plus amusant de chasser les bonbons en groupe.

—Si tu veux, tu peux venir avec nous, proposa Karol avant de remettre correctement son costume.

—Désolé mais ce ne sera pas possible, s'excusa Yuri en baîlant. L'année prochaine peut-être.

Après leur avoir donné quelques bonbons, le jeune homme leur souhaita bonne chance pour leur collecte de sucreries et referma la porte.

-§-

C'était un beau matin de printemps dans le salon. Lilith venait visiblement de se lever, étant encore vêtue de sa robe de chambre et ses cheveux étant un peu en désordre, signe qu'elle ne s'était pas coiffée. Assise sur la causeuse, elle contemplait l'anneau en métal sombre à sa main.

Me voilà mariée… souffla-t-elle comme si elle semblait avoir du mal à y croire.

Tu as des regrets ?

Un peu surprise, la jeune femme se tourna vers le jeune homme aux cheveux blonds qui, contrairement à elle, avait pris la peine de s'habiller. Il vint la rejoindre, appréhendant visiblement la réponse de sa compagne.

Non, répondit Lilith en lui souriant. C'est juste que je vais avoir du mal à m'habituer à ne plus être seulement Lady Blackwood…

Je peux comprendre cela, la rassura son époux. Moi-même je ne me suis pas encore fait à ce titre que j'ai dû acheter…

La jeune femme rit légèrement en entendant ces mots, son regard anthracite étincelant de malice.

A ce sujet Flynn, je dois me présenter comme la comtesse Scifo ou comme Elisabeth Scifo ?

A cette question, son compagnon eut un léger rire puis la fixa de ses yeux azur avec intensité.

Fait comme bon te semble. Si tu es heureuse, alors je le suis aussi.

-§-

Cette fois-ci, Yuri se réveilla en sursaut, l'image du mari de Lilith lui ayant provoqué un choc auquel il ne s'était pas attendu : était-ce son imagination ou c'était LE Flynn Scifo qu'il connaissait, son ami, qui était apparu dans ses songes ? Jusqu'ici, il n'avait jamais pu voir ses traits mais là, il était certain d'avoir reconnu son visage donc soit son cerveau lui jouait de sacrés tours, soit… il y avait un truc pas clair chez cet homme et il était temps qu'il s'intéresse à lui de beaucoup plus près.

Il était presque sept heures et demie quand il se mit à activement rechercher sur internet tout ce qu'il pouvait sur le nom Scifo, ne sachant pas trop sur quoi il pourrait tomber. Ce qui le frappa très vite, c'était que personne sous ce nom n'était inscrit sur les réseaux sociaux et ce, quels qu'ils soient. Une recherche plus approfondie lui confirma qu'il n'y avait personne avec ce nom de famille avec un profil accessible, faisant qu'il se rabattit sur les sites de généalogie.

Bien qu'il ignorait la date exacte de cet évènement dans ses songes, il chercha la trace d'un acte de mariage au nom de Scifo ou de Blackwood… et en trouva un datant de 1866 – bien entendu, il devait payer pour pouvoir le consulter en entier mais l'aperçu lui serait amplement suffisant – qui lui confirma qu'une certaine Elisabeth Blackwood avait bien épousé un dénommé Flynn Scifo le 13 avril 1866 dans la région d'Halure.

Perplexe face à cela, Yuri finit par réaliser une chose : et si le lieu où se déroulaient ses songes existait toujours ? De ce qu'il avait compris, c'était un manoir mais il n'avait rien vu d'aussi vieux les quelques fois où il s'était perdu en ville.

Il allait entamer une nouvelle recherche quand tout son appartement fut victime d'une coupure de courant, le plongeant dans la pénombre. Le temps que ses yeux s'habituent au peu de luminosité qu'il avait grâce aux réverbères, tous ses voisins étaient en train de râler, signe que c'était les plombs de tout l'immeuble qui avaient dû sauter pour une raison ou une autre.

Après quelques secondes d'hésitation, Yuri finit par chercher ses vêtements avec la lumière de son téléphone portable et il s'habilla rapidement avant d'attraper ses clés et son manteau pour sortir d'ici. Sans surprise, il croisa un ou deux faisceaux de lampes torches qui cherchaient visiblement à rétablir la lumière mais visiblement, la panne était grave vu que quelqu'un était en train de chercher à joindre le propriétaire des lieux – le jeune homme, en arrivant au rez-de-chaussée, entendit deux hommes dire que bizarrement, il y avait eu une surtension dans tout leur bâtiment mais pas dans le reste du quartier alors que les derniers travaux sur les lignes électriques remontaient au printemps et que personne n'avait entendu le tonnerre.

Une fois dehors, il grimaça en découvrant que quelques gouttes de pluie commençaient à tomber mais il décida de faire avec le temps de trouver ce qu'il cherchait. Il marcha environ cinq minutes, le temps d'arriver dans une zone un peu moins résidentielle, et il finit par repérer un panneau avec le plan de la ville. Certes, cela ne lui disait pas où était ce qu'il cherchait mais cela pouvait lui donner des pistes… et il tendait à penser que si ce manoir existait, il était à l'extérieur d'Halure. Il concentra son attention sur les limites de la ville mais rien ne lui sauta aux yeux, lui faisant lâcher un soupir de dépit.

—Ca aurait été trop facile, se dit-il en se grattant l'arrière du crâne.

Les mains dans les poches de son manteau, Yuri fit demi-tour pour rentrer chez lui quand soudain, il se sentit observé. Il regarda discrètement autour de lui pour essayer de savoir qui pouvait l'espionner, voyant passer quelques personnes en costumes d'Halloween mais qui étaient trop occupées à récupérer leur butin en friandises – il repéra d'ailleurs au loin un chapeau de pirate qu'il espérait fortement ne pas appartenir à Patty.

Rien ne lui sauta aux yeux jusqu'à ce qu'il repère un type étrange déguisé en zombie et qui le fixait avec insistance. Son instinct lui disait que quelque chose n'allait pas, surtout quand il repéra une autre personne avec la même attitude un peu plus loin et qui risquait fort de lui bloquer le passage s'il empruntait cette route pour rentrer.

Afin de vérifier ses soupçons, le jeune homme alla dans une direction opposée à celle de son appartement… puis au premier tournant, se mit à courir dans le dédale de ruelle.

-§-

—Non mais tu aurais pu faire gaffe ! C'est les plombs de tout l'immeuble qui ont sautés !

—J'avais un poil surestimé leur réseau électrique faut croire…

—Un poil ? BEAUCOUP OUI !

Là, Judith devait le reconnaitre : Raven s'était bien loupé sur ce coup mais bon, c'était ça ou bien leur cible trouvait où était le manoir Blackwood et, sauf cas extrême, Flynn leur avait clairement dit qu'il préférait éviter que Yuri y mette les pieds. Si elle avait eu une chance réelle de lier une amitié avec ce dernier, elle était sure qu'elle aurait pu contrôler un minimum ses faits et gestes mais malheureusement, sa mort remontait à une vingtaine d'années – elle ne remerciait pas les deux autres alpinistes qui l'avaient sciemment laissée faire une chute d'une bonne trentaine de mètres afin de se livrer tranquillement à leur trafic d'œufs d'oiseaux… auquel elle avait mis un terme en se vengeant d'eux à la première occasion – et son corps avait été retrouvé puis identifié seulement cinq ans plus tôt, faisant que sa photo avait pas mal circulé dans les médias et qu'elle était contrainte de se faire discrète. Si le Faucheur ne lui avait pas demandé d'emménager au manoir, elle aurait probablement fait des ravages auprès de ceux qui ne respectaient pas la cause animale.

Pour l'instant, elle se contentait d'observer Sodia engueuler copieusement leur aîné mais elle restait très attentive au reste de leur environnement…

—Ma jolie, j'peux pas savoir si c'est vétuste ! s'exclama Raven, un trentenaire vêtu d'un immonde manteau violet et dont le décès devait remonter au milieu du XIXème siècle si sa mémoire était juste. Et puis t'sais aussi bien qu'moi que l'gamin est pas bête !

—C'est justement pour ça qu'il aurait mieux valut ne PAS plonger tout le bâtiment dans le noir ! répliqua la rousse qui semblait se retenir d'étrangler son aîné. Il va finir par se douter de quelque chos-

—Silence ! leur intima Judith en repérant des sons suspects dans le couloir. Quelqu'un vient par ici.

Ils passèrent vite à travers les portes d'un placard pour se cacher et attendirent. Seulement, un bruit plutôt étrange se fit entendre puis un râle qui ne semblait pas humain résonna dans l'appartement. Il y avait quelqu'un qui était entré mais celui-ci devait plus tenir de l'ectoplasme qu'autre chose vu que la porte n'avait pas grincé… Elle tendit l'oreille pour essayer de savoir à quoi ils avaient affaire exactement et ne perçut que deux ou trois respirations fortes, ce qui n'était pas forcément positif.

—Fantômes, murmura Raven, confirmant ainsi qu'ils avaient des visiteurs surnaturels. Par contre, y a un truc pas clair là…

—Ils ne parlent pas entre eux, nota Sodia à voix basse. Et puis ce n'est pas un ancien cimetière ici…

Ce n'était pas normal… Le jour d'Halloween, c'était généralement celui où les fantômes étaient de sortie pour se mêler aux humains – du moins, ceux qui pouvaient se le permettre – ou pour retrouver leurs comparses pour faire quelques farces et s'amuser. Seulement là, leur attitude était à l'opposé de ce qu'elle devrait être et ce n'était pas une bonne nouvelle. Judith ne savait pas comment expliquer cela vu qu'elle ne connaissait pas tous les types de spectres qui existaient mais elle trouvait que c'était une coïncidence plus que douteuse…

—Ca sent pas bon ça, murmura Raven tandis que leurs mystérieux invités étaient toujours dans l'appartement. De mémoire, Flynn nous a rien dit sur comment traiter des intrus…

—Je vais retrouver Karol pour le prévenir, leur dit Sodia en s'éloignant. Empêchez-les de me suivre.

—Ca marche.

La rousse s'en alla tandis qu'eux deux sortirent de leur cachette, découvrant trois fantômes vêtus de loques et qui ne semblaient pas être en très grande forme contrairement à eux – Judith aurait juré qu'ils étaient tous morts affamés à cause de leurs visages où la peau leur collait sur les os mais elle savait qu'il ne fallait en aucun cas se fier aux apparences avec les morts.

—J'comprends mieux pourquoi j'ai raté mon coup, fit son aîné en désignant un ectoplasme sur la gauche dont les cheveux étaient en partie dressés sur sa tête. Lui il a dû mourir électrocuté et si j'me fis aux flaques d'eau, les deux autres sont des noyés.

—C'est moi ou bien ils ont un regard un peu… vide ? se demanda-t-elle en constatant leur absence de réaction. On dirait qu'ils attendent quelque chose…

—Ou quelqu'un… comme celui qui vit ici peut-être ?

Ce serait effectivement l'explication logique… et signifierait donc que leurs intentions vis-à-vis de Yuri sont loin d'être amicales. Pour en avoir le cœur net, Judith usa de ses pouvoirs et provoqua un violent courant d'air, faisant claquer la porte de la salle d'eau… et attirant immédiatement l'attention des fantômes sur eux.

A présent, ils allaient pouvoir s'amuser un peu…

-§-

Au manoir Blackwood, Flynn était revenu de sa tournée des défunts et, comme chaque 31 octobre, était allé s'enfermer dans le petit salon, la pièce préférée de Lilith, pour broyer du noir. L'anniversaire de la mort de sa compagne lui minait toujours le moral et cette année plus que n'importe quelle autre car il craignait que l'histoire ne se répète avec Yuri. Pour cette raison, il avait demandé à ses amis fantômes d'aller le surveiller, profitant d'Halloween pour se fondre plus facilement dans la masse mais les plus dangereux pour les humains étaient restés ici. Avait-il raison en l'empêchant à tout prix de trouver ce lieu ?

Brusquement, les portes s'ouvrirent sur Estellise qui semblait paniquée.

—Flynn ! s'exclama-t-elle en lui désignant le téléphone portable qu'elle avait en main. Il y a un problème !

—Quoi donc ? demanda-t-il en se levant de la chaise à bascule puis en attrapant son téléphone. Que se passe-t-il au juste ?

—Des types bizarres sont à Halure ! lui répondit Karol au téléphone. Personne ne les remarquent à cause d'Halloween mais ils suivent Yuri et il essaie de les semer !

—Il n'a aucune chance, ajouta Patty qui devait être à côté de lui. Ce sont tous des fantômes, nanoja.

Qu'est-ce que cela signifiait au juste ? Que les morts profitent de ce jour pour faire quelques frayeurs aux humains n'était pas anormal mais pourquoi se focaliser sur un seul ? Ce n'était pas normal…

—Flynn ! fit Sodia qui avait dû rejoindre ses camarades. D'autres fantômes sont dans l'appartement de Lowell. Raven et Judith se chargent de leur cas.

—T'es sérieuse ? demanda Karol. Mais il se passe quoi au juste ?

—Je n'en sais rien mais à priori, ils ont une idée fixe et leur attitude n'est pas celle qu'ils devraient avoir, un peu comme s'ils étaient des zombies ou quelque chose de ce style.

… Ou bien ils étaient sous l'emprise de quelqu'un, ce qui signifierait qu'une personne ne voulait pas que l'on puisse remonter jusqu'à elle. Le Faucheur devait vite prendre une décision mais s'il voulait sauver Yuri, il n'en voyait qu'une seule à prendre… et le regard suppliant d'Estellise finit par le convaincre qu'il n'avait pas d'autre choix.

—… Emmenez Yuri au manoir, leur ordonna Flynn. Tout de suite.

—Entendu !

L'appel était terminé. Le Faucheur se sentait à présent extrêmement fébrile et dut retourner s'asseoir dans la chaise à bascule. Seulement, à peine fut-il assit que Rita entra à son tour dans la pièce.

—Quelqu'un sait ce qui lui prend au cleb's ? demanda-elle, visiblement perplexe. C'est pourtant pas la pleine lune…

—Je n'entends pas Repede pourtant, fit remarquer Estellise en se tournant vers son amie.

—C'est normal. Tout à l'heure, il est parti comme une fusée à travers un mur! C'est bien la première fois que je le vois faire un truc pareil !

Même Flynn devait reconnaître que c'était surprenant de la part de Repede qui était très calme depuis la mort de sa maîtresse… mais qui avait déjà eu ce genre de comportement du temps où Lilith était menacée. Se pourrait-il qu'il ait senti le danger ? Si c'était le cas…

-§-

Après avoir bien tourné dans les ruelles d'Halure, Yuri s'était arrêté pour écouter et n'avait entendu aucun pas venir dans sa direction… mais quand il repéra ces deux types louches sur ses talons, il reprit sa course en se demandant comment ils avaient réussi à le suivre alors qu'il avait tout fait pour les semer.

Il arriva sur une place pavée avec une grande fontaine en son centre et où de la brume s'était formée, rendant les lieux assez sinistres. Bizarrement, il ne semblait y avoir personne dans les parages mais peut-être était-ce dû au fait que tous les commerces étaient fermés à cette heure-ci. Alors qu'il allait tourner à gauche, sa poisse décida de lui jouer un mauvais tour : son pied se posa sur un pavé qui n'était plus en place, ce qui le déséquilibra et le fit chuter au sol… et permis à ses poursuivants de le rattraper.

—Qu'est-ce que vous me voulez au juste ? leur demanda Yuri en se relevant, prêt à se battre.

Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à de profonds râles qui lui donnèrent froid dans le dos… et il réalisa soudain que le costume de ces types était bien trop réaliste quand il vit que l'œil qui manquait à l'un d'eux n'était en aucun cas du maquillage ou que l'odeur putride qu'ils dégageaient était bel et bien authentique.

Il voulut fuir mais un troisième zombie lui barra la route, réduisant ses options de façon drastique – il se serait bien battu contre eux mais il avait vu suffisamment de films dans ce style pour savoir qu'une morsure d'un de ces trucs était potentiellement risquée.

Soudain, un grondement animal se fit entendre, attirant leur attention à tous sur une forme menaçante dans la brume. Celle-ci s'avança, révélant un chien borgne au pelage bleu et blanc qui fit avoir un choc au jeune homme : c'était Repede, le chien de Lilith.

Sans crier garde, l'animal se jeta sur l'un des zombies, lui arrachant un bras avec aisance. Les deux autres tentèrent de l'attraper mais Yuri donna un violent coup de pied au plus proche pour le repousser, ce qui eut une efficacité assez discutable bien qu'il entendit clairement des os fragiles se briser sous le choc. Une main décharnée lui saisit la cheville et il s'en débarrassa en donnant un coup de poing dessus, la faisant voler en éclats… et grogner de douleur – en regardant sa main gauche, il vit qu'un morceau d'os s'était logé dedans et il le retira très vite.

Concentré sur comment repousser ces choses, il perçut à peine les sons derrière lui, faisant que lorsqu'il se retourna, il constata in extremis que leur nombre d'assaillants avait doublé. Il crut que c'était fichu quand il entendit un grand PLOUF du côté de la fontaine qui ne perturba nullement les morts-vivants… jusqu'à ce qu'une espèce de tentacule fait d'eau sortit du bassin et attrapa l'un d'eux pour le jeter violemment contre un mur, poussant les autres à s'écarter. Cependant, un autre vit sa tête se faire éclater par une batte de baseball tandis que le plus proche de lui perdit ses jambes après que celles-ci aient été fauchées par une hache.

—Beurk ! fit une voix qu'il reconnut comme celle de Karol. Il y avait des insectes dans celui-là !

—Crois-moi, il y a pire, lui lança Sodia avant de donner une bonne série de coups de batte au mort-vivant qu'elle venait de décapiter.

Mais que se passait-il ici au juste ? Yuri se le demandait mais vu que leurs ennemis ne semblaient pas renoncer à leur idée fixe, il décréta que cela allait attendre que ce bordel soit terminé.

L'adolescent essayait visiblement de s'assurer qu'une fuite était possible seulement, d'autres zombies apparurent, bloquant toute possibilité de quitter la place. Face à ce constat, il grinça des dents, ce que le jeune homme ne pouvait que comprendre. Il fut cependant surpris de voir Patty à leurs côtés, se demandant d'où elle pouvait bien venir.

—Ca sent mauvais… déclara Karol d'une voix blanche.

—Combien ils sont au juste ces zombies ? questionna le jeune homme avant de retenir un grognement de douleur, sa main gauche se mettant à le lancer fortement.

—Ce ne sont pas des zombies nanoja, répondit Patty en faisant la moue. Plutôt des fantômes qui ont piqué des cadavres…

Brusquement, Sodia lui attrapa le bras gauche. Yuri allait lui demander quel était son problème quand il vit l'état de sa main : des lignes violacées venant de sa blessure apparaissaient, expliquant ainsi pourquoi il avait mal. De plus, il fut frappé par la présence d'un anneau en métal sombre à son annulaire sur lequel des lettres gravées en une langue qui lui était inconnue brillaient d'une lueur argentée.

—Et certains sont morts empoisonnés, grogna la jeune femme en le lâchant avant de le regarder droit dans les yeux. Si tu en touches encore un autre, tu es condamné à mort.

—Sympa… dit-il en grimaçant à cause de sa blessure. Et comment tu sais ça au juste ?

—J'crois pas qu'ils vont nous laisser l'occasion de l'expliquer… constata Karol avec crainte.

Et il n'avait pas tord : leurs ennemis se rapprochaient d'eux dangereusement et aucune fuite n'était possible. Face à cela, Sodia lui donna sa batte de baseball pour se munir d'un couteau à la lame bien aiguisée tandis que Patty s'arma d'un bilboquet et que lui ainsi que l'adolescent se tenaient prêts à défendre leurs vies. Enfin, Repede se mit en position d'attaque et lâcha un hurlement… avant que ne commence le combat.

-§-

En apprenant que Repede était parti en trombe, Flynn n'avait pas mis longtemps à comprendre que la nature du danger était probablement plus grave que prévue et s'il fallait combattre des fantômes, un vivant n'avait aucune chance de s'en tirer, ce qui signifiait que Yuri allait mourir ce soir. Même si ses amis intervenaient à temps, seuls Patty, Judith et Raven pouvaient efficacement lutter contre des ectoplasmes car ils avaient acquis en mourant des pouvoirs qui pouvaient aussi affecter les fantômes, ce qui n'était pas le cas de Karol ou de Sodia – il avait d'ailleurs des inquiétudes pour cette dernière et espérait qu'elle n'allait pas aller au combat.

Dans tous les cas, il était à présent convaincu d'une chose : depuis le début, son enquête sur la mort de Lilith était condamnée à ne pas avancer car il n'avait pas envisagé que le coupable n'était pas un mortel… ce qui plaçait les autres faucheurs dans sa nouvelles liste de suspects.

Rapidement, il avait demandé à Estellise et Rita de garder les lieux en son absence puis il était parti dans l'immeuble où vivait Yuri pour récupérer Raven et Judith… qui avaient eu le dessus sur leurs adversaires – c'était plutôt logique car Raven était mort électrocuté, ce qui lui donnait un gros avantage contre des fantômes de noyés, et Judith, contrainte de rester au manoir en quasi permanence, tuait le temps en s'entrainant au combat avec Patty le plus souvent.

Une fois qu'il eut envoyé ces trois âmes dans l'au-delà, il dut réfléchir à comment localiser Yuri car Karol ne répondait pas sur son téléphone, ce qui était plutôt mauvais signe. Il allait partir dans la direction indiquée par ses amis quand il entendit le hurlement de Repede…

-§-

C'était très mauvais pour eux et leurs chances de survie devait approcher de zéro. Tous se défendaient comme des diables contre ces assaillants surnaturels mais Yuri savait qu'ils allaient tous y rester si cela continuait ainsi. Son bras le lançait terriblement, faisant qu'il ne pouvait plus se servir de sa main gauche… et cela lui aurait coûté cher si Sodia n'avait pas réagi en recevant le coup à sa place, laissant le temps à Repede de régler son compte à l'ennemi le plus proche.

Seulement, s'ils avaient réussi à en repousser une dizaine, ils étaient épuisés, blessés ou dans le cas de la rousse, dans un état inquiétant face à encore une vingtaine de ces choses qui ne semblaient pas vouloir renoncer.

Alors qu'un de ces zombies voulait profiter que Sodia était inconsciente pour l'attaquer, Yuri s'interposa et ferma les yeux, attendant le coup fatal… mais à la place, sentit un courant d'air devant lui puis un bruit métallique. En ouvrant les yeux, il reconnut, devant lui, la silhouette de Flynn… qui tenait en main une longue faux en métal sombre.

—Tout le monde va bien ? demanda-t-il sans les regarder tandis que leurs ennemis, étrangement, semblaient reculer, comme s'ils craignaient le jeune homme aux cheveux d'or.

—T'en fais pas pour nous ! lui répondit Karol qui alla auprès de la rousse, rejoint par Judith et un homme avec un manteau violet.

—Yuri, lui dit Flynn qui s'était légèrement tourné vers lui. Je…

—On en parlera plus tard, le coupa Yuri en grimaçant à cause de cette fichue douleur. C'est pas trop le moment là.

D'un signe de tête, son ami lui signifia qu'il avait compris puis il reporta son attention sur cette armée de mort-vivants. Il avança de quelques pas avant de brandir son arme vers eux.

—J'imagine qu'il n'est pas nécessaire que je vous rappelle que vous ne pouvez pas me tuer, leur déclara le jeune homme aux cheveux d'or sur un ton glacial.

Visiblement, leurs ennemis étaient au courant car tout dans leur attitude indiquait qu'ils craignaient celui tenant la faux – Yuri lui-même commençait à ne pas être à son aise en voyant cette brume noire qui en émanait.

—J'imagine aussi que vous êtes tous parfaitement au fait qu'aucun de vous ne pourra m'échapper, poursuivit Flynn tandis que cette brume noire se mit à l'envelopper, donnant des frissons à toute l'assemblée.

—Flynn-chan est pas content… souffla Patty en se collant à Repede, le seul d'entre eux qui ne semblait pas gêné par tout cela.

Soudain, Yuri vit son ami s'élancer vers les morts-vivants, fauchant d'un coup trois d'entre eux. Une vague de panique se créa au sein des zombies qui tentèrent de fuir mais la redoutable faux et son porteur ne leur laissa pas la moindre chance, les réduisant tous en poussière dès qu'ils en entrèrent en contact avec ce métal sombre. Ses gestes étaient précis et sa technique impeccable… mais il réalisa vite, en voyant l'aspect à présent squelettique des mains de son ami, ce que celui-ci était réellement : la Mort.

Le dernier ennemi éliminé, Flynn fit disparaître sa faux ainsi que la brume qui était avec elle puis il vint vite les rejoindre. Ses yeux bleus s'agrandirent d'horreur en voyant l'état dans lequel était sa main gauche mais ce n'était pas lui qui était le plus amoché ici…

—Sodia est bien atteinte, lui dit Judith en désignant la rousse dont les veines des bras étaient devenues fortement violacées. Je n'arrive pas à la réveiller.

—… Raven, fit son ami en se tournant vers l'homme au manteau violet. Vous êtes prié de ne rien faire d'indécent…

—J'suis quelqu'un d'bien élevé ! s'offusqua le plus vieux avant d'afficher un sourire quelque peu… pervers. Depuis le temps que j'attends cela…

En soupirant d'exaspération, Karol aida Judith à allonger Sodia et à déboutonner son haut, révélant que les veines au niveau de son torse étaient elles aussi atteintes. Yuri allait vérifier l'avancement chez lui quand Flynn lui prit le bras pour soulever la manche de son manteau, visiblement pour s'assurer de la même chose que lui. Chance ou non, ce truc n'avait quasiment pas progressé mais il lui faisait toujours très mal.

—… Sans l'anneau, tu serais déjà mort, constata son ami en pointant l'endroit où s'était stoppée la propagation de cette saleté. Tu es entré en contact avec le fantôme d'une personne morte empoisonnée et, généralement, aucun humain n'y survit.

—Dans ce cas Sodi- réalisa Yuri en reportant toute son attention sur la jeune femme.

—Elle n'est plus humaine mais elle aura besoin de beaucoup de repos pour s'en remettre.

En entendant cela, il reporta son attention sur celle-ci. Elle était allongée au sol, son chemisier ouvert et laissant pleine vue sur un soutien-gorge noir et l'étendue de l'empoisonnement. Assit à côté d'elle, Raven inspira un bon coup en se frottant rapidement les mains l'une contre l'autre… créant de légers éclairs. Puis il expira et posa ses paumes au niveau du cœur de la rousse, créant un choc, comme si elle avait été en contact avec un défibrillateur. Cette dernière ouvrit brièvement les yeux, cette fois-ci, sa poitrine se soulevant clairement pour indiquer qu'elle respirait. Le plus vieux voulu répéter l'opération mais Judith lui donna un bon coup de poing dans la mâchoire pour lui en faire passer l'envie.

Les yeux de Yuri se posèrent tour à tour sur chaque personne présente, essayant de comprendre ce qu'il se passait exactement...

-§-

Même s'il regrettait de ne pas avoir laissé un de ces fantômes pour l'interroger, Flynn savait qu'il aurait pu ne rien en tirer et risquer d'avoir plus de blessés de son côté. Bien que Judith et Raven ait pu stabiliser l'état de Sodia, il n'était pas tranquille vu ce par quoi elle était passée avant sa mort et les séquelles qu'elle en avait, ce qui allait nécessiter qu'elle soit mise à l'écart des vivants pendant un certain temps.

Le plus urgent à présent, c'était Yuri qui, visiblement, était complètement perdu suite aux derniers évènements. Dans son cas de figure, l'empoisonnement était freiné par l'anneau, ce qui laissait pleinement le temps de traiter cela avant que cela n'atteigne le cœur. Seulement, cela nécessitait de l'amener au manoir…

—Qui es-tu au juste ? lui demanda son ami, l'air méfiant. Et ne me ment pas cette fois…

—Je n'ai pas menti sur mon nom et mon âge, répondit le Faucheur tandis que Patty vérifiait que Repede n'avait rien. J'ai juste omis de préciser que c'était l'âge que j'avais quand je suis devenu ce que je suis à présent.

Aux réactions du jeune homme, il savait que celui-ci n'était pas terrifié : il voulait des réponses à ses questions, exactement comme Lilith à l'époque. Seulement, il n'était pas persuadé qu'il allait bien les prendre…

—Tu as aussi omis de préciser que tu connaissais cette fille qui est morte, souligna l'employé sur un ton sec, signe qu'il n'était pas très content.

Flynn allait lui répondre quand Yuri sembla soudainement aller mal. Il eut juste le temps de réagir pour l'empêcher de tomber au sol, le tenant entre ses bras. Un coup d'œil à son bras gauche lui confirma que le poison n'était pas la cause de cela vu qu'il n'avait pas progressé mais quand il posa sa main sur le front de son ami, il réalisa que celui-ci était brûlant.

Vu les évènements, il n'avait pas d'autres choix que de l'emmener au manoir sans son consentement… et prier pour qu'il passe la nuit.


NB : Bon, vu mon temps libre, la suite va se faire attendre un peu…

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 Fluristelle Month 2017 : Separation – Reunion

Note : Là, on va plutôt s'intéresser à Flynn et répondre aux questions qui le concerne… donc pas de passages dans le monde des rêves pour ce chapitre.


Fin septembre dans les environs d'Halure un an plus tôt. L'été laissait place à l'automne, teintant les arbres de teintes chaudes qui créaient progressivement un beau festival de couleurs sur les collines et les montagnes aux alentours, tandis que venait le moment de commencer à ratisser les feuilles mortes avant que celles-ci n'envahissent les pelouses et qu'elles ne deviennent plus difficiles à rassembler avec la pluie.

Dans le jardin du manoir Blackwood où il vivait depuis pas mal de temps, Flynn enlevait les quelques feuilles qui étaient tombées sur une pierre tombale où était gravé « Elisabeth Blackwood, 1849 – 1870 ». Ses yeux azur lurent ce nom pour la énième fois et, comme à chaque fois, il avait une douleur dans la poitrine, comme si on lui avait arraché le cœur… ce qui était à peu près ce qu'il s'était produit cette nuit fatidique où, à son retour, il l'avait trouvée dans le petit salon, gisant sur le parquet et avec un foulard fermement serré autour de sa nuque délicate. En sentant son corps glacé contre ses doigts, il avait cru mourir une seconde fois…

Sa première mort remontait bien des siècles plus tôt quand, jeune chevalier, il avait participé aux Croisades et où il avait combattu de toutes ses forces. Mais un jour, son épée s'était attaquée à ce qu'elle n'aurait jamais dû toucher : un Faucheur d'âmes en train d'accomplir sa besogne. Il l'avait tué en un coup… et s'était condamné par la même occasion à devoir prendre la place qui était à présent vacante, que cela lui plaise ou non. Il avait gagné l'immortalité mais celle-ci avait un goût bien amer en bouche…

Pendant des décennies, il avait envoyé bon nombres d'âmes là où elles le méritaient, que ce soit dans un lieu meilleur ou dans un endroit digne de l'Enfer, tout en se mêlant discrètement à la population, évoluant en même temps qu'elle, s'adaptant aux modes, aux avancées scientifiques ou techniques… Il avait perdu goût à la vie, se considérant comme étant un mort parmi les vivants.

Puis un jour, il avait croisé la route de Lilith.

C'était en hiver en l'an 1863 : il s'était rendu au manoir Blackwood en tant qu'artiste pour accompagner un comte qui avait été invité par Lady Greed qui gérait les lieux depuis la mort de Robert Blackwood, le beau-père de sa sœur défunte. Seulement, il n'était pas resté longtemps car peu avant son arrivé, elle s'était disputée avec sa nièce et cela avait quelque peu gâché la soirée. Mais quand il s'était aperçu qu'il avait oublié un de ses gants dans le petit salon, il avait rebroussé chemin. Sa première idée avait été d'user de ses pouvoirs de Faucheur pour entrer et récupérer discrètement son bien, ce qu'il comptait faire lorsque, en arrivant, il vit à travers la fenêtre que quelqu'un l'avait déjà trouvé : une jeune fille aux cheveux de jais qui était vêtue d'une robe de chambre d'homme aux tons violacés qui semblait un peu grande pour elle.

Ce n'était pas la première fois qu'il l'apercevait, ayant déjà eu l'occasion de la voir à l'automne suite à la mort de son grand-père, évènement qu'elle avait très mal vécu – il était malheureusement habitué à voir la peine des proches au point d'en devenir presque totalement indifférent. Seulement, cette fois-ci, quelque chose chez elle le captivait…

Sans vraiment réfléchir, il avait toqué à la fenêtre, la faisant sursauter elle et son jeune chien. Réalisant à son regard qu'il lui avait probablement fait peur, il fit quelques gestes pour lui faire comprendre la raison de présence, faisant que, un peu soulagée, elle lui avait ouvert.

—Pardon, s'était-il excusé en restant à l'extérieur. Je ne voulais pas vous faire peur mais comme j'ai vu du mouvement…

—Je m'en remettrai, avait-elle dit à voix basse avant de lui tendre le gant. C'est à vous je présume ?

—Oui, merci. Je suis vraiment désolé pour le dérangement.

Il s'était avancé d'un pas pour récupérer son bien puis avait baissé la tête vers le jeune chien qui l'observait attentivement. Il s'était accroupit pour se mettre au niveau de l'animal et avait attendu un peu, laissant le temps au chien de le renifler avec attention. Son examen finit, le jeune chien avait remué joyeusement la queue et Flynn lui avait caressé affectueusement la tête avant de se relever.

—Il n'aime pas les étrangers d'habitude, avait remarqué l'adolescente, étonnée.

—Il protège sa maîtresse, ce qui est normal, lui avait-il répondu. Par contre, je vais devoir vous laisser…

—Vous reviendrez ?

Surpris par cette question, il avait marqué un temps d'arrêt, captivé par ce regard anthracite et cette peau claire qui luisait sous le clair de lune.

—Uniquement si vous le désirez.

Il avait prononcé ces mots sans réfléchir et ce ne fut que plusieurs jours plus tard qu'il avait réalisé que cette nuit-là, il avait commencé à tomber amoureux d'elle alors qu'il savait très bien qu'elle n'avait que quatorze ans à cette époque. Pendant un bon moment, il avait essayé de se convaincre que c'était mal d'être attiré par elle, une simple mortelle qu'il serait bien contraint d'envoyer un jour dans l'au-delà. Cela avait marché et il avait évité le manoir Blackwood avec soin…

Jusqu'à un soir en 1864 : c'était le mois d'août et le soleil ainsi que la chaleur étaient au rendez-vous, faisant que la nuit, les fenêtres étaient souvent laissées ouvertes pour faire rentrer la fraicheur. Seulement, il avait été contraint de retourner dans la demeure qu'il évitait, plus précisément dans le salon, car sa funeste besogne l'attendait : une employée du manoir était morte, vraisemblablement suite à un empoisonnement.

Arrivé sur les lieux, Flynn avait revêtu sa tenue macabre et n'avait pas eu longtemps à attendre avant que l'âme de la défunte ne prenne forme. Elle était désorientée au début mais en comprenant ce qu'il lui était arrivé, elle se mit à paniquer et le Faucheur avait été contraint d'user de ses pouvoirs pour la calmer afin de l'envoyer dans un lieu où elle pourrait reposer en paix. Mais à peine avait-il terminé que le son du parquet qui grinçait lui avait fait brusquement tourner la tête vers la double-porte du salon… et qu'il avait découvert que Lilith l'avait vu, visiblement choquée par ce qui se trouvait devant ses yeux.

La capuche qu'il avait sur la tête ne permettait pas de voir son visage… mais c'était sans compter sur Repede, le chien de l'adolescente, qui, profitant de sa surprise, avait attrapé son long manteau noir avec ses crocs et l'avait tiré d'un coup, révélant ses traits à la jeune fille sans qu'il ait eut le temps de réagir. Flynn allait lui expliquer quand elle lui avait fait signe de se taire… et qu'il eut entendu du bruit venant de l'étage.

Ses yeux azurs avaient rapidement observé l'ensemble du tableau et il en avait conclu que s'il fuyait, certaines personnes pourraient penser que l'adolescente de quinze ans avait tué son employée, ce qui était faux. Or, vu ce que ce comte lui avait raconté, Lady Greed avait plutôt intérêt à ce que sa nièce ne soit plus dans ses pattes pour espérer mettre la main sur l'héritage… et il en était venu à se demander si le poison n'était pas en fait destiné à cette jeune héritière.

D'autres sons se faisant entendre, Flynn avait vite récupéré son manteau noir et, tandis que Repede avait sauté par une fenêtre ouverte en aboyant, il avait enveloppé Lilith et lui-même avec le tissu puis usé de sa magie… pour les transporter dans la chambre de la jeune fille. Il n'avait ensuite pas perdu plus de temps et avait quitté les lieux… pile au moment où le corps de l'employée de maison avait été découvert par sa collègue qui avait poussé un cri déchirant, alertant la demeure toute entière.

Ce ne fut que le lendemain qu'il revint sur place, cette fois-ci en tant que photographe mandaté par le comte qui l'avait invité ici l'hiver précédent. Lady Greed avait facilement gobé ce prétexte, peu mécontente d'apprendre que ce cher comte voulait montrer un portrait de sa nièce à certains de ses amis. C'était donc en toute confiance qu'elle l'avait laissé seul au manoir, ayant apparemment des choses à faire en ville.

Il avait facilement trouvé Lilith au son du piano, le premier mouvement de la sonate Clair de Lune résonnant dans le petit salon tel un chant funèbre. Sa façon de jouer de cet instrument était remarquable : il sentait toute la tristesse qu'elle insufflait dans les notes de ce morceau, intensifiant cette lamentation musicale. Il était limpide pour lui que si elle connaissait ce passage sur le bout des doigts, elle savait comment transmettre ses émotions à travers les sons qu'elle tirait des touches du piano.

—Est-ce qu'elle m'entend jouer ? avait soudain demandé la jeune femme sans lui jeter un regard.

—Qui do-, commença Flynn avant de comprendre ce qu'elle venait de lui demander. Je ne sais pas. J'ignore ce qu'il se passe de l'autre côté.

Comment avait-elle deviné qu'il était derrière elle ? Il avait cherché et vite compris en notant que Repede était installé à côté d'elle et que l'animal avait réagi en le voyant, signalant ainsi à sa maîtresse que quelqu'un était entré ainsi que si la personne était ou non un ami.

Avec précaution, le jeune homme avait posé son matériel dans un coin discret puis s'était assit sur la causeuse, écoutant la fin du premier mouvement de la sonate. Elle enchaîna ensuite directement avec le suivant, cette fois-ci en y mettant de la joie, ce qui se voyait au sourire qu'elle avait sur les lèvres.

—Je n'étais pas sure de vous revoir, lui dit Lilith en continuant de jouer. Ce qu'il s'est passé cette nuit était si étrange que j'ai pensé un temps l'avoir rêvé…

—Vous étiez parfaitement éveillée, lui confirma Flynn. J'aimerai d'ailleurs m'excuser de la frayeur que je vous ai faite et… vous demander de garder cela pour vous.

—Ce n'est pas comme si nous allions le crier sur tous les toits. N'est-ce pas Repede ?

A sa question, le chien répondit par un aboiement affirmatif, ce qui fit sourire le Faucheur.

—Par contre, j'avoue me poser quelques questions… admit la jeune femme en approchant de la fin du deuxième mouvement. Si j'ai bien compris, vous êtes la mort…

—Plutôt un de ses nombreux émissaires, la corrigea le jeune homme. Nous sommes plusieurs à assumer cette fonction à travers le monde depuis des décennies.

Lilith acheva le deuxième mouvement sans problème… puis il la vit se mordre la lèvre inférieure et entamer le dernier mouvement avec maladresse, ce qui l'étonna quelque peu car il l'avait déjà entendu jouer ce passage et elle n'avait pas ces difficultés. Son manque d'assurance se ressentait et très vite, elle fit des fausses notes puis arrêta de jouer, visiblement agacée par cet échec.

—Inutile que je continue ce… massacre, dit-elle en soupirant de dépit. Je suis une bien piètre pianiste…

—Absolument pas, lui dit-il avec conviction. Vous êtes capable de jouer ce morceau.

—Je sais… Mais je n'y arrive plus depuis que cette chose qui me sert de tante veut gérer ma vie !

Brusquement, elle se leva de son banc puis vint s'asseoir à côté de lui en soupirant, ce qui n'était pas vraiment une attitude que devait avoir une jeune femme de son âge mais qui, lui, ne le dérangeait pas. Pour lui remonter le moral, il avait beaucoup parlé avec elle et celle-ci s'était beaucoup intéressée à lui. Ils avaient échangé sur leurs passés respectifs sans trop entrer dans les détails mais suffisamment pour avoir un meilleur aperçu de l'autre. Flynn l'avait ensuite prise en photo dans le jardin afin de rendre son mensonge plus crédible et il était reparti quand il avait senti que du travail l'attendait.

Régulièrement, il était revenue la voir et avait ainsi découvert qu'elle s'était liée d'amitié avec une jeune fille plus jeune qu'elle : Estellise Sidos Heurassein qui était issue d'une famille noble. Il leur arrivait de prendre le thé tous les trois pour bavarder, surtout en l'absence de Lady Greed. Lorsqu'il devait partir, Lilith l'aidait toujours à trouver une bonne excuse pour cela.

Puis, après qu'elle ait eu seize ans, elle lui avait posé des questions sur les anneaux qu'elle avait vus autour de son cou et il lui avait répondu… sans se douter qu'elle profiterait de l'occasion pour en passer un à son doigt et lui déclarer qu'elle voulait se marier avec lui. Il avait d'abord essayé de lui faire comprendre qu'elle n'aurait jamais une vie normale mais ce n'était pas ce qu'elle désirait. Son souhait, c'était d'être libre et il comprit qu'il était le seul à pouvoir l'exaucer, même si cela impliquait que leur idylle serait à la fois brève et compliquée. Par amour pour elle, il avait accepté de se fiancer avec elle…

Seulement, comme il s'y était attendu, Lady Greed n'avait pas vu cela d'un bon œil car Flynn était un simple artiste et n'avait rien. Elle avait donc précipité sa nièce dans un mariage arrangé… qui avait vite tourné court avec le pouvoir des anneaux des Faucheurs lorsque le marié, un vieux bourgeois fortuné, n'a jamais pu arriver à temps aux noces : il avait fait une mauvaise chute de cheval et en était mort. D'autres prétendants avaient saisi l'occasion pour prendre la main de la belle Elisabeth Blackwood mais le malheur s'abattit aussi sur eux, au point que la rumeur courait comme quoi la jeune femme était maudite, ce qui n'arrangeait pas les affaires de sa tante… qui opta pour d'autres solutions afin de se débarrasser de celle qu'elle considérait comme un problème.

Lilith était intelligente et avait donc réussi à esquiver toutes les tentatives d'empoisonnements la visant, principalement en usant de la maison elle-même qui, de ce que le Faucheur avait compris, recelait de recoins cachés que feu Robert Blackwood avait aménagés et dont seule sa petite-fille connaissait les emplacements exacts. Seulement, elle était passée à d'autres méthodes comme payer quelqu'un pour tuer sa nièce. Là encore, elle avait échoué mais cela avait coûté un œil à Repede qui, suite à cela, ne laissait presque plus personne s'approcher de sa maîtresse.

C'était suite à cet évènement que Flynn avait travaillé plus dur pour amasser une énorme somme d'argent tout en négociant avec le comte qui lui avait permis de passer inaperçu. Ce dernier était un bon vivant mais les dettes dont il avait hérité ainsi que son titre étaient un handicap pour lui, faisant que le Faucheur avait réussi à le convaincre de lui vendre son titre de noblesse et à entamer une nouvelle vie dans une autre ville.

Quand il fut revenu au manoir Blackwood mais en tant que comte Flynn Scifo, Lady Greed était loin d'être ravie et avait encore tenté de le chasser mais le jeune homme avait une autre carte dans sa manche : les témoignages de ceux qui avaient été engagés pour assassiner Elisabeth Blackwood et qui avaient échoués ainsi que des preuves prouvant qu'elle avait tout intérêt à voir sa nièce disparaître pour avoir accès à l'héritage de Robert Blackwood. Il lui avait donné le choix entre le laisser épouser Lilith ou bien faire face à la justice. Le choix avait été rapide et elle avait quitté la demeure.

Quelques jours plus tard, il avait enfin pu célébrer son mariage avec celle qu'il aimait durant le printemps de l'année où elle allait avoir ses dix-sept ans. Le comité avait été très restreint avec pour seuls invités, leurs témoins respectifs : Estellise, Repede et un Faucheur que Flynn avait rencontré deux siècles plus tôt. Seulement, il avait tenu à ce que leur nuit de noces attende qu'elle ait dix-huit ans, principalement car ils n'avaient encore jamais vécu sous le même toit et qu'il leur fallait donc s'habituer à vivre ensemble.

A cause des manigances de Lady Greed et du fait qu'il fallait que le jeune homme garde ses secrets, il n'y avait plus aucun domestique au manoir Blackwood, faisant que c'était à eux d'entretenir la demeure. Avec les horaires chaotiques du Faucheur, Lilith avait vite prit en main la cuisine, ce qu'elle avait déjà commencé à faire avant que sa tante ne s'installe. Même si jouer les femmes au foyer la faisait souvent grimacer, elle pouvait s'organiser comme elle le désirait et, surtout, elle se sentait vraiment libre de ses mouvements chez elle, y compris quand elle invitait son amie qui appréciait beaucoup la nouvelle ambiance des lieux.

Un jour, en revenant d'une matinée passée à envoyer des âmes dans l'au-delà, il avait trouvé sa compagne en train de s'occuper du jardin… vêtu de l'un de ses pantalons de travail et d'une de ses vieilles chemises. Elle avait attaché ses cheveux à la va-vite en un chignon assez brouillon mais qui lui correspondait à merveille. Elle avait un peu de terre sur les bras et le visage, signe qu'elle avait été très occupée en son absence. Quand elle avait réalisé qu'il était là en train de la regarder, elle lui avait demandé ce qui n'allait pas… et il l'avait embrassée avec fougue, ce à quoi elle lui avait répondu qu'elle savait à présent qu'elle pouvait continuer à lui piquer ses vêtements.

Bien entendu, il leur arrivait de se disputer sur des sujets divers et variés mais chacun avait son exutoire à sa propre colère : lui dessinait ou peignait tandis qu'elle jouait du piano, généralement le troisième mouvement de la sonate Clair de Lune qu'elle sublimait avec sa frustration et sa rage. Une fois, ils avaient eu un désaccord assez violent alors qu'il essayait de peindre une nature morte et ils en étaient venus à se jeter de la peinture à la figure jusqu'au moment où sa compagne lui avait sauté dessus pour essayer de le plaquer au sol… ce qui n'avait pas vraiment fonctionné vu qu'il l'avait vite dominée… et qu'il n'avait pas pu s'empêcher de rire en voyant l'état de son visage, mettant fin à leur querelle du moment.

Jusqu'aux dix-huit ans de Lilith, ils avaient fait chambre à part pour limiter les tentations et aussi parce qu'il avait besoin de peu d'heures de sommeil à cause de son statut de Faucheur. Le soir de l'anniversaire de son épouse, cette dernière l'avait rejoint dans sa chambre… uniquement vêtue de sa robe de chambre mauve qu'elle avait ensuite ouverte en grand puis laissée tomber au sol, le laissant face à une vision qui lui donnait l'impression de contempler une œuvre d'art. Elle était tellement belle avec ses longs cheveux de jais qui lui tombaient sur la poitrine qu'il osait à peine la toucher.

Aucun d'eux ne regrettait d'avoir attendu pour leur nuit de noces. Flynn ne se lassait pas de sentir sa peau nue sous ses doigts ou de la voir endormie, ses longs cheveux noirs étalés sur les draps. Les étreintes passionnées qu'ils avaient partagées n'avaient fait que lui confirmer son amour pour cette femme et son désir de partager le plus de moments possibles avec elle.

Après cette délicieuse nuit, il s'était mis en tête de faire quelques tableaux de sa compagne et ce, bien qu'il avait déjà pas mal de photos d'elle, que ce soit vêtue de ces robes style empire qu'elle aimait tant ou d'une tenue masculine, bravant les codes vestimentaires des femmes de l'époque. Il s'était surtout appliqué à faire un portrait d'elle puis, sur la suggestion de cette dernière, une toile où elle était assise de façon aguicheuse et ce, entièrement nue…

Ils avaient été heureux… jusqu'au 31 octobre 1870, le jour où leur bonheur vola en éclats.

Ce soir-là, Flynn était allé envoyer de nombreuses âmes dans l'au-delà, le choléra ayant fait des ravages dans une ville de la région. Il venait de terminer sa besogne quand son instinct de Faucheur l'avait appelé… à rentrer chez lui car quelqu'un y était mort. Son sang s'était immédiatement glacé et il était vite retourné au manoir pour s'assurer qu'il s'était trompé. Mais à son retour, aucun son ne se faisait entendre… et Repede était étendu au sol, baignant dans son sang. Avec précipitation, il avait cherché sa compagne dans toute la demeure… pour la trouver dans le petit salon, morte après avoir été étranglée.

Bien qu'il savait qu'un jour, ils devraient se séparer, jamais il n'aurait pu imaginer que cela se produirait si tôt et d'une manière si douloureuse. Il avait hurlé jusqu'à en perdre la voix, ses larmes ruisselant le long de ses joues et venant s'écraser sur le visage figé de son aimée. Sa peine était immense… au point qu'il n'avait réalisé que bien plus tard qu'étrangement, l'âme de Lilith n'était pas présente.

Le cœur lourd, il s'était résolu à enterrer son épouse dans le jardin du manoir et avait ensuite usé de ses pouvoirs de Faucheur sur cette demeure, faisant en sorte que personne ne puisse y entrer sans sa permission.

Plus d'un siècle plus tard en ce mois de septembre, il s'était rendu dans la ville d'Halure pour accomplir sa macabre besogne et venait de finir quand il s'était rendu à l'épicerie de la ville pour acheter de quoi manger. Son esprit était à nouveau obnubilé par ce drame et, surtout, d'essayer d'en déterminer l'auteur. Il avait depuis longtemps écarté Lady Greed car celle-ci avait succombé au choléra l'année avant la mort de Lilith et il en avait fait de même avec tous ceux qui auraient eu l'héritage comme mobile, aucun ne s'étant trouvé dans la région le jour du meurtre. Quelque chose lui échappait…

—Ce serait possible de vous décaler ?

Sortant de ses pensées, Flynn s'écarta pour laisser passer l'employé de l'épicerie… et il crut frôler la crise cardiaque en voyant son visage : il ressemblait trait pour trait à Lilith !

Essayant de se montrer plus rationnel, le Faucheur l'observa de loin, supposant qu'il était un descendant de la famille Blackwood qu'il avait peut-être raté en faisant leur généalogie. Seulement, en voyant les expressions de son visage, l'étincelle dans ses yeux anthracite et sa façon de râler, il avait eu un sérieux doute car cet inconnu et feu sa compagne avaient bien trop en commun.

En remarquant que l'employé semblait galérer pour trouver dans quel rayon il devait ranger les boîtes de conserves qui avaient manifestement été déplacées par un petit malin, il se dit que c'était peut-être l'occasion idéale…

—Besoin d'aide ? proposa Flynn, attirant sur lui ce regard anthracite qui l'intéressait tant.

—Ouais, admit l'employé en grimaçant. Je viens de commencer ce job et je dois déjà ranger tout le magasin alors que je viens d'arriver… en retard.

Amusé, il lui avait expliqué où allaient certains articles pour lui faciliter la tâche et ils avaient un peu discuté. Ainsi, il avait appris que ce jeune homme se nommait Yuri et qu'il venait d'emménager à Halure. Ils avaient fait connaissance au fil des jours, le Faucheur ayant fait en sorte de passer le plus souvent possible à l'épicerie, leur permettant de se lier d'amitié bien qu'ils ne se voyaient pas beaucoup en dehors de ce lieu, lui parce qu'il savait qu'il risquait de devoir partir à l'improviste et l'employé car il lui semblait qu'il maintenait volontairement une légère distance entre eux.

Un jour où Yuri était un peu distrait, Flynn en avait profité pour vérifier quelque chose… et avait confirmé ses soupçons en voyant apparaître brièvement cette alliance au doigt du jeune homme, lui révélant la vraie cause des malheurs affectifs de son ami : Elisabeth Blackwood, sa compagne qu'il avait tant aimée, s'était réincarnée en tant que Yuri Lowell.

Le Faucheur était sincèrement heureux d'avoir retrouvé l'âme de son amour… mais lorsque, après avoir fêté ses vingt-et-ans, son ami se mit à faire ces rêves où il voyait la scène du meurtre de Lilith, il eut des sueurs froides à l'idée de perdre à nouveau cette personne. Il avait tenté de reprendre l'anneau et ainsi briser le mariage mais à chaque fois, c'était un échec car, consciemment ou non, Yuri refusait de briser ce lien.

En voyant la date fatidique se rapprocher dangereusement et suite aux remarques de Sodia, Flynn en avait convenu qu'il ne pouvait plus se permettre de garder cela pour lui. Il avait besoin d'aide pour à la fois résoudre ce meurtre vieux de plus d'un siècle et empêcher un drame de se produire de nouveau.

Or, durant toutes les années s'étant écoulées depuis le jour où son cœur avait été brisé, il avait rassemblé dans sa demeure quelques âmes qui ne souhaitaient guère quitter le monde des vivants et qui, en échange, lui rendaient divers services. Dans une des chambres à l'étage, il y avait justement trois d'entre elles qui étaient présentes… et plus particulièrement Repede, le chien de Lilith qui refusait de l'abandonner, et Estellise Sidos Heurassein, empoisonnée quelques mois après la mort de son amie par un membre de sa famille et qui souhaitait élucider le meurtre ayant eu lieu au manoir Blackwood avant de trouver le repos éternel. A ses côtés, il y avait Rita Mordio, un autre fantôme qui avait refusé de rejoindre l'au-delà après avoir été brûlée vive pour sorcellerie alors qu'elle était une scientifique – celui qui s'était occupé de son cas au départ avait préféré la laisser errer en pensant qu'elle ne ferait pas plus de dommages qu'un feu follet… sans se douter qu'elle provoquerait des incendies sur son passage, faisant que Flynn avait rendu un grand service aux habitants de la région en la ramenant chez lui.

—Oh ? fit Estellise en le voyant entrer. Bonsoir Flynn. Il y a un problème ?

—C'est deux heures du matin, remarqua Rita en jetant un œil à l'horloge. Ca ne peut pas attendre que le soleil se lève ?

—Pas vraiment non, déclara le Faucheur avant de se tourner vers la jeune femme aux grands yeux turquoise. Il faut que je te parle en privé au préalable.

Soupirant d'exaspération, celle aux yeux verts quitta la pièce tandis qu'Estellise s'était mise à le fixer avec curiosité, tout comme Repede qui sentait que quelque chose n'allait pas.

—Lilith s'est réincarnée, révéla Flynn, provoquant la joie de la jeune femme. Seulement, il n'a aucun souvenir de sa vie antérieure.

—Il ? questionna-t-elle, intriguée. Elle est devenue un garçon ? Ce serait logique en même temps…

—Oui, c'est un homme à présent mais depuis quelque temps, il rêve de la nuit du meurtre et ces derniers jours, cela a empiré au point que cela en affecte son quotidien. Je… ne sais pas quoi faire et le 31 est de plus en plus proche…

Il lui avait tout avoué : sa rencontre avec Yuri, la surveillance discrète qu'il faisait du jeune homme… il ne lui avait caché aucun détail, estimant qu'elle méritait de savoir ce qu'il se passait. Elle l'avait patiemment écouté, ne lui faisant aucun reproche pour lui avoir dissimulé tout cela jusqu'à ce jour.

—Ne t'en fais pas, lui dit Estellise avec un sourire emplit de douceur. Nous serons ravis de t'aider.


NB : C'était important que j'introduise au plus tôt Estelle vis-à-vis du Fluristelle Month… Rita n'était pas essentielle mais je la voyais mal sans Estelle et vice versa.

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 Fluristelle Month 2017 : Day 2 : Constellation – Home

Note : Plus compliqué celui-là et là, ça va sentir un peu donc j'ai rebondi sur ce que je connaissais en astronomie. Au départ, je ne comptais pas faire ce thème mais après vérification de ce que j'avais cassé, me suis aperçue que je pouvais faire Home et ainsi éviter l'insertion trop brusque de certains personnages… tout en préservant un peu mon suspense d'origine qui a pris un coup lors du cassage.

Bonne lecture !


 

C'était un jour de printemps. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, les fleurs coloraient et embaumaient les jardins… et une petite fille aux cheveux de jais tenait la main d'un homme d'une cinquantaine d'années.

A partir de maintenant Elisabeth, tu vas habiter avec moi, lui dit l'homme avec bienveillance. Ma demeure est la tienne.

D'accord… répondit la petite fille, visiblement intimidée par celui qui, à ses yeux, était un géant. Où sont papa et maman ?

—… Ils sont partis très loin et ne peuvent pas revenir.

Ils arrivèrent sur le perron d'un manoir et grimpèrent les trois marches menant à la porte d'entrée en bois massif. Celle-ci fut ouverte de l'intérieur par une femme qui était vêtue d'un uniforme, indiquant qu'elle était une employée dans cette maison. Elle les laissa entrer puis referma derrière eux avant de retourner vaquer à ses occupations.

Le hall d'entrée était sombre à cause des tapisseries rouges et du parquet foncé. Il était long, comportant un escalier en bois massif menant à l'étage et des portes desservant les différentes pièces du rez-de-chaussée.

Je t'ai fait préparer ta chambre en haut, lui dit l'homme avant de lui désigner une porte sur leur gauche. Ici, c'est ma pièce favorite. Tu veux la voir ?

Elisabeth lui fit un oui timide de la tête et, avec le sourire, il ouvrit les doubles portes, révélant un petit salon sobrement décoré avec un magnifique piano noir. Il l'invita s'asseoir sur la causeuse et, une fois qu'elle fut installée, il prit place sur la banquette et commença à jouer le premier mouvement de la sonate Clair de Lune, puis le second et, enfin, le troisième. Durant toute la prestation, la petite fille avait été très attentive, ses oreilles écoutant les sons produit par l'instrument massif et ses yeux suivant les doigts qui appuyaient sur les touches.

A la fin du morceau, une larme lui échappa, signe de l'émotion que lui avait fait ressentir ce morceau en la transportant de la tristesse à la joie avant de finir sur une note épique et puissante dont elle ne saisissait pas tout à fait l'impact sur elle-même.

Grand-père ? demanda-t-elle à l'homme. Tu peux m'apprendre ?

J'en serais ravi, lui répondit-il en lui faisant signe de le rejoindre.

-§-

Encore une fois, Yuri avait eu une absence et au travail qui plus est. Heureusement, les clients ne semblaient pas s'en être aperçu mais il était de plus en plus fatigué ces derniers jours et ce, au point qu'il lui arrivait de ne plus se souvenir de ce qu'il avait fait la veille. En prime, c'était la dernière semaine d'octobre donc pas mal de monde commençait à se préparer pour Halloween donc il allait devoir penser à se mettre des bonbons de côté avant que ceux-ci ne soient tous partis.

Avant que son patron ne se rende compte qu'il tirait au flanc, l'employé alla réapprovisionner les rayons qui en avait besoin mais à peine eut-il atteint les rayonnages pour les produits sucrés qu'il grimaça en réalisant que, durant son moment d'égarement, il n'avait pas fait attention qu'une certaine personne était entrée, ce qui n'était pas son cas à elle vu le regard qu'elle lui jetait. C'était quand même difficile de la manquer pourtant : ses ballerines rouge vif avec ses collants à pois noirs se mariaient bien avec sa minijupe blanche et son chemisier ample noir – il suspectait qu'elle cherchait à cacher le fait qu'elle n'avait pas beaucoup de formes car jamais il ne l'avait vue avec un décolleté ou avec autre chose qu'une jupe – ainsi qu'avec ses cheveux roux noués en une natte sur le côté.

—Bonjour Roxy, grommela-t-il en regardant ce qu'il manquait.

—Tu sais très bien que c'est Sodia mon prénom, répliqua-t-elle d'un ton sec. Si tu arrêtais de dormir derrière ton comptoir, peut-être que tu t'en souviendrais enfin…

Cette fille n'était autre qu'une voisine de son ami. Il la détestait et c'était réciproque… Au moins, sur ce point-là, ils étaient toujours d'accord.

—Et Flynn m'a demandé de lui faire quelques achats, précisa-t-elle en lui sortant une liste de courses, ce qui n'était pas inhabituel vu qu'elle lui rendait souvent de genre de service quand il était trop occupé. Il vous en reste encore en stock ?

—Voyons… fit-il en regardant ce qui était marqué sur le papier. Il n'achète pas de bonbons pour le 31 ?

A sa question, la mine de Sodia s'assombrit.

—Non, répondit-elle en détournant le regard. Il n'aime pas ce jour-là.

Maintenant que Yuri y repensait, Flynn lui avait mentionné détester le mois d'octobre mais il ne lui avait jamais demandé pourquoi. Si un jour l'occasion se présentait, il essaierait de la saisir…

N'ayant plus d'autres raisons de parler avec elle tant qu'elle ne passait pas en caisse, l'employé s'attela à remplir les rayons vides, pestant intérieurement contre cette vieille peau qui lui avait encore fait le coup de tout déplacer pour l'enquiquiner. Autant dire qu'il avait hâte de finir son service…

-§-

Les rayons du soleil éclairaient le salon du manoir, permettant ainsi de bien voir le beau piano noir qui trônait fièrement dans cette pièce. Assise sur le banc, Elisabeth, âgée d'une dizaine d'années, jouait le premier mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven, cela sous l'œil attentif de son grand-père qui lui servait de professeur. Les longs doigts fins de l'enfant semblaient caresser les touches de l'instrument tandis qu'elle en tirait progressivement les notes désirées et ce, jusqu'à parvenir à la fin de ce mouvement.

C'est très bien, la félicita le vieil homme. Maintenant, montre-moi où tu en es avec le deuxième mouvement.

D'accord.

La fillette s'exécuta, moins sure d'elle. Quelques fausses notes se glissèrent dans sa prestation, la faisant grimacer tandis qu'elle s'évertuait à poursuivre le morceau.

Bien, nous allons travailler cela tous les deux, déclara calmement le vieil homme en venant s'asseoir près de sa petite fille. Regarde bien.

A ces mots, il montra à sa petite fille comment jouer les passages qui lui posaient problème…

-§-

Un son brutal le ramena à la réalité : celui de Sodia qui avait frappé le comptoir du poing, certainement car il ne réagissait pas au fait qu'elle avait posé son panier de courses devant son nez depuis un bon moment.

—Sur quelle planète tu étais pour ne pas être fichu d'entendre quand on te parle Lowell ! s'exclama-t-elle en voyant qu'il était enfin redescendu sur Terre.

—Pas tes oignons Roxy, répliqua Yuri en faisant la moue, mécontent d'avoir eu une absence à ce moment précis.

—Quelque part entre Orion et la Grande Ourse donc…

Il grogna un peu pour la forme, étant concentré sur scanner tous les articles qu'elle avait pris et s'assurer qu'elle avait de quoi payer – pour cela, il n'était pas inquiet car Sodia avait toujours l'appoint, ce qui lui rendait plutôt service quand elle passait après quelqu'un qui venait de lui prendre presque tous ses centimes. Une fois obtenu ce qu'elle voulait, elle s'en alla et il put s'occuper des autres clients tout en notant que le ciel était en train de se dégager.

-§-

C'était un après-midi de printemps dans le salon. Elisabeth était une jeune adolescente à présent et ses longs cheveux noirs étaient rassemblés en un chignon tressé qui allait bien avec sa jolie robe bordeaux. Assise devant son piano, elle entama le deuxième mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven avec une aisance qu'elle n'avait pas enfant.

Cependant, elle n'était pas seule : à côté de son banc, il y avait un chiot au pelage bleu et blanc qui l'écoutait jouer avec attention. Dès que les longs doigts fins jouaient une note bien précise, l'animal lâchait un bref aboiement bien sonore, comme pour accompagner la musique de sa maîtresse tout en faisant rire cette dernière.

Sciemment, la jeune fille appuya de façon répétée sur cette note, faisant que le chiot aboya jusqu'à ce qu'elle cesse.

Tu as fait des progrès Repede, dit-elle en caressant la tête de l'animal. On dirait que tu t'es habitué au piano.

En guise de réponse, elle reçut un aboiement joyeux et un coup de langue affectueux sur sa main.

-§-

Cinq minutes avant la fermeture, il avait eu une nouvelle absence, cette fois-ci vue par son patron qui l'avait sermonné un bon coup avant de lui dire de dégager car il n'avait pas besoin d'un employé qui dormait debout pour fermer les lieux. Ce fut donc avec l'arrière de son crâne douloureux et un bon coup de fatigue qu'il quitta son travail en bâillant.

Mais à peine eut-il tourné à l'angle de la rue que Yuri eut la mauvaise surprise d'être victime de vertiges. Il s'adossa contre le mur le plus proche en se tenant la tête, attendant que cela passe. Il se laissa glisser jusqu'au sol et ferma les yeux…

-§-

C'était un soir d'automne dans le salon et, cette fois-ci Elisabeth, approchant visiblement des quinze ans, jouait difficilement le dernier mouvement de la sonate Clair de Lune, ses yeux étant embuées par les larmes. Elle était vêtue en noir des pieds à la tête et ses cheveux étaient en partie décoiffés, comme si elle avait ôté un chapeau à la hâte. Repede semblait aussi triste qu'elle et restait à ses côtés, n'ayant pas d'autre moyen de la réconforter.

Grand-père… dit-elle dans un sanglot. Pourquoi ?

Son dernier parent était mort et elle venait d'assister à son enterrement. Elle avait le cœur en miettes après avoir perdu un être si cher à ses yeux…

Pourquoi… POURQUOI !

Elle posa brutalement ses coudes sur les touches du piano, faisant sursauter Repede, puis elle se tint la tête entre les mains, laissant les larmes couler sur son visage. Aveuglée par le chagrin, elle ne vit pas l'ombre qui était dans la pièce et qui s'approcha doucement d'elle… jusqu'à s'arrêter à ses côtés.

Son heure était venue.

-§-

Yuri ouvrit les yeux en grognant, sortant ainsi de sa dernière vision. Il voulut se relever… et réalisa que sa main n'était pas en contact avec le trottoir froid mais avec des draps tièdes. Il se mit d'un coup en position assise et regarda tout autour de lui, constatant qu'il était dans son studio et, vu les quelques étoiles qu'il apercevait par sa fenêtre, la nuit était tombée depuis un moment – d'ailleurs, l'éclairage de sa rue était visiblement en panne car il ne voyait pas la lumière orangée des lampadaires qui, habituellement, empêchait de voir autre chose que la lune dans le ciel nocturne. Comment était-il rentré chez lui au juste ?

Seulement, quelques détails lui indiquèrent très vite qu'il n'était pas arrivé seul ici : son tas de linge sale avait disparu, sa vaisselle était faite et n'attendait que d'être rangée, les papiers qu'il avait laissé en vrac avait tous été soigneusement classés dans des piles bien nettes, le parquet venait clairement d'être lavé, ça sentait la lavande… et la pendule en forme d'étoile qu'on lui avait donnée indiquait qu'il était dix heures du soir passées, ce qui signifiait que cela devait faire trois heures qu'il dormait.

Alors qu'il se levait de son lit, la porte d'entrée s'ouvrit puis se referma. Deux secondes après, Sodia était dans son champ de vision, un tas de linge plié dans les bras.

—Je peux savoir ce que tu fiches ici toi ? demanda Yuri, assez surpris de voir la rousse chez lui. J'ai pas souvenir que tu connaisses mon adresse…

—Je l'ai trouvée en fouillant dans ton portefeuille, lui répondit la jeune femme en posant le linge propre sur la table basse. Tu as d'ailleurs eu de la chance que je t'ai vu perdre connaissance car certains auraient pu en profiter…

—Normalement, une personne saine d'esprit appelle les pompiers…

—Tu dormais et c'était impossible de te réveiller. Je suis même étonnée que tu n'ais pas bronché quand je t'ai mis dans ma voiture.

… Vu qu'à priori, la police n'était pas venue ici, c'était qu'elle ne l'avait pas mit dans le coffre, chose dont il l'estimait parfaitement capable. Par contre, elle avait dû s'amuser pour l'amener seule ici...

—Tu m'as monté seule jusqu'ici ? demanda-t-il, intrigué vu la corpulence de la jeune femme.

—J'ai demandé un coup de main à une connaissance, répondit Sodia en ouvrant les tiroirs de la commode pour ranger les vêtements qu'elle avait apportés avec elle. Elle m'a aidée avec la lessive et la vaisselle.

—D'acc- Heu attends, t'as aussi lavé mes sous-vêtements ?

—Tu devrais t'en racheter. Excepté un ou deux boxers, ils ont tous des trous mais comme ça ne m'appartient pas, je me suis retenue de les jeter.

En jetant un œil dans les tiroirs, il réalisa que le bazar qui était à l'intérieur avait été soigneusement rangé et plié, ce qui le fit quelque peu flipper en comprenant qu'elle avait dû ranger TOUT son appartement et qu'il ne s'était pas réveillé pour autant.

Parce qu'il n'avait rien mangé depuis un moment, il jeta un œil au contenu de son frigo et en sortit un fondant au chocolat qu'il avait fait ce matin.

—T'en veux ? proposa-t-il en montrant le gâteau.

—Pourquoi pas…

Ce fut donc comme ça qu'ils se retrouvèrent tous les deux à manger du fondant au chocolat et à boire une infusion aux fruits rouges qu'il avait achetée en promo, le tout dans une ambiance un peu bizarre. En même temps, c'était logique : ils n'étaient pas amis et leurs rapports avaient toujours été tendus donc la situation actuelle était un peu… inconfortable.

—T'as vraiment fait ça avec un micro-ondes ? lui demanda Sodia, étonnée après avoir goûté le gâteau.

—Faut pas croire mais c'est pas mal comme outil quand on sait s'en servir, répondit-il en désignant l'appareil. C'est pas mal aussi pour faire cuire des pâtes quand t'as pas de casserole propre pour ça.

Yuri devait admettre qu'il était étonné de voir que, pour la première fois, il n'avait aucun souci diplomatique avec la rousse bien que cela restait bizarre de discuter avec elle. Il la trouvait même très détendue par rapport à ce dont il était habitué avec elle. Est-ce que c'était la situation qui faisait cela ou bien autre chose ?

—Je suis surprise de voir que l'on voit assez bien les étoiles de chez toi, lui fit remarquer Sodia alors qu'elle avait tourné la tête vers la fenêtre.

—Sans l'éclairage public, ça aide, admit-il avant de se souvenir de la phrase qu'elle lui avait sortie plus tôt. Et Orion, elle est visible actuellement ?

A sa question, la jeune femme observa le ciel avec attention, cherchant la fameuse constellation dans le morceau de voûte céleste qui lui était visible.

—J'en doute, fit-elle en prenant une bouchée de sa part de fondant. Il me semble apercevoir le Sagittaire et il est proche du Scorpion…

—Traduction pour les non-passionnés d'astronomie ? demanda-t-il, ne comprenant pas trop ce qu'elle voulait dire.

—Dans la mythologie grecque, Orion était un chasseur redoutable mais un jour, une divinité a envoyé un scorpion pour le tuer puis Orion et le Scorpion ont été changés en constellations, chacun placés à un bout du ciel. En d'autres termes, quand le Scorpion est visible, Orion ne l'est pas.

Il allait dormir moins bête cette nuit… Par contre, l'ambiance était moins tendue donc peut-être était-ce une bonne occasion pour tenter de briser un peu la glace mais encore fallait-il qu'il trouve comment faire.

—Sinon, qui est Elisabeth ? lui demanda Sodia, curieuse. Je t'ai entendu dire cela quand je cherchais les chaussettes ales sous ton lit.

—T'as aussi…. fit-il, estomaqué avant de se recentrer sur le sujet initial. Si je te le dis, tu vas me croire fou…

—Et si je te dis un truc sur moi en échange ? Ca te convient comme deal ?

Là, elle venait de piquer son intérêt…

—Ca marche, accepta Yuri sans hésiter. En fait, depuis quelques temps, je n'arrête pas de faire des rêves bizarres. Celui qui revient le plus souvent est celui d'une fille morte dans un salon avec un piano qui joue toujours le même morceau. Seul Flynn est au courant.

—C'est assez… glauque, lui dit Sodia en grimaçant. Et Elisabeth, c'est son nom ?

—Je pense oui mais je ne sais toujours pas pourquoi elle est morte ou qui l'a tuée.

Vu les réactions de la rousse, elle ne le prenait pas pour un déséquilibré, ce qui était déjà un bon point.

—Toujours le même morceau… dit-elle, l'air pensive. Une signification cachée peut-être ?

—Si c'est le cas, je la cherche encore, déclara Yuri en soupirant. Et sinon, c'est quoi ton problème avec moi au juste ? Je suis quasi certain que tu m'as détesté au premier regard.

—Ca c'est parce que tu es un homme. Mais maintenant que j'ai vu ton charmant calendrier des Dieux du Stade, je suis convaincue que tu n'es pas attiré par les femmes.

Il l'avait oublié celui-là… En même temps, en temps que célibataire, il avait le droit de se rincer l'œil de temps en temps… Mais la façon dont elle avait formulé cela l'interpella.

—Mauvaise expérience avec un mec ? demanda-t-il tandis qu'elle prenait une gorgée de son infusion.

—Très, dit-elle sur un ton extrêmement froid qu'il ne lui connaissait pas, lui laissant penser qu'il avait du toucher un point sensible. J'ai mis du temps à m'en remettre.

—Désolé. Je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs.

—C'est rien. Ce n'est pas comme si cela allait se reproduire un jour…

Vraiment étrange comme formulation… Qui plus est, le regard vide qu'elle avait eu à ce moment-là lui avait fait froid dans le dos. Qu'est-ce qu'elle ne lui disait pas sur ce sujet ? Il n'était pas sûr de vouloir le savoir…

—Donc j'imagine que tu en pinces pour Flynn, supposa Sodia en posant sa tasse vide.

—Oui mais je ne compte pas entamer de relation pour le moment, lui avoua Yuri en jouant avec sa petite cuillère. Je n'ai pas eu de chances à Zaphias avec mes ex et je ne me sens pas encore prêt à retenter le coup.

—D'accord. De toute façon, je doute qu'il ait en tête d'entamer une relation amoureuse, surtout en ce moment.

La rousse semblait en grande réflexion et le jeune homme préféra ne pas l'interrompre, de crainte qu'elle ne se ferme totalement à lui. Après une bonne vingtaine de secondes, elle le fixa avec prudence.

—Flynn t'as déjà parlé de ses relations passées ? demanda-t-elle avec précaution.

—Jamais, répondit-il, se souvenant que son ami avait toujours éludé ce sujet.

—Tu ne le sais pas par moi. Il a été marié par le passé mais sa compagne est morte et depuis, il est veuf. Je ne crois pas qu'il s'en soit remis vu qu'il va tous les jours sur sa tombe… Elle est décédée un 31 octobre.

Le beau blond était donc hétéro, ce dont il aurait dû se douter. Et il comprenait mieux maintenant pourquoi Flynn ne fêtait pas Halloween ou pourquoi il était discret sur sa vie privée.

—Tu la connaissais ? demanda Yuri, un peu curieux.

—Non, je suis arrivée à Halure après son décès, répondit Sodia en soupirant. J'ai juste vu quelques photos d'elle chez lui…

Alors qu'il allait lui demander si elle savait comment s'appelait l'ex-épouse de Flynn, la chanson Harley Davidson de Brigitte Bardot se fit entendre. Brusquement, la jeune femme fouilla dans son sac pour sortir son téléphone puis s'excusa pour aller répondre. Pendant qu'elle était occupée, il en profita pour mettre les tasses et les assiettes dans l'évier pour les laver plus tard.

—Il faut que j'y aille, lui dit Sodia en raccrochant. Tu t'en sortiras tout seul ?

—Sans problème, lui répondit Yuri avant de lâcher un bâillement. On se revoit à l'épicerie et…

—Cette conversation privée n'a jamais eue lieu et tout reprendra exactement comme avant. Compris ?

—Cinq sur cinq.

Retour à la case départ donc mais bon, si cela permettait d'éviter les ragots, il acceptait cela sans broncher.

-§-

C'était un jour d'hiver dans le salon et Elisabeth semblait contrariée. Il y avait du monde autour d'elle et une femme d'une quarantaine d'années essayait de la convaincre de parler à quelques hommes qui étaient présents. Seulement, elle n'en avait pas la moindre envie et semblait vouloir partir dès que possible.

Chère nièce, ces messieurs sont venus exprès pour vous voir ! finit par s'exclamer, très agacée, celle qui était sa tante.

Et je ne veux pas les voir ! répliqua la jeune fille avec force. Je ne veux pas me marier avec l'un d'eux !

Le son d'une gifle fit taire toutes les conversations, les yeux se tournant tous vers la jeune fille dont la joue venait d'être frappée par la main de sa tante.

Feu Lord Blackwood était bien trop coulant avec vous, déclara la femme plus âgée sur un ton glacial. Montez dans votre chambre et ressortez-en quand vous aurez appris où est votre place !

Après un regard noir à sa parente, l'adolescente quitta la pièce… et n'y revint que bien plus tard, à la nuit tombée. Plus personne ne s'y trouvait et, Repede à ses pieds, elle s'installa devant le piano et attrapa une partition qu'elle lue au clair de lune. Une page lui glissa des mains et s'envola sous la table basse, la forçant à se baisser pour la récupérer.

Seulement, elle fut surprise de sentir contre ses doigts, en plus de la feuille de papier, un tissu qui ne devrait pas se trouver là. Curieuse, elle attrapa cette mystérieuse étoffe et découvrit que c'était en fait un gant noir qui avait probablement été oublié par l'un des invités de sa tante. Comment avait-il atterrit là ?

Elle sursauta en entendant de légers coups derrière elle. Elisabeth se retourna, Repede grognant doucement, et vit une ombre derrière la fenêtre. A la silhouette, c'était certainement un homme mais la pleine lune l'éclairait de dos, faisant qu'il lui était impossible de distinguer ses traits. Elle avait le cœur qui battait la chamade et ne savait quoi faire… puis l'inconnu lui montra sa propre main qu'il plongea dans une poche de sa veste pour en sortir un unique gant.

Hésitante, elle avança prudemment vers la fenêtre et l'ouvrit avant de reculer très vite.

Pardon, s'excusa l'inconnu en restant à l'extérieur. Je ne voulais pas vous faire peur mais comme j'ai vu du mouvement…

Je m'en remettrai, dit-elle à voix basse avant de lui tendre le gant. C'est à vous je présume ?

Oui, merci. Je suis vraiment désolé pour le dérangement.

Il s'avança d'un pas pour récupérer son bien puis baissa la tête vers Repede qui l'observait attentivement. L'inconnu se baissa pour se mettre au niveau de l'animal et attendit un peu, laissant le temps au chien de le renifler avec attention. Son examen finit, le jeune chien remua joyeusement la queue et l'homme lui caressa affectueusement la tête avant de se relever.

Il n'aime pas les étrangers d'habitude, remarqua l'adolescente, étonnée.

Il protège sa maîtresse, ce qui est normal, lui répondit l'inconnu. Par contre, je vais devoir vous laisser…

Vous reviendrez ?

Il marqua un temps d'arrêt, visiblement surpris par la question.

Uniquement si vous le désirez.

-§-

Il était près de minuit quand, profitant que Yuri dormait d'un sommeil de plomb, quelqu'un s'introduisit chez lui… en passant à travers la porte d'entrée. Un fantôme entra dans son studio avec aisance puis s'arrêta, l'observant dormir.

—Il ne se réveillera pas avant l'aube. J'ai déjà vérifié.

Sortant de l'ombre, Flynn rejoignit l'ectoplasme… qui n'était autre que Sodia O'Daly, une jeune femme morte depuis l'année 1967 dans des circonstances peu enviables… Normalement, il aurait dû l'envoyer dans l'au-delà mais dans son cas, il avait fait une exception, ce qui lui rendait bien service.

—C'est effarant la ressemblance entre Lowell et le portrait d'Elisabeth Blackwood, lui déclara la rousse dont le regard violine fixait toujours le jeune homme endormi. S'il ne m'avait pas parlé de ses rêves étranges, j'aurais continué de penser qu'il était son descendant.

—Je peux te certifier que Lilith n'a aucune descendance directe, précisa-t-il avec amertume. Elle était enfant unique et j'ai personnellement vérifié si elle avait un demi-frère ou une demi-sœur quand j'ai rencontré Yuri. J'ai beau chercher, je ne comprends pas pourquoi elle s'est réincarnée…

—Moi ce qui me choque, c'est qu'elle soit passée de femme à homme…

—Vu comment était la société à l'époque, je ne suis pas surpris. Son âme n'a jamais vraiment aimé qu'on l'empêche de vivre.

Flynn trouvait cela plus que logique que Lilith soit devenue Yuri : elle avait tellement détesté le statut des femmes à son époque qu'elle devait désirer ardemment être aussi libre de ses faits et gestes que pouvait l'être un homme. De toute manière, peu importe qu'elle soit fille ou garçon, c'était l'âme d'Elisabeth Blackwood qui l'avait séduit et jamais il n'en avait trouvé d'aussi belle à ses yeux.

—Oh et désolée d'avoir été indiscrète, s'excusa Sodia, penaude. Je voulais essayer de comprendre ce que tu nous cachais et si je ne lui donnais pas de grain à moudre…

—Tu as eu raison, la rassura-t-il. C'est moi qui aurais dû vous dire à tous ce que je faisais au lieu de garder cela pour moi. Mais j'avoue que je crains un peu ce que peuvent faire certains d'entre eux…

Il allait devoir les canaliser un peu mieux s'il leur disait toute la vérité sur Yuri, surtout ceux qui étaient susceptibles de faire une gaffe…

—Que se passera-t-il quand il aura retrouvé toute sa mémoire ? demanda la jeune femme, curieuse.

—Je l'ignore, avoua Flynn qui se sentait impuissant depuis le moment où ces cauchemars avaient commencés. Techniquement, le manoir Blackwood lui revient car c'est sa maison mais… j'ai peur que l'histoire se répète.

Non, il ne voulait pas que Yuri vienne au manoir tant que le 31 octobre n'était pas passé. Lilith avait vingt-et-un ans à sa mort, tout comme lui. Il était plus prudent qu'il le surveille de loin et s'assure personnellement que ce drame n'allait pas se reproduire sous ses yeux… tout en essayant de comprendre la raison de cette réincarnation.


NB : Le suivant sera plus simple à écrire logiquement mais pas forcément rendu dans les temps vu mon planning (sauf si je parviens à m'isoler tout le week-end et que la connexion internet est correcte)

kaleiyahitsumei: (Default)
Disclaimer : Tales of Vesperia ne m’appartient (sinon j’aurais déjà fait une suite du jeu…)

Titre : Mélodie funèbre

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Rating : T (pour l’instant… Je me méfie avec moi…)

Genre : Heu… Mystery/ Romance c’est certain.

Fluristelle 2017 : Day 1 : Flower Crown – Promises

Note : A l’origine, j’avais écris une fic avec Yuri qui avait eu une mauvaise surprise dans un manoir mais… j’ai abandonné le projet car je n’y accrochais plus (10000 mots pourtant…) et je l’ai remanié mais là, ça partait un peu trop dans tous les sens à cause du format choisi donc vu que je voulais quand même garder ce scénario, j’ai profité du Fluristelle Month pour casser ce projet, quitte à prendre le risque d’anéantir quelques éléments de suspense. Je ne sais pas si j’arriverai à faire tous les thèmes mais je vais essayer quand même. Bonne lecture !

 



Cette nuit-là, des notes de piano résonnaient, jouant furieusement le dernier mouvement de la sonate « Clair de lune » de Beethoven. Les doigts bougeaient rapidement sur les touches, suivant scrupuleusement la partition, faiblement éclairée par les rayons de l’astre lunaire qui passaient à travers la vitre… du moins, quelqu’un devait bien être en train d’en jouer si l’on était logique donc… pourquoi le piano semblait-il jouer lui-même ces notes ?

Une vieille chaise à bascule se balançait d’elle-même dans un coin de la pièce, faisant grincer le plancher massif. Un courant d’air glacé soufflait dans la pièce, soulevant les rideaux blancs qui encadraient les fenêtres. Sur une table basse, un plateau en argent était présent et, posé sur celui-ci, il y avait une théière de porcelaine, une petite cuillère, un petit sucrier et une petite soucoupe de porcelaine. Cependant, sur la surface métallique et sur le meuble, il y avait des gouttes de thé qui, si on les suivaient, amenaient aux débris de la tasse correspondant à ce service éparpillés sur le sol… à environ un mètre d’un guéridon renversé, d’un fauteuil qui avait été déplacé, d’une lampe brisée… et du corps sans vie d’une femme dont la main gauche était fermement agrippée à un foulard de soie déchiré.

Ses longs cheveux noirs entouraient son visage au teint pâle et sans vie, tranchant avec la blancheur de sa robe de style empire qui laissait ses épaules découvertes. Elle ne portait pas de chaussures et aucun bijou excepté une bague en métal sombre à sa main gauche…

-§-

Une violente tape derrière la tête réveilla Yuri, endormi sur le comptoir de l’épicerie de la ville d’Halure. Il se frotta l’arrière du crâne, peu enchanté de ce réveil brutal et très désagréable. Il croisa le regard noir de son patron et afficha un air désolé en enlevant ses fesses du tabouret puis en allant dans les rayons pour faire un peu de rangement tout en lâchant un bâillement sonore, avant de passer sa main droite dans ses longs cheveux de jais pour se masser l’arrière de la tête.

Encore ce rêve… Il le faisait depuis qu’il avait fêté ses vingt-et-un ans cet été et à chaque fois qu’il le faisait, celui-ci gagnait en précision – au départ, tout était flou et il était impossible de savoir quelle musique était jouée au piano. Le détail de la bague était nouveau mais les couleurs restaient encore difficiles à distinguer. Peut-être qu’il arrivera à savoir la couleur exacte de ce foulard lors de sa prochaine sieste ?

Le jeune homme nota que certains articles n’étaient plus à leur place – encore un coup de cette vieille peau qui aimait bien tout déplacer pour l’enquiquiner – donc il se mit au travail en pestant contre ça ainsi que contre cette chemise à rayures oranges qu’il détestait porter.

—Je serais toi, je garderai ce genre de pensée pour moi.

A l’entente de cette voix masculine, Yuri eut un sourire amusé et, après avoir remis à la bonne place un pot de moutarde, il se tourna vers un de ses clients réguliers qui le fixait de ses yeux azur en tenant un panier contenant ses courses du jour.

—S’il n’y a que toi pour les entendre, je ne vois pas où est le mal, répliqua-t-il en prenant un paquet de biscuits qui avait été laissé avec les conserves. Tu les veux Flynn ?

Le dénommé Flynn leva les yeux au ciel avant de prendre les gâteaux et de les mettre dans son panier avec la bouteille de lait et le sachet de pâtes qui s’y trouvaient déjà.

Tous les deux avaient le même âge et, depuis que Yuri avait emménagé à Halure et commencé son travail à l’épicerie l’année précédente, il avait fait la connaissance du jeune homme au regard azur et aux cheveux blonds avec qui il discutait presque tous les jours – à force, ils étaient devenus amis bien qu’ils ne se voyaient que très peu en dehors de cet endroit à cause de l’emploi du temps variable du blond. Auparavant, Yuri vivait à Zaphias mais il était parti après ce qu’il était arrivé à son dernier petit ami…

—Tu fais toujours ce rêve étrange ? lui demanda Flynn, l’air soucieux.

—Ouais, répondit l’employé en continuant son travail. Comme d’hab’, il gagne de plus en plus en précision. Ce coup-ci, j’ai vu que cette fille devait être mariée mais je ne sais toujours pas qui l’a tuée…

Ce songe qu’il faisait sans arrêt, il n’en avait parlé qu’à son ami, ayant peur d’être prit pour un fou. Celui-ci ne l’avait pas jugé et l’avait même aidé à mieux comprendre ce qu’il voyait – par exemple, il lui avait amené plusieurs vieux CD de musique classique, lui permettant ainsi de découvrir quel morceau était joué sur ce piano. D’après ce qu’ils avaient réussi à savoir via les éléments de ce rêve et les différentes recherches effectuées, la période où cette scène avait eu lieu se situait entre 1860 – le style de la chaise à bascule indiquait qu’elle n’avait pas pu être fabriquée avant cette année-là – et maintenant. Par contre, il était compliqué de l’identifier car il n’avait toujours pas pu distinguer les traits de son visage. Qui était-elle au juste ?

—A part ça, comment vas-tu ? demanda Yuri en prenant un paquet de pâtes qu’il glissa dans le panier de son ami. Toujours occupé par le travail ?

—C’est plus calme pour l’instant, répondit Flynn en remettant en place un bocal d’olives que l’employé avait glissé parmi ses courses. J’espère juste que ça va continuer à l’être à la fin du mois car ce sera déjà assez agité comme ça avec Halloween.

Ils étaient actuellement à la mi-octobre, une période où la ville fleurie d’Halure prenait surtout des teintes orangées avec les feuilles qui tombaient des arbres. Il commençait à faire froid, signe que l’été était parti et que l’automne préparait le terrain pour l’hiver à venir. Si le jeune homme aux cheveux de jais appréciait de pouvoir porter ses vieux jeans sombres et une veste noire bien confortable, son ami, souvent vêtu d’un pantalon bleu clair léger avec un haut blanc, allait devoir commencer à sortir les pulls et autres habits chauds.

Un bip sonore retentit et, en grognant, Flynn sortit son téléphone portable de la poche de sa veste en coton beige.

—Je vais devoir y aller en urgence, déclara-t-il après avoir regardé le message qu’il avait reçu. Ca te dérange si je te laisse…

—C’est moi qui fait la fermeture donc pas de souci, coupa Yuri avec un sourire en coin. Passe chercher tout ça quand tu auras fini.

Ce n’était pas une première : son ami pouvait être appelé n’importe quand pour une urgence et il devait partir au plus vite, plaquant du coup tout ce qu’il était en train de faire. L’employé de l’épicerie s’y était adapté et lui gardait souvent ses courses quand cela arrivait ici pour qu’il puisse venir les récupérer plus tard ou demander à un voisin de le faire pour lui. Il l’aurait bien invité à un rencard s’il était certain que c’était possible et qu’il n’avait pas eu ces petits soucis à Zaphias avec ses ex…

Après le départ de Flynn, Yuri vérifia que son patron ne pouvait pas le voir et sortit son vieux téléphone de sa poche. L’appareil ne lui servait qu’en cas de problème, le jeune homme ayant renoncé à sa vie sociale pour éviter de se retrouver en couple et de relancer cette série de malchance qui s’enclenchait dès qu’il commençait à fréquenter quelqu’un. Sans surprise, il n’y avait aucun message – il avait changé de numéro en déménageant – donc il remit l’appareil dans sa poche et reprit son travail.

Les minutes défilèrent, tout comme les clients. Il avait vu passer pas mal de monde : des adolescents qui avaient tenté d’acheter de l’alcool sans avoir l’âge légal pour cela, quelques accros au sucre, une ou deux pâtissières en herbe qui étaient en panne d’ingrédients, la kleptomane du quartier qui avait tenté de lui piquer des pots pour bébés, un mec qui semblait assez perplexe devant ce qu’il avait acheté – manifestement, il avait dû faire les courses de sa copine et découvert pour la première fois ce qu’était une boîte de tampons – et une mère dont la fille avait flashé sur la longueur de ses cheveux – l’employé avait grincé des dents quand elle avait commencé à mentionner le film Raiponce et, plus particulièrement, le passage où les cheveux de cette dernière avaient été coiffés par des petites filles et qu’elles y avaient ajouté pleins de fleurs.

—C’est dommage que ce soit finit les pâquerettes, lui dit la petite fille alors que sa mère était en train de payer ses articles. Ca aurait été trop joli dans vos cheveux…

—Une prochaine fois peut-être, avait répondu Yuri en espérant intérieurement que cette idée de se servir de lui comme tête à coiffer allait lui passer d’ici le printemps. Merci à vous et bonne soirée.

Au moment même où la mère passa la porte de l’épicerie, Flynn revint et, manifestement, il n’avait pas manqué le regard peiné de la fillette.

—Qu’est-ce que tu lui as fait au juste ? demanda son ami en haussant un sourcil.

—Elle voulait faire un remake de Raiponce sur moi, répondit l’employé en récupérant le panier de courses qu’il avait mis de côté. La scène avec la tresse et les fleurs pour être exact…

—Celle-là… C’est vrai que ce serait réalisable sur toi.

En entendant ces mots, Yuri jeta un regard noir à son ami, lui promettant mille souffrances pour avoir osé dire cela… ce qui amusait beaucoup ce dernier.

—Toi, je te jure que tu vas me le payer…

Il dut se retenir de lui faire payer le double pour ses articles…

Alors qu’il venait de scanner une boîte en métal contenant du thé, dernier objet présent dans le panier, Yuri eut comme une drôle de sensation. Il mit cela sur le compte de la fatigue et ferma brièvement les yeux...

… mais quand il les rouvrit, il vit ce salon dont il rêvait pratiquement toutes les nuits sauf que, cette fois-ci, il le voyait en plein jour. Les rayons du soleil filtraient à travers les grandes fenêtres, éclairant le beau piano noir, la table basse en bois sombre, la causeuse en tissu mauve, la chaise à bascule, les murs recouverts d’un papier peint clair aux motifs fleuris…

Assise sur la banquette du piano, il y avait une jeune femme vêtue d’une robe bordeaux style empire qui ne cachait en rien ses épaules et dévoilait grandement ses bras. Ses longs cheveux de jais étaient libres de toute entrave, encadrant un visage aux traits fins et au teint clair tandis que ses yeux gris étaient concentrés sur la partition, ses doigts jouant avec soin la mélodie au piano qui était le premier mouvement de la sonate Clair de Lune…

—Yuri ?

Brutalement, le jeune homme revint au moment présent et s’aperçu que Flynn le fixait avec inquiétude.

—Désolé, s’excusa l’employé en soupirant. Je dois être plus crevé que ce que je pensais.

—Tu as déjà eu d’autres absences comme ça ? lui demanda son ami en lui donnant l’argent qu’il lui devait.

—Nan, c’est la première fois à ce que je sache. Faut juste que j’aille me coucher.

—Fais attention en rentrant chez toi.

—Promis.

Pendant un instant, Flynn avait eu l’air sceptique et il lui aurait certainement proposé de rester si son cher téléphone n’avait pas de nouveau sonné, le contraignant à repartir. Yuri resta donc durant l’heure qu’il lui restait à s’occuper des derniers clients, veillant à ce que certains ne tentent pas de piquer quoique ce soit et râlant intérieurement contre ceux qui n’avaient pas l’appoint – la spécialiste de la chose et qui venait toujours quand sa caisse n’avait quasiment plus de centimes était une vieille de soixante ans qui ne pouvait pas l’encadrer. Puis enfin, il put fermer l’épicerie et compter cette fichue caisse – il grogna en constatant qu’il lui manquait de l’argent, surement à cause de cette histoire d’appoint vu que la somme était petite mais cela allait lui valoir un bon sermon demain.

Il était près de vingt heures quand il put enfin partir, une veste noire sur le dos pour le protéger du vent froid qui s’était mis à souffler. Il devait compter au moins un bon quart d’heure de marche à pied pour rentrer chez lui s’il allait vite sauf que pour atteindre son immeuble, le chemin le plus court était une montée méchamment raide qui était loin d’être agréable à faire quand on était déjà crevé à la base. Seulement, il n’avait pas envie de faire tout le tour et de perdre encore plus de temps donc il se résolu à l’emprunter, ce qu’il fit sans se presser pour éviter d’être essoufflé à la moitié du parcours.

Mais même en prenant son temps, aux deux tiers de la montée, il fut obligé de s’asseoir sur une des marches pour récupérer… Il avait vraiment sous-estimé sa fatigue et le fait qu’il commençait à avoir des vertiges lui laissait penser qu’il ferait mieux de manger quelque chose dès que possible.

Sortant une barre de céréales de sa poche, Yuri en ôta l’emballage et en croqua un bon morceau – de mémoire, cela devait être la dernière qu’il avait donc il faudra qu’il pense demain à en racheter tout en se demandant s’il essayait celles aux fruits rouges ou non. Son esprit vagabonda vers ce salon dont il rêvait si fréquemment puis s’attarda sur cette femme…

Bien qu’il avait eu une vision des lieux en plein jour, impossible pour lui de se souvenir des traits du visage de cette inconnue qui était vraisemblablement celle dont il voyait le corps inerte chaque nuit. L’époque se précisait de plus en plus et il était à présent quasi certain que cette personne avait vécu durant la deuxième moitié du XIXème siècle bien que le mobilier et son style vestimentaire correspondaient plus au début de cette période. S’il pouvait obtenir plus d’indices ou voir d’autres pièces de cette demeure, il lui serait possible de confirmer son hypothèse.

Il ferma les yeux pour essayer de visualiser à nouveau cette pièce… et il y fut de nouveau précipité. Cette fois-ci, cette femme portait une robe blanche assez simple dans sa coupe sur laquelle étaient brodées des fleurs violettes. Ses cheveux de jais avaient été rassemblés en un chignon bas orné de quelques fleurs mais quelques mèches étaient laissées libres, encadrant son visage. Elle était assise sur la causeuse avec un homme aux cheveux blonds vêtu d’une chemise claire sur laquelle il y avait des tâches de peinture et d’un pantalon marron qui n’avait rien d’extraordinaire. Seulement, impossible de distinguer leurs traits.

Entre ses doigts, la femme tenait un anneau en métal sombre qu’elle regardait sous tous les angles.

—Qu’est-ce qu’il représente au juste ? demanda-t-elle, curieuse. Je n’arrive pas à lire ce qui est gravé à l’intérieur…

—La promesse d’un engagement mutuel, lui répondit l’homme en sortant un deuxième anneau qui était attaché à une chaine autour de son cou. Quant à l’inscription, c’est plutôt une sorte… de sortilège.

—De sortilège ? Donc si l’un trompe l’autre…

—En fait, les anneaux symbolisent le lien créé entre les deux âmes et il ne peut être rompu que si l’un des deux désire profondément casser celui-ci. Et s’il y a adultère, c’est plutôt l’amant qui devrait s’inquiéter…

—C’est à partir du mariage ?

—A partir des fiançailles plutôt.

Après quelques secondes, la femme prit le bijou entre son pouce et son index avant de le passer à son annulaire gauche, provoquant une réaction paniquée chez son interlocuteur.

—Lilith ! s’exclama-t-il avec surprise. Mais qu’est-ce que tu fais ?

—Je me fiance avec toi, dit-elle avec désinvolture. Pourquoi ?

—Mais… Tu réalises ce que cela va impliquer ? Je sais que tu veux fuir un mariage arrangé mais…

—C’est pour toi que je veux faire ça, pas pour moi.

En entendant ces mots, l’homme ne sut visiblement pas quoi répondre. Il restait figé, stupéfait par cette réponse tandis que Lilith agitait sa main devant ses yeux pour le faire réagir.

—Je… commença-t-il avant de s’interrompre. Tu es folle. Je ne vois que ça.

—Apprend moi quelque chose que j’ignore car j’entends déjà ça tous les jours, répliqua la femme en lâchant un soupir exaspéré.

—Je veux dire… T’engager avec moi comme ça n’est pas une bonne chose. Jamais je ne pourrais t’offrir une vie normale…

—Si j’avais voulu finir mariée avec le premier type venu et devoir lui pondre pleins de gosses pendant qu’il dilapide l’argent que m’a léguée mon grand-père ou qu’il se tape je ne sais qui dans mon dos, ce serait déjà fait. Je ne t’aurais pas rencontré, j’aurais déjà fugué depuis un moment.

Sans laisser le temps à l’homme de lui répondre, Lilith combla rapidement la distance entre eux et posa ses lèvres sur les siennes…

Ce fut des gouttes de pluie qui sortirent Yuri de son rêve éveillé, le poussant à vite rentrer chez lui s’il ne tenait pas à finir tremper. Il ne mit pas longtemps à atteindre son immeuble, pressé qu’il était de se mettre au sec. Arrivé à son studio, il avait balancé dans un coin sa veste et s’était affalé sur son lit.

-§-

Lilith rompit le contact, s’écartant un peu tandis que l’homme aux cheveux blonds portait sa main tremblante à sa bouche.

—Je sais que tu n’es pas heureux d’être ce que tu es, lui dit-elle avant de lui sourire. C’est pour ça que j’aimerai alléger un peu ton fardeau en t’offrant ma compagnie, même si, pour toi, elle ne sera certainement qu’éphémère. Et puis tu es le seul homme que je connaisse qui ne veut pas m’empêcher de vivre.

—Parce que c’est ce que j’aime chez toi, avoua-t-il en prenant sa main entre les siennes. J’aime ton côté rebelle, j’aime t’entendre rire, j’aime t’écouter jouer du piano nuit et jour, j’aime te voir te promener pieds nus, j’aime quand tu ne veux pas suivre les modes, j’aime…

Il fut interrompu dans sa tirade quand Lilith l’embrassa à nouveau, un geste auquel il répondit sans hésiter. Quand il se rompit, il détacha la chaîne autour de son cou et en libéra l’anneau qu’il déposa dans le creux de sa main.

—Ta famille ne va pas être ravie, constata-t-il avec un léger sourire.

—Je ne fais que leur rendre la monnaie de leur pièce, répondit-elle en prenant le bijou avant de le passer au doigt de son amant. Et puis comme ça, je pourrais enfin récupérer tout ce que mon grand-père m’a laissé.

—Ils y seront contraints et si jamais ils refusent, alors j’userai de certains atouts que j’ai dans ma manche.

—Oh ? Tu as donc tant de secrets que cela Flynn ? Moi qui croyais les avoir tous découverts…

A ces mots, il lui sourit, plantant ses yeux bleus dans son regard anthracite, puis il lui baisa amoureusement la main…

-§-

Profondément endormi sur son lit, Yuri n’avait pas réalisé qu’il n’était pas seul dans son studio : quelqu’un l’observait depuis un bon moment déjà et, une fois certain qu’il ne réveillerait pas l’occupant des lieux, était sorti de sa cachette.

Soupirant face au bazar des lieux, Flynn dut se retenir de tout ranger et s’approcha du lit avec précautions, enjambant un tas de vêtements qui auraient bien besoin d’être lavés. Prudemment, il s’assit sur le lit et prit la main gauche du jeune homme dans la sienne. Il posa son annulaire gauche sur celui de son ami… dévoilant un anneau en métal sombre autour de chacun d’eux.

—Ca empire de jour en jour… murmura-t-il avec inquiétude.

Il tenta d’ôter la bague au doigt de Yuri mais à peine eut-il essayé de bouger le bijou que son porteur se mit à gémir dans son sommeil, lui faisant stopper son geste.

—Flynn… souffla l’endormi. Reste…

—… Je ne peux pas te faire cette promesse, dit-il en lui lâchant la main avant de le recouvrir avec la couverture abandonnée au pied du lit.

Avec réticence, il se leva et s’éloigna. Il ne pouvait pas rester plus longtemps car il avait à faire. Octobre était le pire mois de l’année, à la fois à cause de sa charge de travail qui était plus forte et aussi parce que le dernier jour était très éprouvant pour lui au niveau moral.

—Ne meurs pas de nouveau, lui dit Flynn avant de commencer à disparaître dans un nuage de fumée noire. Je ne le supporterai pas cette fois-ci…

 


 

NB : Pas certaine d’avoir réussi à caser les deux thèmes… Vais essayer de faire mieux pour les suivants.

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 Notes : Pour le passage au chant, les paroles correspondent à la chanson « Veil of Elysium » de Kamelot, plus précisément à sa version acoustique (il n'y a pas de guitare électrique dans cette fic donc je prends les versions acoustiques quand elles existent).

Playlist :

Emmanuel Moire – Etre à la hauteur

Sofia Essaidi – Tout sera stratagème

Kamelot – Veil of Elysium (acoustic)

Halestorm – Familiar taste of poison

Battle Beast – Familiar Hell


Partie 4

Illuminée par des torches et par les derniers rayons du soleil, la salle de banquet du palais royal était grandiose. Avec son sol de marbre blanc, ses colonnes sur lesquelles étaient gravées des scènes de la vie quotidienne et son plafond où était peint un ciel azuré, cette pièce était une des plus belles qu'il était possible de voir. Concernant son ameublement, il était sobre, se limitant aux tables en bois laqué dont le bord était plaqué or et aux sièges fait de bois d'ébène venu tout droit de Séléné avec des coussins colorés sur lesquels s'asseyaient les convives – seul le roi avait un fauteuil avec un haut dossier dont les bras étaient plaqués or et qui lui permettait de clairement se démarquer par rapport à ses invités.

Cependant, lorsque cette salle était remplie et ses tables richement garnies de mets divers et variées, ce bel endroit était à la fois celui où toute personne de la haute société souhaitait ardemment se trouver mais aussi celui qui pouvait donner mal au crâne à n'importe quel Nyx qui était assis sur l'un de ces sièges.

Yuri avait l'habitude d'occulter les manigances et faux-semblants au sein du harem pour s'éviter des migraines face à tous les mensonges qu'il percevait mais pour faire cela, il fallait qu'il soit en pleine possession de ses moyens. Or, l'idéal pour lui aurait été d'être en bout de table ou juste à côté du roi mais la présence de notables et des autres favoris le contraignait à être placé face à Orpin et Narcisse et à côté d'un noble qui s'était bien trop parfumé – il ne détestait pas les odeurs fleuries mais celle-ci était bien trop entêtante à son goût. Normalement, Lucrèce devrait être assis à sa gauche mais il n'était toujours pas arrivé, ce qui signifiait qu'il n'aurait personne pour faire la conversation à sa place si nécessaire.

Heureusement, un divertissement était offert aux invités : des jongleurs, des joueurs de luth et des cracheurs de feu animaient la soirée, de quoi occuper ceux qui ne s'intéressaient pas aux affaires du royaume. De plus, il savait que, debout derrière lui, il y avait Flynn, très certainement droit comme un i et qui allait garder les deux yeux sur lui.

Cependant, un détail avait attiré son attention lors de son arrivée : le nombre de gardes qui était plus élevé qu'auparavant. Même s'il n'évoluait pas librement hors du harem, il avait déjà été assez souvent dans ce genre de mondanités pour savoir que cela était inhabituel. Peut-être y avait-il une crainte d'une tentative d'assassinat sur le roi d'Hélios…

« Dites-moi, que pensez-vous des… » commença son voisin de droite sur un ton un peu trop doucereux à son goût.

« Rien du tout. » coupa abruptement le favori avant de boire une gorgée de sa coupe de vin.

Officiellement, cette boisson venait de Séléné mais il reconnaissait le goût du vin blanc légèrement sucré et fruité produit dans les Terres des Nyx – il suspectait que le roi Thar le faisait importer à Aurum uniquement pour lui car excepté Raven, personne ne s'en était fait servir. Seulement, comme il ne souhaitait absolument pas être pris dans ces toiles de mensonges, il préférait encore obscurcir ses sens plutôt que de supporter consciemment les manières de la haute société – certes, il aurait pu prendre de la bière mais il avait toujours détesté la saveur de cette boisson.

Côté nourriture, il avait jeté son dévolu sur le canard à l'orange, un plat assez populaire sur les côtes de la mer Azurée où les agrumes poussaient en grand nombre. Il aurait volontiers opté pour des gâteaux aux dattes si ceux-ci n'avaient pas déjà été monopolisés par Orpin qui était connu pour en raffoler. Heureusement, pour ce qui était des desserts, il avait encore pas mal de choix – dans tous les cas, il bouderait ceux aux figues, même ceux où elles étaient noyées dans du miel – mais avant de s'attaquer à du sucré, il hésitait entre accompagner sa viande de lentilles ou de fèves – à Némésis, il n'aurait jamais pu avoir un tel choix de plats à cause des conflits réguliers mais il lui arrivait de regretter les truites fraichement pêchées du Lymna ou encore les lapins accompagnés de carottes et de pommes de terre.

Yuri regarda rapidement les convives, remarquant quelque chose d'un peu curieux concernant l'ambiance des lieux. S'il ne voyait rien d'inhabituel du côté des invités et des autres favoris – Narcisse avait toujours adoré les commérages et ce genre d'occasion était parfaite pour en apprendre de nouveaux –, il trouvait le roi ainsi que le capitaine de la garde plutôt tendus tandis que Garista semblait contrarié. Le maître des lieux, comme à chaque apparition publique, portait un Némès aux rayures horizontales jaunes et bleu roi qui masquait intégralement sa chevelure. S'il était vêtu d'une simple toge blanche à manches longues faite avec le lin le plus précieux qui soit, celle-ci était accessoirisée d'une ceinture épaisse composée des multiples perles bleues, turquoises et ocres ainsi que d'un collier plastron composé des mêmes perles colorées mais comportant un soleil en or en son centre.

Les yeux mordorés du souverain croisèrent les siens avant de se poser sur la place vide de Lucrèce avec un léger mécontentement… ou peut-être même de la suspicion – les sens du Nyx étaient un peu perturbés par le peu d'alcool qu'il avait bu et tout ce qui l'entourait donc il avait un peu de mal à décrypter cette expression qui n'avait duré qu'à peine deux secondes. Il le vit se pencher vers le soldat à sa droite et lui murmurer quelque chose à l'oreille.

Pour une raison ou pour une autre, il sentait qu'il n'allait pas tarder à quitter sa place.

Le favori s'intéressa à sa coupe en or gravée de motif fleuris et la tourna légèrement entre ses doigts avant de prendre une nouvelle gorgée de vin blanc. Ayant eu une sensation bizarre à sa lèvre inférieure, il examina plus attentivement le rebord de cet objet, notant qu'il avait un défaut : d'une manière ou d'autre autre, le métal avait été abîmé sur une petite zone, si bien que seul un examen approfondi ou, comme à l'instant, un contact sur cette partie bien précise permettait de savoir qu'elle était légèrement ébréchée.

Le notable à sa droite allait tenter à nouveau d'engager la conversation avec lui quand Raven vint se placer entre eux avec une mine grave, ce qui convainquit le noble de changer d'idée.

« Son Altesse veut te parler maintenant. » lui déclara le soldat à voix basse avant de s'écarter.

Bingo… Yuri se retint de soupirer de soulagement car il doutait fort d'obtenir la place du vieux jusqu'à la fin du banquet et qui lui aurait permis d'avoir une paix royale – par le passé, il n'avait été assis à côté du roi que lors de deux occasions similaires mais dans les deux cas, Garista était absent faisant que, dans ces cas-là, son siège était offert à un membre du harem qui était soit un favori, soit un nouveau venu au harem qui avait plu au souverain.

Le Nyx posa sa coupe de vin puis se leva et jeta un coup d'œil rapide à Flynn, remarquant ainsi que le capitaine de la garde s'était placé à côté de celui-ci et qu'il avait engagé la conversation – cela n'avait rien d'anormal en soit entre un soldat et son supérieur. Sous les regards de quelques curieux, le favori rejoignit la place vacante à droite du roi Thar et s'y assit en croisant les jambes, dévoilant en partie l'une d'elle quand le lin noir et fin glissa contre sa peau claire. A peine deux secondes plus tard, le souverain était penché vers lui et avait posé une main chaude sur sa cuisse.

« Tu portes toujours cette couleur à merveille. » lui susurra le dirigeant d'Hélios en glissant ses doigts jusqu'aux deux pans de tissus qui s'étaient séparés en haut de son genou. « Si nous étions seuls, cet habit serait déjà plus ouvert que maintenant. »

« Et moi qui vous croyais capable de me baiser devant un large public. » répliqua Yuri à voix basse pour que seul son interlocuteur l'entende. « Je suis déçu. J'avais bu du vin exprès pour m'y préparer ! »

« Je préfères un bien plus petit comité pour admirer le spectacle mais trêve de plaisanteries. »

Le roi Thar enleva sa main de sa cuisse pour la placer derrière sa nuque. Il sentit les doigts du souverain se refermer sur son cou, prêts à écraser sa gorge si nécessaire, ainsi que le contact du métal sur sa peau, là où le maître des lieux portait ses bagues.

« Qu'est-ce que c'est que cela ? » demanda le roi en le forçant à regarder en direction de l'endroit où se tenaient Flynn et Raven. « C'est un nouveau jeu que de faire porter un masque à ton garde ? »

« J'ai naïvement pensé que vous feriez un bal masqué ce soir. » répondit le Nyx qui ne comptait pas dévoiler la vraie raison de ce petit manège. « Il semblerait que je me sois trompé. »

Un petit soupir agacé lui indiqua que le maître des lieux n'était pas satisfait de ce qu'il venait d'entendre mais il n'avait eu aucune autre réaction. Puis le jeune homme eut la tête tourné vers le siège vide, probablement la vraie raison de son geste.

« Où est Lucrèce ? » questionna le souverain sur un ton beaucoup moins agréable.

« Je ne suis pas sa nounou. » répliqua Yuri avant de sentir les doigts du roi appuyer brièvement sur sa gorge, lui faisant comprendre que le temps des sarcasmes était passé. « Je ne l'ai pas croisé en partant. »

Du coin de l'œil, le favori apercevait Flynn qui avait serré les dents et à côté de lui, Raven qui, certainement, lui avait conseillé de se tenir à carreau vu que le soldat se forçait à regarder devant lui.

« Autre chose votre Altesse ? » demanda le Nyx en tournant son visage vers celui du souverain, plantant ses yeux anthracite dans ceux mordorés.

« Oui, mais pas ici. » répondit sèchement le roi Thar. « Nous en discuterons dans un autre lieu quand cela sera possible. Et tu es prié d'amener ton garde du corps avec toi que je vois ce que tu caches exactement… »

« Rassurez-vous, je ne couche pas avec lui. »

La pression des doigts sur sa gorge s'accentua, signe qu'il avait, sans surprise réelle, réveillé la part de jalousie et de possessivité du souverain. Il aurait pu se passer de le provoquer ainsi, surtout en public, mais il n'avait pas pu s'en empêcher, à croire qu'il avait des pulsions suicidaires cachées pour allumer une flamme de colère dans ces yeux aux teintes dorées.

Lorsqu'un serviteur vint pour remplir la coupe du maître des lieux, ce dernier lâcha enfin le favori mais continua de le fixer avec intensité, laissant pleinement le temps au Nyx de déceler quelques détails et micros-expressions : un léger froncement de sourcils, des signes de fatigues dissimulés avec les talents d'un bon maquilleur, le mouvement des iris…

Manifestement, quelqu'un avait des soucis en ce moment…

« Courte nuit ? » fit Yuri avec un léger sourire, cherchant à détendre un peu l'atmosphère en réalisant qu'il ne percevait pas beaucoup de sons provenant du banquet. « Vous devriez essayer la camomille… »

« Ça ne m'a jamais vraiment réussi. » répliqua le roi Thar, un peu plus calme à présent. « Cependant, je ne serai pas contre une berceuse… »

La main chaude du souverain vint chercher la sienne puis l'amena à ses lèvres afin d'y déposer un bref baiser accompagné d'un regard où luisait une étincelle de défi.

« Depuis quand ne t'ai-je pas entendu faire résonner ta voix à mes oreilles ? » questionna le maître des lieux avec envie.

« A peine quelques secondes ? » répondit le favori avec ironie. « Si vous voulez que je joue les pipelettes... »

« Je pensais plutôt à une chanson. »

Exactement ce que redoutait le Nyx. Certes, il savait chanter mais il n'avait que peu de chansons à son répertoire et le souci était qu'elles venaient toutes de son pays d'origine – certaines étaient aussi connues à Séléné sauf qu'à Hélios, il était probable que celles-ci ne soient pas au goût de ce public…

« Vous savez très bien que je n'en connais aucune de ce pays. » déclara Yuri à voix basse. « Qui plus est, rien ne me dit que vos musiciens pourront m'accompagner s'ils n'en connaissent pas la mélodie. »

« Cela sera aisé à vérifier. » répliqua le souverain avant de faire signe aux deux joueurs de luth.

Intrigués, les convives stoppèrent leurs conversations, suivant du regard les deux musiciens qui vinrent s'agenouiller près de leur roi tandis que le favori observa plus attentivement ces artistes : si le premier était assurément un hélien d'une trentaine d'années dont la peau avait enduré pendant longtemps la puissance des rayons du soleil, le second semblait plus jeune mais il était difficile de déterminer son âge exact à cause du turban qui couvrait sa tête et du foulard qui masquait son visage, ne laissant voir que ses yeux verts et une partie de son teint qui était bien pâle pour un citoyen d'Hélios.

« Quels sont vos désirs votre Altesse ? » demanda le plus âgé des joueurs de luth, la tête baissé avec respect.

« Je souhaiterais que vous accompagnez de vos notes le chant de mon favori ici présent. » répondit le roi Thar en faisant signe qu'il n'avait pas terminé. « Cependant, il ne connaît aucune chanson d'Hélios mais quelques-unes de Séléné. Cela vous poserait-il un problème ? »

« Personnellement, j'ai peur de ne pouvoir satisfaire votre demande mais peut-être que mon partenaire en est capable. Il n'en a pas l'air mais il a beaucoup voyagé. »

Les sens de Nyx de Yuri sentirent immédiatement le mensonge qui venait d'être dit mais il eut beau observer attentivement le plus âgé des musiciens, celui-ci n'avait aucun tic nerveux ou micro-expression qui pourraient le trahir. Or, il était certain que cet homme avait menti… mais était-il possible qu'il n'en ait même pas eu conscience ? Si c'était le cas, soit il était un menteur pathologique, soit il avait été envoûté par un Nyx.

Face à cette constatation, il tourna ses yeux gris vers le second joueur de luth, réalisant que celui-ci le fixait à la fois avec intérêt et étonnement. Ce regard vert n'avait rien d'extraordinaire en soi mais son instinct lui disait que si cette personne dissimulait son apparence, c'était parce qu'elle était probablement du peuple de la nuit.

« Connais-tu « Voile de l'Elysée » ? » demanda le favori, guettant les réactions du mystérieux musicien.

« Oui. » fut la seule réponse verbale qu'il obtint mais elle lui fut suffisante pour estimer qu'il devait avoir affaire à une femme.

De toutes les chansons qu'il connaissait, il n'avait pas choisi celle-ci au hasard : très populaire chez les Nyx, elle plaisait aussi à Séléné bien qu'ils n'en saisissaient pas pleinement le sens. Le peuple de la nuit se transmettait l'air et les paroles depuis toujours ainsi que la légende qui serait qu'elle avait été écrite par Umbra et Topaze – personne ne savait réellement pourquoi car leur relation avait, au final, été de courte durée et l'on pouvait légitimement supposer à qui elle s'adressait réellement.

Sans précipitation, Yuri suivit les deux joueurs de luth jusqu'à leur place. Après avoir pris une bonne inspiration, il fit signe au mystérieux musicien de commencer à jouer. Les premières notes retentirent, envoûtantes, mélancoliques… puis il entama le premier couplet d'une voix puissante et pleine d'émotion.

Hear my promise of blistering light

Sowing a rose of obsidian

My dear I promise

Death comes to all

In a heartbeat only silence

Let's play with the fire that runs in our veins

Trust in the might of a miracle

Now winter has come and I'll stand in the snow

I don't feel the cold

And it's all that I will ever need to believe

Juste avant d'entamer le refrain, il s'accorda un rapide coup d'œil sur l'assemblée, constatant que tous avaient les yeux rivés sur lui, plus particulièrement le roi Thar qui semblait plus apaisé qu'au début du banquet.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will I know you then?

Ce mystérieux musicien connaissait très bien cette chanson, ce qui suffit à Yuri pour confirmer que c'était bel et bien un Nyx qui l'accompagnait au luth. Il n'y avait pas la moindre fausse note, ce qui était un peu surprenant quand on savait que cet instrument à cordes n'était pas très courant chez le peuple de la nuit. Cette personne avait très certainement dû apprendre à en jouer grâce à un musicien hélien ou sélénite. Il n'était cependant pas à exclure que cet individu soit un autodidacte et dans ce cas, il – ou plutôt elle – était doué.

Now bring down your fortress and swallow your pride

Don't break in your moments of ignorance

Existence will capture a spark of life

Just a fragment, but it's all that I will ever need to revive

Du coin de l'œil, il aperçut Raven regagner sa place, les sourcils légèrement froncés. Il fixait le mystérieux musicien avec suspicion, se doutant très certainement que quelque chose n'était pas très clair. Le plus inquiétant, c'était que Garista semblait penser la même chose.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will you be there in that darkness

Of the shadow that comes over all?

Dear friend will I know you then?

Will I know you then at all?

Toujours à son poste, Flynn l'écoutait attentivement, ses yeux bleus croisant son regard anthracite. Pour une raison qui échappait au favori, quelque chose l'attirait chez le soldat, ce qui était totalement nouveau pour lui. Il reconnaissait qu'il avait un certain charme, de la personnalité et qu'il avait pas mal d'autres atouts mais il lui tapait aussi sur les nerfs par moments…

Sauf que sans cet idiot de blond, il risquait fort de s'ennuyer, s'étant habitué à sa présence à ses côtés.

One day I know we will meet again

In the shade of a life to die for

Watching the world through the eyes of a child in Elysium

Will I find you then?

La chanson se termina sur les dernières notes de luth. Lorsque revint le silence, celui-ci fut rompu par les applaudissements du roi, vite imité par ses convives. Yuri et le musicien saluèrent avec respect leur public puis le Nyx fit de même avec le joueur de luth qui l'imita… leur permettant ainsi de lui parler sans risquer d'être entendu.

« A ta place, je ne m'éterniserai pas. » dit-il au musicien dans la langue du peuple de la nuit à voix basse. « Je ne suis pas le seul à t'avoir repéré et quitte à choisir, j'éviterai de me faire capturer par le sorcier solaire. Il est du genre sadique, surtout avec les Nyx. »

« Compris. » se contenta de lui répondre celle qui était une Nyx avant de se redresser.

Peu importe qui était cette fille, il ne voulait pas qu'elle soit faite prisonnière par Garista car autrement, elle allait certainement y passer. Le roi Thar n'était pas plus recommandable donc il valait mieux qu'elle puisse s'enfuir avant qu'il ne soit trop tard et ce peu importe ce qu'elle était venue chercher au palais.

« Portons un toast en l'honneur du roi ! » s'exclama l'un des convives en levant sa coupe alors que Yuri regagnait sa place. « Remercions-le pour cette magnifique table et ces splendides divertissements ! »

Plusieurs invités approuvèrent vivement cette idée et, à l'instant où le favori se rassit sur son siège, le souverain avait fini par céder et prit en main sa coupe en or et en lapis-lazuli.

« A Hélios ! » déclara le maitre des lieux en levant son verre, vite imité par ses invités.

Tout le monde porta sa coupe à ses lèvres et le Nyx allait faire de même…

« NON ! »

La main de Flynn lui attrapa vivement le poignet, l'empêchant de finir son geste et renversant une partie du vin blanc sur la table. Yuri regarda le soldat avec surprise et quand il vit l'expression de son visage, il sut tout de suite que quelque chose clochait avec ce qu'il tenait dans sa main.

« Que signifie ceci ? » questionna la voix emplie de colère du roi Thar.

Immédiatement, le jeune homme aux cheveux d'or lâcha le favori et s'agenouilla, baissant la tête avec respect.

« Pardonnez-moi votre Altesse. » s'excusa-t-il. « Il m'a semblé voir un fait curieux avant que votre favori ne rejoigne sa place et je n'en ai compris l'importance que maintenant. »

Rapidement, le Nyx examina sa coupe, cherchant ce qui avait bien pu alerter son ami… et découvrit un détail qui lui glaça le sang : le défaut qu'il avait remarqué sur le rebord n'était plus là. Ceci n'était pas son verre.

« Quel est-il au juste ? » demanda Raven qui essayait de masquer comme il le pouvait son inquiétude.

« Quand les serviteurs sont passés resservir les invités, Yuri a été le seul dont la coupe a été changée. » expliqua Flynn calmement en fixant son supérieur droit dans les yeux.

« Je confirme ses dires. » fit le favori en se levant tout en montrant l'objet du délit. « Ma coupe avait un défaut et celle-ci n'en a aucun. »

Jamais un serviteur n'aurait dû lui donner une nouvelle coupe à moins qu'il ne l'ait demandé. La remplir était tout ce qu'ils étaient censés faire mais la sienne n'était pas vide car il n'avait bu que deux gorgées de son contenu. Il ne restait donc qu'une possibilité : c'était une tentative d'empoisonnement.

Un coup d'œil rapide lui permit de constater que la musicienne Nyx s'était volatilisée, ayant certainement profité de l'agitation pour filer – elle n'était pas à suspecter car si elle avait voulu le tuer, elle l'aurait poignardé ou égorgé dans un recoin sombre. Le sorcier solaire n'avait pas l'air surpris et cherchait quelque chose du regard – Garista pourrait être le coupable mais il n'était pas le genre à faire cela devant témoins, surtout que l'usage de poisons faisait automatiquement de lui le suspect principal. Quant aux autres favoris, si Orpin était aussi outré que les autres invités, Narcisse cachait mal sa rage.

En d'autres termes, si quelqu'un avait voulu le tuer dans cette pièce, c'était certainement le brasseur d'air mais en l'absence de preuves ou d'aveux, ce serait la parole de Flynn contre la sienne, ce qui plaçait le soldat dans une très mauvaise posture : si le serviteur ou le poison n'étaient pas identifiés, il allait être exécuté pour avoir troublé le banquet.

Or, il le savait, jamais cet égoïste n'avouerait cela, surtout qu'il y laisserait assurément sa tête s'il admettait son crime. Qui plus est, celui qu'il avait chargé de placer la coupe avait déjà dû quitter les lieux, emportant avec lui ce qui avait contenu le poison.

La seule solution qu'il avait à sa portée pour sauver son ami d'une mort certaine, c'était d'user de ses pouvoirs de Nyx, ce qui, à cette heure-ci où la nuit était à présent tombée, était parfaitement possible… même si cela signifiait qu'il allait être à coup sûr découvert et que le roi ne pourrait jamais empêcher qu'il soit décapité à l'aube.

« Cela ne prouve rien ! » s'exclama un noble avant de se faire tout petit face au regard noir du roi Thar.

« Si cela est vrai, qui est ce serviteur au juste ? » questionna Garista dont les yeux semblaient fouiller la pièce en long et en large.

En voyant Flynn se mordre la lèvre inférieure, Yuri devina qu'il ne le connaissait pas, certainement parce que celui-ci ne travaillait pas au harem, seule partie du palais dont le soldat avait vu le personnel. Même s'il le décrivait physiquement, le reconnaître allait être compliqué s'il n'avait pas un signe particulier qui le faisait sortir du lot mais malheureusement, les serviteurs étaient souvent choisis pour être capables de se fondre aisément dans le décor…

« Ce n'est qu'un tissu de mensonges ! » vociféra un noble plus âgé que les autres. « Qui pourrait croire à cela ? »

Résigné, le Nyx se tourna vers Narcisse pour user de son pouvoir de persuasion…

« Moi je pense qu'il dit la vérité. »

A l'entente de cette voix posée, tout le monde se tourna vers les portes de la salle de banquet, y découvrant Lucrèce dans ses habits plus sobres que ceux des autres invités et qui tenait dans la main un rouleau de papyrus. Le favori taciturne s'inclina avec respect.

« Pardonnez mon retard votre Majesté mais alors que je m'apprêtais à rejoindre le banquet, quelque chose de suspect a attiré mon regard et il me fallait tirer ça au clair en urgence. » s'expliqua-t-il en fixant le roi avec ses yeux marrons. « Cela concerne à la fois le harem et cette coupe dont je me garderai bien de boire le contenu. »

« Il m'a semblé avoir précisé que je ne voulais en aucun voir ces histoires de rivalités sortir de cette partie du palais. » répliqua le souverain avec colère bien que son regard mordoré était très intéressé par ce que tenait le nouveau venu. « Cependant, je suis extrêmement curieux de savoir ce que tu as découvert donc parle librement. »

Des quatre favoris du harem, il était connu que ce n'était pas par ses charmes que Lucrèce avait gagné sa place mais grâce à son intelligence et à son savoir, des qualités qu'il ne montrait pas toujours au grand jour mais qui faisait du jeune homme un érudit des plus intéressants à écouter quand il daignait partager ses connaissances – lui et Rita se seraient très certainement bien entendu bien qu'ils n'avaient pas tout à fait le même caractère.

D'un pas rapide, la favori taciturne s'avança jusqu'au siège du roi Thar tandis qu'imperceptiblement, les soldats bloquèrent les sorties – Raven avait surement dû leur faire un signe pour qu'ils empêchent quiconque de sortir… et d'ailleurs, depuis quand le capitaine s'était-il absenté ? Peut-être était-il parti à la recherche du serviteur en question.

« Vous trouverez là-dedans la liste de toutes les plantes, quelque soit leur forme, qui ont été apportées au palais ces dix derniers jours ainsi que leur provenance, leur quantité et à qui elles étaient destinées. » informa Lucrèce en remettant son rouleau de papyrus au souverain qui le déroula pour le lire. « J'ai mis une croix sur les importations suspectes. »

« Des cactus ? » demanda le maître des lieux, intrigué, tandis que le sorcier solaire lisait par-dessus son épaule. « Qui aurait l'idée de vouloir cela ? »

« Des cactus Peyotl. (1) » précisa Garista après avoir rapidement regardé le contenu du papyrus. « Ce n'est pas anormal en soit car il m'arrive d'en utiliser mais j'avais trouvé curieux que l'on m'en livre dix fois plus que nécessaire. Qui plus est, les symptômes dont avaient souffert ceux qui avaient mangé cette possible nourriture empoisonnée au harem correspondraient sans problème à cette plante. »

Des murmures résonnèrent dans la pièce, les convives étant à la fois curieux d'entendre la suite et se demandant si le sorcier solaire était responsable de ces mystérieux empoisonnements. A contrario, Yuri suspectait grandement qu'il avait déjà eu l'occasion de goûter à cette plante à plusieurs reprises…

« Et tu n'as pas jugé bon de m'en aviser ? » reprocha le roi Thar à celui qui représentait le culte de Sol.

« Je range ce genre d'ingrédients dans une pièce à part et je ne m'y suis pas rendu ces deux derniers jours. » s'expliqua calmement Garista. « N'importe quel serviteur qui avait connaissance de cela pouvait venir se servir dans mes réserves. Cependant, j'imagine que c'est le second que tu as noté qui t'avait interpellé Lucrèce. »

« Le laurier rose (2), oui. » confirma le favori taciturne avec un hochement de tête.

Cette fois-ci, plusieurs personnes ouvrirent de grands yeux d'effroi et d'autres fixaient la coupe de vin blanc avec horreur. Visiblement, quelle que soit cette plante, elle était connue et n'avait pas une bonne réputation.

« Qu'est-ce que c'est au juste ? » demanda Yuri à voix basse au soldat.

« Je n'en ai jamais vu mais mon père m'a raconté que c'est un arbuste dont la plantation avait été interdite sur les bords du Neilos car il empoisonne l'eau qu'il touche. » répondit Flynn de la même manière. « A présent, on ne peut en trouver que dans les villes de la Mer Azurée à condition qu'il ne soit en contact avec aucun point d'eau potable. Il m'avait aussi dit qu'on le reconnaissait à ses feuilles allongées et à ses fleurs… »

Le jeune homme aux cheveux d'or ne poursuivit pas sa phrase et, du coin de l'œil, le Nyx le vit subitement observer Narcisse avec attention, semblant chercher quelque chose… tout comme l'avait fait Garista un peu plus tôt.

« Qui a demandé cette plante maudite au juste ? » demanda un noble d'une voix blanche.

« Il n'y avait pas de nom malheureusement. » répondit calmement Lucrèce avant de se tourner vers le brasseur d'air qui n'était visiblement pas tranquille. « Cependant, il a été indiqué que des fleurs de celle-ci ont été livrées au harem. »

« Ceci ne prouve rien ! » finit par riposter Narcisse en se levant brutalement de son siège, frappant ses mains contre la table. « N'importe quel idiot a pu en demander pour décorer les jardins ou bien sa chambre ! »

« Dans ce cas, cet idiot doit vraiment détester les animaux, plus particulièrement les chiens, les petits singes et les oiseaux. »

Cette phrase eut pour effet de faire réagir Orpin – il était, jusqu'ici, plus intéressé par son assiette que par l'arrivée tardive de Lucrèce – qui, à présent, avait les oreilles grandes ouvertes bien qu'il était encore difficile de savoir ce qu'il ferait ensuite. Cependant, ce n'était pas le cas de Yuri qui avait bien l'intention de profiter de cette occasion pour mettre les choses au clair avec ce crétin de brasseur d'air.

« C'est toi qui a tenté de tuer Repede ? » questionna le Nyx avec une rage non dissimulée.

« Ton sale clébard plein de puces ? » répliqua Narcisse sur un ton venimeux. « Je n'en ai rien à cirer de ce truc miteux avec lequel tu te trimballes, tout comme de ce gamin qui est à ton service ! »

« Vraiment ? C'est étrange car quelqu'un passe beaucoup de temps à empoisonner ma nourriture quand je suis au harem et heureusement pour mon chien qu'il a du flair car autrement, il aurait fini comme les rats à qui je donne tous les plats qui me paraissent douteux ! »

« Il est vrai que notre empoisonneur a au moins eu l'avantage de nous débarrasser des nuisibles. » fit Lucrèce avec ironie. « Mes livres ne sont plus mangés par les rongeurs. »

Personne parmi les invités n'osait réagir, observant la situation et plus particulièrement le roi Thar dont les yeux mordorés luisaient de colère, attendant visiblement de voir la suite des évènements pour décider des sentences à appliquer.

« Pourquoi je perdrai mon temps avec vous deux ? » lança Narcisse avec agacement. « Je n'ai aucun intérêt à vous empoisonner. »

« Vraiment ? » répliqua le favori taciturne en croisant les bras contre sa poitrine, un sourcil haussé. « Combien de fois as-tu été appelé dans les appartements royaux ce mois-ci ? »

Cette question fit pâlir le brasseur d'air, rappelant au Nyx les dernières rumeurs que Karol leur avaient apprises : la favori égocentrique était en disgrâce et risquait fort de perdre sa place vu que cela faisait une année entière qu'il n'avait pas quitté le harem pour satisfaire les désirs du souverain. C'était un mobile plus que suffisant pour éliminer la concurrence…

« Personnellement, j'ai été mandé trois fois auprès de son Altesse. » déclara Lucrèce après quelques secondes de silence. « Pour Orpin, il me semble que c'est une fois. »

« Deux fois. » rectifia immédiatement le roi Thar d'une voix sèche, le favori aux habits très colorés n'étant visiblement pas en état de répondre. « La deuxième fois, je l'ai brièvement convoqué pour lui remettre en personne un singe en guise de cadeau pour son anniversaire. »

« Sept fois dans mon cas. » dit Yuri, confirmant ainsi qu'il était certainement le pensionnaire du harem le plus demandé par le maître des lieux. « Qui plus est, j'étais souffrant ces derniers jours avec interdiction de quitter ma chambre. »

Il était inutile de révéler à tous pourquoi il était alité, sauf s'il voulait rediriger la colère royale contre lui. Dans tous les cas, le silence du brasseur d'air en disant suffisamment long pour que tout le monde devine qu'il était dans une position précaire au harem.

« Pour en venir enfin au fameux détail qui m'a titillé… » commença Lucrèce en fixant le favori égocentrique avec assurance. « Qu'est devenue cette couronne de fleurs roses que tu avais dans les cheveux en quittant le harem Narcisse ? »

A cet instant, le Nyx comprit la réaction de Flynn en entendant parler du laurier rose : posté comme il l'était à l'étage du bâtiment occupé par les favoris, il avait été très bien placé pour voir comment chacun était vêtu et l'absence de cet accessoire au banquet l'avait interpellé. Seulement, qu'était devenue cette couronne de fleurs ? Sans elle, il serait difficile de confirmer une tentative d'empoisonnement et c'était déjà un miracle en soi que le roi Thar se soit montré si patient…

« Si je puis émettre une hypothèse… » fit Garista qui lançait un regard assassin vers Narcisse. « Si j'étais lui, je me serais hâté de remettre cet objet à un serviteur, ce qu'il me semble l'avoir vu faire un peu après qu'il se soit installé. Orpin ? »

La voix du sorcier solaire sembla sortir le favori amateur de couleurs vives de la transe dans laquelle il était depuis que Lucrèce avait parlé des animaux empoisonnés. Le jeune homme aux boucles blondes se tourna vers celui qui l'avait appelé, la lèvre inférieure tremblante.

« Qu'as-tu vu exactement ? » demanda le sorcier de sa voix sifflante.

Le plus simplet des pensionnaires du harem était aussi le plus imprévisible des quatre favoris, ce qui posait problème car avait-il seulement fait attention à ce qu'il s'était produit ? C'était difficile à dire avec lui et Yuri suspectait que le bariolé ne devait pas être tout seul dans sa tête à cause de l'impossibilité de déceler le vrai du faux chez lui.

« Jamais il ne met de fleurs. » dit Orpin, contredisant l'hypothèse émise par Garista.

Le Nyx n'avait décelé aucun mensonge chez lui, réduisant ainsi à néant les chances de retrouver ces fleurs ou encore le serviteur qui avait échangé les coupes de vin. Cependant, il s'aperçut que le favori aux boucles blondes n'avait pas terminé, s'étant brusquement levé de son siège en pointant un doigt tremblant en direction de Narcisse.

« C'est pour ça que je n'ai pas compris pourquoi tu avais ces fleurs roses sur la tête ! » s'exclama le bariolé avec force, l'air complètement affolé. « Je t'ai vu donner cette couronne à un serviteur ! J'étais juste à côté de toi et… et tu aurais pu me tuer ! »

« Espèce de… » grogna le brasseur d'air, visiblement dans une colère noire.

« Tous les jours on t'entend dire à quel point tu nous hais ! Tu comptais tous nous empoisonner ! »

« LA FERME ! »

Avec brutalité, Narcisse prit sa coupe en or et allait s'en servir pour frapper Orpin au visage… quand Flynn, ayant dû sentir venir la chose, traversa la table de banquet pour attraper fermement les deux bras du favori égocentrique, laissant le temps à d'autres gardes du palais de venir l'aider.

Seulement, le brasseur d'air ne se laissait pas faire et se débattait avec force afin de se libérer de la prise du soldat, au point qu'il lui donna un coup de tête au visage, faisant légèrement glisser le masque ainsi que le casque et dévoilant une des mèches or qui, jusqu'ici, était soigneusement cachée à tous ceux présents dans la pièce.

« ASSEZ ! » tonna le roi Thar, sa patience ayant certainement atteint ses limites, tout en toisant le favori égocentrique du regard. « Pour qui te prends tu pour oser afficher une telle attitude devant nos invités ? Qui plus est, tu es une honte pour Hélios et cela suffira amplement à justifier ton exécution ! »

Toute couleur avait quitté le visage de Narcisse, à présent agenouillé de force par un membre de la garde royale tandis que Garista faisait respirer le contenu d'un flacon à un Orpin dans tous ses états et que Lucrèce aidait Flynn à stopper le saignement de nez provoqué par le coup de tête qu'il avait reçu quelques secondes plus tôt.

« Mensonges… » mentit le brasseur d'air sans aucune conviction. « Il n'y a pas de preuves… »

« Votre Majesté ! »

D'un pas rapide, un serviteur arriva dans salle de banquet en tenant une boule de tissu entre ses mains. Il se dirigea vers la place occupée par le souverain et se prosterna à ses pieds en lui tendant ce qu'il avait avec lui.

« Le sieur Narcisse m'a ordonné de faire cela contre de quoi nourrir les miens ! » s'exclama l'homme sans lever les yeux. « Je jure que j'ignorais que c'était du poison ! Le capitaine Schwann m'a dit que vous épargneriez ma famille si j'avouais tout ! »

Sur un signe du roi, un des gardes prit la boule de tissu et l'ouvrit, révélant aux yeux de tous des fleurs roses un peu écrasées qui avaient visiblement étaient reliées entre elles avec des fils de lin.

La preuve manquante était là mais même si Yuri reconnaissait les talents d'espion de Raven, il doutait fort que celui-ci ait trouvé si vite l'individu recherché seul et, en prime, l'ait convaincu d'avouer cela… mais encore fallait-il qu'il sache à quel moment le capitaine s'était volatilisé : était-ce avant ou après l'arrivée de Lucrèce ? Sa seule certitude était que la dernière fois qu'il l'avait vu, c'était juste avant qu'il ne remarque que la musicienne Nyx était partie.

« Pour un crime dont tu es le seul coupable, c'est toi seul qui mérite un châtiment. » déclara le roi Thar au serviteur. « Cependant, pour avoir avoué ton délit et apporté de quoi prouver les fautes de la créature perfide qui se cachait dans ma demeure, je t'accorde ma clémence en te laissant la vie sauve mais tu es prié de quitter mon palais sur-le-champ. Tu n'es plus digne d'y travailler. »

Après un faible « merci », l'homme quitta la salle de banquet, gardant la tête baissée. Puis le souverain se leva de son siège, fixant Narcisse avec rage. Seulement, au lieu de se diriger vers ce dernier, il alla en direction des deux autres favoris – vu les deux serviteurs qui étaient près de Garista, Orpin avait probablement été drogué car il devenait trop agité – et s'arrêta face au Nyx. D'un geste de la main, il fit signe aux soldats d'amener le brasseur d'air et celui fut jeté à ses pieds avec brutalité.

« Quant à toi… » commença le maître des lieux sur un ton cruel en fixant le favori égoïste avec froideur. « J'avais juste pensé te rétrograder au sein du harem mais apprendre que tu as osé faire tes petits coups perfides sous mon nez m'a écœuré au plus haut point. Une chose telle que toi n'a pas sa place en Hélios et mérite une sentence adéquate aux affronts qu'elle a osé commettre. »

Yuri vit le roi Thar lui faire signe de lui donner la coupe empoisonnée, ce qu'il fit sans discuter – quand il était dans cet état, il valait mieux se taire et obéir car dans le cas inverse, les conséquences pouvaient être fâcheuses, ce qu'il avait plusieurs fois expérimentés à ses dépens.

« Maintenez-lui la bouche ouverte. »

Les gardes exécutèrent cet ordre malgré les protestations de Narcisse qui ne voulait pas se laisser faire. Cependant, face à deux hommes bien mieux entraînés que lui, il ne faisait pas le poids et il se retrouva à genoux au sol, la tête levée et la mâchoire fermement maintenue ouverte.

« Tu passeras la nuit au cachot et, si Sol décide de te laisser survivre à cette boisson, tu seras exécuté à l'aube. »

Après cette déclaration et sous des exclamations horrifiées de la part des personnes présentes, le souverain força le favori égocentrique à boire le vin empoisonné, ignorant les larmes qui perlaient aux yeux de celui-ci. La coupe vide, l'un des soldats maintint la bouche du brasseur d'air fermée jusqu'à ce qu'il ait avalé la dernière goutte d'alcool. Une quinte de toux saisit Narcisse avant qu'il ne soit traîné hors de la salle de banquet, telle une poupée de chiffon.

Il était plus que clair que toute potentielle bonne humeur ou envie de se divertir qui aurait pu subsister s'était envolée à l'instant même où le brasseur d'air avait commis l'erreur de tenter de frapper Orpin, faisant comprendre à tous que le roi Thar était dans une colère noire. Si la majorité des personnes présentes était choquée, d'autres arrivaient à afficher un sang-froid à toute épreuve – Yuri faisait partie de ceux-là avec Garista et Lucrèce.

« Tout cela m'a coupé l'appétit. » déclara le souverain d'une voix glaciale. « Ce banquet est terminé ! J'exige que l'on me nettoie ce harem de tous les complices de ce misérable qui a gâché cette soirée ! »

Les membres de la garde royale firent un signe d'affirmation et une partie d'entre eux sortirent de la pièce pour exécuter les ordres reçus, suivis par les invités qui commençaient à quitter les lieux, tout comme les favoris qui s'apprêtaient à les imiter.

« Je n'ai pas fini avec vous deux. » fit le souverain sur un ton ferme, retenant Yuri, Lucrèce et Flynn dans la pièce. « Vous mériteriez vous aussi une sentence publique pour ce désordre mais vu les circonstances, je me contenterai d'un avertissement. »

« Nous ne recommencerons pas votre Altesse. » déclarèrent les trois jeunes hommes en s'inclinant avec respect.

« J'ose l'espérer. Allez m'attendre tous les deux dans les appartements de la reine et emmenez le soldat avec vous. Lucrèce, tu en connais le chemin donc je te fais confiance. Je vous y retrouverai quand j'aurais réglé certaines choses.»

-§-

Quand il l'avait vue se faufiler hors de la salle de banquet, profitant de la confusion, Raven avait été assez pessimiste sur ses chances de l'attraper, faisant qu'il s'était reporté sur l'idée de mettre la main sur le serviteur qui avait été complice de Narcisse avant qu'il ne quitte le palais. Cependant, jamais le capitaine n'aurait cru mettre si facilement la main sur les deux personnes qui l'intéressait… tout cela parce que la joueuse de luth, une Nyx, avait trouvé ce domestique avant lui et qu'elle était en train d'user de son pouvoir pour lui faire tout avouer.

Quand elle l'avait repéré, il s'était immédiatement adressé à elle dans la langue d'Umbra en se désignant comme un ami de Yuri puis il l'aida à persuader le serviteur d'avouer son crime.

Une fois celui-ci partit, il s'était hâté d'embarquer cette fille, Droite, dans un lieu où personne n'irait les chercher, pas même Garista : le bâtiment des enfants du harem, aujourd'hui à l'abandon suite à l'incendie qui l'avait ravagé avant le couronnement du roi Thar – son souverain lui avait confié, lors d'un de leurs rares entretiens privés, qu'il lui arrivait encore d'entendre les cris des femmes et des enfants morts cette nuit-là.

Les murs en pierre tenaient encore debout malgré les larges fissures que certains avaient mais la majorité des étages s'étaient effondrés, le sol ayant soit été dévoré par les flammes, soit ayant été endommagé par la chaleur. Tout avait été laissé en état : les parois noircies par la fumée, les plafonds éventrés, les vestiges des rares meubles qui n'avaient pas été entièrement consumés… et les os calcinés des malheureux qui s'étaient retrouvés prisonniers de cet horrible brasier.

« Ici, personne d'indésirable n'osera venir. » précisa Raven à la jeune Nyx.

« Pas même ces soldats que j'entends fouiller les environs ? » demanda Droite, une adolescente aux yeux verts et aux cheveux vert anis coiffées en couettes.

« Aucun n'aura ce courage, croyez-moi. »

D'un signe de tête, il montra ce qui devait être un berceau à l'origine et dont les quelques ossements intacts qui étaient autour en disait assez long pour savoir qui avait dû se retrouver piéger ici.

« Effectivement… » fit Droite avant de déglutir, prouvant ainsi que même un Nyx n'était pas à l'aise face à ce genre de scène. « Il y a de quoi en faire des cauchemars. »

« Vous ne croyez pas si bien dire. »

La jeune fille se mit immédiatement en position offensive en entendant cette voix mais l'espion lui fit signe de rester calme. Sans surprise pour lui, le roi Thar les rejoignit, débarrassé de sa coiffe qu'il avait dû déposer quelque part. Des signes de contrariété étaient visibles sur son visage, probablement dus aux évènements du banquet.

« Qu'est-ce que cela signifie ? » demanda la jeune Nyx, manifestement prête à en découdre s'il le fallait.

« Un entretien secret. » répondit calmement le dirigeant d'Hélios, semblant avoir mis de côté sa rage de tout à l'heure qu'il avait certainement dû assouvir d'une manière ou d'une autre. « Il s'avère que nous avons peut-être des intérêts communs avec les Griffes de Léviathan… »

« La fin de l'Alliance de Sang j'imagine. » répliqua Droite en croisant les bras contre sa poitrine. « Maître Yeagar n'a pas besoin de vous pour éliminer Barbos ! »

A l'entente de cette phrase et en se remémorant le temps nécessaire pour aller de Nomos à Aurum, Raven comprit instantanément que cette fille n'avait pas eu vent de la mort du sage nocturne. Depuis quand était-elle dans leur pays au juste ?

« Tu n'es donc pas au courant des dernières nouvelles. » fit le roi Thar avec neutralité, étant probablement arrivé à la même conclusion que lui.

« Quoi donc ? » demanda la Nyx, sur la défensive.

« Barbos a tué votre sage nocturne. La nouvelle nous est parvenue il y a quelques jours. »

A ces mots, le visage de Droite se décomposa et l'agressivité qu'elle affichait au départ s'était changée en une profonde détresse. Ses yeux verts les fixaient avec intensité, cherchant le moindre signe de mensonge mais face à l'absence de ceux-ci, elle tourna la tête vers le sol calciné, murmurant des phrases en Nyx – via les bribes qu'il parvenait à comprendre, l'espion sut qu'elle était tout aussi horrifiée qu'eux par cet acte abject qui condamnait tout un peuple.

« J'en conclus que vous êtes à présent disposée à nous écouter. » dit le capitaine avec neutralité.

« Que voulez-vous au juste ? » demanda-t-elle, la voix tremblante. « Comment ça se fait que Yuri soit à Hélios ? »

« Il a été fait prisonnier il y a trois ans de cela alors qu'il fomentait une rébellion contre moi. » répondit calmement le roi Thar. « Je l'ai placé au harem en tentant de cacher au mieux qu'il était du peuple de la nuit car je n'ai aucun intérêt à ce qu'il meure. »

« Vraiment ? Pourtant, vous seriez débarrassé de nous. »

« Exact mais Umbra est nécessaire à l'équilibre des choses et votre fin ne profiterait à personne. Qui plus est, je n'ai jamais apprécié Barbos et il m'a été rapporté avant le banquet que ses hommes avaient massacré un village, femmes et enfants compris. »

La nouvelle était tombée juste avant que le roi n'aille accueillir ses invités et Raven n'avait absolument pas été ravi de la lui transmettre, surtout en sachant ce qu'elle signifiait : l'Alliance de Sang se dirigeait vers Aurum.

Visiblement, cette annonce avait eu le même effet sur Droite, celle-ci ayant grimacé de dégoût mais le bref froncement de sourcils qu'elle avait eu lui laissait penser qu'il y avait peut-être autre chose.

« Que faites-vous au palais au juste ? » demanda le capitaine, désirant enfin savoir la raison de sa présence.

« On avait repéré vos espions donc maître Yeagar voulait savoir ce que vous prépariez contre nous. » répondit la Nyx sans détours. « Il nous avait secrètement envoyé à Aurum pour essayer de tirer ça au clair. »

Le « nous » fit tiquer Raven ainsi que la façon dont cette fille l'avait prononcé. Il s'était passé quelque chose…

« Cependant, sur les cinq que nous étions au départ, nous ignorions que l'un d'entre nous avait changé de camp. Il a tué mes trois camarades pendant que je m'étais introduite chez un noble puis il a pris la fuite. J'ai enterré mes amis comme j'ai pu et décidé de poursuivre ma mission coûte que coûte. »

Très mauvaise nouvelle. Si la jeune Nyx avait réussi à entrer au palais sous l'identité d'un joueur de luth, alors celui qui l'avait trahie était déjà à la capitale, probablement en train d'attendre les renforts qui avaient fait un carnage à Hamil – il y avait aussi fort à parier qu'ils avaient dérobé tout ce qui pourrait réduire leur temps de trajet comme des chevaux ou des barques pour descendre le Neilos jusqu'aux quais d'Haria qui étaient les plus proches d'Aurum. En sachant que la nouvelle lune était dans deux jours, il n'était pas compliqué de deviner à quel moment une attaque risquait d'avoir lieu et aussi que, même avec un renforcement du nombre de soldats, l'Alliance de Sang serait tout de même avantagée par le décuplement de ses capacités ainsi que leur vision nocturne.

Leur seule solution était de barricader les portes le plus solidement possible pour gagner du temps et user de leur avantage au niveau du terrain.

Restait le problème de la protection de Yuri qu'il fallait revoir en conséquence, Flynn n'étant pas du tout apte à lutter contre une menace pareille.

« Ton verdict Raven ? » lui demanda le roi Thar, celui-ci ayant probablement lui aussi analysé la situation sous tous les angles.

« Il faudra vite convaincre les habitants de se barricader la nuit et faire de même au palais. » répondit le capitaine, ayant achevé sa réflexion. « L'ennui, cela reste le harem qui est la partie la plus compliquée à protéger, surtout avec qui-vous-savez dedans. »

« Ils veulent Yuri, n'est-ce pas ? »

A cette question de Droite, l'espion répondit par un hochement de tête affirmatif.

« Serais-tu intéressée à l'idée de nous aider ? » questionna le souverain, ayant visiblement une idée derrière la tête. « Nous avons des intérêts communs à ce que Barbos ne reste pas le dirigeant des Nyx… »

« Qui vous dit que j'accepterai ? » répliqua sèchement la jeune Nyx. « Vous retenez en otage notre seul espoir de nous en sortir et rien ne dit que vous allez le libérer. »

« Et si je te dis que suite aux agissements de l'Alliance de Sang, je prévois de faire très prochainement un voyage le long du Neilos et que je compte emmener avec moi l'un des pensionnaires du harem ? »

Cette déclaration intéressa grandement leur invitée qui cherchait tout signe de mensonge dans les paroles du roi. Raven, quant à lui, réalisa que cela devait bien faire trois ans que son souverain n'avait pas fait le tour des villages, certainement à cause de l'arrivée de Yuri qui nécessitait une attention très particulière.

« Que voulez-vous que je fasse exactement ? »

-§-

Ils avaient suivi Lucrèce dans les couloirs du palais, celui-ci les guidant vers une zone qui leur était complètement inconnue. Flynn notait qu'ils croisaient moins de gardes que lors de leur allée dans la salle de banquet et que cette zone semblait moins bien entretenue – c'était plutôt logique vu que le roi Thar n'avait jamais pris d'épouse et qu'en conséquence, personne ne devait occuper cette partie du bâtiment excepté, peut-être, des serviteurs. Qui plus est, même s'il restait choqué par les évènements du banquet, marcher lui faisait du bien – par contre, il avait remarqué que Yuri était étrangement silencieux, ce qui l'avait poussé à se placer derrière lui au cas où.

A un moment, ils arrivèrent devant de grandes et épaisses doubles portes en bois sombre sur lesquelles des scènes avec Topaze avaient été soigneusement sculptées – la poussière ternissait grandement la beauté de ce travail – et dont les poignées étaient en or. Une serrure du même métal était visible, maintenant les deux battants de bois fermés. Le favori taciturne se mit à fouiller dans une poche intérieure de sa toge blanche et il en sortit une grosse clé ouvragée.

« Comme presque personne ne vient par ici, le roi Thar m'a donné une des clés permettant d'entrer ici. » expliqua l'érudit en insérant la clé dans la serrure. « Cette pièce est reliée à la chambre du roi par une autre porte qui est cachée et dont seul lui possède la clé. »

« Et il n'y a aucun garde d'assigné à cette zone ? » s'étonna tout de même le soldat, voyant ici une grosse faille de sécurité.

« Une poignée tout au plus et je pense qu'il ne doit y avoir qu'un seul serviteur. »

Lucrèce ouvrit les portes qui grincèrent avec force, révélant une grande chambre au sol de marbre clair dominée par un large lit au sommier en bois avec des draps en lin blanc qui semblaient être d'une qualité exceptionnelle et munis de colonnes en bois incrustées d'ivoire et de topazes colorées, soutenant un cadre auquel étaient accrochés des rideaux blancs quasiment transparents. Le reste du mobilier était tout aussi inestimable : deux fauteuils en bois sculptés dont les pieds et les bras avaient été dorés à l'or fin, un tabouret dans le même style installé à côté d'une table sur laquelle trônaient de multiples flacons en terre cuite, deux guéridons de chaque côté du lit, une table basse magnifiquement décorée, un tapis aux couleurs vives représentant une scène de la vie quotidienne, une grande broderie accrochée au mur et montrant des femmes en train de semer le blé, des vases en métal précieux ou en faïence soigneusement travaillées, d'autres rideaux très fins qui encadraient un accès à une terrasse privée…

La pièce était magnifique, surtout avec l'éclat des quelques bougies qui avaient été allumées par le vieux serviteur présent dans la chambre et qui s'inclinait respectueusement devant eux – il était clair que cet endroit était parfaitement entretenu contrairement au reste de la partie du palais réservée à une éventuelle reine.

« Le roi tient à ce que cette chambre reste en bon état. » dit Lucrèce en s'asseyant calmement sur un fauteuil. « De plus, elle a la plus belle vue qui soit sur le soleil couchant. »

« Et tu es le seul favori à avoir eu le droit de venir ici ? » demanda Yuri, manifestement très étonné.

« Toi et moi ne sommes pas convoqués pour fournir les mêmes services. »

Flynn se souvint que cela lui avait déjà été mentionné : le favori taciturne était réputé pour son savoir et c'était la raison principale de son entrée au harem ainsi que de son statut. Manifestement, il avait des privilèges différents de ses pairs.

« A ta place, je m'allongerai. » déclara Lucrèce en fixant le Nyx. « Tu as une très mauvaise mine. »

Le soldat s'était attendu à ce que Yuri réplique qu'il allait bien mais il réalisa que le jeune homme à la chevelure de jais semblait lutter pour ne pas tomber. Il s'apprêtait à le retenir quand les jambes du favori finirent par céder, lui laissant tout juste le temps de se jeter sous lui pour amortir sa chute et l'empêcher de cogner sa tête contre la table basse. Il regarda ensuite s'il allait bien, entendant sa respiration saccadée, puis il vit les yeux du Nyx : si l'œil droit était toujours gris anthracite, le gauche s'était à demi teinté de rouge et cette couleur progressait de plus en plus dans l'iris.

« Ce n'est pas vraiment une bonne idée de lutter contre un dieu aussi puissant qu'Umbra. » dit calmement l'érudit. « S'il veut te posséder, il le fera, peu importe que tu le veuilles ou non. »

Yuri était en train d'empêcher le dieu des ténèbres de prendre le contrôle ? Comment Lucrèce pouvait-il le savoir ? Et pourquoi Umbra avait décidé de se montrer maintenant au lieu d'attendre comme c'était convenu au départ ?

Le Nyx s'écarta de lui pour s'asseoir contre le lit et, à l'instant même où il ferma les yeux, un courant d'air glacé vint éteindre toutes les bougies, exactement comme cette fameuse nuit aux bains. Les yeux rouges luisants d'Umbra vinrent percer les ténèbres qui n'étaient éclairée que par l'ouverture de la terrasse.

« Li tiaçnemmoc à m'recaga… » déclara la voix rauque de la divinité dans la langue du peuple de la nuit.

En essayant de bouger, Flynn constata qu'encore une fois, il avait été paralysé, ce qui devait être aussi le cas de Lucrèce. Sans son bracelet, il lui serait impossible de lutter.

Le dieu des Nyx le fixa intensément avant de se rapprocher de lui. Si le soldat ne pouvait qu'à peine distinguer ses gestes, il pouvait parfaitement sentir que la divinité s'installait sur lui, s'asseyant à califourchon sur son bassin avant de se baisser jusqu'à ce que leurs nez se touchent. Son cœur battait la chamade quand il sentit ce souffle tiède sur sa peau puis un doigt venir caresser sa lèvre inférieure.

« Sesilaér-ut tnemelues à leuq tniop ut seriséd ressarbme'l ? » fit Umbra sur un ton étrange. « Tse'c à es rednamed leuqel tse el sulp elgueva. »

Alors qu'il essayait de trouver un sens aux paroles qu'il venait d'entendre, la réflexion de Flynn s'arrêta net quand il sentit les lèvres du dieu sur les siennes. Les yeux à l'éclat carmin étaient fixés dans les siens, analysant toutes ses réactions et semblant s'amuser de sa stupeur.

Le contact fut bref mais suffisant pour que ses sens soient dominés par le parfum entêtant qui émanait de Yuri depuis sa sortie du harem – était-ce l'odeur de la lavande qui était la plus puissante ou bien celle d'une autre fleur ? –, la douceur de sa bouche contre la sienne et par sa mémoire qui lui montrait bon nombre d'images du favori à la beauté indéniable. Son imagination s'emballa, créant des scènes où tous deux partageaient des moments intimes dans divers lieux : l'un donnant une datte à manger à l'autre, une séance de massage, une baignade au clair de lune – il sentit le rouge lui monter aux joues en se voyant en train de coucher avec le Nyx dans la chambre de ce dernier ou encore face à une scène se déroulant aux bains et où la bouche du bel éphèbe semblait très occupée entre les cuisses de son gardien.

Soudain, une vive lumière apparut au dessus d'eux et Umbra, surpris, se tourna vers son origine. Sa vue étant à présent dégagée, Flynn réalisa que le plafond était sculpté et qu'en son centre, un soleil était à présent en train de briller vivement, ce qui n'était visiblement pas du goût de la divinité des ténèbres. A peine ce dernier tenta de s'en éloigner qu'un rayon de lumière le frappa de plein fouet dans le dos, assommant le dieu des Nyx qui s'écroula à côté du soldat tandis que les ténèbres s'estompèrent enfin.

Encore estomaqué par ce qu'il venait de se produire, le soldat vit à peine Lucrèce s'approcher et placer ses doigts contre la nuque de Yuri.

« Il devrait reprendre conscience assez vite. » déclara le favori taciturne avec un calme extraordinaire. « Par contre, il a eu de la chance que ce soit Topaze et non Sol qui ait placé cette défense car autrement, ce n'est pas un mal de tête qu'il aurait eu. »

Flynn allait lui demander des précisions quand le Nyx émit un grognement avant de commencer à se relever en se massant le crâne. En l'aidant avec Lucrèce à s'asseoir sur le lit, il constata que si le bel éphèbe avait repris le contrôle, son œil gauche était resté rouge sang.

« Ça va aller ? » questionna le soldat en essayant de ne pas croiser le regard anthracite, les images montrées par Umbra étant encore très vives dans son esprit.

« Ouais… » grogna Yuri qui évitait de le fixer, très certainement pour des raisons similaires. « Par contre… »

Sans prévenir, le Nyx attrapa la toge du favori taciturne et le tira vers lui jusqu'à ce que leurs visages soient face l'un de l'autre. Ses yeux remplis de colère se vissèrent dans ceux marron qui eux, exprimaient un étonnement non feint et de la peur.

« Qu'est-ce que tu fabriques au juste ? » demanda le membre du peuple de la nuit avec méfiance.

« Je ne vois pas de quoi tu parles. » répondit Lucrèce avant de déglutir.

A ces mots, Yuri, visiblement plus fort physiquement que le favori taciturne, força ce dernier à s'allonger sur le lit, ignorant Flynn qui vit à quel point le jeune homme ne semblait pas avoir de mal à maîtriser son camarade du harem. Ensuite, il plongea sa main sous la toge de l'érudit qui tenta de résister mais qui se faisait écraser par le poids qui était sur lui puis, quand cette main pâle réapparut, elle tenait entre ses doigts une lanière en cuir très familière.

« Et ça, c'est quoi ? » questionna le Nyx avec froideur en montrant le bracelet du soldat.

Sa couleur tranchant avec les teintes de la pièce, il lui était impossible de ne pas reconnaître la turquoise qu'il avait porté au poignet depuis le jour où son père lui en avait fait cadeau et qui était censée être au harem, à l'abri des regards.

« Pourquoi as-tu ceci en ta possession ? » demanda Flynn, encore sous le coup de la surprise.

« Je vous ai vu le cacher et je l'ai pris juste avant de rejoindre le banquet. » avoua Lucrèce en serrant les dents. « Je savais que mes accusations risquaient de mener à une fouille du harem et je ne voulais pas que Garista tombe là-dessus. »

« Et ? » insista Yuri, son ton étant étrange à l'oreille du soldat, comme s'il était en train de réprimer une émotion – un coup d'œil à ses lèvres lui fit réaliser que celles-ci tremblaient légèrement.

« Il voulait juste me parler. »

Le son de la voix éthérée leur fit réaliser à tous les trois que la divinité était avec eux, une légère lumière bleutée émanant de la turquoise. Le Nyx s'écarta brutalement du lit, jetant le bracelet sur les draps tandis que l'érudit lâcha un soupir de soulagement avant de se mettre à genoux devant le bijou.

« Mes excuses pour tout cela vénérable. » déclara Lucrèce en s'inclinant avec respect. « J'ai été si concentré sur le fait d'arriver à temps pour contrer Narcisse que j'en ai oublié mes bonnes manières. J'espère pouvoir racheter mes fautes… »

« Je ne suis pas fâché contre toi. Tu étais dans l'urgence. » répliqua le dieu mystérieux tandis que la lumière bleutée semblait s'être légèrement accentuée. « Cependant, il faudrait que l'un de vous aille calmer Yuri car je ne pense pas que mon oncle se soit contenté de lui dire que j'étais avec vous. »

A l'entente de ces mots, Flynn chercha le favori du regard et constata vite qu'il n'était plus dans la pièce. Ne se souvenant pas d'avoir entendu les portes grincer, il se dirigea directement vers la terrasse cachée derrière les fins rideaux blancs qui ondulaient sous la légère brise nocturne.

Cet espace extérieur était plus petit que la chambre mais assez grand pour y installer un banc en bois sculpté, des plantes décoratives et une petite table avec un vase en terre cuite – il suspectait que cet emplacement était parfait pour lire ou simplement pour admirer le soleil dans sa course vers le couchant.

Malgré le peu de lumière que les étoiles lui offraient avec le fin croissant de lune, il repéra Yuri assis dans un coin, ses cheveux sombres et ses habits se confondant avec les ténèbres alors que sa peau captait en partie le scintillement des astres. Seulement, il ne vit pas ce dernier bouger, comme s'il n'avait pas remarqué sa présence.

Avec précaution, il s'accroupit devant le favori pour être au même niveau que lui et ôta ce fichu masque qui lui cachait une partie du visage.

« Yuri ? »

Un léger sursaut secoua le Nyx qui leva brusquement les yeux vers lui – depuis cette fameuse nuit aux bains, il n'avait plus eu autant l'impression que le jeune homme face à lui était si fragile.

« Ça va aller ? » demanda le soldat avec inquiétude avant de poursuivre face au silence du favori. « Est-ce que… »

« Non. » coupa Yuri en baissant la tête. « J'aimerai vraiment que ça s'arrête enfin mais… »

Pendant un moment, aucun d'eux ne prononça le moindre mot, l'un semblant perdu dans ses pensées et l'autre attendant que son interlocuteur soit prêt à lui parler de ce qu'il avait sur le cœur – en temps normal, il l'aurait certainement brusqué mais face aux évènements du banquet et aux images que le dieu de la nuit lui avait mises en tête, il avait plus envie d'aller enfin se coucher que de hausser le ton. Puis le regard sombre croisa le sien.

« Aide-moi à me lever. »

Le soldat s'exécuta, tendant une main au favori une fois qu'il se fut remis debout puis il le tira vers lui. Une main pâle se posa sur son épaule pour éviter de perdre l'équilibre avant que les yeux anthracite viennent chercher les siens avec une certaine urgence.

« Umbra est un menteur, n'est-ce pas ? » lui demanda soudainement Yuri dont le ton trahissait une angoisse qu'il peinait à dissimuler.

« C'est ce qu'il se dit oui. » répondit Flynn dont l'inquiétude grandissait, surtout en se souvenant des paroles prononcées par la voix éthérée. « Qu'est-ce qu'il t'a dit au juste ? »

Le Nyx déglutit avant d'ouvrir la bouche mais, avant même qu'un mot n'en sorte, un grincement se fit entendre, coupant net leur conversation quand ils reconnurent celui-ci : la porte de la chambre avait été ouverte.

Rapidement, le favori lui prit le masque qu'il tenait dans sa main gauche pour le lui remettre en place, y glissant au passage une mèche blonde qui avait réussi à s'échapper du casque. Ils mirent ensuite très vite de la distance entre eux : le soldat se posta à côté de l'ouverture de la chambre tandis que le bel éphèbe alla se placer contre le muret en pierre, faisant mine d'admirer la vue qui lui était offerte sur les jardins du palais.

Quelques secondes après, Flynn entendit Lucrèce indiquer où ils se trouvaient et, un instant plus tard, il vit le roi Thar passer à côté de lui puis s'arrêter en voyant Yuri. Le regard du souverain s'attarda sur la silhouette du favori, semblant en détailler la moindre courbe, avant de se tourner vers lui.

« Laisse-nous seuls. » ordonna le maître des lieux avec dureté. « Je m'occuperai de ton cas après. »

Des images de cette fameuse nuit où le Nyx était revenu dans un sale état lui revinrent en mémoire. La marque de morsure sur la nuque, le coup reçu en bas du visage, les griffures sur le dos, le sang qui coulait le long des jambes, l'horreur qui l'avait saisie face à cette vision… et la colère qu'il avait éprouvée envers le roi pour ce qu'il avait fait.

A contrecœur, il obéit à l'ordre qui lui avait été donné mais une fois de retour à l'intérieur, il resta près de l'ouverture menant à la terrasse, paré à intervenir au moindre signe de danger. Ses yeux bleus se posèrent sur le lit où Lucrèce était assis face au capitaine Schwann – le bracelet n'était plus là, signe que l'érudit avait certainement dû le cacher en entendant la porte grincer. Son supérieur, l'air visiblement épuisé, le fixa d'un air grave.

« J'ai prévenu Karol que vous resteriez ici cette nuit. » déclara le trentenaire dont le regard bleu glissa avec suspicion vers le favori taciturne. « La fouille du harem va être longue mais rien de suspect n'a été trouvé dans vos appartements. »

« Yuri et moi n'avions rien à cacher de toute manière. » souligna Lucrèce, ses yeux marron allant du capitaine au soldat. « Mais pour les autres… »

S'il y avait bien une chose dont Flynn était à présent convaincu, c'était que l'érudit leur avait bien caché son jeu à tous. A priori, il n'était pas leur ennemi car il aurait très bien pu les dénoncer au roi dès qu'il avait compris ce qu'était le bracelet… ou réalisé que Yuri était un Nyx. D'ailleurs, depuis quand savait-il cela au juste ?

« Concernant demain matin, il se peut que l'exécution ait lieu. » poursuivit le capitaine avec gravité. « Je doute que les connaissances de Narcisse dans les poisons soient assez poussées pour qu'il ait pu mettre la dose mortelle dans le vin et puis… »

« Il n'est pas commun d'user du cactus Peyotl. » compléta Lucrèce en fronçant le nez. « Sauf s'il on a eu les enseignements nécessaires à cela, je ne vois pas comment il aurait pu connaître ses effets. Cela limite pas mal la liste de ses complices potentiels, surtout qu'il n'était pas du genre à batifoler avec son personnel… »

Ces quelques mots suffirent à faire rougir le soldat, se souvenant de ce que le Nyx lui avait raconté sur ce que faisaient les pensionnaires du harem entre eux et de sa prudence vis-à-vis de ses faits et gestes – il se rappela notamment de ce massage des épaules qu'il avait reçu et où Repede montait la garde pour, justement, éviter qu'ils ne soient aperçus dans une position qui pourrait être mal interprétée. Sa mémoire lui rappela aussi qu'il n'était pas aussi insensible aux charmes du favori qu'il aurait aimé l'être, s'étant laissé plusieurs fois séduire par sa beauté physique et les visions d'Umbra ne l'ayant pas laissé aussi indifférent qu'il aurait aimé l'être.

« Pour ce qui est de… »

Le son d'un vase brisé interrompit le capitaine Schwann. Des cris venant de la terrasse suivirent très vite et Flynn se hâta d'aller voir ce qu'il se passait.

-§-

Après leur conversation avec Droite, Raven et le roi Thar étaient revenus dans la partie principale du palais via le passage secret qu'il avait emprunté et qui débouchait tout droit dans sa salle de travail – l'espion savait via le souverain qu'il existait une dizaine de couloirs cachés dont seule la famille royale connaissait l'emplacement pour chacun d'entre eux et qu'ils avaient différents rôles comme permettre de sortir en cachette ou de rejoindre discrètement le harem si nécessaire, une fonction qui avait été grandement prisée par le précédent roi dont la reine était connue pour sa jalousie envers les concubines de son époux.

Ils n'avaient quasiment échangé aucune parole sur leur route vers les quartiers de la reine, un lieu où son maître n'avait pas d'excellents souvenirs – quand on savait qu'il était le fils d'une des favorites et non de la reine, il était aisé de comprendre d'où venait le problème, surtout quand l'on avait discuté avec Rowen, le plus vieux des serviteurs officiant au palais, et que celui-ci avait mentionné de quelle manière elle punissait les enfants de ses rivales ainsi que la façon dont elle élevait sa fille. Ils avaient été stoppé par un des soldats venu leur faire un compte-rendu de la fouille du quartier des favoris au harem – s'il était soulagé que rien n'ait été trouvé contre Yuri, le fait que Lucrèce n'avait rien d'étrange dans sa chambre l'étonnait quelque peu vu d'où sortait l'individu – qu'ils avaient ensuite congédié – il lui avait cependant été demandé de transmettre aux serviteurs concernés que leurs maîtres ne dormiraient pas au harem cette nuit.

A leur arrivée, le doyen des serviteurs leur ouvrit les portes grinçantes des appartements de la reine. Seul Lucrèce était visible, sa toge quelque peu en désordre et sa respiration plus rapide qu'à l'accoutumée, ce qui était hautement suspect aux yeux de l'espion. Seulement, le roi ne s'en formalisa pas et demanda où se trouvait Yuri, l'érudit désignant rapidement la terrasse avant de s'asseoir dans une position plus confortable sur le lit.

Quand le souverain fut sorti puis Flynn rentré, Raven engagea la conversation, observant de près ce favori dont il se méfiait grandement pour guetter la moindre réaction suspecte… mais il fut interrompu par du bruit venant de la terrasse.

Le jeune soldat s'y était tout de suite précipité, imité par le capitaine qui avait immédiatement posé la main sur la garde de son sabre. Sauf qu'à peine eurent-ils mis un pied à l'extérieur qu'il leur fallut retourner dans la chambre, le roi y conduisant le jeune Nyx qui semblait en état de choc.

Il n'en fallait pas plus pour que l'espion comprenne que le souverain venait d'annoncer à son favori la mort du sage nocturne… et que ce dernier prenait très mal la nouvelle – cela était logique vu qu'il était le plus à même de savoir les conséquences de cela sur son peuple.

« Rowen ! » appela le roi Thar tandis qu'il laissait Yuri entre les mains de Lucrèce qui commença immédiatement à l'examiner. « Amenez tout de suite ce qu'il faut ! »

A peine le vieux serviteur eut vu la situation qu'il se hâta de sortir chercher le nécessaire. Pendant ce temps, l'érudit avait forcé le Nyx à s'asseoir sur le lit avec l'aide du jeune soldat qui essayait de calmer le favori en lui parlant. Seulement, quelqu'un n'avait pas oublié l'autre raison de sa venue…

« Toi, debout ! » fit le souverain d'un ton sec en attrapant brutalement le bras de Flynn pour le forcer à se lever. « Qu'est-ce que tu me caches au juste ? »

Pendant un instant, les deux hommes se toisèrent du regard, tout cela sous les yeux effarés de l'espion et des deux favoris – de ce qu'il pouvait en juger, Lucrèce était le plus calme d'entre eux à l'inverse de Yuri qui était littéralement terrifié, ce qui était plus que surprenant chez lui. Puis, sans un mot, le jeune soldat ôta le masque qu'il portait et le laissa tomber au sol avant de faire de même avec son casque, dévoilant aux yeux du roi des cheveux blonds en épis et un regard azur qui n'avait absolument pas peur de soutenir ces yeux mordorés le fixant avec étonnement… et un intérêt loin d'être feint.


1 : Le cactus peyotl a des propriétés hallucinogènes ainsi que des effets secondaires peu agréables…

2 : Le laurier rose est une plante décorative qui est certes très belle mais aussi très toxique ! Il est effectivement déconseillé de la planter près d'une source d'eau car elle peut contaminer celle-ci.

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 Titre : Le cuisinier des… enfers ?

Auteur : Kaleiya

Beta : Eliandre

Disclaimer : Tales of Vesperia et les Douze travaux d'Astérix ne m'appartiennent pas.

Note : Là, impossible de garder l'épreuve d'origine et, en revoyant Fort Boyard cet été, je me suis dit qu'on pouvait modifier cette épreuve, tout simplement en changeant le cuisinier ! Eliandre m'a traitée de folle mais c'est le seul moyen pour que notre duo réussisse ce défi. On peut dire que c'est un double crossover…


A Zaphias, les conseillers s'inquiétaient depuis qu'il leur avait été confirmé que l'hypnotiseur Iris n'était plus en état de continuer d'envoûter quiconque venait le voir, que ce soit des volontaires ou non. Certains d'entre eux étaient aussi de très mauvaise humeur, ayant parié plus ou moins gros que cette épreuve aurait raison de ce duo qui commençait sérieusement à les agacer… tandis que l'empereur Ioder semblait grandement s'amuser.

« Un problème messieurs ? » leur demanda le jeune souverain lors de leur réunion.

Le silence se fit dans l'assemblée, aucun d'eux n'ayant très envie de répondre à leur cadet, d'autant plus qu'il avait parié contre eux précédemment et qu'il fallait à présent discuter de cette sixième épreuve… et de ce que chacun était prêt à proposer.

« Je pense qu'ils n'ont pas tous digéré que vous les ayez délestés d'une partie de leur argent et de certaines de leurs propriétés votre Altesse. » répondit Alexei, conseiller militaire qui, lui, avait choisi de s'abstenir de toute mise, un choix qui s'était avéré des plus sages. « Il faut aussi comprendre que cette victoire fut assez… surprenante à leurs yeux. »

« Pas tellement je trouve. » déclara Ioder avec un sourire énigmatique. « Vu ce que ce cher Yuri nous avait montré dans l'arène, je me doutais qu'il possédait les ressources nécessaires pour réussir. Cependant, je pense que le sixième défi ne sera pas du tout de son goût… »

« Quel est-il cette fois-ci pour que vous soyez certain de cela ? »

« Disons qu'il se peut que j'ai cru ouïr certaines rumeurs venant de Yurzorea au sujet d'un individu assez haut en couleurs… »

Cette simple phrase fit s'étrangler l'un des conseillers, celui-ci ayant apparemment compris de quoi il allait en retourner. Ses confrères le regardèrent à la fois avec interrogation et inquiétude, se demandant ce qui avait bien pu provoquer cette réaction.

« Non… » déclara le concerné avec terreur. « Vous n'avez quand même pas osé les envoyer devant LUI ? C'est inhumain ! »

« Voyons, n'exagérez rien. » répliqua l'empereur sur un ton empli d'une bienveillance feinte. « Cet individu est parfaitement humain de ce que j'en ai entendu donc les envoyer face à lui n'a absolument rien de cruel. Je dirais même que, vu ce qui leur reste encore comme épreuves, ceci est un acte de clémence de ma part. »

« Pourriez-vous développer votre Altesse afin que nous comprenions tous de quoi il s'agit exactement. » coupa Alexei avant que d'autres de ses confrères ne se mettent à paniquer pour rien.

« Oh ? Juste une petite dégustation de mets… peu communs dirons-nous. »

Vu l'expression qu'arborait son souverain, le conseiller militaire se doutait qu'il y avait un piège dans ce défi et, vu la réaction d'un de ses collaborateurs, cette épreuve culinaire dissimulait quelque chose de peu agréable… Qu'était-ce donc et en quoi était-elle un échec certain pour celui qui était originaire de l'île du Plaisir ?

« Messieurs, commençons les paris ! »

-§-

Décidemment, Flynn ne se faisait pas aux trajets par bateau. Le tangage du navire finissait toujours par avoir raison de son estomac et, à moins de voyager le ventre vide, il était certain que son repas allait finir jeté dans l'eau salée d'une manière très peu élégante. Etre sensible au mal de mer n'était vraiment pas une partie de plaisir pour lui…

Si le reste du voyage avait été plus aisé pour lui, c'était principalement grâce à Yuri qui le forçait à prendre l'air dès qu'il se sentait un peu nauséeux et qui s'était arrangé pour faire la cuisine pour lui – il avait déjà constaté sur l'île du Plaisir que son compagnon de voyage se débrouillait bien dans ce domaine mais il n'avait pas pleinement savouré ses talents auparavant. Une fois arrivés sur la terre ferme de Yurzorea, sa faim n'était pas pleinement revenue mais ça ne l'avait pas empêché de chasser dans les bois – d'après Rita, ils avaient au moins trois jours de marche avant d'arriver à destination, ce qui était plus qu'assez pour profiter des lieux.

Lors d'une escale à Yumanju, Flynn put enfin convaincre, suite à quelques accrochages à des branches basses, ce cher Yuri d'échanger sa toge – celle-ci avait souffert après avoir été prise dans un buisson de ronces – contre une tenue plus adaptée au voyage, c'est-à-dire un pantalon sombre et une tunique sans manches en laine noire… contre laquelle le jeune homme aux cheveux longs pesta un moment car elle le démangeait énormément. Ses plaintes cessèrent lorsque le guerrier finit par avoir pitié en le voyant frotter son dos contre un arbre et, lors de leur dernier arrêt de la journée, avait offert de lui passer un onguent sur sa peau afin de le soulager un peu, une proposition qui fut très vite acceptée… et qu'il regretta en partie quand il entendit les profonds soupirs de soulagement que son compagnon poussait dès qu'il posait les mains sa peau.

Bien entendu, Yuri avait poursuivi son jeu favori consistant à l'embrasser à la moindre occasion. Sur les trois dernières tentatives, il était parvenu à esquiver la seconde, essentiellement grâce à Rita qui avait poussé un juron après avoir marché dans les déjections d'un animal.

Autant dire que lorsque leur arbitre, après qu'ils aient passé un petit village, leur annonça qu'ils n'étaient plus très loin de la prochaine épreuve, Flynn avait eu du mal à cacher son soulagement. Il allait enfin pouvoir se concentrer sur quelque chose d'autre qu'éviter les avances du bel éphèbe qui… ahem… du jeune homme à la longue chevelure sombre.

« Avant de continuer, on pourrait éventuellement manger, non ? » suggéra Yuri avec justesse, leur dernier repas commençant à être bien lointain…

« Vu ce qu'est la prochaine épreuve, ce n'est pas utile. » répondit leur cadette en regardant ses documents. « Quelques mètres plus loin, il y a un restaurant assez connu dans la région et c'est là-bas qu'a lieu votre sixième tâche. »

« Dans un restaurant ? » s'étonna Flynn, trouvant ce choix étrange… et l'emplacement de ce lieu quelque peu suspect maintenant qu'il y réfléchissait. « Pourquoi un lieu où l'on se restaure est si éloigné des habitations ? Ce serait plus logique qu'il soit au sein même du village que nous avons traversé il y a peu. »

« C'est vrai que ce n'est pas très commun… » approuva l'autochtone de l'île du Plaisir en observant les alentours. « Et si l'endroit est si connu, pourquoi sommes-nous les seuls à nous y rendre ? »

Le guerrier repensa aux précédentes épreuves et la première chose qui lui vint en tête était de se demander où pouvait bien être le piège cette fois-ci. Ils n'allaient probablement pas devoir faire la vaisselle vu que Rita leur a dit qu'il était inutile de manger, signe qu'ils allaient donc se restaurer là-bas. La nourriture était-elle empoisonnée ? Il espérait que non car cela signifierait qu'à aucun moment l'empereur n'avait souhaité la paix. Donc où était le problème ?

-§-

Bientôt la moitié. Une fois cette épreuve réussie, il n'en resterait plus que six et Yuri espérait qu'il parviendrait à les réussir, essentiellement parce qu'il ne souhaitait pas qu'une guerre se déclenche parce qu'il avait décidé sur un coup de tête de quitter l'île du Plaisir en embarquant Flynn avec lui – en même temps, il aurait dû se douter que, lorsque le guerrier reprendrait ses esprits, celui-ci chercherait à le neutraliser d'une manière ou d'une autre. Bon, leur petit combat avait tourné court quand sa toge, absolument pas faite pour être portée dans ce contexte, se défit en dévoilant grandement son anatomie, ce que son adversaire n'avait pas manqué vu la couleur que son visage avait prise ce jour-là.

Suite à cela, Flynn avait fait demi-tour et Yuri, après s'être vite rhabillé, s'était hâté de l'en empêcher, ce qui avait provoqué cette dispute… et leur capture. Si le guerrier avait été conduit directement en cellule, celui originaire de l'île du Plaisir avait dû faire comprendre aux soldats lui servant « d'escorte » qu'il n'était pas du tout disposé à satisfaire leurs désirs avant de pouvoir enfin être amené en prison – entre se faire tripoter par des types aux mains baladeuses et jeté ans un cachot humide, la deuxième option lui avait immédiatement paru très alléchante. Même s'il avait connu mieux question confort, la vue qu'il avait sur un jeune homme aux cheveux d'or lui avait fait revoir son appréciation des lieux à la hausse.

Le lendemain, ils furent amenés devant l'empereur et Yuri, qui avait déjà réussi à arracher quelques informations de Flynn sur les raisons de sa présence en Illycia, eut les quelques renseignements qui lui manquaient en se contentant de tendre l'oreille – le seul moment où il avait pris la parole fut quand il sut que Judy avait demandé à ce qu'il revienne et qu'il avait déclaré en grimaçant qu'il ne comptait pas rentrer chez lui.

Quand Ioder proposa son « pari » au guerrier – en vérité, cela ressemblait plutôt à un odieux chantage déguisé par un grand sourire faussement innocent –, celui à la longue chevelure sombre en avait bien mémorisé les termes, lui permettant ainsi de s'apercevoir que le souverain avait précisé ceux-ci au pluriel et non au singulier, certainement parce qu'à la base, il y avait deux espions. A ce moment-là, il ne savait pas vraiment quoi faire de cela mais ce dont Yuri était certain, c'était qu'il n'approuvait pas ce jeu qui pouvait fort s'avérer être plus pervers qu'il ne le semblait au premier abord.

Cependant, après que l'empereur lui ait proposé le statut d'invité, il put assister aux premières épreuves qui attendaient Flynn… tout en gardant un œil sur Ioder depuis qu'il avait remarqué la façon très déplaisante dont il le détaillait du regard.

Si les deux premiers défis avaient été remportés par le guerrier, la situation changea avec le troisième et, après un nouvel échec du guerrier pour vaincre son adversaire, Yuri avait trouvé comment exploiter cette faille dans les règles énoncées par le souverain et, à la surprise générale, il avait sauté dans l'arène et, grâce à sa longue observation du combat, renversé la situation à son avantage très aisément. Une fois victorieux et face aux cris consternés des conseillers, il avait exprimé son souhait d'être le remplaçant de Raven pour ces épreuves, une proposition qui fut acceptée par l'empereur.

Cette décision de s'embarquer dans cette aventure sans être certain de réussir – il n'avait pas envie de retourner dans l'immédiat sur l'île du Plaisir et devenir le serviteur personnel de ce gamin en cas de défaite était une idée qui le répugnait fortement – pouvait sembler irréfléchie voire impulsive mais en fait, Yuri était persuadé que seul, Flynn ne pouvait pas gagner. Afin que le guerrier de Danhgrest ait toutes ses chances, il lui fallait un partenaire capable de compenser les lacunes qu'il possédait.

Et puis bon, le jeune homme aux cheveux d'or avait fortement éveillé son intérêt, faisant que l'idée de parvenir à le séduire sans utiliser de nectar l'attrayait fortement.

De ce qu'il avait pu observer, Yuri savait que si Flynn ne répondait pas à ses multiples avances, il n'y était pas forcément indifférent. Avec de la persévérance, il pouvait donc réussir à le faire tomber sous ses charmes.

Pour le moment, il avait surtout eu pitié de son compagnon de voyage lors de leur trajet en bateau… ce qui fut vite oublié quand il eut ce gilet en laine qui le démangeait fortement. Comment était-il possible pour un vêtement d'être aussi désagréable à porter ? Sa chance fut que le guerrier avait trouvé de quoi stopper son calvaire – le jeune homme avait ainsi pu ajouter « peau fragile » aux inconvénients liés à sa vie sur l'île du Plaisir.

A présent, sa préoccupation était de savoir ce qui pouvait bien se cacher derrière cette épreuve-ci…

« Disons que le menu est assez… unique en son genre. » déclara Rita avec une grimace qui lui laissait penser qu'il risquait fort de perdre l'appétit. « Très peu d'amateurs pour cette cuisine doivent exister… s'il en existe. »

… Le restaurant était mauvais à ce point-là ? Comment des plats pouvaient être aussi répugnants pour que la réputation de cet établissement ait atteinte Zaphias ?

Ils arrivèrent devant une bâtisse en bois devant laquelle plusieurs pancartes avaient été plus ou moins bien plantées dans le sol. Sur celles-ci, Yuri pu lire des choses comme « N'y allez pas, même si vous mourrez de faim ! », « PLUS JAMAIS ! », « ARGH ! », « Pitié, pitié, pitié ne le laissez pas me resservir ! » ou encore « Mais qu'ai-je fait au bon Dieu pour mériter un tel supplice ? », ce qui ne fit qu'amplifier ses craintes sur la nourriture servie à cet endroit – la palme revenait au « Faites demi-tour, FAITES DEMI-TOUR ! » qui était écrit en très gros et souligné trois fois.

« La prochaine épreuve consiste à finir les plats cuisinés par le chef de ce restaurant. » commença à expliquer l'adolescente tout en désignant une ardoise sur laquelle était marqué le menu du jour. « En d'autres termes, manger le contenu de la carte qui est indiqué juste ici. »

« C'est à moitié effacé. » constata Flynn en montrant les mots illisibles. « Qui plus est, c'est assez mal écrit… »

Ce n'était pas vraiment ce qui était le plus inquiétant aux yeux de celui aux cheveux de jais mais plutôt l'odeur douteuse qui émanait des lieux. Ça sentait comme un mélange de légumes fermentés et de poisson pourri…

« Dans ce cas, ce sera une surprise totale. » fit Rita avant de tirer sur la corde de la cloche de l'entrée. « Bonne chance ! »

Et rapidement, leur cadette prit ses distances, les laissant seuls devant la porte du restaurant. A peine fut elle hors de leur vue que des pas précipités se firent entendre de l'autre côté du panneau de bois et que celui-ci s'ouvrit sur un homme plus petit qu'eux aux courts cheveux bruns bouclés, aux yeux noirs et vêtu d'une tenue blanche de cuisinier.

« Bienvenue mes amis ! Bienvenue chez Willy Rovelli ! » s'exclama celui qui était manifestement le propriétaire des lieux avec un grand sourire. « Je vous attendais. Venez, entrez ! Entrez ! »

Si Flynn pénétra calmement à l'intérieur du bâtiment, Yuri eut un gros moment d'hésitation lorsqu'une odeur encore plus nauséabonde arriva à ses narines et qu'il entendit des bruits très suspects. Il emboîta prudemment le pas de son compagnon de voyage en se pinçant le nez, son regard anthracite examinant les murs en bois sur lesquels il y avait des tableaux un peu étranges, la seule table présente qui était recouverte d'une nappe à carreaux et sur laquelle étaient posés des assiettes, des couverts ainsi qu'une bougie.

Le dénommé Willy Rovelli les installa à cette fameuse table et une fois qu'ils furent assis, il sortit un petit calepin et un crayon de la poche de son tablier.

« J'imagine que vous prendrez tous deux la formule du jour qui, je dois vous le dire, est à la fois la plus complète et la plus exquise ! » leur déclara le cuisinier en griffonnant quelque chose sur son carnet.

« A vrai dire, nous n'avons pas réussi à la lire sur le tableau à l'extérieur. » signala le guerrier pendant que son camarade d'infortune avait pris sa serviette pour essayer de protéger son nez. « C'était en partie effacé. »

« Ah, c'est vrai qu'il a plu l'autre jour. Toutes mes excuses pour cela. Alors la formule complète comprend l'entrée, le plat, le fromage et le dessert. Je vous apporte le début d'ici cinq petites minutes ! »

Sans crier gare, Willy Rovelli s'éclipsa en vitesse dans ses cuisines, les laissant seul dans la petite salle du restaurant. Habituellement, Yuri aurait tenté de dérober un baiser à Flynn mais l'odeur des lieux l'incommodait beaucoup trop pour ça.

« Comment tu fais pour supporter cette puanteur ? » demanda-t-il en réalisant que le guerrier tolérait bien mieux que lui les effluves nauséabonds de cet endroit. « J'ai l'impression d'être dans une poubelle tellement ça sent mauvais ! »

« Je sais mais crois-moi, il y a pire. » lui répondit calmement son compagnon d'infortune. « J'ai déjà eu droit à du fumier, l'auge des cochons élevés au village, la viande oubliée dans le fumoir, le poisson pourri vendu au marché… »

« Ça va, j'ai compris… »

En d'autres termes, à Dahngrest, ils avaient le nez bouché. Dans le cas présent, il y avait de quoi être jaloux.

-§-

Excepté l'auberge de son village, Flynn n'avait jamais été dans un restaurant mais il doutait fort que l'odeur qui régnait ici soit normale. Il commençait à mieux comprendre les pancartes qu'ils avaient lues avant d'entrer ici et pourquoi ce lieu était celui de leur sixième épreuve. Restait à savoir ce qui allait leur être servi mais déjà, il se doutait que Yuri allait avoir du mal à user de sa ruse – déjà, il le voyait regarder avec suspicion le contenu de la carafe d'eau, ce qui était compréhensible.

Le guerrier voulu observer un peu plus attentivement les lieux quand il sentit quelque chose sur sa cuisse qui le fit légèrement sursauter. Il ne lui fallut pas très longtemps pour en trouver l'origine : en soulevant la nappe, il vit le pied de son camarade qui se frottait contre sa jambe. Il lui répliqua en lui jetant un regard agacé avant de lui donner une pichenette au pied, arrachant un « aïe ! » au jeune homme.

« Assieds-toi correctement au lieu de faire n'importe quoi. » lui fit-il remarquer sur un ton un peu sec.

« Pas de ma faute si tu es le seul élément ici qui me permet de patienter. » répliqua du tac au tac son interlocuteur.

A cette remarque, Flynn lâcha un soupir exaspéré et il s'apprêtait à aller voir le chef pour lui demander encore combien de temps ils allaient attendre quand celui-ci sortit rapidement de sa cuisine avec deux assiettes en main.

« Voilà, voilà ! » s'exclama Willy Rovelli en posant les entrées sur la table. « Voici une petite entrée pour commencer : des sushis faits maison ! Je vous laisse déguster le temps de préparer le plat. Bon appétit ! »

Sur ces mots, le propriétaire des lieux repartit rapidement derrière ses fourneaux, laissant ses deux invités observer ce qu'il venait de leur servir… et constater que ces sushis n'avaient rien de classique car si le riz était bien présent, sur le dessus de chacun se trouvait non pas une tranche de poisson frais mais des tarentules et des criquets. En résumé, ils avaient deux sushis chacun : deux aux tarentules et deux aux criquets, ce qui semblait ne pas enchanter du tout Yuri.

« C'est une blague j'espère ? » dit-il en regardant le contenu de leurs assiettes avec une grimace.

« J'ai bien peur que non. » confirma Flynn qui, après avoir observé les entrées, fut certains que les insectes étaient morts. « J'ai l'impression qu'ils ont été grillés au préalable. Ça pourrait être pire. »

Manifestement, son camarade avait l'air de penser la même chose vu comme il avait blêmi, s'étant certainement souvenu que ceci n'était que le début du repas.

L'épreuve consistant à manger le contenu des assiettes qui leur étaient servies, le guerrier n'attendit pas plus longtemps : il prit dans sa main un des sushis au criquet et mordit dedans, l'insecte craquant dans sa bouche. Il ne s'attarda pas à savourer le mets et mangea l'autre morceau avant de faire de même avec son second sushi, tout cela sous le regard médusé de Yuri qui, après un instant d'hésitation, se mit à l'imiter.

« Beurk ! » fit son compagnon d'infortune en grimaçant. « Je commence sérieusement à regretter l'Ile du Plaisir… »

« Il y a plus ignoble à manger. » dit-il après avoir fini son assiette. « Une fois, je me suis perdu en forêt et j'ai dû manger des insectes vivants faute de trouver du gibier. Quand tu as faim, tu apprends à faire des concessions. »

En l'occurrence, celui originaire de Dahngrest avait souffert de mal de mer pendant un moment et son estomac criait famine depuis un moment déjà donc il n'allait pas faire le difficile. Cependant, il avait intérêt à convaincre celui qui venait de l'Ile du Plaisir d'au moins goûter au contenu de son assiette car seul, il doutait d'arriver à tout finir en sachant qu'ils avaient un menu complet à déguster.

Heureusement, même s'il avait eu du mal, Yuri avait fini son entrée et avalé un grand verre d'eau pour faire passer le goût. C'était déjà ça de gagné.

A peine une minute plus tard, le chef arriva avec le plat : de la cervelle bouillie accompagnée de natto (1), un mets dont l'odeur ne passa pas du tout inaperçue. L'aspect était certes répugnant mais ce parfum de soja fermenté agressait les narines à un tel point qu'il vit son camarade faire un mouvement de recul.

« Tout s'est bien passé ? » leur demanda Willy Rovelli en débarrassant les assiettes des entrées.

« C'était immonde. » répondit le bel éphèbe avant de plaquer une main contre son visage, se sentant visiblement mal.

« C'est la cervelle de quel animal au juste ? » questionna le guerrier, faisant abstraction de la puanteur émise par les plats face à eux.

« Du porc qui est élevé dans un village pas très loin et livrée ce matin… ou la veille, je ne sais plus. Bonne dégustation ! »

Et encore une fois, leur hôte s'éclipsa rapidement en cuisine.

Comme Flynn était habitué à manger de la viande, la cervelle bouillie ne lui faisait pas peur car il connaissait – il avait toujours préféré les abats aux fruits de mer, ayant une aversion pour les moules et les huîtres depuis l'enfance. Par contre, le natto était un aliment qu'il n'avait jamais goûté mais il savait par Raven ce que c'était et que ce n'était pas aussi mauvais qu'on pouvait le penser.

Prenant sa fourchette en main, il décida de tester ce natto et il tenta d'en prendre un morceau… réalisant ainsi que celui-ci faisait des fils gluants, ce qui n'encouragea nullement Yuri à l'imiter vu l'expression de son visage.

« C'est quoi cette chose encore ? » demanda son camarade qui n'appréciait vraiment pas ce qu'il voyait.

« Des graines de soja fermentés. » répondit-il en toute simplicité avant de goûter cela… et de constater que ça n'avait pas une saveur extraordinaire. Il trouvait cela même plutôt fade, surtout après qu'il eut mangé un morceau de cervelle bouillie.

Après une longue hésitation, son compagnon d'infortune se décida à essayer le plat mais après une bouchée de chaque, il était clair qu'il n'aimait pas du tout le natto et qu'il n'allait certainement pas faire l'effort de le finir. Il reconnaissait que la texture était très particulière en bouche et lorsqu'il vit qu'il avait terminé, difficilement certes, sa part de cervelle bouillie, le guerrier lui prit son assiette pour finir le natto, même si lui-même n'aimait guère cet aliment mais plus à cause de son manque de saveurs.

« Comment t'arrives à manger un truc aussi infect ? » lui demanda Yuri après avoir de nouveau avalé un grand verre d'eau.

« D'une, ce n'est pas aussi mauvais et de deux, je n'ai pas envie de perdre mon village. » répondit Flynn en finissant son assiette. « Qui plus est, après la longue diète que j'ai eu, je meurs de faim ! J'avalerai un sanglier entier s'il y en avait un. »

Le bel éphèbe eut un rire amusé en entendant cette phrase et le jeune homme aux cheveux d'or réalisa que sa présence ne le gênait plus. Il s'y était habitué à force de voyager ensemble et même s'ils avaient des origines différentes, il ne trouvait pas sa compagnie désagréable, bien au contraire. D'ailleurs, en repensant aux épreuves qu'ils avaient déjà effectuées, il constata qu'ils étaient complémentaires : là où l'un avait des difficultés, l'autre était là pour les compenser et inversement.

En d'autres termes, à eux deux, ils avaient une chance de réussir à gagner le pari fait avec l'empereur Ioder.

« Au fait, si on venait à réussir toutes les épreuves, que comptes-tu faire ? » se demanda subitement le guerrier en se souvenant que seuls les conséquences d'un échec avaient été évoquées pour son camarade. « Tu vas rentrer chez toi ? »

« Je n'y ai pas réfléchi. » avoua Yuri, visiblement un peu surpris par cette question. « Je sais juste que je ne veux pas retourner dans l'immédiat sur l'Ile sur Plaisir ou finir en serviteur particulier pour ce gamin… »

Leur conversation, qui était très agréable, fut brusquement interrompue par le retour de leur hôte, venu pour débarrasser leurs plats et leur amener la suite : le fromage. Certes, la portion était petite mais elle était dans la même veine que les mets précédents, c'est-à-dire peu appétissante pour le commun des mortels.

« Mes chers amis, ceci est du Casgiu Merzu(2), une spécialité locale très réputée. » leur expliqua le cuisinier tandis que, de la préparation fromagère se mouvaient des asticots qui, cela ne faisait aucun doute, étaient bel et bien vivants. « C'est un fromage pourri aux larves de mouches que vous avez la chance de pouvoir déguster ici aux frais de l'empire. Bon appétit et je vous retrouve pour le dessert. »

Encore une fois, Willy s'éclipsa rapidement, leur laissant tout le temps d'observer ce qui venait de leur être servi.

-§-

Il allait étrangler ce sale gosse d'Ioder s'il venait à le recroiser. Cet endroit était tout bonnement affreux au point qu'il en était venu à regretter l'Ile du Plaisir et son excellente nourriture – certes, c'était surtout lui qui cuisinait là-bas mais c'était clairement meilleur que ce qu'il y avait dans ce boui-boui !

Sincèrement, Yuri se serait arrêté à l'entrée si Flynn n'avait pas été là. Sans lui, il n'aurait jamais réussi à se convaincre d'avaler ces horribles sushis aux insectes et de faire de même avec la cervelle bouillie – il avait tenté avec le natto mais l'odeur l'avait beaucoup trop dérangé et s'il avait continué, il aurait probablement vomi le contenu de son estomac, leur faisant échouer cette épreuve à tous les deux par la même occasion.

Là, le coup du fromage pourri, il aurait quand même dû le voir venir, surtout qu'il en avait entendu parler quand il était sur l'Ile du Plaisir mais jamais il n'en avait vu jusqu'ici. Lui qui n'aimait déjà pas le fromage à la base, là, il était servi…

Un coup d'œil au guerrier lui permit de voir que les asticots vivants ne semblait pas du tout le déranger : il avait pris un morceau de pain pour le tartiner de cette chose vraiment pas appétissante et il croquait dans sa tartine comme si de rien n'était.

Avec la pointe du couteau, le bel éphèbe goûta ce mets… et fut dégoûté par cette saveur très amère et piquante. Ce fromage, en plus d'être pourri, était très fort, au point qu'il en venait à regretter le natto qui leur avait été servi plus tôt. Sans hésitation, il laissa sa part à Flynn en priant intérieurement pour que le dessert n'ait rien de vivant à l'intérieur car sinon, il risquait de rendre tout ce qu'il avait avalé juste avant.

Le seul point positif qu'il avait noté pour le moment était que leur hôte semblait moins guilleret qu'au départ, signe qu'il ne s'était probablement pas attendu à ce qu'ils parviennent jusque-là. Avec de la chance, il n'aura pas le temps de leur faire un sale coup pour le dernier plat… mais il n'y croyait pas trop.

De plus, un détail de taille commençait à le titiller : s'il savait à présent d'où venait l'odeur de légumes fermentés, il n'avait toujours pas trouvé l'origine de celle de poisson pourri, ce qui lui laissait penser que le dessert risquait fort d'en contenir. Qui plus est, son nez commençait enfin à s'habituer à ces senteurs désagréables et il pouvait maintenant se concentrer sur autre chose que sur son odorat qui se faisait plus que malmener depuis leur entrée dans ce restaurant.

« Je crois qu'il nous réserve le pire pour la fin. » déclara Yuri à son camarade. « Ça sent le poisson pourri depuis un moment déjà et on a rien eu à base de poisson pour le moment. »

« Cela se tient. » approuva Flynn en grimaçant une fois qu'il eut fini son assiette. « Mais un dessert à base de poisson ? »

« C'est étrange oui mais comparé à ce qu'on a eu avant… »

Qu'allaient-ils donc avoir à manger en dernier ? Les fruits de mers étant trop fragiles comme produits, il aurait tendance à les exclurent, doutant fort que leur hôte veuille les empoisonner car techniquement parlant, tout ce qui leur avait été servi était certes loin d'être appétissant mais cela restait des produits comestibles et donc, en théorie, non destinés à causer une intoxication alimentaire. Le plus probable, vu l'odeur, était un poisson fort et qui était dans la même veine que tout ce qu'ils avaient eu auparavant.

En fouinant dans ses souvenirs de l'Ile du Plaisir, le bel éphèbe se souvint d'un homme qui venait d'un pays loin au nord et qui avait posé quelques soucis aux prêtresses car celui-ci n'aimait que des poissons forts en goût. Au final, elles avaient réussi à le faire tomber sous leurs charmes et cet homme avait évoqué une spécialité de son pays – le seul truc qu'il avait retenu du nom de ce plat était son côté imprononçable – qui, justement, était du poisson fermenté.

Si c'était bien ça, sous quelle forme allait-elle leur être présentée ?

La réponse ne tarda pas à arriver en la personne du cuisinier qui, après avoir débarrassé leurs assiettes et leurs couverts, vint leur apporter des cuillères ainsi qu'une coupe en cristal en fredonnant une chanson d'amour. A l'intérieur, il y avait deux boules de glace d'une couleur indéfinissable et qui sentaient le poisson bien pourri.

« Ah, mes chers amis… » commença Willy Rovelli, la voix chargée d'émotion. « C'est avec une immense joie que je vous annonce que vous êtes les premiers à être parvenus jusqu'à cet instant fatidique : ce dessert ! Qui plus est, c'est aussi mon mets favori et vous ne pouvez pas imaginer à quel point de suis fier de vous présenter la spécialité de mon restaurant : la glace au surströmming (3)! »

Yuri reconnut ce nom bizarre qui lui confirma qu'ils avaient affaire à une crème glacée au poisson. En théorie, lui qui aimait bien les desserts, il ne devrait pas avoir de souci mais en pratique, il se demandait sérieusement si ce truc était bel et bien mangeable…

En levant son regard sombre vers son partenaire, il constata que celui-ci était plus pâle que tout à l'heure. En cherchant dans sa mémoire, il se rappela que Flynn n'avait jamais été très enthousiaste face à des plats à base de fruits de mer et il comprit instantanément que celui-ci n'arriverait jamais à se forcer à finir ce dernier mets.

La ruse qu'il aurait été possible de faire était de jeter discrètement la nourriture mais si elle aurait pu être tentée avec les plats précédents, ce coup-ci, elle était impossible car le propriétaire des lieux n'avait visiblement pas l'intention de retourner en cuisine.

« Mangez ! Mangez ! » s'exclama vivement Willy avec un grand sourire. « Ne faites surtout pas attention à moi ! »

Facile à dire… mais face au conflit interne plus qu'évident chez le guerrier, c'était à son tour de sacrifier son haleine et ses papilles gustatives. Haut les chœurs…

« T'as de la chance que je t'aime… » dit-il à voix basse avant de prendre une cuillère de glace et de la mettre rapidement dans sa bouche.

A l'instant où il sentit le froid envahir son palais, Yuri réalisa qu'il avait eu une très mauvaise idée en mettant autant de crème glacée dans sa bouche d'un seul coup car il s'était presque gelé le cerveau. Le pire restait tout de même le goût qui, certes, le dérangeait moins que celui du fromage mais le natto gardait tout de même sa grande préférence. C'était TRES salé pour un dessert et sincèrement, il avait l'impression de manger une crème dans laquelle un énorme bloc de sel avait été jeté ainsi qu'une bouteille d'un vinaigre bien acide, tout cela avec en plus la saveur du hareng qui avait été très longuement oublié. Le plus dur allait être de ne pas vomir…

Il voulut prendre un verre d'eau pour faire passer le goût… mais il réalisa avec horreur que la carafe était vide, ce qui n'arrangeait vraiment pas leurs affaires. Cependant, en un clin d'œil, le cuisinier leur en avait ramené une pleine… ou du moins, il avait déjà vu la chose et s'était préparé à leur ramener de quoi boire.

Flynn tenta sa chance lui aussi… et l'expression de son visage en disant suffisamment long pour que son compagnon d'infortune sache qu'il avait certainement la même opinion que lui sur cette glace, voire même pire…

Et encore, ils devaient s'estimer heureux de ne pas avoir le produit de base car il avait l'étrange impression que ce serait mille fois pire.

« Alors, quel goût ça a ? » leur demanda leur hôte avec un intérêt quelque peu sadique aux yeux de Yuri.

« C'est infect ! » répondirent les deux camarades au même moment avant de rassembler leur courage pour essayer de finir cette chose immonde.

Sérieusement, ce prétendu cuisinier le faisait exprès ou bien il ne goûtait jamais ses plats ? A tous les coups, c'était les deux et le jeune homme aux cheveux de jais se jura que si un jour il revoyait cet énergumène, il lui ferait avaler son menu entier à la première occasion !

A force de volonté et avec beaucoup d'efforts, ils arrivèrent difficilement à terminer ce dernier plat. Ils étaient au bord du malaise mais ils étaient, pour l'instant, encore vivants. Par contre, leurs papilles gustatives risquaient fort de leur faire défaut pendant un moment et leurs haleines… non, il ne valait peut-être mieux ne pas y penser, surtout que rien ne garantissait que leurs estomacs puissent se remettre de tout ça.

« Bravo ! Bravissimo ! » s'exclama avec émotion le propriétaire des lieux en applaudissant avec force tout en reniflant. « Jamais personne n'avait réussi à finir mon menu en entier et… excusez-moi une seconde. »

Sur ces mots, le chef se moucha bruyamment dans son tablier avant d'essuyer quelques larmes de joie qui menaçaient de couler.

« Vous avez vraiment été un formidable duo ! » poursuivit Willy en s'approchant… avant de reculer d'un pas, certainement à cause des deux regards assassins dirigés contre lui. « Revenez quand vous voudrez ! »

Intérieurement, Yuri et Flynn pensaient la même chose : ça ne risquait pas d'arriver !

Après leurs adieux à leur hôte, ils sortirent avec joie du restaurant, respirant à plein poumons l'air extérieur… avant d'aller chercher où pouvait bien se planquer Rita afin de lui faire savoir qu'ils avaient réussi cette épreuve.


Notes :

1 : Le natto est fait à base de graines de soja fermentées et est un aliment très populaire au Japon mais généralement peu apprécié par les occidentaux.

2 : Le Casgiu Merzu est un fromage corse fort qui est pourri avec des larves de mouches. Il peut être mangé avec ou sans les asticots.

3 : Le surströmming est du hareng fermenté et est très populaire en Suède. Son odeur est, paraît-il, une des pires qui existe et il serait interdit dans les avions à cause du risque d'explosion des boîtes de conserve dans lequel il fermente.

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Fluri Month 2016 : May 27 – 28 Viscaria: “Will you dance with me?”

Beta : Eliandre

UA : Dragon Age Inquisition. Assez court, j’avoue, mais la scène est courte dans le jeu donc…

 


A Orlaïs, la réception organisée au palais d’hiver pour faire cesser cette guerre entre l’impératrice Célène et le duc Gaspard touchait à sa fin. Or, si l’Inquisition s’y était rendue, ce n’était pas seulement pour permettre de trouver un accord entre les deux protagonistes de cette histoire mais surtout pour déjouer la tentative d’assassinat envers Célène dont elle avait eu vent.

Flynn, Estelle et Raven étaient présents en tant que conseillers de l’Inquisiteurs tandis que Sodia, Judith et Yuri étaient chargés de se mêler aux invités pour trouver des indices, à la fois sur leur assassin et aussi sur comment réussir à instaurer la paix en Orlaïs. Le noble jeu n’était pas inné pour certains d’entre eux et seul Lavellan l’avait amplement travaillé afin de mieux se fondre dans le décor bien qu’il était un elfe dalatien – Judith était une elfe de la ville mais elle ne s’intéressait absolument pas aux intrigues de la cour, contrairement à Raven dont les oreilles avaient tendance à traîner et qui se délectait un peu trop des ragots de la noblesse au goût de ses camarades et aussi des nobles qui étaient assez nerveux en sa présence.

Durant la recherche de l’assassin, Yuri avait constaté que tout le monde l’évitait, ce qui n’était pas une surprise vu qu’il était un mage tévintide, alors que toutes les femmes harcelaient littéralement ce pauvre Flynn qui commençait à avoir quelques soucis pour garder son calme. Sodia, trop concentrée sur sa mission, n’avait pas le temps de venir l’aider à se débarrasser de ses admiratrices et le commandant de l’Inquisition dut attendre que l’assassin se dévoile enfin pour pouvoir se défaire d’elles.

L’impératrice saine et sauve, l’Inquisiteur lui avait dévoilé le coup d’Etat préparé par Gaspard et Orlaïs était à présent en mesure de pouvoir tenir contre leur ennemi commun.

Ces évènements passés, un certain calme était revenu au palais d’hiver et Yuri avait décidé de prendre un bol d’air frais sur un balcon, admirant les jardins éclairés par la lueur de la lune. Ce genre d’évènements ne le changeait pas vraiment de Tevinter et il trouvait quand même osé de la part de ces gens de considérer son peuple comme barbare alors qu’ils n’étaient pas mieux.

—J’espère que tu n’as pas trop forcé sur le vin.

Avec un sourire, le tévintide se tourna pour voir arriver Flynn, toujours vêtu de la tenue d’apparat que tous les membres de l’Inquisition portait.

—Même si je sais qu’il est meilleur que celui qu’ils servent à Fort Céleste, je n’en ai pas bu une seule goutte, déclara le mage tandis que le commandant de l’Inquisition venait se placer à côté de lui. Et toi ? Tes adoratrices t’ont laissé le temps de profiter de la soirée ?

—Je ne suis pas taillé pour ce genre d’évènements, avoua le soldat avec une légère gêne. De plus, j’ai été invité mille fois à danser mais impossible pour moi de quitter mon poste.

—Moi par contre ils m’ont tous évité comme si j’avais la peste. Dommage car je connais une danse qui aurait pu les choquer à vie.

—Pourquoi cela ne m’étonne-t-il pas de toi ?

Yuri eut un léger rire à cette remarque. Un léger silence régna entre eux avant que Flynn ne tourne la tête vers la salle de bal où était joué un des derniers morceaux de musique de la soirée.

—C’est peut-être un peu tard mais je doute d’avoir de nouveau l’occasion, déclara-t-il avant de le regarder droit dans les yeux en lui tendant sa main droite. M’accordes-tu cette danse ?

Le mage hésita un instant puis il finit par accepter, faisant visiblement le bonheur du templier. Ils placèrent correctement leurs mains et ils commencèrent à esquisser les premiers pas, le tout en garant leurs yeux vissés dans ceux de l’autre. Aucun mot n’était échangé, uniquement des regards et une valse sans faux pas ou maladresse avec la lune comme unique spectatrice.

Combien de temps dansèrent-ils exactement ? Difficile à dire mais une fois la valse terminée, tous deux avaient rejoint leur chambre dans l’aise du palais dédiée aux invités pour exécuter une toute autre chorégraphie à l’abri des regards…

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Fluri Month 2016 : May 25 – 26 Daylily: “Flirtation”

Beta : Eliandre

UA : Miraculous

 


 

En se levant ce matin-là, Yuri grogna, ayant rêvé que son partenaire pour combattre le crime lui avait fait une cour interminable sur la terrasse et qu’il l’avait littéralement inondé de cadeaux – il se souvenait encore parfaitement des nombreux baisemains qu’il avait reçus dans son songe, un écho à ceux auquel il avait eu droit pendant quelques combats contre des akumas. Le pire fut quand une certaine phrase lui revint en mémoire et le fit rougir jusqu’aux oreilles… avant qu’il ne plonge sa tête dans son oreiller pour crier.

—Quinze minutes d’avance sur ton réveil ? C’est exceptionnel ! fit remarquer Tikki en le rejoignant sur la mezzanine où était son lit. Tu as fait un cauchemar ?

—En quelque sorte… dit-il en sortant la tête de son oreiller pour regarder son kwami. J’ai rêvé que Chat Noir me draguait et qu’il m’offrait sans arrêt des cadeaux.

—C’est plutôt mignon je trouve et puis c’est tout à fait ce qu’il serait capable de faire.

—Le pire, c’est qu’à un moment, il m’a sorti des phrases si mielleuses que j’en ai encore le goût sur la langue…

C’était à croire que son coéquipier sortait tout droit d’un de ces romans à l’eau de rose dégoulinant de sentiments. Il ne manquait plus qu’une sérénade au clair de lune ou une croisière en péniche sur la Seine et il aurait eu la totale. Cependant, ce qui le gênait le plus, c’était la manière dont il l’avait regardé, comme s’il était l’être le plus merveilleux au monde, et qu’il lui avait déclaré son amour… C’était hautement perturbant, surtout quand il se posait des questions sur ce qu’il ressentait exactement pour cet individu dont il ne connaissait pas grand-chose excepté sa morphologie très… attrayante.

—Tu es tout rouge, fit Tikki, le sortant brusquement de ses pensées. Ton songe n’était pas si horrible que cela visiblement.

—J’aimerais surtout ne pas avoir fait ce rêve, grogna Yuri en sortant de son lit. Comment on fait quand on pense aimer deux personnes à la fois ?

—Malheureusement, j’ai peur que tu ne doives faire un choix, aussi pénible soit-il.

Après s’être douché puis habillé, il alla prendre son petit-déjeuner, surprenant Raven qui n’avait pas l’habitude de le voir aussi tôt sorti du lit. Il mangea rapidement et s’en alla au lycée avec vingt bonnes minutes d’avance par rapport à l’heure où il partait habituellement. Sur son court trajet, il se repassa en boucle certains passages de son rêve, peu attentif à son environnement… et ce fut à cet instant que les lacets de sa basket gauche choisirent de se défaire, faisant qu’il marcha accidentellement dessus alors qu’il était au pied des marches.

Son esprit serait douloureusement revenu sur terre s’il était tombé sur les marches de pierre et non sur quelqu’un qui avait amorti sa chute.

—Désolé, fit Yuri en s’écartant du torse contre lequel il était, constant avec gêne que c’était Flynn sur qui il était à présent allongé. Je t’ai pas fait mal au moins ?

—Ce n’est rien, déclara son camarade avec le sourire. Tu as de la chance que j’étais assis là.

Pour le coup, il fut incapable de répondre, captivé par ce regard azur, cette belle mâchoire, ces cheveux d’or… avant de réaliser qu’il était actuellement en partie allongé sur son camarade de classe et que celui-ci avait une main sur son bras et une autre au niveau de sa taille. Extrêmement embarrassé, il bredouilla des excuses et se releva brusquement.

Il se serait probablement rendu directement en classe si Flynn ne l’avait pas retenu par le poignet.

—Le professeur de mathématiques est absent ce matin, déclara celui-ci en lui faisant signe de s’asseoir avec lui. J’ai prévenu Chester et Natalia pour leur dire qu’ils n’avaient pas besoin de venir car on commence à neuf heures.

—Il aurait pu prévenir qu’on dorme une heure de plus, grommela Yuri en s’asseyant sur les marches. Il est au courant le vieux Lester qu’il a nos numéros de téléphone à tous ?

—Sa femme a prévenu le proviseur il y a cinq minutes. De ce que j’ai compris, il est malade.

—T’étais chez le proviseur ? Toi ? Qu’as-tu bien pu faire pour être convoqué si tôt ?

—Je l’ai juste croisé quand j’étais allé prévenir que je serais absent demain après-midi.

Ceci expliquait cela. Et pour que Flynn doive prévenir d’une absence, c’était que cela devait probablement être important mais ça, il n’allait pas chercher à le savoir car ce n’était pas vraiment ses affaires.

—Une heure à tuer du coup, réalisa Yuri avant de lâcher un bâillement. J’aurais bien pioncé plus longtemps…

—Avec tous les retards que vous avez accumulés parce que vous dormiez monsieur Lowell, j’en suis à me demander ce que vous pouvez bien faire de vos nuits pour manquer autant de sommeil.

Le jeune homme grinça des dents en entendant cette voix qu’il connaissait un peu trop bien à son goût et il se retourna, nullement surpris de voir le proviseur Dinoai qui le toisait d’un œil sévère. A côté de lui, il y avait une fille aux longs cheveux châtain clair avec une longue mèche du côté droit et aux yeux bleus que Yuri ne connaissait pas.

—Bonjour monsieur le proviseur, dit le jeune homme en se levant, grimaçant à l’idée de ce qui allait lui tomber dessus. Belle journée n’est-ce pas ?

—Elle le sera réellement si vous parvenez enfin à arriver à l’heure en classe, répliqua le proviseur avant de se tourner vers Flynn qui s’était levé à son tour. Comme monsieur Lester ne viendra pas assurer son cours aujourd’hui, mademoiselle Grants ici présente est elle aussi venue pour rien donc je compte sur vous messieurs pour lui montrer où votre classe en est dans le programme scolaire.

Une nouvelle élève en milieu d’année ? Curieux ça. Yuri aurait bien refusé de lui servir de guide mais vu le regard assassin du proviseur, il avait intérêt à s’occuper d’elle s’il ne voulait pas être de nouveau dans le collimateur de monsieur Dinoai.

-§-

L’absence imprévue du professeur de mathématiques avait pris Flynn de cours mais cela lui avait laissé le temps de faire passer le mot à ceux de sa classe dont il avait le numéro. Alors qu’il hésitait à prévenir son garde du corps, Yuri était arrivé, visiblement perdu dans ses pensées. Il s’apprêtait à le saluer quand il le vit trébucher, lui laissant juste le temps de se préparer à amortir sa chute.

Il s’était habitué aux coups de malchance de son camarade et il lui arrivait souvent d’être plus alerte en sa présence dans le cas où ce genre de mésaventure viendrait de nouveau à se produire. A plusieurs reprises, il l’avait rattrapé avant qu’il ne tombe ou aidé à récupérer quelque chose qu’il avait perdu… et depuis qu’il connaissait ses préférences, il avait longuement réfléchi à la possibilité de tenter sa chance avec lui, surtout parce que ses avances perpétuelles envers Ladybug ne donnaient absolument rien.

Il comptait profiter de l’occasion pour lui proposer de passer un peu de temps ensemble quand le proviseur Dinoai les avait interrompus pour leur demander de s’occuper de Tear Grants, une nouvelle élève qui allait intégrer leur classe.

A présent, ils étaient tous trois au café La Corneille qui était à côté de leur lycée et qui était aussi là où vivait Yuri avec Raven, son tuteur légal âgé d’une trentaine d’années et qui était un peu… louche au premier abord.

—Je n’ai pas encore fini d’ouvrir mais pour ces beaux yeux, je suis prêt à commencer tout de suite à servir, fit le dénommé Raven en faisant un sourire charmeur à Tear. Vos désirs sont des ordres ma toute belle.

—Elle est mineure le vieux, répliqua Yuri en forçant son aîné à s’écarter de la jeune femme. Garde ton numéro de Don Juan pour tes autres clientes.

Sur un signe de leurs camarades, ils s’installèrent à une table tandis que le gérant du café alla chercher une carte sur le comptoir.

—Commander ce que vous voulez les jeunes, déclara Raven en leur faisant un clin d’œil. Ce sera retenu sur l’argent de poche du gamin de toute manière.

—Tu veux qu’on cause de la fois où t’as maté à fond le décolleté de Judy ? fit Yuri, visiblement contrarié. Y a des fois où je me demande si tu connais vraiment le code pénal…

—Tant que je me contente de regarder, c’est légal !

Un profond soupir d’agacement échappa à leur camarade, ce qui rappela involontairement à Flynn ceux de Ladybug quand il le trouvait un peu trop collant à son goût. D’ailleurs, pas mal des tics du jeune homme à la longue chevelure de jais lui évoquait son partenaire. Se mettait-il à les superposer l’un à l’autre ?

Après avoir choisi des boissons, Yuri les laissa pour aller chercher ses cours, faisant qu’il était seul avec Tear. Sur le chemin, ils s’étaient présentés mais ils n’avaient pas eu le temps de poser plus de questions à son sujet.

—Ta famille a déménagé à Paris pour que tu arrives dans notre lycée en cours d’année ? demanda Flynn, un peu intrigué par ce fait.

—Nous déménageons assez souvent, répondit la jeune femme avec une neutralité déconcertante. Mes parents étaient militaires et mon frère aîné l’est aussi. Quand il est muté ailleurs, je le suis mais comme je ne peux pas pratiquer d’activités extrascolaires dans ces conditions, je lui demandé de me laisser à Paris cette fois-ci.

—Pas évident comme situation. Moi j’ai été scolarisé à domicile pendant des années avant que mon père accepte de me laisser aller au lycée.

Tear avait hoché la tête, l’air un peu triste en apprenant cela. En attendant Yuri, Flynn décida de sortir une feuille vierge de son sac et il lui montra où chacun était assis en classe ainsi que des photos de ses camarades qu’il avait sur son téléphone.

—Il y a une place libre à côté d’Arche, expliqua-t-il tandis que Raven posait leurs consommations sur la table. Elle est très sympa mais fait juste attention car elle est un peu pipelette. Natalia est la déléguée de classe donc si tu as un problème, n’hésite pas à lui demander. Chester est mon meilleur ami et Judith est celle de Yuri.

—D’accord, dit la jeune femme en regardant attentivement tous les visages qu’elle voyait défiler. Et lui, il est dans notre classe ?

—Luke Fon Fabre. C’est le fils du maire et… il n’est pas très facile à vivre.

—C’est un crétin fini oui !

Yuri était de retour, tenant entre ses mains des cahiers et un trieur un peu trop plein… qui fini par craquer à l’instant où son propriétaire passa à côté du comptoir, faisant ainsi tomber lourdement une bonne partie de son contenu au sol. Dans un grognement agacé, son camarade se baissa pour ramasser ce qui était par terre sous le regard amusé de Raven.

—Il me semblait t’avoir dit de vider ce truc de temps en temps, fit remarquer le plus âgé tandis que des clients commençaient à arriver. Je t’achèterai de quoi remplacer ça tout à l’heure.

—Ca va aller ? demanda Flynn en ramassant ce qui était à sa portée, imité par Tear.

—J’ai l’habitude donc oui, répondit Yuri en se grattant l’arrière du crâne. Ca aurait peut-être été mieux de monter dans ma chambre en fait.

Sur ces mots, leur camarade les invita à le suivre avec leurs boissons. Il les amena à un appartement situé à l’étage et les laissa dans la pièce à vivre le temps de ranger rapidement ses affaires.

—Vous êtes mignons ensemble, fit Tear, provoquant un sursaut chez Flynn. Vous êtes des amis ?

—Heu… Oui, répondit-il, pris par surprise.

—Pas un peu plus ?

Là, il se sentait rougir sous le regard amusé de la jeune femme. Il avait du mal à dire si elle était sérieuse ou si, comme Judith serait capable de le faire, elle le taquinait. Il comptait lui demander ce qu’elle sous-entendait exactement quand Yuri leur dit qu’ils pouvaient monter. Ils empruntèrent donc l’escalier et arrivèrent à la modeste chambre de leur camarade aux murs en grande partie bordeaux – un seul était peint en noir et il était possible d’y voir pas mal de posters de groupes de musique plus ou moins connus.

—C’est pas un palace mais c’est chez moi, fit le jeune homme aux cheveux de jais en leur indiquant une banquette avec des coussins rouges et noirs. Mettez-vous à l’aise.

—Je ne vois pas de lit ici, dit Tear en tournant la tête de tous les côtés avant de noter la présence d’une mezzanine. Tu dors là-haut ?

—Yep ! Par contre, vaut mieux être réveillé car autrement, c’est la dégringolade assurée.

Flynn les laissa échanger des banalités, occupé à détailler cette pièce qu’il trouvait bien plus chaleureuse que sa propre chambre alors qu’elle était largement plus petite. S’il pouvait dormir ici, il le ferait volontiers.

Ils restèrent trois quart d’heures à discuter tout en montrant à Tear où ils en étaient dans chaque matière – si elle n’avait visiblement pas d’inquiétudes sur l’anglais et le français, elle s’était montrée moins tranquille face à leur avancée en physique-chimie et en histoire-géographie. Une fois qu’elle eut noté ce dont elle aurait besoin et emprunté quelques polycopiés, ils quittèrent le bâtiment pour retourner au lycée. Cependant, après qu’ils eurent traversé la rue, une grande explosion retentit plus loin et des cris se firent entendre. En apercevant une personne étrangement vêtue avec des grands yeux d’insecte, il était devenu clair qu’un nouvel akuma venait d’apparaître.

—Cachez-vous dans le lycée ! s’exclama Yuri en partant vers le café. Je vais m’assurer que le vieux s’en sort !

N’ayant pas eu le temps d’arrêter son camarade, il prit Tear par le bras et se hâta de l’emmener avec lui tout en se demandant comment il allait parvenir à la laisser seule pour se transformer. Alors qu’il cherchait Judith ou Chester du regard, il sentit la jeune femme le tirer en arrière et il se tourna vers elle.

—Personne ne te verra ici, dit-elle en désignant un coin à l’abri des regards. Si tu veux te changer en Chat Noir, c’est un bon emplacement.

… Que venait-elle de lui dire au juste ?

-§-

A peine transformé en Ladybug, Yuri se précipita dans le parc pour retrouver cet homme insecte qui, dans le cas, présent, lui tournait le dos, trop occupé à… C’était son imagination où Luke avait encore provoqué une akumatisation à cause d’un de ses caprices ? Il allait devenir chèvre à force de réparer les bêtises de ce crétin…

—Sale petit vermisseau, fit l’akumatisé avec une voix qui était horriblement familière aux oreilles du héros. Je vais t’apprendre à oser te moquer de mon génie !

… Jamais Yuri n’aurait osé imaginer que le professeur Dist se ferait akumatiser à cause d’un autre que le professeur Jade Curtiss – leurs « querelles » étaient un fait connu dans tout le lycée, en partie à cause du fait que si l’un enseignait la physique-chimie, le domaine de l’autre était plutôt l’informatique voire, selon certaines rumeurs, la robotique. Comme quoi, tout était possible…

Le héros s’apprêtait à l’attaquer avec son yoyo quand une dizaine de gros scarabées robotisés sortirent de sous la cape de l’ennemi, certains tenant un filet. La moitié d’entre eux fonça sur lui et l’autre sur Luke, faisant qu’il eut tout juste le temps de les esquiver quand le rouquin se fit capturer par les insectes. Il tenta de les détruire avec son yoyo mais d’autres étaient apparus et l’encerclaient, lui laissant peu de chances de se sortir seul de ce traquenard. Il essaya de sauter par-dessus… et réussit à se faire attraper dans un filet qui l’attendait.

—HA HA HA ! rit aux éclats la version akumatisée du professeur Dist. Je t’ai bien eu Ladybug ! Maintenant, donne-moi ton Miraculous et je libèrerai peut-être ce sale petit rat !

Il lui dirait bien que non, il n’a aucune envie de le lui donner mais Yuri préférait s’abstenir de répondre, ignorant l’étendue des pouvoirs de son ennemi et craignant que celui-ci possède des gadgets plus meurtriers que ceux qu’il possédait déjà.

—Pas si vite Sauterelle-man !

Quelque chose dut heurter les insectes maintenant le filet fermé car le héros fut soudainement libéré. En tournant la tête, il vit Chat Noir dont le bâton lui revint dans la main.

—Si j’avais su, j’aurais prévu une grosse dose d’insecticide, fit le héros en noir en regardant la grande quantité de scarabées. Cependant, je ne veux pas risquer de perdre ma coccinelle préférée donc on va y aller à l’huile de coude.

—Au lieu de causer, va chercher une grosse tapette à mouches qu’on écrase tout ça ! s’exclama Yuri en rejoignant son partenaire, agacé par la situation et par le sourire séducteur qu’il lui lançait. Et si tu pouvais arrêter de me faire la grimace, ça m’arrangerait…

Sauf que c’était mal connaître Chat Noir qui, au lieu de cesser de sourire, combla d’un coup la distance entre eux et passa un bras autour de ses épaules en lui jetant un regard charmeur… ce à quoi le héros coccinelle répondit en lui posant brutalement sa main sur le visage et en le repoussant le plus loin possible. Ce n’était pas le moment pour une séance de drague douteuse.

Face à une volée d’insectes mécaniques fonçant droit sur eux, au lieu de se servir de leurs armes pour se protéger, ils choisirent tous deux d’esquiver, ce qui était plus prudent vu que leur adversaire avait les moyens de les capturer s’il le désirait.

Soudain, un son étrange arriva aux oreilles de Yuri. Sur le coup, trop occupé à éviter une série de scarabées qui tentait de le ligoter avec une corde gluante, il ne s’était pas demandé ce que cela pouvait être mais en le réentendant, il réalisa que c’était des notes de musiques, plus particulièrement celles qu’une flûte pourrait émettre. Il en aurait cherché l’origine… si un de ses « pires cauchemars » n’était pas actuellement devant ses yeux : une bonne dizaine de Chat Noir entourait l’ennemi ainsi que le même nombre de Ladybug.

C’était quoi ce bordel au juste ?

—Mais c’est une blague ? fit l’homme-insecte en regardant avec effarement la subite multiplication de ses opposants. Comment ce prodige est-il possible ?

—Personnellement, je trouve que c’est un rêve qui devient enfin réalité, fit un des Chat Noir avec bonheur. Des Ladybugs partout !

—Et moi je sens venir le mal de crâne avec cette invasion de sacs à puces, répliqua Yuri avec agacement, cherchant encore à comprendre ce qu’il se passait. Si aucun de vous n’est à l’origine de ça, qui a fait ça ?

La réponse ne tarda pas à venir car, profitant du fait que tous les robots scarabées étaient désorientés, une silhouette en blanc et orange sauta avec souplesse sur chacun d’eux, les brisant avec aisance sous les cris d’horreur de leur créateur avant d’atterrir sur un banc public. Yuri vit ainsi que leur élément perturbateur était une jeune femme qui, manifestement, portait un costume basé sur le renard et dont l’arme était une longue flûte.

—Rends-toi, dit-elle à la victime de l’akuma avec fermeté. Nous sommes plus nombreux et plus fort que toi.

Le héros coccinelle comprit ainsi qu’elle était de leur côté… mais il trouva curieux qu’elle opte pour cette solution alors que, d’expérience, il savait que ça ne fonctionnerait pas. Il observa le clone de lui-même qui était le plus proche… et nota vite qu’il n’avait pas d’ombre. Une illusion ? Cela expliquerait son choix… mais signifierait aussi que le combat n’est pas son point fort contrairement à lui et Chat Noir. Sa ruse allait-elle fonctionner longtemps ?

Malheureusement, la réponse arriva vite quand l’un des doubles fut accidentellement détruit lorsque Luke, en cherchant à fuir les lieux, en toucha un, faisant se dissiper celui-ci sous le regard de leur ennemi. Vu le sourire de leur adversaire, il était clair qu’il avait compris le subterfuge.

—On a essayé de me rouler ? fit l’homme-insecte avec un sourire mauvais. Ca va se payer !

Puis une énorme nuée d’insectes robotisés fondit sur l’ensemble des clones. Yuri vit Chat Noir foncer sur lui et lui prendre le poignet pour l’entraîner à l’écart tandis que la fille renarde faisait de même avec Luke. Tous les quatre se retrouvèrent derrière le carrousel, cachés du regard de leur ennemi qui semblait les avoir perdus de vue.

—Merci pour le temps gagné Volpina, dit le héros en noir à leur nouvelle camarade.

—J’aurais aimé avoir son attention plus longtemps mais je ne connais pas vos gestuelles ou vos façons de parler, répondit la dénommée Volpina, visiblement un peu contrariée d’avoir été percée si vite à jour. Si je savais comment capter durablement son intérêt…

—A part ce fou de Curtiss, personne ne l’intéresse, sortit Luke en pianotant sur son téléphone. Ce type est un pur sadique et Dist est un vrai masochiste.

... Flash spécial : Luke Fon Fabre venait, pour une fois dans sa vie de fils à papa pourri gâté, de dire quelque chose d’intelligent et, qui plus est, risquait fort de leur être très utile vu les compétences de leur nouvelle camarade. Jamais Yuri ne l’admettrait mais ce sale rouquin venait de lui donner juste ce qu’il lui fallait pour mettre au point un plan pour neutraliser leur ennemi.

-§-

Quand Flynn avait découvert que Tear était elle aussi en possession d’un Miraculous, il avait été agréablement surpris. Plagg avait émis une certaine méfiance avant que le kwami de la jeune femme, un certain Kitsu, ne vienne leur expliquer qu’ils ne faisaient équipe que depuis peu, ayant utilisé le peu de jours passés ensemble pour qu’elle s’entraîne à utiliser ses pouvoirs. Puis d’un commun accord, ils se transformèrent en Chat Noir et Volpina, prêtant main forte à Ladybug qui était en mauvaise posture.

Même si les illusions de l’héroïne renarde n’avaient pas berné l’ennemi longtemps, cela avait été suffisant pour qu’ils puissent se cacher de lui le temps de mettre au point une stratégie, ce que Ladybug ne tarda pas à faire quand Luke mentionna le professeur de physique-chimie. Flynn, se souvenant que son camarade avait été plusieurs réprimandé pour avoir filmé avec son téléphone durant les cours, lui subtilisa l’appareil au moment où son partenaire retint le rouquin pour l’empêcher de récupérer son bien ou d’alerter leur adversaire avec ses cris. Il trouva très vite une vidéo de son professeur avec M. Dist et laissa celle-ci aux soins de Volpina pour qu’elle la visionne.

Maintenant, le héros en noir devait remplir son rôle et, comme souvent, il allait jouer les appâts.

—Hey Sauterelle-man ! cria-t-il une fois hors de sa cachette. Tu veux jouer à chat avec moi ?

—Je ne suis pas une sauterelle ! répliqua avec force son ennemi en lui envoyant une nuée d’insecte.

Bingo. Il avait pleinement son attention, ce qui devrait laisser assez de temps à ses coéquipiers pour exécuter le reste du plan. Leur problème principal était cette cape car c’était de là que sortaient tous ces scarabées robotisés. Leur ennemi évitant le corps-à-corps, il était fort probable qu’il n’était pas doué dans ce domaine et il fallait donc détruire cette cape pour le rendre vulnérable. Or, comment l’atteindre s’il savait comment se protéger ? Ca, c’était le travail du Lucky Charm de Ladybug et de la prochaine illusion de Volpina.

Par contre, ce serait bien qu’ils se dépêchent car il commençait à avoir du mal à éviter ces fichus insectes…

—Dist, tu es désespérant.

L’homme-insecte, à l’entente de cette voix, s’était immédiatement tourné vers son origine : l’illusion particulièrement réussie du professeur Jade Curtiss. Ses scarabées continuaient à poursuivre Flynn mais un énorme filet à papillons rouge à pois noirs en attrapa une bonne partie.

—Ma Lady, fit-il à son partenaire en croisant son regard. Mo cœur chavire à chaque fois que je croise tes jolis yeux !

—… Là, je dois reconnaitre que je m’attendais à ce que tu me fasses un autre de tes trucs bien pourris, déclara Ladybug avant de lâcher un soupir exaspéré. Sauf que c’était pas celui-là que j’avais vu venir…

—J’aime te surprendre ma coccinelle d’amour !

Les iris gris de celui dont il était amoureux se mirent à lancer des éclairs, faisant qu’il jugea préférable d’activer son Cataclysme pour aller détruire la cape de leur ennemi avant qu’il… Etait-il en train de rêver où leur adversaire était en train de pleurnicher ? Il préféra ne pas chercher à résoudre ce mystère et alla réduire en cendres l’objet du délit avec une facilité déconcertante. Ladybug n’avait eu ensuite qu’à briser la broche en forme de rose du professeur Dist pour révéler l’akuma afin de le purifier et de réparer les dégâts causés.

Les trois héros se séparèrent une fois leur mission accomplie, leurs Miraculous les alertant qu’ils ne leur restaient pas beaucoup de temps devant eux.

Ce fut donc après une dizaine de minutes que Flynn retrouva Tear en classe, occupée à parler avec Natalia tandis que Luke l’observait avec curiosité. En tournant la tête, il nota qu’excepté Yuri, tout le monde était présent.

—Bonjour Flynn, fit la déléguée de classe quand elle le vit. Je viens d’apprendre que tu t’étais occupé de notre nouvelle.

—Je n’ai pas fait grand-chose, dit-il avec honnêteté. C’est Yuri qui lui a montré ses cours et où nous en étions actuellement donc c’est surtout à lui que revient le mérite.

—Moui… En parlant de Lowell, où est-il passé cette fois ? Si je le trouve encore à dormir…

La réponse arriva vite quand le concerné arriva en classe, l’air visiblement choqué par quelque chose qu’il avait dû voir sur son trajet.

—Ca va Yuri ? demanda Flynn, inquiet pour son camarade. On dirait que tu as vu un fantôme…

—Juste un truc que j’aurais préféré pas voir, répondit le jeune homme aux cheveux de jais en s’installant à sa place sous les regards intrigués de Judith, Chester et Arche.

Personne ne comprit vraiment ce qu’il se passait et lorsque la sonnerie retentit, tout le monde alla s’asseoir. En passant à côté de lui, Tear lui glissa discrètement un morceau de papier dans la main qu’il rangea vite dans une poche de sa veste. Puis entra le professeur Curtiss…

—Bonjour jeunes gens, leur dit l’enseignant en posant sa sacoche sur le bureau. Aujourd’hui, nous allons poursuivre notre cours de physique…

—JADE !

Subitement, la porte de la classe s’ouvrit sur le professeur Dist qui était littéralement essoufflé. Il tendit un gobelet de café à son collège qui portait le logo du café de la Corneille. M. Curtiss prit l’objet du délit comme si de rien n’était et en but en gorgée… avant de le rendre avec une grimace à son collège de travail.

—Il me semblait avoir demandé un café noisette avec un demi-sucre, fit le professeur de physique-chimie d’un ton sec. Je suis extrêmement désappointé…

—Je ramène ça tout de suite ! s’exclama le professeur d’informatique en quittant la classe en trombe.

Tous les élèves étaient ébahis par la scène qui venait de se produire sous leurs yeux… excepté Yuri que Flynn pouvait entendre parler à voix basse des pulsions sadiques de M. Curtiss et déclarer qu’il préférait encore voir son tuteur parler du dernier numéro de Playboy avec M. Lester qu’assister à une séance de dressage en direct.

Le jeune homme en conclut que ce n’était peut-être pas le bon moment pour lui proposer une sortie tous les deux, estimant que son séduisant camarade risquait fort de ne pas être très réceptif à son environnement dans l’immédiat. Il préféra jeter discrètement un œil au mot de Tear.

« Si tu veux que je t’aide à séduire Ladybug, préviens-moi. »

Un coup de main ne serait effectivement pas de trop, surtout qu’il venait de gagner une amie à qui il pouvait parler sans devoir lui cacher un pan entier de sa vie.

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Fluri Month 2016 : May 21 – 22 Jonquil: “Affection returned”

Beta : Eliandre

Note : Suite de l’UA avec Peau d’âne.

 


 

La nouvelle avait fait tout le tour du royaume : le prince Flynn allait se marier avec celle qui pourrait enfiler un anneau que l’on disait si fin et étroit que seul un doigt mince et délicat parviendrait à s’y glisser. N’importe qui, quelque soit sa condition sociale, était invité à se rendre au palais dans trois jours afin d’essayer ce bijou.

Occupé comme souvent à nettoyer ce fichu poulailler, Yuri observait discrètement les villageoises sous sa peau de loup. Celles-ci, habituellement occupées à le critiquer sur son apparence ou son odeur, étaient à présent toutes excitées par l’idée d’éventuellement devenir l’épouse du beau prince aux cheveux d’or. Les lavandières jacassaient en lavant leur linge, certaines se voyant déjà au bal au bras de celui qu’elles espéraient épouser. Quelques paysannes, cependant, comparaient leurs mains, s’inquiétant de comment elles parviendraient à mettre cet anneau si étroit et se plaignant de leurs gros doigts abîmés par le travail.

Lorsque des charlatans vinrent pour proposer moult potions et onguents dont ils vantaient les propriétés, la majorité des femmes se jetèrent dessus, se hâtant d’utiliser ces étranges mixtures afin d’avoir un annulaire capable d’enfiler la bague qui pourrait changer leur vie à jamais. Yuri, de son côté, s’évertuait à salir ses mains plus qu’à son habitude, tout cela pour éviter qu’une femme plus observatrice qu’une autre ne s’aperçoive qu’il possédait des doigts très fins pour un homme.

Le lendemain, il dut se retenir de rire quand il entendit ces bécasses geindre car leur annulaire ne s’était pas affiné. Les plus chanceuses avaient juste leur doigt qui avait grossi mais quelques malheureuses avaient vu leur peau se couvrir de verrues ou bien les démanger horriblement. Si elles s’étaient acceptées comme elles étaient au lieu de croire le premier escroc venu, elles n’auraient pas eu ces mauvaises surprises. Tout ce qu’elles auront gagné dans cette mésaventure, c’était une bourse allégée de quelques écus.

Quand arriva le grand jour, toutes les femmes du royaume et des contrées voisines vinrent au palais, si nombreuses qu’elles étaient obligées de se serrer dans les couloirs afin que passent passer les serviteurs et la garde royale. Dans la salle de bal, le prince Flynn était assis aux côtés de ses parents, ses yeux azurs cherchant ce bel éphèbe dont il s’était épris en revenant de la chasse. Malheureusement, il n’apercevait point cette belle chevelure de jais et il fit donc signe de commencer ce qui promettait d’être une longue séance d’essayage.

Les premières à se présenter furent les princesses de tous âges, certaines encore plus fraîches qu’un bouton de rose et d’autres qui avaient au moins le double d’années que possédait le prince aux cheveux d’or. Leurs doigts ne parvenant point à enfiler cet anneau, les marquises et les duchesses tentèrent leur chance puis vinrent les comtesses, les baronnes et toutes les représentantes de la noblesse.

Le temps défilait et aucune femme n’avait encore réussi à mettre la bague quand le tour des servantes fut achevé. Le prince cachait de plus en plus difficilement sa déception, ne pouvant s’empêcher de se demander s’il n’avait pas mal interprété les intentions de l’être qu’il aimait. Allait-il venir se présenter à lui ?

Les dernières femmes de la plus basse condition sociale échouèrent elles aussi à enfiler cet anneau étroit. Tous pensèrent que tout cela était terminé quand, du fin fond des cuisines, Peau de Loup demanda à tenter sa chance, tout cela sous les regards outrés de l’assemblée. Le roi s’apprêtait à le renvoyer quand le prince Flynn s’interposa, demandant pourquoi cet homme ne pourrait pas essayer de passer la bague. Des murmures surpris et intrigués résonnèrent mais le jeune homme aux cheveux d’or ne les entendait point, son cœur battant la chamade dans sa poitrine tandis que son aimé s’agenouillait avec grâce devant lui.

Une main blanche, fine et délicate lui fut tendue. Il la prit dans la sienne, savourant sa douceur contre sa peau. Ses yeux azur avaient trouvé ceux, gris anthracite, de ce bel éphèbe qui se dissimulait sous cet habit puis descendirent sur ces lèvres fines qui dessinaient à présent un sourire en coin emplit de malice qu’il trouva des plus séduisants.

Si l’assemblée s’était tue en voyant cette main immaculée, elle avait lâché un « oh » surpris quand elle vit que l’anneau étroit épousait à la perfection cet annulaire si fin. Quand le prince lui ôta la peau de loup dont il était vêtu, tous ceux qui étaient présents eurent une exclamation émerveillée en découvrant que cet affreux vêtement avait révélé un magnifique jeune homme aux longs cheveux de jais et vêtu d’un somptueux habit aux couleurs de la nuit. Certains représentants de la noblesse furent choqués en reconnaissant les traits fins du prince Yuri, probablement celui qui avait été le plus beau parti d’un puissant royaume voisin et qui avait brusquement disparu quelques mois plus tôt.

Si le roi avait craint une mésalliance, il ne put qu’être enchanté de découvrir les atouts que possédait son gendre. Dès la minute qui suivit, les préparatifs du mariage furent entamés et tous les monarques des royaumes alentours y furent conviés. Les princes Flynn et Yuri se jurèrent un amour éternel lors de ce grand jour et à partir de cet instant, il était fréquent de les apercevoir chevauchant ensemble dans les bois de Quoi et s’échangeant des regards emplis de l’affection immense que chacun possédait envers l’autre.

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May 19 – 20 Milkvetch : “Your presence soften my pains”

Beta : Eliandre

UA : Une grande première pour moi car c’est un UA avec Kingdom Hearts 358/2 days.

 


 

Un vide immense se trouvait au fond de lui quand il avait rencontré cet homme, un certain Alexei, qui lui avait proposé de rejoindre son organisation. Qui était-il ? Il l’ignorait mais il n’avait pas envie de le suivre alors il avait refusé son invitation et était parti. L’ennui, c’était qu’il ne connaissait absolument pas cette ville… et puis comment s’appelait-il au juste ?

Pendant deux, peut-être même trois jours, il avait parcouru les rues de la Cité du Crépuscule, observant ses habitants en restant le plus possible à l’abri de leurs regards. Très souvent, il ne pouvait s’empêcher d’aller voir ce groupe d’adolescents qui jouaient ensemble et de ressentir quelque chose de fort qu’il ne parvenait pas très bien à identifier…

—Yo !

Il sursauta en entendant cette voix derrière lui. Vivement, il se retourna pour tomber nez à nez avec un jeune homme à la longue chevelure de jais, aux yeux gris anthracite et au long manteau noir qui était en tous points similaire à celui que portait ce dénommé Alexei qu’il avait rencontré il y a quelques temps. Se connaissaient-ils ?

—Pas un bavard hein, fit l’inconnu avec un sourire sarcastique. C’est souvent comme ça avec les similis quand ils viennent de naître mais ça ne dure généralement pas.

—Qui êtes-vous ? demanda-t-il, ne comprenant absolument pas ce que lui racontait cet homme.

—Un membre de l’organisation XIII.

Il était donc dans le même groupe qu’Alexei lui avait proposé de rejoindre. Cependant, il ne lui donnait pas la même impression que cet homme au regard dur…

—T’as un nom ou je dois t’appeler Blondie faute de mieux ? questionna son interlocuteur en s’adossant contre un mur avec nonchalance.

—Non… avoua-t-il, n’ayant pas le moindre souvenir d’avant le moment où il était devant ce curieux manoir. J’ignore qui je suis.

—T’inquiètes pas trop pour ça. C’est pas forcément une perte que tu ne rappelles pas de ta vie précédente.

Il hocha la tête bien qu’il ne comprenait toujours pas tout. Qui que soit ce jeune homme aux cheveux de jais, il se sentait plutôt à l’aise en sa présence.

—Je peux répondre à tes questions si tu veux mais ce sera pas gratuit, fit l’inconnu en croisant les bras contre son torse.

—D’accord, dit-il en regardant son interlocuteur droit dans les yeux. Dis-moi ce que je dois faire.

A cette réponse, celui à la chevelure de jais eut un sourire satisfait. Il lui fit signe de le suivre et tous deux allèrent jusqu’à un marchand de glace où il acheta deux glaces à l’eau de mer avant de l’emmener tout en haut de la tour de la gare. Jamais il n’était allé à cet endroit et il devait reconnaître que la vue était superbe.

Pendant une bonne heure, ils avaient parlé en dégustant leurs glaces. Il apprit que l’inconnu se nommait Yuri et que lui aussi était un simili. Il en existait d’autres comme eux et il sut que s’il était là, c’était que d’une manière ou d’une autre, son cœur avait sombré dans les ténèbres et que seule sa volonté avait permis à une parcelle de lui-même de venir à la Cité du Crépuscule. Puis celui aux cheveux de jais lui offrit une chose qu’il n’avait pas : un nom.

Après cela, Flynn lui demanda s’il pouvait toujours rejoindre l’Organisation XIII et ce fut ainsi qu’il fut conduit auprès d’Alexei pour devenir un membre officiel.

Il s’habitua assez vite à cette nouvelle vie, alternant les missions avec les différents membres de l’Organisation puis rejoignant Yuri à la fin de chacune d’entre elles au sommet de la tour de la gare.

Certes, ils n’avaient plus leurs cœurs mais ces moments passés ensemble leur faisait du bien. Les quelques fois où ils n’avaient pas pu se retrouver dans leur endroit favori, ce vide revenait au fond de lui ainsi qu’une profonde tristesse. Le mieux restait quand ils faisaient leurs missions ensemble car ils s’amusaient comme des fous en explorant les différents mondes – encore fallait-il que Flynn aille réveiller Yuri car celui-ci avait une forte tendance à piquer un somme dès qu’il en avait l’occasion ou à faire la grasse matinée.

Il y avait encore beaucoup de travail à faire avant de compléter Kingdom Hearts de récupérer un jour leurs cœurs mais ils y arriveront un jour… Ce n’était qu’une question de temps.

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May 15 – 16 Pink Camelia: “I long for your touch”

Beta : Eliandre

UA : Miraculous

 


 

Combattre le mal dans Paris était épuisant, surtout face à des adversaires aussi tirés par les cheveux les uns que les autres – quelle idée aussi de créer un ennemi capable de contrôler les pigeons ! Jamais Flynn n’avait autant souffert de cette encombrante allergie aux plumes que ce jour-là. Le Chevalier Noir avait aussi posé quelques soucis mais cette fois, le jeune homme s’estima heureux d’être un bon escrimeur car cela lui avait permis de comprendre comment parer cette botte secrète.

Leur dernier combat avait été contre Animan, un redoutable animorphe qui avait causé une très grosse frayeur au héros en noir quand il vit Ladybug se jeter dans sa gueule. Après avoir réussi à purifier l’akuma, Flynn n’avait pas pu résister à la brusque envie de serrer son partenaire dans ses bras et il s’en était excusé après coup.

Par contre, depuis ce combat, le jeune homme avait un souci : il avait attrapé des puces et impossible pour lui de s’en débarrasser. Il suspectait fortement Plagg d’en être à l’origine car il s’était douché, lavé les cheveux, avait nettoyé sa chambre à fond et il avait toujours ces fichues puces qui lui donnaient la furieuse envie de se gratter ! Quel enfer…

—Tu ne me feras pas prendre de bain ! s’exclama le kwami en partant se cacher à la vue de la bouteille de shampooing pour animaux. J’aime mon odeur corporelle, merci !

—Et moi j’en ai assez d’avoir des puces, répliqua Flynn en se grattant derrière la nuque. Tu es la seule chose ici qui n’a pas vu du savon de près ou de loin.

—Es-tu seulement certain que ce sont des puces ? Car je te signale que moi, je n’en ai pas !

Là, Plagg venait de marquer un point. Le jeune homme ne l’avait jamais vu se gratter et il n’avait pas vu de ses yeux ces sales petits insectes, juste supposé que cela pouvait être la cause de ses démangeaisons.

—Dans ce cas, qu’est-ce que ça peut être ? demanda Flynn qui dut se retenir d’essayer de se gratter le dos. C’est depuis qu’on a vaincu Animan que j’ai ça.

—Sur ce coup, je donne ma langue au chat, fit le kwami avant d’aller s’installer sur le canapé.

Comme toujours, ce cher Plagg lui était d’une aide inestimable…

Il retourna dans sa salle de bains et ôta sa chemise. Il se tourna vers le miroir et examina son reflet, cherchant le moindre indice sur ce qui pouvait causer ces démangeaisons. Malheureusement, il ne vit ni piqûre d’insecte, ni quelconque signe qu’il faisait une réaction allergique. C’était à croire que tout cela n’était que le fruit de son imagination…

-§-

Un jour, Yuri allait attraper Luke à un moment où Natalia n’était pas dans les parages et lui coller sa tête dans la cuvette des toilettes… Le fils à papa lui avait encore mené la vie dure et comme toujours, la déléguée de classe le défendait, tout simplement parce qu’ils étaient amis depuis l’enfance. Or, cette saleté de rouquin lui avait cassé les pieds toute la journée au point qu’il avait perdu un temps précieux au lieu de travailler sur ce devoir de physique qu’il devait rendre demain – de tous les profs du collège, M. Curtiss était celui qu’il valait mieux ne pas contrarier…

Il devait être près de onze heures du soir lorsqu’il eut achevé le tiers de son travail, ce qui ne l’enchantait guère en constatant à quel point son professeur avait été sadique dans ses questions. Même avec une nuit blanche, il n’était pas persuadé d’arriver à le finir, surtout qu’il n’excellait pas dans cette matière – s’il arrivait à avoir la moyenne partout, la physique-chimie lui posait plus de soucis et sa meilleure note était, sur toute l’année, un onze qu’il avait réussi à décrocher après d’intenses révisions et qui lui avait valu le seules félicitations que M. Curtiss lui avait accordées.

Alors qu’il relisait une énième fois son cours pour comprendre pourquoi il ne trouvait jamais le même résultat à son opération, un grand bruit retentit au-dessus de lui, lui faisant se demander ce qu’il pouvait bien se passer sur la terrasse.

Yuri prit en main le premier truc à sa portée – il aurait aimé une batte de baseball mais il n’avait rien de mieux que son vieux parapluie – et monta l’escalier menant à l’extérieur. Après avoir pris une bonne inspiration, il ouvrit rapidement la trappe et se rua dehors… pour constater avec stupéfaction que le responsable de ce raffut n’était autre que Chat Noir qui… se frottait le dos contre le mur ?

—Hé hé… fit le héros en noir, l’air gêné. Salut…

—Je peux savoir ce qu’un chat de gouttière fiche ici ? demanda l’habitant des lieux, un peu agacé par cette visite imprévue. On n’a pas pour habitude de les nourrir ici.

—Je fais juste une patrouille et je passais dans le coin. J’allais part…

Chat Noir ne termina pas sa phrase, ses oreilles de chat se dressant d’un coup et ses dents se mettant à grincer. Puis, sans prévenir, il se mit à se gratter la tête avec force, grognant avec exaspération tout en tentant d’atteindre le milieu de son dos avec ses mains griffues.

—Mais c’est pas vra… grommela le héros en se contorsionnant. RHAAA !

—Heu… Tu as des puces ? demanda Yuri en faisant un pas en arrière. Parce que si c’est le cas…

—NON ! C’est juste que ça me démange sans arrêt depuis plusieurs jours et c’est infernal !

Yuri regarda la scène durant une bonne vingtaine de secondes. Il ne savait pas trop comment gérer cette situation, surtout qu’il ne tenait pas trop à trahir son secret. De plus, il fallait vraiment qu’il finisse ce devoir s’il voulait être tranquille demain…

—Tu m’excuseras mais j’ai mes cours de physique à bosser, fit-il en lâchant un bâillement. J’en ai pour un bon moment donc si tu pouv…

—Tu veux de l’aide ?

La proposition de son partenaire le prit de cours. A l’origine, il avait pensé tenter de demander à Flynn de lui réexpliquer le dernier chapitre mais à cause de Luke qui avait tout fait pour le faire chier, il n’avait même pas pu l’approcher avant que le beau blond ne doive partir pour son cours de chinois. Après, ce n’était pas la première fois qu’il croisait Chat Noir sans être Ladybug : la première fois, c’était parce qu’une fille qui en pinçait pour lui avait été akumatisée et que Yuri avait estimé qu’il avait plus de chances de réussir à lui prendre son akuma sous son identité civile qu’en étant transformé, ce qui l’avait poussé à quelque peu tromper son coéquipier.

—Ca ne me gêne pas, poursuivit le héros en noir qui se retenait visiblement de se gratter une énième fois. La physique-chimie est ma matière préférée.

—Et moi je suis une des deux têtes de turcs de mon sadique de prof, lâcha le jeune homme à la chevelure de jais en se souvenant des horribles interrogations surprises de M. Curtiss et du fait qu’il allait certainement en avoir une demain. Sincèrement, c’est bien parce que je suis coincé que j’accepte…

Au bout de cinq minutes, Yuri avait monté ses cours sur la terrasse ainsi que de quoi grignoter, des coussins et une source de lumière. Il avait ensuite montré à Chat Noir à quel endroit de son devoir il coinçait et celui-ci, avec application, lui expliqua l’énoncé tout en l’aidant à comprendre pourquoi il ne trouvait jamais le même résultat à ses calculs.

A un moment, il nota que son partenaire bougeait son épaule de façon bizarre tout en grimaçant…

—Ca te démange où exactement ? demanda-t-il en posant ses affaires devant lui.

—En plein milieu du dos et c’est une pure horreur, répondit le héros qui recommençait à se contorsionner. J’ai l’impression parfois que j’ai du poil à gratter dans mon costume !

Honnêtement, il ignorait pourquoi il avait fait ça sur le coup mais Chat Noir qui bougeait dans tous les sens le perturbait beaucoup. C’était donc probablement pour cette raison qu’il avait posé ses mains sur son dos et qu’il avait commencé à le gratter dans la zone citée, faisant d’abord se figer le héros en noir avant que celui-ci ne lâche un soupir de délice tout en savourant ce contact.

—Juste là, oui, ronronna son partenaire en se rapprochant un peu de lui. Si tu pouvais y aller un peu plus fort…

—Comme ça ? fit Yuri en intensifiant son geste tout en se demandant à quel point le tissu de leurs costumes était fin.

Le hochement de tête affirmatif qu’il reçut fut une réponse suffisante et il commença à bouger ses mains par rapport aux indications qui lui étaient fournies… tout en faisant de son mieux pour ignorer à quel point son cher partenaire était bien foutu d’un point de vu physique.

-§-

Cette patrouille nocturne en solitaire aura finalement tourné autrement pour Flynn qui, à la base, n’arrivait pas à dormir à cause de ces fichues démangeaisons. Il était le premier de sa classe en physique-chimie – accessoirement, il était aussi le chouchou de son professeur qui appréciait son implication en classe et son sérieux – donc donner un coup de main à Yuri ne le dérangeait absolument pas.

Par contre, il ne s’était pas attendu à recevoir ce genre de traitement en retour. Lui qui n’avait guère l’occasion d’avoir des contacts physiques avec les autres en dehors du lycée, c’était totalement nouveau pour lui, surtout qu’il devait reconnaître que son camarade soulageait admirablement bien son problème. S’il pouvait rester ainsi toute la nuit, il le ferait volontiers.

Cependant, il s’était engagé à autre chose et après avoir dit à Yuri que ça ne le grattait plus – ce qui était vrai –, ils reprirent leur séance de révisions.

—Bon, avec ça, j’ai enfin fini ! s’exclama avec une joie non dissimulée le jeune homme aux cheveux de jais. Je vais pouvoir dormir tranquille maintenant.

—Tu n’avais pas quelqu’un dans ta classe qui aurait pu t’aider ? demanda Flynn, intrigué de ne pas avoir été approché sur le sujet. Je suis pourtant certain qu’une charmante demoiselle ou qu’une âme généreuse serait volontiers venu à ton secours !

—Pour les filles, j’en ai peut-être pas mal dans mes amies mais elles ne m’intéressent pas plus que ça et aucune de celles qui auraient pu me filer un coup de pouce n’en aurait vraiment été capable car elles arrivent à peine à se maintenir à la moyenne parfois. Sinon, j’avais bien quelqu’un qui pouvait m’aider mais le crétin de fils à papa de ma classe m’a pourri la vie et fait perdre le peu de temps libre que j’avais…

Le héros n’eut pas de mal à comprendre que Luke avait encore dû faire de Yuri sa cible privilégiée. Il avait déjà demandé à Natalia si elle pouvait le canaliser un peu mais ça n’avait eu aucun résultat, à croire que personne au lycée Bernard d’Andrésy(1) ne parvenait à le remettre durablement à sa place.

Cependant, Flynn réalisa après coup ce que son camarade avait sous-entendu au départ…

—J’ai peut-être mal interprété mais… commença le héros, ses yeux bleus fixant ceux gris de son interlocuteur. Tu es gay ?

—Yep, confirma Yuri avec un léger sourire. Je ne le crie pas partout mais je ne m’en cache pas pour autant.

Il comprenait mieux à présent pourquoi certains garçons de la classe restaient éloignés de celui à la chevelure de jais et que Chester était le seul avec qui il avait de vrais rapports amicaux – son meilleur ami était le seul avec Natalia à qui Flynn avait avoué ses préférences et cela ne l’avait pas du tout choqué.

—J’imagine que c’est aussi ton cas vu tes avances envers Ladybug, poursuivit Yuri avant de baisser les yeux vers ses affaires. Enfin… C’est pas mes affaires…

—Effectivement, je suis plutôt intéressé par les hommes, confirma le héros en se grattant nerveusement l’arrière du crâne. Cependant, je suis beaucoup moins ouvert que toi au quotidien et j’avoue que je profite d’être en costume pour me lâcher un peu.

Que penserait son père s’il savait que son fils parfait n’avait aucune attirance pour les femmes ? Vu le milieu dans lequel il évoluait, ce ne serait peut-être pas le pire drame qui soit mais il ne voulait pas prendre le risque de fragiliser encore plus leur relation. Le jour où il serait vraiment prêt à assumer cela dans sa vie civile, il irait lui en parler.

En tout cas, il était plutôt content de pouvoir en parler un peu avec quelqu’un qui pouvait comprendre un peu sa situation.

-§-

Lui et Chat Noir avaient parlé ensemble durant une bonne vingtaine de minutes avant que son partenaire ne s’en aille, réalisant qu’il se faisait tard et qu’il devait de rentrer chez lui. Ce n’était pas désagréable et il aimerait qu’il soit ainsi quand ils combattent ensemble. Il repensait encore au moment où il avait posé ses mains sur lui, se demandant pourquoi cela lui avait paru tout à fait normal alors que ce n’était pas vraiment le genre de choses que l’on faisait avec des amis mais plutôt avec… un amant ? Rien que d’imaginer ce que cela aurait été s’il n’avait pas porté son costume faisait monter sa température corporelle.

A présent, il était en cours de physique-chimie et, comme il s’y était attendu, le professeur Curtiss avait préparé une interrogation surprise de son cru et Yuri constatait qu’il en profitait pour commencer à corriger leurs devoirs. Cette première heure se termina avec leurs copies ramassées et tous n’étaient pas très sereins car les questions ne portaient pas seulement sur le chapitre en cours mais certains des précédents. Excepté Flynn, beaucoup sentaient visiblement venir la mauvaise note…

—Bien jeunes gens, fit le professeur de physique-chimie en remettant en place ses lunettes. J’ai terminé de corriger vos devoirs qui, comme je vous le rappelle, comptent double dans votre moyenne.

M. Curtiss eut un sourire à glacer le sang, faisant frémir la moitié de l’assemblée. Yuri se mit à déglutir en croisant son regard, sentant comme une aura sadique émaner de ce personnage.

—Je vous les rendrais avant la pause de dix heures, déclara l’enseignant en fixant avec suspicion le jeune homme ainsi que d’autres élèves dont Luke qui, visiblement, avait très envie de disparaître sous la table. Je vais m’absenter quelques minutes pour régler une petite affaire et vous laisser le temps de… décompresser.

La manière dont il avait prononcé ses derniers mots avait donné des sueurs froides à quasiment tout le monde et tous le regardèrent sortir de la salle en se demandant ce qu’il allait bien leur réserver à son retour.

—Comment un pareil psychopathe a pu devenir prof ? fit Chester en se tournant vers eux. Il me fout les jetons !

—Estime-toi heureux qu’il n’enseigne pas la biologie, répliqua Judith avec malice, faisant frissonner l’archer à ces mots. Il serait capable de disséquer un élève…

—C’est peut-être un peu exagéré non ? dit Flynn, les sourcils haussés. Je sais qu’il est sévère mais il est très bon je trouve.

Ca, c’était difficile à contester car il était réputé que ceux qui avaient à peine la moyenne auraient de très bons résultats avec un autre prof. Mais bon, s’il pouvait enfin cesser son règne de terreur…

Au retour de leur professeur, ils reprirent le chapitre en cours et, comme convenu, il leur rendit leurs devoirs avant la fin de l’heure. Sans surprise, Flynn avait eu les félicitations et Arche, qui avait beaucoup participé en classe, avait vu ses efforts être récompensés. Puis arriva Luke qui, face au regard acéré de M. Curtiss, tremblait sur sa chaise.

—Monsieur Fon Fabre, commença l’enseignant avec un rictus qui ne promettait rien de bon. C’est curieux ce paradoxe que j’ai constaté entre votre excellent devoir maison et l’interrogation de tout à l’heure. Auriez-vous été victime d’une brusque amnésie durant la nuit pour en oublier comment vous aviez répondu à la question numéro 3 qui était absolument identique dans les deux énoncés ?

Yuri put voir avec clarté le visage de celui qu’il détestait le plus devenir aussi blanc que la blouse de leur professeur. Il était clair à présent que le fils à papa n’avait pas fait lui-même le travail et d’après les mots qui sortaient de sa bouche, sa défense n’était pas très solide.

—Lorsque vous m’aurez expliqué ce curieux phénomène, je déciderai si je dois diviser votre note par deux ou la réduire à un simple cercle, déclara M. Curtiss avant d’aller vers la table de Yuri qui ne se sentait pas en grande forme tout à coup. Pour ce qui vous concerne Monsieur Lowell, très bel effort. J’espère qu’il se poursuivra car il serait fâcheux que votre moyenne dégringole.

Ses oreilles le trompaient ou bien son professeur venait de le féliciter ? Il regarda la feuille qu’il venait de lui rendre et, en rouge, il vit sa note : quatorze sur vingt, la plus élevée qu’il ait eue cette année en physique-chimie.

-§-

Du coin de l’œil, Flynn observait attentivement les réactions de Yuri et il avait eu du mal à cacher un sourire en le voyant agréablement surpris face à sa note. Honnêtement, il n’avait douté aucun instant que son camarade réussirait car il s’était bien appliqué à lui réexpliquer ce qu’il n’avait pas compris et il savait que c’était quelqu’un d’intelligent.

Cependant, le jeune homme n’arrivait pas à se sortir de la tête le moment qu’ils avaient partagé ensemble et le contact de ses mains sur son dos. Etrangement, depuis cette nuit, ses démangeaisons avaient totalement disparues et quand il en avait parlé à Plagg, celui-ci avait rétorqué que tout était peut-être dans sa tête depuis le départ et qu’il ferait mieux de passer à autre chose au lieu de l’ennuyer avec ça. Sauf que c’était plus facile à dire qu’à faire car maintenant qu’il savait que Yuri était gay, il avait fini par noter que c’était quelqu’un de physiquement très attirant… ce qui posait un gros souci à Flynn car il était amoureux de Ladybug.

Que devait-il faire ? Continuer à courir après son coéquipier ou bien tenter sa chance avec quelqu’un qui lui était plus facilement accessible ?

(1) : Fallait que je nomme mon lycée donc vu que le collège a le nom de la vraie identité de Fantomette, j’ai choisi de faire pareil avec un autre « héros » de la littérature française en utilisant un de ses noms d’emprunt…

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May 13 – 14 Fern : “Discretion; secret bond of love”

Beta : Eliandre

UA : Crossover avec Arsène Lupin bien que j’admette qu’il est peu perceptible pour les non-connaisseurs de ce héros de Maurice Leblanc.

 


 

Encore une fois, les gros titres des journaux ne faisaient pas honneur à la police qui, encore une fois, n’avait pas réussi à coincer le célèbre gentleman-cambrioleur – il fallait dire que ce dernier s’était copieusement moqué, via une lettre envoyée à l’Echo de France, de l’inspecteur Cumore qui avait réussi à se faire piéger en beauté par le malfrat. Le vol incroyable d’une collection de tableaux faisait sensation, essentiellement parce que personne ne parvenait à comprendre comment il avait pu y parvenir.

Cependant, les petits mystères de ce genre, Flynn s’était habitué à les résoudre, accédant aux lieux en se faisant passer pour un journaliste ou un photographe – tout dépendait de qui acceptait de lui rendre service ou non. Il avait ainsi réussi à en éclaircir un certain nombre mais face au dédain de la police à son égard, il les gardait pour lui dans un petit carnet à la couverture de cuir marron qu’il rangeait dans un tiroir du bureau du petit meublé où il logeait.

Il y a quelques temps, alors qu’il rentrait chez lui, il eut la surprise de découvrir que quelqu’un y était déjà, visiblement en train de l’attendre en lisant le journal du jour. Bien entendu, il demanda à cet intrus au regard anthracite comment il avait pu pénétrer dans son appartement et pour toute réponse, il eut un sourire narquois puis l’inconnu lui avait montré son carnet de notes. Flynn Scifo avait alors compris qu’il avait face à lui le célèbre Yuri Lowell, voleur de renom qui s’était fraîchement évadé de la prison de la Santé.

Le cambrioleur lui avait proposé de rejoindre sa bande, offre que le jeune homme avait refusée poliment. Il préférait jouer les détectives amateurs pour passer le temps entre l’écriture de deux nouvelles plutôt que de franchir la ligne, une décision que celui qui devint un très bon ami respecta et il se contenta donc de lui conter ses différentes aventures à travers la France ainsi qu’à d’autres endroits du globe.

Ils se voyaient régulièrement, leurs rendez-vous n’étant jamais planifiés d’avance mais toujours des plus appréciés.

Puis un soir, leurs rapports se firent plus qu’amicaux, probablement en partie à cause de l’excellente bouteille de vin rouge qui avait accompagné leur dîner. Les regards se croisaient plus souvent qu’à l’accoutumée, leurs mains se frôlaient plus que les convenances ne le toléraient et lorsque que la fin du repas arriva, au lieu de prendre congé, le cambrioleur resta et lui proposa de lui conter une autre de ses aventures.

En tout honnêteté, l’écrivain ne se souvenait plus lequel d’eux deux avait initié ce baiser mais il se rappelait avec clarté de la nuit qu’ils avaient passé ensemble et du fait que le malfrat avait disparu au petit matin.

Cette liaison, Flynn la gardait secrète, d’une part car il ne souhaitait pas que les ennemis de Yuri se servent de cela contre lui et d’autre part car il savait pertinemment que malgré la grande popularité du gentleman-cambrioleur, personne n’accepterait qu’il ait un homme pour amant. Il acceptait donc les quelques aventures sentimentales que son aimé pouvait avoir au cours de ses escapades, même si cela lui était parfois difficile.

Cependant, l’écrivain oubliait tout cela quand son cher et tendre venait le voir lui faisant le récit de ses dernières péripéties ou partageant avec lui quelques moments d’intimité. Il avait même osé frapper à sa porte déguisé en femme, tout cela parce qu’un de ses voisins commençait à poser des questions sur qui pouvait bien venir le voir à cette heure du soir.

Récemment, ce souci de voisinage ne se posa plus car Flynn, grâce à un roman qui s’était bien vendu et suite à un héritage, avait acquis un modeste pavillon près d’Etretat où il pourrait avoir tout le loisir d’écrire au calme et où Yuri passait régulièrement le voir, restant parfois plusieurs jours d’affilé sous prétexte de vacances qu’il avait besoin de prendre.

Même s’ils ne pouvaient pas se montrer ensemble au grand jour, cela ne les empêcherait pas pour autant de s’aimer en secret…

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May 11 – 12 White Heather : “Protection; wishes will come true”

Beta : Eliandre

UA : Pokémon

 


 

Après quelques semaines de tourisme et une bonne série de combats de pokémons, Flynn et Yuri étaient arrives à Rosalia, la ville de Johto qui était la plus intéressante d’un point de vue historique.

—Je tenterai bien l’arène, déclara le jeune homme à la longue chevelure de jais dont le Noctali le suivait comme une ombre.

—Tu dis ça dans chaque ville Yuri, fit remarquer celui aux cheveux blonds indisciplinés, son Mentali occupé à fixer l’immense tour Ferraille qui dominait la ville. Rappelle-toi que tu as failli te faire massacrer à Doublonville.

Oh oui… Flynn s’était à présent suffisamment bien familiarisé avec l’équipe de son meilleur ami pour savoir que la moitié de celle-ci était du type ténèbres, ce qui n’était pas le meilleur choix face à une championne d’arène qui possédait des pokémons de type normal dont un Ecremeuh particulièrement redoutable. Le Noctali de Yuri avait dû battre en retraite tout comme son Grahyena qui avait frôlé le KO. Ce fut Absol qui réussi à vaincre ce redoutable adversaire grâce à un coup critique bien placé.

—Et toi t’as eu un souci à Mauville il me semble, rétorqua Yuri en le fixant, les bras croisés sur son torse. Tu n’aurais pas eu ton Draco, tu n’aurais pas gagné.

Ah ça, il était clair qu’il n’avait pas la bonne équipe face à des pokémons volants et rapides. Il avait exclu d’office son Insecateur et son Arcanin car ce dernier n’aurait pas tenu la cadence. Son Locklass avait usé de ses attaques de type glace tout le long mais il n’était pas parvenu à toucher le plus rapide de ses ennemis et avait fini KO sans que son dresseur ne puisse prévenir cela. Son Draco lui avait finalement permis de gagner le combat mais il regrettait encore d’avoir mal calculé son coup, une erreur qu’il n’avait pas refaite à Ecorcia où il avait privilégié son Arcanin et son Roucarnage.

—Dois-je parler du concours de capture d’Insecte ? répliqua Flynn, s’attirant un grognement agacé de la part de son meilleur ami.

—Oui bon…

Là encore, Yuri avait été désavantagé par la nature de son équipe car s’il avait un Noarfang et un Elecsprint qui auraient été parfaits pour ce genre d’occasion, ceux-ci étaient trop puissants et il ne pouvait prendre un de ses pokémons ténèbres, ceux-ci étant vulnérables aux insectes, ou son Goupix car celui-ci n’était pas assez habitué à lui. Il avait finalement opté pour son pokémon électrique et ce qui devait arriver se produisit : tous les pokémons qu’il aurait pu capturer avaient été mis KO et il avait dû se contenter d’un prix de participation tandis que Flynn avait gagné une baie.

Après un passage au centre pokémon, ils se promenèrent un peu dans les rues, trouvant assez vite l’arène qui, malheureusement, était fermée car le champion était absent. Ils continuèrent donc leur tourisme jusqu’à ce que leurs Mentali et Noctali ne deviennent étrangement nerveux…

Les deux dresseurs échangèrent des regards interrogatifs en voyant leurs compagnons à quatre pattes fixer intensément un monument en ruine : la Tour Cendrée.

—Ô premier de la classe, dis-moi pourquoi ce truc à l’air d’avoir cramé, lança Yuri avec une pointe d’ironie.

—Si tu avais écouté en cours, tu saurais qu’il est comme ça depuis longtemps, répondit Flynn avec un soupir agacé. La tour a pris feu il y a plus d’un siècle et il n’en reste que son rez-de-chaussée. Les visites y sont limitées à cause du sol instable et de quelques accidents.

—Y a pas une légende ou un truc comme ça des fois comme des pokémons qui auraient péri dans l’incendie et qui auraient été ressuscités par un autre ?

—Je note qu’encore une fois, tu n’avais écouté que ce qui t’intéressait…

Connaissant son cher ami d’enfance, il n’avait dû retenir cette histoire que parce qu’il avait envisagé de peut-être aller l’explorer pour découvrir si cette légende était véridique ou non – certes, tous deux, enfants, avaient souhaité voir de près des pokémons légendaires mais la probabilité pour que cela arrive était très faible. Même s’il appréciait son goût pour l’aventure, Flynn préfèrerait qu’il ne s’amuse pas à prendre des risques inconsidérés comme il l’avait fait à Ecorcia lorsqu’ils avaient eu la surprise de tomber sur la Team Rocket.

—Justement, ça vaudrait le coup de vérifier si c’est vrai, finit par dire Yuri en s’avançant vers la tour en ruine. Ca nous changera de ces abrutis qui veulent piquer les pokémons des autres.

… Mieux valait le suivre car avec sa chance, il était fichu de passer à travers le sol…

A peine entrés dans la Tour Cendrée, les deux dresseurs tombèrent nez à nez avec le champion d’arène de Rosalia et un homme, visiblement obsédé par l’idée de trouver Suicune, un pokémon légendaire qui aurait péri dans ce fameux incendie. Yuri tenta évidemment de négocier un combat avec Mortimer mais celui-ci leur précisa que tant que quelqu’un était dans la tour, il ne pouvait pas s’en absenter, faisant que tant que son ami Eusine voulait fouiller celle-ci, il ne retournera pas à son arène.

Résignés, ils profitèrent d’avoir accès aux lieux pour les explorer, leurs Mentali et Noctali les guidant dans l’obscurité qui régnait.

—Il fait grand soleil dehors et ici, on voit à peine à un mètre ! s’exclama le dresseur aux cheveux de jais en suivant la lumière émise par son pokémon ténèbres. Comment tu veux trouver un pokémon là-dedans autre qu’un Nosferapti ?

—J’admets que là, je souhaiterais qu’on sache une bonne fois pour toutes s’il y a bien Suicune dans cette tour car tu vas être infernal si tu ne peux pas combattre Mortimer, déclara Flynn qui n’appréciait pas du tout le son du plancher sous ses pieds. Par contre, je ne suis pas certain que le sol supportera notre poids partout.

—Dans ce cas, autant sortir mon détecteur de catastrophes.

Sur ces mots, Yuri appela son Absol, un pokémon ténèbres qui avait la mauvaise réputation de porter malheur, faisant que beaucoup de personnes s’en méfiaient. Or, la vérité était que les Absol avaient la capacité de sentir le danger, une chose que Yuri avait bien comprise lorsqu’il avait capturé le sien à Hoenn et, grâce à lui, échappé de justesse à un raz-de-marée ou réussi à contourner une tempête de sable. Pour cette raison et aussi pour son poids plus proche du leur, il était le mieux indiqué pour savoir ce qui pouvait tant stresser Noctali et Mentali.

Avec précaution, Absol posa une patte sur en avant, cherchant visiblement à vérifier si le sol pouvait supporter son poids. Il continua à progresser lentement puis d’un coup, il s’arrêta. Il recula d’un pas et lança une attaque en direction du sol… créant un trou béant en face de lui.

—J’en conclus qu’il ne fallait pas passer par là, déduisit Yuri en voyant l’étendue des dégâts occasionnés par une attaque qui n’était pas aussi puissante qu’elle aurait pu l’être. Reste qu’à…

—Attends, l’arrêta Flynn, les yeux fixés sur l’ouverture nouvellement créée. On dirait qu’il y a un sous-sol.

C’était très difficile à distinguer avec l’obscurité mais en regardant attentivement, il leur fut confirmé que la Tour Cendrée possédait bel et bien un niveau souterrain qui avait résisté à ce fameux incendie. Or, si ces pokémons légendaires étaient bien dans la tour, ils ne pouvaient être qu’en bas.

Se félicitant d’avoir pensé à embarquer une corde – c’était principalement à cause du fait que Yuri avait littéralement sauté dans le Puits Ramoloss à Ecorcia et qu’il avait failli se faire très mal –, Flynn l’attacha solidement à une poutre qui avait résisté aux flammes. Ils descendirent ensuite dans l’ouverture après avoir rappelé leurs pokémons dans leurs pokéballs puis une fois arrivés en bas, ils firent ressortir leur Mentali et Noctali afin d’éclairer les lieux… et ceux-ci n’étaient absolument pas tranquilles.

A peine les deux dresseurs eurent-ils une source de lumière qu’ils virent la cause de la nervosité de leurs compagnons : trois gros pokémons étaient présents et l’aura puissante qui émanait d’eux était des plus intimidantes.

Cette fois-ci, leur souhait d’aventure venait de se réaliser…

Soudain, un bruit horrible retentit au dessus d’eux et en levant la tête, Flynn aperçut une ombre qui grandissait très vite : quelque chose venait de se détacher du plafond et allait les écraser. Il se hâta de pousser Yuri pour qu’il ne soit plus en danger et, alors qu’il aurait dû recevoir de plein fouet de qui était tombé, un cri retentit et ce qui était un énorme bloc de bois fut projeté loin de lui par une boule de feu.

Deux autres cris de pokémons se firent entendre et il reporta son attention sur les fameux chiens légendaires. Entei, qui était visiblement celui l’ayant sauvé, fut le premier à s’élancer et à utiliser les rochers du sous-sol pour se hisser en quelques bonds jusqu’à une ouverture béante dans le plafond. Raikou l’imita en effectuant des sauts puissants et agiles. Quant au fameux Suicune, au lieu de suivre ses deux comparses, il fit un tour autour d’eux, les observant avec curiosité avant de s’élancer à son tour vers la sortie.

—Alors ça… lâcha Yuri qui n’avait pas perdu une miette de ce qu’il venait de se produire. Jamais je n’aurais cru les voir de si près.

—Moi non plus, avoua Flynn, encore sous le choc de ce qu’il venait de se passer.

Ca pour une rencontre, c’était une sacrée rencontre ! Qui plus est, ils étaient bons pour les remercier car sans les trois chiens légendaires, ils seraient probablement morts mais comment allaient-ils retrouver des pokémon aussi rapides ?

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 May 9 – 10 Marvel of Peru : "Flame of love; timidity"

Beta : Eliandre

Note : Suite de l'UA Miraculous, toujours pour le Fluri Month 2016.


 

Demain, au grand dam de Yuri, c'était la Saint-Valentin, le jour de l'année qu'il détestait le plus. Soi-disant le jour des amoureux mais aussi d'une fête devenue purement commerciale qui lui donnait mal au cœur rien que d'y penser.

Seulement cette année, il allait être contraint d'y participer car Judith lui mettait la pression à lui ainsi qu'à Arche, une fille de sa classe, pour que tous deux se décident à avouer leurs sentiments aux personnes qu'ils aimaient…

—Judy, c'est stupide ton idée d'envoyer une carte, grommela-t-il en se repenchant sur ses devoirs de géographie. Tu sais que je déteste écrire en plus.

—C'est horriblement cliché, ajouta Arche, reconnaissable à ses longs cheveux roses noués en queue de cheval et à ses vêtements un peu amples qui masquaient le fait qu'elle n'avait pas de formes. Comme si j'allais envoyer une carte à l'obsédé de service alors que je lui ai balancé un seau dans la figure car je l'ai surpris en train de se rincer l'œil en cachette dans le vestiaire des filles.

—C'était d'ailleurs un tir magnifique de ce que j'ai entendu.

—Merci, j'en suis très fière !

—Dois-je vous rappeler les raisons exactes de vos célibats respectifs ? questionna Judith avec un grand sourire.

Yuri grogna à cette remarque, accompagné par Arche qui se mit ensuite à faire la moue en croisant les bras contre sa poitrine. Si le jeune homme n'avait jamais réussi à aborder Flynn à cause de sa poisse infinie, sa camarade aux cheveux roses ne parvenait pas à trouver comment déclarer ses sentiments à Chester à cause des rapports explosifs qu'ils entretenaient depuis toujours… et peut-être aussi parce qu'elle avait été possédée par un akuma il y a peu, la changeant en une sorcière qui adorait balancer des boules de feu un peu partout – même si elle avait récupéré sa confiance en elle après cet évènement, elle ne savait toujours pas si elle souhaitait prendre le risque ou non d'inviter à un rencard celui qu'elle aimait depuis un bon moment.

—Avec la chance que j'ai, le facteur va la perdre, déclara-t-il en rangeant ses affaires dans son sac à dos. Ne compte pas sur moi pour faire ça Judy.

—Et moi je préfère lui rendre la monnaie de sa pièce en allant l'épier sous la douche plutôt que de lui envoyer une carte qu'il ne va peut-être même pas lire, ajouta Arche en haussant les épaules. Je sais qu'il me déteste donc…

—Là, ma belle, je ne suis pas de ton avis, contra Judith avec fermeté. Si la carte vient de toi, il va forcément la lire !

—Pendant que vous discutez, je vais aller là où vous pouvez pas me suivre, fit le seul homme du groupe en quittant calmement la bibliothèque.

Bien qu'il ait sous-entendu qu'il allait aux toilettes, la vérité était qu'il comptait s'installer deux minutes dans un recoin tranquille à l'abri des regards. Une fois certain que personne ne risquait de venir le trouver là, il laissa sortir Tikki de la poche de sa veste.

—Sérieusement, c'est vraiment un truc de filles la Saint-Valentin, grommela Yuri, repensant encore à l'idée de cette carte que Judith lui avait suggérée. Pourquoi faudrait-il un jour bien spécifique pour déclarer sa flamme à quelqu'un ?

—Certains garçons sont romantiques tu sais, lui répondit son kwami avec un sourire. Après, si tu n'aimes pas écrire, tu peux toujours faire des biscuits ou un gâteau. Tu adores faire des pâtisseries !

—Serait-ce une façon déguisée d'exiger plus de cookies de ma part ?

—C'est surtout ma manière de te dire que j'aime beaucoup ta cuisine et de te remercier pour toutes les bonnes choses que tu prépares.

Le compliment lui faisait plaisir et il ne le cacha pas. Tikki vint lui faire un bisou sur la joue, un geste adorable qui fit germer une idée dans sa tête.

—Peu importe comment tu le formuleras, je ne suis toujours pas fan de la Saint-Valentin, dit Yuri avec le sourire. Cependant, rien ne m'empêche de décider de faire plaisir à tous ceux que j'aime en leur faisant de quoi grignoter.

—C'est une très bonne idée ! approuva vivement le kwami dont les yeux bleus pétillaient. Mais comptes-tu faire quelque chose de spécial pour Flynn ?

—Lui faire un cadeau sera déjà bien je pense. Je demanderai demain ses goûts à Chester pour être certain de viser juste.

Manifestement, ce plan convenait à Tikki qui hocha la tête avant de retourner se cacher dans la poche de sa veste. A présent, Yuri allait devoir expliquer au vieux qu'il aurait besoin de la cuisine pendant un bon moment… et réfléchir à s'il lui offrait ou non des biscuits sachant que son cher tuteur légal n'aimait pas ce qui était sucré et que lesdits biscuits risquaient fort d'être utilisés comme appâts afin de se dégoter un rencard à la dernière minute – connaissant Raven, il doutait fort que cela se passerait autrement.

-§-

Cela devait faire au moins une bonne demi-heure que Flynn était assis seul dans la classe, en avance pour le cours d'anglais. Bien qu'il ait prétexté qu'il finirait un devoir, en réalité, il se creusait les méninges pour écrire un poème de Saint-Valentin pour Ladybug, tout cela sous le regard ennuyé de Plagg qui profitait que personne ne soit là pour manger son camembert.

—Tu es quand même au courant que Ladybug a deux yeux, deux bras et deux jambes comme tout le monde ? questionna le kwami avec un certain agacement. Pas de quoi fouetter un chat !

—L'amour ça ne se contrôle pas, répondit Flynn en cherchant une rime à son poème. La Saint-Valentin est une parfaite occasion pour lui déclarer mes sentiments…

—Et te faire à nouveau jeter ?

… Plagg avait réussi à le déconcentrer. Le jeune homme poussa un soupir dépité et, pour la huitième fois depuis qu'il s'était installé là, il froissa sa feuille de papier puis la jeta dans la corbeille.

—A ce rythme, tu vas détruire une forêt entière, observa le kwami avant de manger en une bouchée sa part de camembert. Comment comptes-tu lui envoyer ton poème dégoulinant d'amour qui plus est ? Tu ne sais même pas qui il est réellement.

—Je lui remettrai en main propre, répondit Flynn avant de réaliser le problème qui se posait à lui. Mais encore faut-il que je le croise…

—Ah ben tu as enfin compris l'absurdité de ton idée ! Il était temps !

—Rien ne m'empêche d'aller lui dire en…

Soudain, un cri retentit à l'extérieur de la pièce. Plagg alla vite se cacher sous le col de sa veste tandis qu'il ouvrit la porte pour voir ce qu'il se passait. A peine eut-il mis le nez dehors qu'une flèche sombre passa à côté de sa tête et se planta dans le mur derrière lui avant de disparaître dans un nuage de fumée noire.

Il était aisé de deviner ce qu'il se passait : quelqu'un au lycée venait de se faire akumatiser.

Flynn se hâta de retourner dans la salle de classe après avoir vérifié que personne ne se trouvait à l'étage où il était. Plagg sortit en grommelant de sa cachette.

—Je n'ai même pas pu faire ma sieste digestive ! râla-t-il.

—Dis-toi qu'après tous ces efforts, tu dormiras très bien cette nuit, lui lança le jeune homme avec un sourire en coin avant de tendre sa main portant la chevalière en argent. Plagg, transforme-moi !

A contrecœur, le kwami se laissa absorber par le bijou, le Miraculous du Chat Noir, permettant ainsi à son porteur de revêtir le costume ainsi que le masque du héros Chat Noir. Certes, la tenue était moulante et les oreilles de chat sur sa tête ainsi que la longue ceinture qui pendait derrière étaient un peu gênant mais personne ne savait qui se cachait derrière cette identité, faisant que Flynn n'avait aucun problème pour dire ou faire tout ce dont il avait envie.

Il ressortit de la salle, son bâton extensible en main, puis il chercha où pouvait se trouver la victime du jour. Son ouïe très fine lui indiqua que sa cible avait dû semer pas mal de chaos derrière elle mais aucun bruit de flèches tirées ne provenait du lycée, signifiant que l'ennemi du jour avait quitté le bâtiment.

Avec l'aide de son bâton, il rejoignit les toits et scruta attentivement les alentours… pour repérer un homme vêtu d'un costume noir et rouge qui possédait aussi des ailes de cette même couleur. Face à lui, il y avait un de ses camarades de classe qu'il menaçait de son arc – à la longue tignasse rousse bien flamboyante, Flynn n'eut aucun mal à reconnaître Luke et vu le caractère de ce dernier ainsi que la situation dans laquelle il se trouvait, il ne devait pas être très innocent dans cette histoire. L'heure du sauvetage avait sonnée.

-§-

—Tikki, transforme-moi !

Chance qu'il s'était déjà caché car en plus de lui avoir donné un coin où se transformer sans attirer l'attention, cela lui avait permis d'éviter de recevoir une de ces flèches maléfiques et d'en subir les effets. Or, Yuri avait pu constater que quiconque en recevait une se retrouvait empli de haine envers ses proches et que l'ennemi du jour était donc une sorte de Cupidon inversé qui était très doué au tir à l'arc…

Un déclic se fit dans son esprit et, devenu Ladybug, il jeta un rapide coup d'œil à cet adversaire tandis qu'il prenait en chasse cet abruti de Luke Fon Fabre – Yuri n'avait jamais pu le piffer et ils étaient ennemis depuis qu'ils se connaissaient.

Pas de doute : la victime de Papillon était un homme et le seul garçon qui se débrouillait aussi bien avec un arc au sein du lycée était Chester Burklight – l'autre meilleur archer était une fille, Natalia Kimlasca Lavender, leur déléguée de classe et aussi l'autre personne que Yuri ne pouvait pas encadrer.

Il se dépêcha de retrouver l'ennemi du jour et n'eut pas beaucoup de distance à couvrir : Chester avait en joue Luke et s'apprêtait à lui faire subir le même sort qu'à tous ceux qui avaient été victimes de ses flèches…

—Prépare-toi à haïr tous ceux qui te sont chers, déclara la victime de Papillon. Tu vas payer…

—C'EST PAS VRAI, MES CHEVEUX ! hurla Luke en tenant sa tignasse entre ses mains. D'abord ce crétin de Lowell me renverse son jus de chaussette sur mes fringues et toi tu me ruines une heure de coiffage ! Donc tu sais quoi ? Tires-la ta foutue flèche, vas-y !

… Là, Yuri était estomaqué, ce qui était aussi le cas du cupidon maléfique qui ne savait visiblement pas comment réagir à cela. Cependant, le super-héros hésitait entre profiter de l'occasion pour tenter de piquer l'arc de son ennemi avec son yoyo, coller son poing dans la gueule de cet abruti de rouquin afin de lui apprendre à apprécier le café au lait et aussi pour lui rappeler qu'il n'était pas le seigneur de ces lieux ou attendre la suite.

—Finalement, ce serait du gâchis d'utiliser une flèche sur toi, conclut la victime de Papillon en baissant son arc. Avec ton caractère pourri, qui pourrait t'apprécier ?

—HEIN ? fit le principal concerné, l'air ahuri.

Profitant de cette ouverture, Yuri se servit de son yoyo et l'envoya droit sur le bras gauche de sa cible avant de tirer de toutes ses forces… puis de réaliser son erreur car s'il empêchait à présent Chester d'utiliser son arc, celui-ci avait bien compris qu'il n'avait qu'à s'envoler pour lui poser de sérieux soucis, ce qu'il n'avait pas hésité à faire. Le héros avait beau tirer, celui en face avait plus de force et il aurait récupéré son yoyo si son adversaire ne tenait pas fermement celui-ci.

Soudain, un éclair métallique vint frapper l'archer volant, lui faisant lâcher prise sur le fil.

—Besoin d'aide Buginette ? demanda Chat Noir qui vint le rejoindre en un bond, son bâton lui revenant dans la main.

—T'as mis le temps ! répliqua Yuri en récupérant son arme. Et arrête avec ce surnom !

Une volée de flèches maléfiques vint interrompre leur échange et les deux super-héros eurent juste le temps d'esquiver en sautant sur le côté.

—Où est caché son akuma ? questionna Chat Noir avant de faire tourner rapidement son bâton entre ses doigts pour se protéger d'une nouvelle attaque. Je ne crois pas qu'il soit dans son arme.

Bonne question ça. L'arc ou le carquois étaient effectivement à exclure car Chester ne venait jamais au lycée avec son équipement pour le tir à l'arc. Yuri évita à nouveau une attaque puis, tout à coup, il nota un objet brillant sur la bretelle du carquois. Qu'est-ce que c'était au juste ?

-§-

De tous ceux qui auraient pu être pris pour cible par Papillon, il avait fallu que ce soit son ami Chester. Flynn connaissait Luke et il avait dû s'en prendre méchamment à quelqu'un pour réussir à le faire sortir de ses gonds mais même cela n'aurait pas suffit à attirer un akuma vers l'archer… sauf si Natalia était impliquée. Son meilleur ami lui avait avoué avoir un faible pour elle et il n'était pas à exclure qu'elle ait rejeté ses avances et que Luke, en ayant été témoin, en ait rajouté.

Cependant, ce n'était pas sa principale préoccupation car à présent, le nouveau super-vilain les avait remarqués, ce qui signifiait qu'ils étaient devenus ses proies et qu'il ne désirait qu'une chose : leurs Miraculous.

—Il a un truc qui brille sur la bretelle de son carquois, lui signala Ladybug avant d'esquiver une nouvelle série de flèches.

—Je vais essayer de le distraire !

Sur ces mots, Flynn s'écarta rapidement de son partenaire et partit en arc de cercle, faisant attention à ne pas se rapprocher trop de l'ennemi.

—Hey Robin des Bois ! s'exclama-t-il en sautant sur un lampadaire. Tu veux jouer à chat avec moi ?

Manifestement, la réponse était oui vu que la victime du Papillon fonça droit sur lui et qu'il dut se dépêcher de fuir pour éviter un nouveau projectile. Cependant, l'archer prenait bien garde à rester en hauteur et en mouvement, empêchant toute tentative de saut. Ladybug en était certainement arrivé à la même conclusion car il ne retenta pas de l'attraper avec son yoyo.

Pendant un instant, il envisagea d'utiliser son superpouvoir, le Cataclysme, mais il n'avait rien à détruire à portée de main, excepté peut-être ce carquois mais c'était à condition de réussir à le toucher, ce qui n'était pas gagné. Le Lucky Charm de son partenaire pourrait peut-être compenser ce qui lui manquait…

—Chester, espèce de crétin !

Cette voix les fit tous deux se stopper et l'archer, flèche prête à être tirée, se tourna vers son origine… avant de se figer de stupeur.

—Arche ?

-§-

Profitant qu'il avait un peu de répit, Yuri utilisa son Lucky Charm… et il obtint un mégaphone rouge à pois noirs. Honnêtement, il aurait préféré des bolas ou un autre truc qui aurait pu lui permettre de clouer l'ange de la haine au sol mais c'était toujours moins ridicule que la serviette de bain ou la cuillère. Par contre, comment il allait se servir de ça au juste ?

—Ladybug !

A l'entente de son nom de super-héros, le jeune homme se tourna et fut surpris de voir arriver Arche vers lui, l'air complètement affolée. Pourquoi Judith n'était-elle pas avec elle ?

—Je ne sais pas exactement comment Chester est devenu comme ça mais quasiment tout le monde au lycée se déteste maintenant ! s'exclama-t-elle, faisant comprendre au héros que sa meilleure amie avait dû recevoir une flèche elle aussi. Il est passé devant moi sans me voir je crois et il a tiré sur Natalia avant de se barrer.

—Ecoute, tu devrais aller te mettre à l'abri dans un bâtiment, conseilla-t-il à la jeune fille. Ce serait plus…

Soudain, un déclic se fit dans l'esprit de Yuri. Le problème avec cet ennemi, c'était qu'il volait et qu'il était difficile à immobiliser – ce point-là, il l'avait compris à ses dépends. Chat Noir avait le pouvoir de neutraliser ses flèches mais tant qu'il bougeait, impossible pour lui de le plaquer au sol, même en utilisant son bâton. Cependant, une certaine personne savait très bien comment attirer l'attention de leur adversaire…

—Attends, fit-il en lui faisant signe de ne pas bouger. Tu le connais bien ?

—On se prend la tête une fois par jour minimum, répondit Arche sans hésiter. Pourquoi ?

—Fais-toi plaisir et vide ton sac.

Avec un grand sourire, il lui tendit le mégaphone… qu'elle fixa avec étonnement avant de le prendre entre ses mains. Puis, après une seconde d'hésitation, elle prit une inspiration et Yuri se hâta de s'écarter d'elle tandis qu'elle se servit enfin de l'appareil.

—Chester, espèce de crétin !

Dissimulé derrière un arbre, le héros nota que l'archer avait tourné la tête vers Arche et qu'il semblait étonné de la voir. La flèche qu'il avait encochée fut tirée mais elle rata la jeune fille d'au moins trois mètres, ce qui était inhabituel de la part d'un champion comme lui. Il était perturbé.

—Nan mais je rêve ! hurla sa camarade, visiblement en colère. Ca va pas la tête ! Comme si je pouvais pas te détester plus que maintenant espèce d'obsédé !

—Ca te va bien de me dire ça planche à pain ! cria l'archer, à présent bien énervé. Je me demande encore pourquoi tu te fatigues à mettre un soutif alors que t'as pas de seins !

—Et toi alors ? T'as peut-être de sacrés biscottos mais t'as un sacré pois chiche dans le cerveau par moment !

Là, ils étaient lancés et par expérience, Yuri savait qu'ils n'étaient absolument plus attentifs à ce qui les entourait. Il profita donc d'une nouvelle série de répliques cinglantes pour attraper l'arc avec son yoyo pendant que Chat Noir, ayant eu tout le temps de préparer son Cataclysme, sauta sur l'archer en un bond puissant.

Pris par surprise, l'ennemi se retrouva plaqué au sol et le héros en noir n'eut qu'à toucher son carquois pour détruire celui-ci, ne laissant que l'objet brillant qui se trouvait dessus.

—Fin des entrechats ! s'exclama son partenaire en attrapant l'objet du délit. A toi de jouer Buginette !

—La ferme chaton ! répliqua Yuri en attrapant le bijou que lui avait lancé Chat Noir.

Il laissa tomber ce qui s'avérait être une broche par terre et l'écrasa violemment avec son pied, libérant un papillon noir : l'akuma. Avec son yoyo, il le captura puis le purifia, laissant à sa place un papillon blanc. Ensuite, il n'eut qu'à récupérer le mégaphone et le lancer en l'air, libérant la magie se trouvant à l'intérieur qui répara tous les dégâts occasionnés par l'akuma.

Libéré de l'emprise du papillon maléfique, Chester était redevenu normal et était visiblement désorienté, n'ayant plus de souvenirs de son akumatisation.

—Mais qu'est-ce que je fiche ici moi ? demanda-t-il en regardant de tous les côtés avant de voir Arche qui venait vers lui. Il s'est passé quoi au juste ?

—Oh, t'as juste été encore plus crétin que d'habitude, répondit la jeune fille avec un sourire taquin. Je peux te donner plus de détails si tu veux.

Le bip que Yuri perçut dans ses oreilles lui indiqua qu'il était temps qu'il file : il n'allait pas tarder à se dé-transformer. Il s'apprêtait à partir quand Chat Noir s'interposa, lui faisant signe d'attendre.

—Qu'est-ce que tu veux au juste ? demanda le jeune homme en fronçant les sourcils.

—Je… répondit difficilement son partenaire, l'air penaud. J'aimerais te dire un truc… Je…

—C'est peut-être pas le bon moment.

D'un geste, il désigna la bague au doigt du héros en noir : elle n'avait plus que trois coussinets et se mettait elle aussi à bipper.

—Une prochaine fois peut-être ? proposa Yuri avec un sourire amical. Ce n'est pas comme si on ne risquait pas de se revoir tous les deux.

Et sur ces mots, il se hâta d'utiliser son yoyo pour partir.

-§-

C'était la Saint-Valentin et Flynn n'avait qu'une envie : se taper la tête contre la table pour ne pas avoir été fichu de déclarer sa flamme à Ladybug. Evidemment, Plagg s'était bien moqué de lui quand ils étaient rentrés et le jeune homme avait passé sa nuit à ruminer son échec.

Le bon côté, c'était que grâce à une idée diabolique de son partenaire, Chester était sauvé et était, comme tous les jours, assis à sa gauche en classe. La seule différence était qu'au lieu de discuter avec lui, il était occupé à papoter avec Arche, profitant que le cours n'avait pas encore commencé. Au ton de leur conversation, il était clair que ces deux-là s'étaient rapprochés dans le bon sens.

Au moment où il comptait entamer une discussion avec Judith, Yuri entra dans la salle de classe, les bras chargés de boîtes en carton. Flynn, par réflexe, se leva pour venir l'aider mais Luke, qui se tenait contre le bureau du professeur pour parler en face de Natalia, eut l'indélicatesse de pousser leur camarade, ce qui le déséquilibra et lui fit lâcher ce qu'il tenait.

—Attention !

De justesse, Flynn avait empêché la chute de Yuri et rattrapé les boîtes qu'il avait failli perdre, cela sous les yeux ébahis de certains de leurs camarades.

—Ceci est un jour à marquer d'une pierre blanche, déclara Judith. Un énième épisode poisse de Yuri fut évité grâce au courageux Flynn !

La remarque attira des applaudissements et quelques sifflements de la part de leurs camarades, ce qui, à la vue des rougeurs sur les joues de Yuri, le gênait autant que lui.

—C'est pas utile d'en faire un tel évènement Judy, déclara le jeune homme aux cheveux de jais en s'installant à sa place. Et si tu continues, tu n'auras pas le cadeau que je t'ai préparé.

—Toutes mes excuses dans ce cas, dit l'administratrice du Ladyblog en fixant les boîtes avec intérêt. C'est tout pour moi ?

—Pas seulement.

Yuri remit une boîte avec un ruban bleu à Judith qui se hâta de l'ouvrir… et dont les yeux se mirent à briller en voyant le contenu. Arche reçut une boîte avec un ruban rose tandis que en eut Chester une avec un ruban vert et tous deux furent visiblement très contents de leur contenu. Puis Flynn réalisa que son camarade lui en tendait une à lui aussi.

—On m'a dit que tu n'aimais pas le sucré mais j'espère que ça ira quand même.

Agréablement surpris de recevoir un cadeau, il murmura un « merci » timide puis ouvrit cette boîte avec le ruban blanc… pour découvrir qu'elle contenait une bonne dizaine de cookies entièrement au chocolat noir et dont l'odeur lui indiqua qu'ils étaient certainement faits maison. Tenté, il en goûta un et savoura le goût du chocolat ainsi que la saveur épicée qui vint ensuite en bouche.

—J'ai pris le risque de mettre du piment dans le chocolat, précisa Yuri en voyant son expression surprise. J'avoue que je ne suis pas très sûr de mon coup…

—C'est parfait, furent les seuls mots que Flynn prononça, savourant le biscuit avec délice.

—Je vais tous les mangers si je ne referme pas ça ! s'exclama Judith qui reposa un cookie aux raisins dans sa boîte. Ils sont exquis !

—Merci Yuri ! firent Arche et Chester avec leurs pouces en l'air.

Le concerné haussa les épaules comme si de rien n'était mais Flynn pouvait distinctement voir qu'il souriait, signe qu'il était probablement heureux de leur avoir fait plaisir.

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May 7 – 8 Azalea : “Take care of yourself for me”

UA : Pokémon (j’y jouais quand j’y ai écrit donc…)

Beta : Eliandre

 


 

Bourg Geon, un village de Johto qui représentait le commencement de bien des aventures. Habituellement, les jeunes dresseurs se rendaient au laboratoire pour recevoir leur premier pokémon avant de quitter leur ville natale. Cependant, certains n’avaient pas commencé ainsi…

Se tenant devant ce qui avait été sa maison durant toute son enfance, Flynn ressentait une bouffée de nostalgie, se souvenant de sa mère qui s’était occupée de lui ainsi que de l’Arcanin de son père qui l’avait consolé après la mort de son maître. C’était vers ses onze ans que sa famille avait déménagé au Bourg Palette puis deux ans plus tard, son dernier parent l’avait quitté et il avait décidé de partir à l’aventure, n’ayant plus vraiment d’attaches.

En tournant la tête sur le côté, il vit son Arcanin humer l’air avec insistance, probablement pour se familiariser de nouveau avec toutes les odeurs de ce qui avait longtemps été sa demeure. L’âge commençait à se faire sentir chez le pokémon feu, devenu plus calme avec les années et probablement ayant gagné en sagesse vu à quel point les autres pokémons de l’équipe de son jeune maître le respectait. Cependant, techniquement parlant, Arcanin n’était pas le premier compagnon de voyage du jeune homme aux cheveux d’or…

Quand il vivait encore à Bourg Geon, il y avait un très bon ami avec qui il passait beaucoup de temps à jouer. Un jour, ils s’étaient un peu éloignés du village et ils avaient découvert par hasard un membre de la Team Rocket qui planifiait de s’introduire dans le laboratoire pour y voler des pokémons. Ils avaient attendu qu’il ait le dos tourné pour lui prendre le sac qui contenait les plans du bâtiment et le sbire a bien failli réussir à les avoir… sauf qu’il avait eu la malchance de déranger une famille de Mimigal qui n’avait manifestement pas apprécié cela. Arcanin était ensuite venu les trouver et la police était arrivée pour emmener le sbire.

Seulement, le sac qu’ils avaient dérobé contenait aussi deux œufs de pokémon qui avaient été volés à Rosalia. Leur propriétaire légitime, ayant appris comment son voleur avait été arrêté, avait décidé d’en faire cadeau aux deux jeunes justiciers en leur précisant de bien s’en occuper. Ce fut quelques jours plus tard que les œufs avaient fini par éclore, révélant deux Evoli qui, avec le temps, s’étaient révélés être deux vraies petites canailles. Lui et son meilleur ami en gardèrent chacun un et tous les quatre, ils avaient passé pas mal de bon temps jusqu’au jour du déménagement.

Aujourd’hui, l’Evoli de Flynn avait évolué en un magnifique Mentali, un pokémon très recherché par les collectionneurs. Son partenaire l’avait bien aidé dans le Kanto et malgré une ou deux insubordinations, il était devenu un pokémon très sérieux et extrêmement fiable. Ensemble, ils avaient combattus pas mal de dresseurs et capturés pas mal de pokémons : un Roucool qui avait évolué depuis longtemps en Roucarnage, un Insecateur, un Electrode et un Tétarte. Les deux derniers avaient été échangés contre un Locklass et un Draco quand il était repassé à Safrania puis à Parmanie.

Un coup d’œil à son Pokématos lui confirma ce dont il se doutait déjà : l’heure du rendez-vous était passée depuis trente minutes.

Flynn n’était pas revenu à Bourg Geon pour un retour aux sources mais parce qu’il y avait donné rendez-vous ce jour à son ami d’enfance qu’il n’avait pas revu en chair et en os depuis le jour de son déménagement. Ayant prévu un éventuel retard ou souci technique du Train Magnétique, il était parti avec quelques jours d’avance, prenant ainsi le temps de profiter du Parc Naturel près de Doublonville ou de visiter la Tour Chétiflor à Mauville.

Un son attira l’attention de son Mentali qui eut tout juste le temps d’éviter une charge d’une boule noire qui, une fois arrêtée, s’avéra être un Noctali.

Le dit-Noctali ne s’avoua pas vaincu et les deux pokémons entamèrent un jeu de poursuite qui était étrangement familier au jeune homme…

—Salut ! Désolé pour l’attente !

A l’entente de cette voix, Flynn tourna la tête et vit Yuri, son ami d’enfance, dont la chevelure de jais était plus longue que dans son souvenir. De plus, il était accompagné d’un Absol dont la corne noire portait des traces d’anciennes cicatrices.

—Je me doutais que tu ne serais pas à l’heure tu sais, déclara le jeune homme aux cheveux blonds tandis que son vieil ami venait le rejoindre. La ponctualité n’a jamais été une de tes qualités.

—Pour ma défense, la petite canaille qui joue avec la tienne m’a retardé vers Rosalia quand il a eu un coup de foudre pour une belle madame Goupix, se défendit Yuri en montrant une Honor ball, une Poké ball qui avait la particularité d’être entièrement blanche. J’ai été contraint de la capturer car autrement, je ne sais même pas s’il aurait accepté de me suivre jusqu’à Mauville.

—Je m’étais plutôt attendu à un retard de train ou de bateau…

—Y a pas de train magnétique à Hoenn et pour le bateau, y a eu un souci à Nénucrique car une bande de petits malins avait bloqué le port avec des Wailmer.

La poisse légendaire de son ami d’enfance était donc toujours présente…

Flynn n’avait pas été le seul à avoir déménagé : Yuri aussi y avait été contraint quand celui qui était son tuteur légal, un scientifique, avait été muté à Bourg Geon. Pendant tout le temps de cette longue séparation, les deux garçons avaient échangé des lettres et s’étaient appelés certains soirs via leurs Pokématos. Lorsque chacun a envisagé de commencer à combattre les champions d’Arène et battre la Ligue Pokémon, ils s’étaient juré de se revoir dans leur ville d’origine…

—Avant de continuer sur les banalités, ça te dirait un p’tit aperçu de nos équipes respectives ? demanda le jeune homme aux longs cheveux bruns avec un sourire en coin.

—Tu sais que tu vas encore perdre ? répliqua Flynn en sortant une de ses pokéballs, celle contenant son Insecateur.

—Faut bien que je vois si t’as toujours la forme depuis tout ce temps.

Oh ça, il n’avait aucun doute que son cher meilleur ami avait tout fait pour venir le retrouver. Chacun avait laissé derrière leur nouvelle ville, n’y ayant pas de réelle attache, pour revenir là d’où ils étaient originaires. Certes, ils n’y avaient techniquement plus de foyer mais rien ne les empêchaient de démarrer un nouveau voyage ensemble à Johto puis de s’établir ensuite quelque part.

Car après tout, tous deux étaient revenus ici après plus de cinq ans d’absence en un seul morceau, comme ils se l’étaient promis le jour de leur séparation.

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May 5 – 6 Daisy : “Loyal love; I’ll never tell”

Beta : Eliandre (qui m’a accuse de vouloir sa mort… elle va me faire le coup à chaque fic de ce genre je pense…)

UA : J’ose tenter le crossover avec Miraculous vu que je suis à fond dedans… Par contre, pas possible de coller Yuri en Chat Noir car Flynn porte mieux la bague que les boucles d’oreilles. De plus, à cause du casting de base de Vesperia, je suis obligée de piocher dans d’autres Tales of pour compléter certains rôles (dans le cas présent, c’est Chester de Tales of Phantasia qui va s’y coller)

_________________________

Sincèrement, Yuri avait hâte que le cours se termine. Il était crevé et ce n’était pas à cause du café où il vivait avec son tuteur légal mais plutôt de la longue nuit qu’il avait eue la veille et du fait qu’il s’ennuyait royalement. Certes, il avait une belle vue sur son voisin de devant dont il croquerait bien un morceau mais à chaque fois qu’il avait tenté de l’aborder, d’une manière ou d’une autre, ça avait foiré : son parapluie s’était refermé sur lui, il avait trébuché sur un sac qui était sur son passage, un abruti lui avait jeté une bombe à eau sur la tête, il avait accidentellement renversé son café noisette sur sa seule chemise blanche, quelqu’un était venu le déranger pour une bricole… Oui, Yuri avait fini par se faire, assez difficilement, à l’idée que lui et Flynn, ça ne risquait pas de dépasser le stade de la simple camaraderie.

Un coup de coude dans son bras gauche le força à se réveiller un peu. Il tourna discrètement la tête vers Judith, sa voisine de table et meilleure amie qui lui glissa un morceau de papier pendant que leur vieux prof d’histoire-géo avait le dos tourné. Il le prit entre ses doigts et le déplia :

« Quand est-ce que tu vas te décider à l’inviter à prendre un verre avec toi après les cours au lieu d’admirer sa nuque ? »

Vérifiant que personne ne le regardait faire, il attrapa son stylo et lui écrivit rapidement une réponse :

« Le jour où l’univers cessera de s’en prendre à moi dès que je tente quoique ce soit. »

Yuri savait qu’il avait la poisse et il vivait très bien avec mais depuis qu’il connaissait Flynn, il avait l’impression que sa malchance avait empiré. Instinctivement, il avait passé son index sur les boucles d’oreilles noires qu’il portait…

Enfin, la sonnerie de fin des cours retentit et la majorité des lycéens présents eurent du mal à retenir un soupir de soulagement – en même temps, demandez à des ados de seize ans de rester le cul vissé sur une chaise durant des heures quand il faisait grand soleil dehors et qu’en prime, il faisait chaud…

—J’ai bien cru que cette heure ne se finirait jamais ! s’exclama Judith en s’étirant, attirant sur elle les regards de la majorité des mâles de la classe sur son décolleté. J’ai plein de commentaires qui m’attendent sur mon blog et une chasse aux super-héros qui m’attend.

—Me semble que t’as une alerte sur ton téléphone en cas d’attaque de super-vilain, fit remarquer Yuri en rangeant ses affaires dans son vieux sac à dos noir et rouge. T’as le temps de prendre au moins un goûter, nan ?

—Hmm… C’est vrai que je n’ai pas encore testé le nouvel arrivage… Chester, Flynn, ça vous dit de venir vous détendre un peu ?

Leurs deux voisins de devant se retournèrent en entendant leurs noms. Le premier, Chester, était un jeune homme aux longs cheveux argent noués en catogan et au regard perçant. C’était un bon ami et Yuri appréciait bien sa compagnie. De plus, Chester faisait du tir à l’arc depuis tout petit et il participait à des compétitions depuis son entrée au collège. Il était aussi très bon au bras de fer, ce que beaucoup dans leur classe avaient appris à leurs dépens.

Le second, Flynn, était considéré comme le plus beau garçon du lycée avec ses cheveux blonds et ses yeux azur. Sa famille travaillait dans le milieu de la mode et il portait toujours des habits venant des collections créées par son père – le bonus était qu’il faisait souvent des séances photos pour des campagnes de publicité. C’était aussi l’un des meilleurs élèves de la classe sachant qu’en plus, il faisait de l’escrime, prenait des cours de chinois depuis plusieurs années et de piano.

Et Yuri en pinçait pour lui depuis un bon moment déjà…

—Si vous servez toujours vos limonades maisons, je viens, déclara Chester avec le sourire. Et toi vieux ?

—Je vais devoir décliner cette invitation, dit Flynn avec regret. Mon professeur de piano était souffrant la semaine précédente donc j’ai un cours ce soir. Désolé.

—Dommage, fit Judith, visiblement déçue. Demain peut-être ?

—Sauf séance photo de dernière minute, ça devrait être bon pour moi. Et pour toi Yuri ?

Il s’apprêtait à répondre quand son vieux sac décréta qu’après environ six ans de bons et loyaux services, il était temps pour lui d’arrêter les frais : il choisit ce moment précis pour se déchirer sur le côté et faire tomber une bonne partie de son contenu au sol et ce, sous les grognements agacés de son propriétaire. Mais qui avait-il bien pu énerver là-haut pour que ce genre de choses arrive à lui ?

—Rappelle-moi de t’offrir un exorcisme pour ton anniversaire, lui lança Judith avec une pointe de malice.

—J’y manquerai pas…

-§-

Il était environ huit heures du soir quand Yuri monta dans sa chambre après avoir aidé Raven a fermer le café puis manger rapidement un morceau et faire la vaisselle. Une fois la trappe qui lui servait de porte refermée, une petite créature rouge avec des pois noirs sortit de la poche de sa veste pour s’installer sur son bureau, plus précisément à côté d’une boîte contenant exclusivement des cookies.

—Comment vas-tu faire pour transporter tes affaires de classe demain ? lui demanda le petit être, un kwami nommé Tikki. Tu n’as pas d’autre sac à dos.

—Le vieux me prêtera le sien mais je pense que je vais tenter de m’en fabriquer un nouveau, répondit Yuri en fouinant dans une vieille boîte en bois sombre. L’avantage, c’est qu’il sera peut-être plus solide et que je ferais des économies d’argent.

—C’est vrai que tu n’as pas beaucoup de côté et puis comme cela, tu es certain qu’il sera à ton goût.

—C’est l’idée. Par contre, même avec un patron, ça va me prendre un bon moment.

—N’hésite pas à prendre ton temps pour faire les choses bien et surtout, n’oublie pas que tu as besoin de dormir.

Yuri sourit à son kwami. Il aimait l’optimisme de Tikki et le fait qu’elle lui donnait souvent de bons conseils. Certes, il lui arrivait de ne pas l’écouter mais il comprenait après son erreur. De plus, elle lui avait offert de quoi bien rythmer sa vie un peu monotone par moment.

—Le but est surtout d’éviter d’avoir de nouveau ce genre d’accident face à Flynn, soupira-t-il en jetant un œil aux pièces de tissu nécessaires pour son sac. C’est à croire des fois que l’univers ne veut pas que je m’approche de lui…

—Dans certains cas, tu étais simplement distrait, répliqua Tikki en prenant un des cookies dans la boîte. Toi et Flynn vous avez beaucoup de choses en commun de ce que j’ai vu.

—Même groupe favori, même jeux favoris… Si j’étais certain de ses préférences de partenaire, je foncerai.

—Il y en a un par contre qui ne cache pas son jeu de ce côté.

A cette remarque, Yuri fit une grimace. Il savait parfaitement de qui elle parlait et, honnêtement, il ne tentera pas sa chance avec ce chat de gouttière... Les jeux de mots pourris qu’il sortait lui donnait parfois envie de vomir.

—Je ne suis pas contre le flirt mais s’il pouvait arrêter ses blagues, ça m’arrangerait, déclara-t-il tout en fronçant le nez en constatant quelles étaient les parties les plus techniques pour le sac à dos. Je meurs d’envie de le frapper par moment…

—Tu ne t’en es pas privé hier soir, fit remarquer Tikki en prenant une bouchée du biscuit.

Ca, Yuri en était assez fier : l’autre abruti l’avait encore dragué lourdement en plein combat contre un méchant et, exaspéré par ses avances, il avait fini par craquer et avait « accidentellement » fait tomber son yoyo sur sa tête, ce qui lui avait remis les pieds sur terre.

Le vrai rôle de Tikki était de le transformer en super-héros et de lui offrir des superpouvoirs. Dans son cas à lui, c’était la création et il devait faire marcher sa tête pour comprendre comment utiliser les objets qu’il faisait apparaître – il restait quand même quelques secondes à se demander quoi faire de ce qu’il avait obtenu car parfois, ça relevait du ridicule… Son arme était un yoyo au fil incassable et s’il était resté perplexe quand il l’avait obtenu, maintenant, il se débrouillait très bien avec.

—Je sais que mon nom de super-héros n’est pas l’idéal mais je n’en peux plus de l’entendre m’appeler « Ma Lady » comme si j’étais une fille ! s’exclama-t-il en détachant le semblant de chignon qu’il portait. Et honnêtement, si je pouvais demander à Judy d’enlever son fichu sondage sur la possibilité d’une relation amoureuse entre lui et moi…

—Tu ne peux pas lui dire qui tu es ! le coupa vivement Tikki qui en était à la moitié de son cookie. Personne ne doit le savoir.

Ca, malheureusement, il le savait. Même son partenaire ignorait qui il était sous le masque et l’inverse était vrai. Ses seules certitudes étaient qu’il pouvait avoir une totale confiance en lui et que s’il n’avait pas connu Flynn, il aurait peut-être accepté ses avances…

-§-

Après cette journée, Flynn était épuisé et il se félicita d’avoir profité de son heure de permanence pour s’avancer dans ses devoirs. Cependant, il savait parfaitement qu’il n’aurait pas la possibilité de se reposer dans l’immédiat car il avait un « petit détail » à régler avant…

Arrivé dans son immense chambre, il se passa une main dans les cheveux, sentant ceux-ci se heurter à la chevalière en argent qu’il portait, tandis qu’un petit être noir dont l’apparence évoquait celle d’un chat se hâta de sortir de son sac et de se jeter sur le sofa blanc.

—Mon royaume pour du camembert… fit le kwami en s’affalant sur un coussin. Je suis affamé !

—N’exagère pas Plagg, le réprimanda Flynn, un peu agacé par ce petit goinfre. Je t’ai laissé largement de quoi tenir toute la journée.

—Que nenni ! Il n’y avait que des miettes dans cette boîte !

Le jeune homme leva les yeux au ciel face à tant de mauvaise foi. Son kwami était un ventre sur pattes et cela ne le dérangerait pas s’il acceptait de manger de tout. Or, ce petit être magique n’acceptait qu’un seul type d’aliment : du fromage bien puant, plus particulièrement du camembert bien odorant qu’il était contraint de mettre dans une boîte étanche s’il ne voulait pas que toutes ses affaires sentent comme une véritable fromagerie ou comme s’il sortait d’un intensif cours de sport.

—C’est bien parce que tu as été sage pour une fois, capitula Flynn en sortant la boîte de camembert qu’il avait cachée la veille. Et essaie de ne pas tout manger d’un coup.

Il savait très bien qu’il parlait à un mur en posant le mets tant désiré sur la table basse car dès qu’il vit son aliment favori, Plagg se jeta dessus et commença à le dévorer avec gourmandise. Dans un soupir de dépit, le jeune homme s’installa devant son ordinateur et se mit à regarder les dernières mises à jour du Ladyblog.

Manifestement, Judith n’avait pas progressé dans son enquête pour découvrir la vraie identité de Ladybug, ce qui était une bonne chose bien que cela l’empêchait du même coup de trouver plus d’indices sur qui pouvait bien se cacher derrière ce masque rouge à pois noirs. Certes, Flynn avait accepté leur accord de ne pas révéler qui ils étaient réellement mais de temps à autre dans les combats, il tentait d’en savoir un peu plus sur son séduisant partenaire…

—Je ne sais pas pourquoi tu t’entêtes à vouloir tant te rapprocher de lui, déclara Plagg en venant s’installer sur son bureau avec un morceau de camembert. Il y a quand même mille fois plus intéressant et puis il ne répond pas vraiment à tes avances. Passe à autre chose.

—Tu sais très bien que c’est encore nouveau pour moi et que le peu que je connais à l’amour vient de films ou de romans, répliqua le jeune homme en commentant le nouvel article qui avait été posté. Il est hors de question que j’abandonne maintenant !

—Dois-je te rappeler le nombre de râteaux que Chat Noir a reçu ?

Flynn grogna à cette remarque de son kwami. Certes, il était Chat Noir, un super-héros détenant le pouvoir de la destruction mais il avait tendance à attirer la malchance quand il était transformé – c’était mieux dans un sens car seul Ladybug pouvait purifier les akumas et il lui fallait parfois un coup de pouce pour vaincre des ennemis ou les distraire. Il avait Plagg dans les pattes, un être magique qui lui donnait plus de fil à retordre qu’autre chose à cause des bêtises qu’il faisait régulièrement : fouiner en douce dans le sac d’un de ses camarades en classe, voler des objets brillants, se cacher quand il avait besoin de se transformer… Régulièrement, il le sermonnait sur sa conduite ou devait ruser pour obtenir de lui ce dont il avait besoin.

—Je m’en fiche, fit-il tout en validant son commentaire sur le Ladyblog. Peu importe qui est le garçon sous ce masque, je l’aime.

—Beurk ! s’exclama le kwami avec une moue dégoutée. Tu vas finir par me couper l’appétit avec ces bêtises !

Vu que Plagg avala en une bouchée son morceau de camembert, il lui en fallait bien plus pour perturber son repas. Flynn se remit à parcourir le Ladyblog quand un rôt sonore retentit à sa gauche.

—Plagg !

—Quoi ? Tu m’as dit de ne plus faire ça au musée donc faut bien que je le fasse ailleurs !

Décidément, ce kwami ne respectait vraiment rien. Il lui tenait encore rigueur d’avoir causé la chute de Yuri l’autre jour car il avait voulu regarder ce qui se cachait dans le sac d’une fille de la classe et qu’il avait fait tomber celui-ci dans le passage juste avant que son camarade ne vienne rejoindre sa place. Déjà qu’ils avaient du mal à avoir des rapports normaux entre eux, si en plus les bêtises de Plagg aggravaient la situation… D’ailleurs…

—A tout hasard, tu es bien resté au fond de mon sac tout l’après-midi ?

A cette question, le kwami, qui venait juste de revenir après être allé chercher un morceau de camembert, cessa tout mouvement et ses grands yeux verts se tournèrent sur le côté.

—Comment te dire… commença Plagg, l’air gêné. J’avais besoin de faire une petite promenade après ma sieste digestive et… Je ne suis pas allé très loin mais j’avais vu ce truc brillant dépasser du sac de derrière…

—Dis-moi que tu ne l’as ni mangé, ni volé, espéra Flynn, exaspéré par la conduite de l’être magique.

—Mais pour quoi me prends-tu ? Une chèvre ? Non non non ! C’était un truc en métal avec deux pieds et une pointe… Comment ça s’appelle déjà cet instrument ?

—Un compas ? proposa le jeune homme, se souvenant qu’il avait fait de la géométrie l’heure précédant le cours d’histoire.

—C’est ça ! Je m’ennuyais donc j’ai… peut-être un peu joué avec…

Face à cette confirmation, Flynn se frappa le front avec sa main et ne put s’empêcher de se sentir en partie coupable des malheurs de Yuri. Si seulement il pouvait trouver un moyen de réparer cette bêtise et discipliner un peu son kwami…

-§-

Le lendemain matin, Flynn fut déposé devant le lycée par son chauffeur. Il avait pensé, au préalable, à laisser de quoi manger à son kwami dans son sac et espérait qu’il se tiendrait tranquille pour aujourd’hui. A présent, il n’avait plus qu’à passer à son casier pour poser quelques affaires et rejoindre Chester en classe.

Cependant, avant qu’il ne commence à grimper les marches, un bruit attira son attention et en tournant la tête, il repéra Yuri qui avait les cheveux détachés et qui regardait de travers un chat tigré tenant un élastique noir dans sa gueule.

—Rends-moi ça sac à puces ! ordonna le jeune homme au félin. J’ai pas envie de retourner dans ma chambre et d’être encore en retard alors que j’habite à côté !

Visiblement, l’animal n’en avait rien à faire et lorsque Yuri tenta de récupérer son bien, le chat l’esquiva avec aisance et garda une distance d’un mètre entre eux. Flynn dut se retenir de rire en entendant les jurons de son camarade qui n’était, à priori, pas très doué avec les félins. Il finit par intervenir lorsqu’il le vit tenter de sauter sur sa cible et que celle-ci lui échappa de nouveau, faisant qu’il se retrouva à genoux par terre.

—Besoin d’un coup de main ? demanda-t-il en tendant sa main au jeune homme. Tu n’es pas très doué avec les chats il semblerait.

—Celui-là a trouvé très drôle de me voler mon élastique alors que j’essayais de me coiffer en chemin, grogna Yuri en attrapant la main qui lui était présentée et en se relevant. En plus, cette sale bête me nargue…

A ces mots, un regard gris se mit à jeter des éclairs en direction du félin qui les observait, l’élastique toujours dans sa gueule. Flynn fit signe à Yuri de le laisser faire puis, doucement, il s’agenouilla et tendit sa main en avant.

—Viens minou, dit-il avant de faire claquer sa langue, prenant garde à ne pas regarder l’animal dans les yeux.

Au bout de quelques secondes, le chat combla la distance qui les séparait et vint lui renifler la main. Puis il se frotta au dos de celle-ci et laissa tomber l’élastique au sol, permettant ainsi à son propriétaire de venir le récupérer.

—J’aurais pu le faire… grommela Yuri, visiblement un peu gêné pendant que le félin s’en alla en trottinant. Merci en tout cas.

—Ce n’est rien, fit Flynn en se relevant tandis que son camarade se concentrait à présent sur sa coiffure. Tu veux que je t’aide ?

—Ca ira. Je compte pas me casser la tête.

Effectivement, au bout de trente secondes, Yuri avait terminé : au lieu de son habituel chignon décoiffé, il avait opté pour une queue de cheval, une coiffure simple qu’il pouvait effectivement réaliser sans miroir. Cependant, cette manière de nouer les cheveux évoquait à Flynn celle de Ladybug…

La sonnerie se mit à retentir, les ramenant tous deux à la réalité : ils allaient être en retard s’ils ne se dépêchaient pas !

—Merde ! jura Yuri en attrapant le sac à dos marron qu’il avait posé au sol pour se coiffer. Fichu chat !

Tous deux se dépêchèrent de courir pour franchir les portes du lycée et ainsi débuter une nouvelle journée de cours.

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Kaleiya Hitsumei

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