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 Titre : Tiercelieux chez Miraculous, le retour !

Disclaimer : Excepté l'idée et ce scénario, rien n'est à moi.

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre.

Note : Ahem… Comment expliquer… Je n'avais pas promis de suite de mémoire mais j'en avais écrite une… y a six mois au moins que j'ai totalement oubliée dans un coin jusqu'au jour où j'ai rangé un peu mes textes et que je suis retombée dessus par un pur hasard. Quand Eliandre m'a confirmé qu'elle n'avait pas vu la couleur de ce texte, ben me suis dit qu'il serait peut-être temps que je m'en souci avant de le perdre. Donc sur ce, bonne lecture !


—Bienvenue à Tiercelieux, un village comme les autres… si l'on excepte les nuits de pleine lune où des loups-garous sèment la terreur ! Les habitants sont déroutés face à cette menace et ne devront compter que sur eux-mêmes pour trouver ces bêtes féroces avant qu'elles ne déciment tous les habitants ! Heureusement, ils peuvent compter sur quelques atouts comme l'Ancien du village ainsi que le Salvateur protecteur. Mais il existe aussi quelques trouble-fêtes comme Cupidon et l'Idiot du village tandis que le Bouc Emissaire redoute l'instant où le village ne pourra prendre de décision…

En cette fin d'après-midi, une salle vide avait été de nouveau réquisitionnée pour une faire une partie des Loups-Garous de Tiercelieux. Les personnes présentent étaient les mêmes que la dernière fois avec un ajout : Marc Anciel qui avait été invité à participer par Nathaniel et Marinette et qui s'était assis entre le dessinateur et Juleka après que cette dernière lui ait expliqué les règles du jeu. L'autre changement notable parmi les joueurs était l'identité de leur maître du jeu qui, après tirage au sort via un shifumi, n'était autre que Nino.

—T'as vraiment osé mettre un Ancien ? lui demanda Alya qui était assise entre Adrien et Marinette. Sérieux Nino…

—J'approuve, fit Juleka en faisant la moue, regrettant à présent d'avoir choisi les ciseaux lors de la partie de shifumi. Pas un seul rôle intéressant…

—Le Salvateur est pas si mal je trouve ! répliqua le DJ, un peu outré.

—Et pourquoi ne pas changer un des Simple Villageois contre la carte de la Petite Fille ? proposa Sabrina qui avait appris les règles par cœur. Nous ne l'avons pas encore essayé ce rôle.

Si les plus novices de la classe semblaient intrigués par cette remarque, les plus expérimentés, en revanche, firent une grimace qui en disait long sur ce qu'ils pensaient de cette carte.

—Ce rôle est un appel à la triche, précisa Nino en préparant le minuteur pour les débats. Sérieux, il est nul.

—Il est même quasi impossible à jouer ! ajouta Alya en se pinçant l'arête du nez. Cette carte ne devrait même pas exister.

—Une fois avec mon frère et des potes à lui, on a joué une partie avec ce rôle, fit Juleka, la mine sombre. Celui qui avait eu la carte s'était fait passer pour un Loup-garou et a faussé tout le jeu. Depuis, nous avons détruit la carte de la Petite Fille. Ce rôle est trop nul.

Un long silence s'installa suite à cette révélation… jusqu'à ce qu'un raclement de gorge ne l'interrompe, rappelant à tous que la partie allait débuter et que c'était au maître du jeu de commencer. Excepté ce dernier, tous fermèrent leurs yeux…

—La nuit tombe sur le petit hameau de Tiercelieux et ses quatorze habitants, conta Nino en se déplaçant dans la salle. Cupidon se réveille et, avec son arc et ses flèches magiques, lie à jamais deux âmes entre elles avant de s'endormir.

Contrairement à la partie précédente où Cupidon avait mis du temps avant de se décider, forçant le précédent maître du jeu à choisir à sa place, juste quelques secondes s'écoulèrent, signe que le choix avait été rapide ou déjà bien réfléchi avant le début de la partie.

—Les deux amoureux s'éveillent et se découvrent. Les voilà à présent liés à jamais, tels Roméo et Juliette, jusqu'à ce que la mort ne survienne. Tous deux retournent dans les bras de Morphée en se jurant de protéger son aimé.

Qui pouvait donc être le couple cette fois-ci ? Le village ainsi que les loups avaient tout intérêt à s'en soucier car aucun d'eux ne désirait se faire doubler par ces deux amoureux aux destins liés.

—Le Salvateur s'éveille enfin et, avec ses pouvoirs, protège un des habitants des crocs des loups-garous pour cette nuit avant de se rendormir.

Contrairement à la Sorcière qui agissait après le tour des loups, le Salvateur jouait avant eux et n'avait, en plus, aucune limite dans le nombre d'utilisation de son pouvoir, sa seule contrainte étant qu'il ne pouvait pas protéger la même personne deux fois de suite. Il courrait aussi le risque que les loups, s'apercevant au début du tour du village que personne n'était mort, ne l'élimine la nuit suivante afin de se débarrasser de celui qui les privait de leur dernière victime en date.

—Vient enfin le tour des loups-garous, tous trois assoiffés de sang. Qui donc croquera le mieux sous leurs crocs acérés ? Ce villageois bien dodu juste ici ? Ou bien le plus jeune qui semblait bien tendre ? Leur choix fait, ils se rendormirent…

Suite à la précédente partie, une règle avait été ajoutée pour le tour des loups : ne pas tuer la première personne qui avait été éliminée lors de la partie précédente. Cependant, cette immunité fut étendue à Ivan car si Mylène avait effectivement été la première victime du jeu, les loups s'étaient aussi acharnés sur lui durant deux tours, faisant que pour cette fois, il y avait deux joueurs qui n'avaient pas le droit d'être tués la première nuit. Heureusement, les loups-garous avaient encore plein d'autres victimes potentielles à leur portée et, vu le temps qu'ils mettaient à se décider, c'était clairement trop de choix pour eux trois.

—Le jour se lève sur le village et tout le monde se lève ! s'exclama Nino en se plaçant près du bureau tandis que tous ouvraient les yeux. A la grande joie de tous, personne n'est mort cette nuit !

Comme lors de la partie précédente, aucun mort n'était à déplorer sur le premier jour. En revanche, cela n'était pas de bon augure du tout pour le village car cela pouvait signifier deux choses : les loups-garous avaient repéré soit le Salvateur, soit l'Ancien. Dans les deux cas de figure, ils risquaient donc de chercher à éliminer cette personne la journée, ne serait-ce que pour savoir qui ils avaient réellement trouvé car dans les deux cas, ils y gagnaient, surtout si c'était l'Ancien.

—Oh super… soupira Alya en constatant cela. On est bien dans la mouise pour le coup.

—Pourquoi donc ? demanda Kim qui ne voyait pas quel était le problème.

—Il y a une chance pour que les loups-garous aient trouvé l'Ancien… supposa Adrien qui s'était bien documenté sur le jeu depuis leur partie précédente. Or, ils ont plutôt intérêt à ce qu'il meure via les votes du village si je ne me trompe pas.

—Comment cela ? questionna Rose, révélant tout haut ce que la majorité des novices pensaient tout bas. Leur but est d'éliminer le village non ?

—En fait, tant que des gens avec des pouvoirs gênants pour eux sont en jeu, tuer l'Ancien la journée est très intéressant pour eux, révéla Juleka. Sa mort par le village change toutes les cartes avec pouvoirs en simples villageois.

Face à cette nouvelle, toute la classe ne put s'empêcher de déglutir, comprenant à présent pourquoi les deux joueuses les plus expérimentées de la partie avaient râlé à propos de ce rôle. Même si la composition était très défensive, poussant les joueurs à plus réfléchir à leurs votes, elle recelait deux rôles assez retors pour le village. L'Ancien était le premier d'entre eux et tout le monde allait devoir la jouer fine, surtout que le second rôle retors de la partie pouvait faire très mal si celui-ci venait à être activé dans de mauvaises conditions.

—Vous avez encore neuf minutes et des poussières pour vous mettre d'accord sur vos votes, leur signala Nino en montrant le minuteur sur son téléphone. Les gaspillez pas !

Sans attendre, chacun donna sa défense, à commencer par Adrien qui n'avait rien à se reprocher puis Alya qui déclara la même chose. Tout le tour de la table fut fait, certains un peu moins sûrs d'eux que d'autres comme Rose qui s'emmêlait les pinceaux et Marc qui était nerveux, probablement parce que c'était sa première partie. Après que Sabrina ait donné sa défense, ce fut le tour de Chloé… qui, depuis qu'elle s'était assise à sa place, avait obstinément gardé les bras croisés contre sa poitrine et n'avait plus ouvert la bouche, un air boudeur sur le visage.

—Euh… hésita le meneur du jeu en voyant l'attitude de la fille du maire. C'est à toi de parler Chloé…

—Je n'ai rien à dire ! fit la peste de la classe sur un ton acide.

—C'est bien le moment de faire un caprice… lâcha Marinette, exaspérée par l'attitude de sa rivale. Chloé, nous sommes en pleine partie donc si tu ne participe pas, tu vas finir éliminée !

—Je ne voulais pas jouer je vous signale ! Seulement, on m'a interdit d'être spectatrice !

Oui, avant la distribution des rôles, la fille du maire ne tenait pas spécialement à jouer, n'ayant probablement pas bien digéré le résultat de la partie précédente où Adrien, qui s'était avéré être un Loup-garou en couple avec Cupidon, s'était servi d'elle pour essayer d'assurer sa victoire, une stratégie qui s'était retournée contre lui à cause de Nathaniel qui avait fini par voir clair dans son jeu et qui avait réussi à convaincre Sabrina de le suivre, permettant au village de remporter la victoire. Seulement, quand Chloé avait dit qu'elle voulait juste regarder pour cette fois, Alya et Marinette avaient exprimé leur vif désaccord, craignant que leur camarade ne fausse le jeu en faisant des commentaires mal venus. Du coup, il lui avait été clairement dit que si elle voulait rester, elle devait jouer, ce qui lui avait quelque peu déplu vu son attitude. Il était cependant étonnant qu'elle n'ait pas quitté la salle en claquant la porte derrière elle…

—Chloé, fit Adrien, l'air peiné. S'il te plait, tu veux bien jouer ? Ça me fait déjà très plaisir que tu ais accepté de rester…

—S'il te plait Chloé ! la supplia à son tour Sabrina. Ce sera moins amusant sans toi !

—Le jeu était très vivant la dernière fois avec toi ! ajouta Rose avec un grand sourire. Joue avec nous !

—Allez Chloé ! lança Alix, l'air agacé. Dis-toi que c'est qu'un jeu !

Face à plusieurs regards sur elle dont certains qui avaient sorti leur plus beaux yeux de chien battus, la fille du maire était déboussolée, ne sachant trop comment réagir. Puis elle réfléchit un instant et juste après, son air boudeur laissa place à ce sourire plein d'assurance auxquels ils étaient habitués.

—Puisque vous insistez, fit Chloé en changeant de position, posant ses coudes sur la table et son menton sur ses mains. Je n'ai rien fait de particulier cette nuit mais vu que nous avons tous dit cela, l'un de nous doit bien mentir… N'es-tu pas de cet avis Adrichou ? Ou bien m'as-tu encore joué un vilain tour ?

—Je te jure que je suis innocent ! répondit Adrien, gêné par ce surnom mais ravi que son amie d'enfance se décide enfin à participer aux débats. Et si on veut débusquer un loup, il faut faire vite.

—Ou alors on vote pas et on laisse le mouton faire son truc ! fit Kim en se balançant sur sa chaise, mettant ses bras derrière sa tête.

—Pas bon plan du tout Kim, signala Alya en le fusillant du regard, imitée par d'autres de ses camarades. Et je te signale que le pouvoir du Bouc Emissaire ne se limite pas à mourir en cas d'égalité donc il vaudrait mieux faire avancer le débat.

Oui, l'autre carte à double-tranchant pour le village était sans conteste le Bouc Emissaire qui, en cas d'égalité au sein du village, était tué au lieu de lancer un nouveau vote. Or, ses capacités ne se limitaient pas à cela car il pouvait, le jour suivant, priver certaines personnes de leur droit de vote, ce qui était très dangereux pour tous, y compris les loups-garous dans le cas où le Bouc Emissaire avait potentiellement repéré l'un d'eux. En prime, avec un Ancien dans la partie, cela ne jouait pas du tout en faveur du village…

Un passage en revue des défenses de chacun fut à nouveau fait mais suite à sa remarque, Kim était clairement devenu suspect pour la majorité, ce qui jouait en faveur de Marc et de Rose dont les défenses étaient moins solides.

—Moins d'une minute ! signala Nino en montrant l'écran de son téléphone. Il est temps de voter !

—Comme il faut bien se lancer, je vote Kim pour sa remarque stupide sur le Bouc Emissaire, fit Alya en pointant le sportif du doigt. J'espère pour toi que tu es le Bouc Emissaire ou un loup…

—Mais non ! s'exclama le concerné, moins confiant tout à coup. Et puis qui me dit que t'es pas louve ?

En représailles, Kim vota contre Alya ce qui, sans réelle surprise, lui valut de se faire voter par Marinette, Mylène et Ivan. Si Max suivit son ami en votant contre la journaliste, seule Juleka le suivit, Rose s'étant abstenue, tout comme Adrien et Marc. En revanche, certains furent surpris de voir que Chloé aussi avait décidé de ne pas voter, attirant sur elle le vote de Nathaniel qui trouvait cela suspect de sa part, même si Adrien avait supposé que c'était un caprice de la part de son amie d'enfance.

—Je… fit Sabrina, clairement hésitante. Je ne sais pas trop… Alya a raison pour le Bouc Emissaire…

—J'suis d'accord, approuva Alix avant de désigner Kim, faisant lâcher un hoquet de surprise à ce dernier. Pas d'égalité comme ça.

—C'était juste, nota Nino avant de s'avancer vers Kim. Le village a donc décidé de pendre Kim haut et court ! Une fois passé sur l'échafaud, tous découvrirent…

D'un geste, le DJ révéla à tous la carte au fond jaune pâle qui soulagea un peu les joueurs encore présents, même si cela signifiait la perte d'un innocent.

—… qu'il n'était qu'un Simple Villageois ! déclara le meneur du jeu tandis que Kim quitta la table en grommelant. Tous se rendormirent avec la boule au ventre…

Si perdre un innocent n'était pas une bonne nouvelle, le fait que ce ne soit pas l'Ancien ou le Salvateur signifiait qu'ils avaient encore de quoi résister aux loups-garous… mais pour combien de temps ?

—Avec ses dons de protecteur, le Salvateur s'éveille pour protéger un villageois, poursuivit Nino en marchant dans la salle. Qui sera donc l'heureux élu ? Son choix étant fait, le Salvateur se rendort…

Qui que soit celui ayant cette carte, il n'avait pas perdu son temps mais il courait le risque d'avoir protégé un loup-garou par erreur. Il se devait donc de bien choisir, même si cela était compliqué.

—Affamés après avoir dû jeuner la nuit précédente, les loups-garous cherchent quel sera leur prochain repas. Qui sera donc leur malheureuse victime ? Une fois repus, les loups se rendorment…

Suite à la nuit précédente, les loups-garous savaient qu'il y avait un joueur qui était potentiellement un Ancien ou un Salvateur. Ils pouvaient donc choisir de s'acharner sur lui pour en avoir le cœur net ou bien choisir quelqu'un d'autre afin de continuer à mettre la pression sur le village. Le choix n'était pas simple à faire car, encore une fois, ils mirent du temps à se mettre d'accord avant que leur tour ne prenne fin.

—Le soleil illumine le village sous le chant du coq ! s'exclama Nino qui, cette fois, fit le tour des tables. Le village se réveille et découvre…

D'un geste vif, le meneur de jeu prit la carte d'un des joueurs et la retourna, dévoilant à tous sa face jaune pâle qui n'enchanta personne, surtout sa propriétaire qui avait laissé échapper un petit cri surpris.

—… la mort de Rose, la plus gentille des simples villageoise, révéla le DJ tandis que Rose, après un câlin à Juleka, alla rejoindre Kim en simple spectatrice. Cinq minutes de débats cette fois-ci !

—Je crois que Rose faisait partie des suspects au tour précédents, non ? fit remarquer Ivan qui avait été très attentif depuis le début.

—Oui, elle et Marc avaient les moins bonnes défenses, confirma Marinette en se remémorant ce tour. Seulement, le premier tour est toujours délicat…

—C'est très difficile, oui, admit Marc qui essayait de suivre la partie comme il le pouvait. J-j'étais tellement nerveux que j-j'ai bafouillé.

—Dis donc Dupain-Cheng, tu ne chercherais pas à l'innocenter à tout hasard ? fit Chloé, lançant un regard suspicieux à sa rivale. Je te rappelle quand même que la précédente partie a été remportée par des débutants !

—Tu avais surtout eu de la chance que Nat' ait compris que tu étais en train de te faire rouler par les loups car sans ça, tu aurais perdu ! lui signala la styliste en herbe en haussant le ton.

—Ça faisait longtemps… soupira Alya en voyant que Chloé et Marinette étaient prêtes à se sauter à la gorge avant de se tourner vers Adrien. T'es certain que t'es pas loup car là…

—Ni loup, ni en couple, lui assura le mannequin qui était en grande réflexion. Mais j'avoue que cela ressemble à la stratégie que j'avais faite pour la dernière partie. Seulement, je n'ai pas l'impression que les morts soient en représailles de votes vu que Rose n'a pas voté…

Adrien s'en souvenait bien vu qu'il avait été le meneur des loups-garous de la précédente partie : Kim avait insisté pour éliminer Ivan, Alix avait été visée pour avoir lancé les votes sur Kim puis Nino et Juleka avaient été éliminés car il avait estimé qu'ils étaient la menace la plus probable pour lui. Ce qui lui avait coûté la victoire, c'était qu'il n'avait pas réussi à découvrir que Sabrina avait le rôle du chasseur et avait, à tort, pensé que c'était Chloé qui avait cette carte.

—Il faut quand même signaler que certains sont bien calmes depuis le début, signala Alix dont le regard allait de Sabrina à Adrien en passant par Marinette. Par rapport à la partie précédente, c'est un peu étonnant non ?

—C'est même assez suspect, ajouta Juleka qui n'avait rien dit depuis l'élimination de Rose. La discrétion est une des stratégies possible mais elle peut aussi se retourner contre celui qui l'utilise.

—Parce qu'en fait, cela peut attirer l'attention des autres qui se demandent pourquoi cette personne ne participe pas, en conclut Nathaniel qui semblait pensif. Comme Adrien qui, cette fois, n'a pas mené le débat.

—Marinette aussi parle moins que la dernière fois, souligna Mylène qui ne semblait pas très sûre d'elle. Et Sabrina…

—Je suis innocente ! s'exclama la concernée avant de se recroqueviller sur sa chaise.

—Le temps de parole de tous par rapport à la précédente partie ne joue pas en leur faveur, admit Max qui semblait ennuyé. Seulement, je n'ai pas assez de données pour émettre un vote clair donc je préfère réfléchir avant de voter.

—Moi pas, déclara Chloé qui, sans surprise, vota contre Marinette. Un simple soupçon me suffit pour voter quelqu'un !

—On avait remarqué oui… fit la jeune styliste qui s'apprêtait à voter contre sa rivale avant de se raviser et de désigner Sabrina.

Les suspicions sur ce tour étant sur trois joueurs, les votes se répartirent ainsi : Chloé et Sabrina votèrent contre Marinette, Juleka et Alix contre Adrien avant que cette dernière ne change pour Marinette, puis Marinette, Alya et Mylène contre Sabrina. Ivan, très hésitant, voulu d'abord voter Chloé avant de se reporter lui aussi sur Sabrina tandis que Max finit par choisir de voter Marinette, créant une égalité entre cette dernière et Sabrina ne pouvant être rompue que par ceux n'ayant pas encore voté. Nathaniel et Marc ne furent pas ceux qui y mirent fin, tous deux votant contre Chloé, ce qui ne laissa qu'Adrien… qui refusa de s'exprimer à l'étonnement général, créant ainsi une situation qui était redoutée par les plus expérimentés sur ce jeu : une impossibilité de se mettre d'accord.

—Après discussion, le village fut divisé, déclara Nino en s'avançant vers les tables du fond. Incapables de se mettre d'accords, les habitants décidèrent que leur Bouc Emissaire allait être sacrifié !

D'un geste, le meneur du jeu prit la carte d'Ivan et dévoila à tous son fond rouge vif, révélant à tous qu'il était le Bouc Emissaire, rôle dont le pouvoir ne pouvait s'activer que lorsque le village était incapable de décider qui éliminer. A présent, il avait la possibilité de choisir qui allait ou non pouvoir s'exprimer durant le prochain tour du village…

—Ivan, vu ton rôle, tu dois décider si, oui ou non, tu ôtes à certains leur droit de vote pour le tour suivant, lui rappela le DJ alors que son camarade se levait de sa chaise.

—Bien sûr, fit ce dernier avant de désigner quatre joueurs. Adrien, Marinette, Sabrina et Chloé perdent leur vote sur le tour suivant.

—QUOI ? fit la fille du maire, n'appréciant guère cette nouvelle, un sentiment que sa rivale semblait grandement partager. Nino, qu'est-ce qu'il t'a pris de mettre une carte pareille dans la partie ! C'est ridicule !

—On peut continuer ? demanda Alya, cela même si elle était du même avis que la fille du maire.

Tandis que Chloé marmonnait dans son coin contre cette entrave à la démocratie, Ivan prit sa chaise et alla rejoindre Rose et Kim près du bureau.

—Le village se rendort après cette amère défaite, fit le maître du jeu tandis que tous fermèrent les yeux. Le Salvateur s'éveille et, prudemment, use de son pouvoir de protection avant de se rendormir, espérant empêcher les loups de faire un nouveau bain de sang.

Ne pouvant protéger qu'un seul joueur par nuit, le Salvateur se devait de bien choisir, surtout avec cette limite qui l'empêchait de protéger deux fois de nuit la même personne. Seulement, il semblait déjà avoir prit sa décision, son tour ayant été très bref.

—Enchantés par ces victoires, les loups-garous sortent leurs griffes pour faire un nouveau repas. Qui sera donc leur victime ? A quelle sauce la manger ? Le choix n'est pas simple mais il faut pourtant se décider. Une fois repus, les loups se rendorment pour se mêler à nouveau aux villageois…

Décidément, ceux jouant les Loups-Garous ne parvenaient pas à se mettre facilement d'accord, leur tour ayant encore une fois mit du temps à se terminer. Avec le pouvoir du Bouc Emissaire actif, certaines tactiques s'offraient à eux mais encore fallait-il que les villageois ne remarquent rien. La seule chance du village était que leur Bouc Emissaire n'avait pas commis la grave erreur de ne laisser qu'une seule personne pouvant voter, ce qui aurait pu grandement jouer en faveur des loups-garous qui n'auraient eu qu'à l'éliminer pour gagner un tour de jeu… si bien sûr ce villageois était innocent.

Cependant, certains notèrent qu'à un moment, deux légers coups furent frappés quelque-part… mais où ?

—Le soleil éclaire à présent le village, permettant à tous de découvrir que personne n'était mort cette nuit ! révéla Nino, faisant grimacer Alya et Juleka. Les loups sont rentrés chez eux le ventre vide !

—Les probabilités sont plus que contre nous maintenant, souligna tout de suite Max en remettant ses lunettes en place. Les chances pour que les loups aient trouvés le Salvateur et l'Ancien son-

—Ils les ont trouvés tous les deux, on avait compris ! coupa Alix en soupirant d'agacement. Là on est vraiment obligés de bien voter car autrement, ils vont gagner alors qu'on a toujours aucune idée de qui ils sont !

—I-il y a b-bien ceux qu'Ivan a privé de leur d-droit de vote, rappela Marc, peu sûr de lui. Mais e-est-ce que l'un d-d'eux est loup pour autant ?

—Et puis c'était quoi ce que l'on a entendu à la fin du tour des loups ? demanda Nathaniel, clairement perplexe. Cela venait de dehors ?

—Non, ça venait d'ici, répondit Marinette qui était aussi perplexe que le dessinateur. Par contre, je ne sais pas d'où ça vient. C'était vraiment discret…

—C'est pas logique… fit Juleka, pensive.

Déjà lors de la précédente partie, un bruit suspect avait déjà été entendu durant le tour des loups mais celui-ci avait été plus aisé à repérer que celui-ci, ce qui avait permis d'éliminer le loup ayant eu la mauvaise idée de faire grincer sa chaise à cet instant précis. Cependant, le son entendu sur cette partie était bien plus aisé à manquer, faisant que seules certaines personnes avaient pu le percevoir mais trouver son origine promettait d'être très ardu…

—Je n'ai rien entendu, déclara Sabrina, imitée par Max, Mylène et Alix.

—Vous êtes certains que vous ne l'avez pas imaginé ? questionna Chloé, sceptique.

—Accuse-nous d'inventer si ça t'amuses, râla Marinette qui ignora vite sa rivale. Tu en penses quoi Alya ?

—Y a un truc bizarre pour moi, admit la journaliste en herbe avant de tourner brièvement son regard vers son autre voisin de table. Je serais étonnée que ce soit ano-

Alya ne termina pas sa phrase, une sorte d'éclair de compréhension semblant se produire dans sa tête. Puis brutalement, elle se tourna vers Adrien et le pointa du doigt, cela à la surprise quasi générale.

—Toi, t'es pas clair du tout ! s'exclama-t-elle avec un sourire en coin. Défend-toi vite ou je ne retirerai pas mon vote !

—Je jure que je suis innocent ! déclara de nouveau Adrien en levant ses mains devant lui. Je n'ai rien fait à Sabrina cette nuit !

Ces simples paroles attirèrent l'attention de tous sur le mannequin, leurs regards étaient à la fois étonnés et choqués de ce lapsus révélateur… mais cela ne semblant nullement ébranler Adrien ou encore Alya dont le sourire s'était élargi.

—Finalement, je garde mon vote, déclara la journaliste, apparemment très satisfaite d'elle. Tu nous caches un truc toi…

—Adrien est innocent ! s'exclamèrent Marinette et Chloé, aucune d'elles ne pouvant faire autre chose pour tenter d'écarter les soupçons très forts qui pesaient sur lui.

—Ça c'est assez dur à croire pour le coup, répliqua Alix qui vota à son tour contre Adrien, suivie par Max et Mylène. Ivan a bien choisi à qui ôter leurs votes faut croire.

—C'est trop facile, nota Nathaniel qui semblait pensif. Il ferait vraiment ce genre d'erreur ?

—Je confirme que c'est lui le coup de la table, signala Alya, ce qui persuade le dessinateur de suivre le vote général. Je l'ai sentie vibrer sous mes mains quand il a tapé dessous mais c'était si faible que j'ai cru avoir rêvé au départ…

Alors que Marc suivit la tendance générale, Juleka préféra s'abstenir, trouvant que cela était très louche… ce qui se confirma quand tous virent le grand sourire sur le visage du mannequin, créant un fort doute chez la majorité.

—Une sec- commença Alix mais un signe de Nino lui coupa la parole.

—Désolé mais le temps est écoulé, signala le meneur de jeu avant de se placer près de son meilleur ami. Le village a donc décidé d'éliminer Adrien et, au moment de le pendre…

Visiblement très amusé par la situation, le jeune mannequin révéla lui-même son rôle, faisant comprendre à tous qu'il ne mentait pas en se disant innocent : sa carte était d'un jaune vif avec un visage bicolore rouge et rose pâle.

—… ils découvrent que c'était en fait l'Idiot du Village ! dévoila le DJ, étonnant presque tous à l'exception d'Alya qui semblait très satisfaite de ce résultat et dont le mannequin nota le regard aller brièvement d'un côté de la pièce. Face à cette révélation, il est immédiatement gracié car, après tout, que vaut le vote d'un idiot ?

Pour comprendre ce qu'il s'était passé ici, il fallait savoir qu'Adrien, réalisant que les loups risquaient fort de profiter de cette occasion pour faire soupçonner l'Ancien ou le Salvateur, avait réfléchi à comment réussir à renverser la situation ou, au moins, gagner du temps. Ce fut lors du tour des loups qu'il réalisa que le pouvoir de son rôle risquait fort de lui être utile et il attendit sciemment que Nino commence à indiquer que le tour des loups prenait fin pour donner deux léger coups sous sa table, suffisant pour ne pas risquer d'être repéré par les loups mais par Alya qu'il estimait innocente depuis le début. Le tour du village lui donna raison quand elle joua son jeu et ainsi, permis d'activer le pouvoir de l'Idiot du Village qui lui permettait de rester en jeu… en échange de son vote pour tout le reste de la partie.

—Ayant de peu échappé au pire, le village se rendort, conta Nino en se déplaçant dans la salle. S'éveillant discrètement, le Salvateur use de son pouvoir protecteur afin d'essayer de stopper les loups. Cela suffira-t-il ? Il se rendort, l'esprit tourmenté…

Si un rôle était clairement en danger à présent, c'était celui du Salvateur qui risquait fort d'avoir été repéré par les loups. Soit ceux-ci allaient le tuer dans la nuit, soit faire en sorte qu'il soit éliminé par les villageois…

—De nouveau affamés après avoir été privés de leur victime, les Loups-garous se réunissent, profitant de la nuit pour que personne ne puisse les apercevoir. Qui sera donc leur cible ? Le choix n'est pas facile face à de tels adversaires et après un long débat, ils se rendorment pour mieux se fondre dans la masse au petit matin.

Pour la quatrième fois consécutive, le tour des loups était long… même plus long que les trois précédents, ce qui ne laissait plus aucun doute possible : ils n'arrivaient clairement pas à se mettre d'accord, signe qu'au moins deux d'entre eux n'étaient pas du tout sur la même longueur d'ondes et que soit le troisième était celui qui tranchait, soit il n'arrangeait pas le problème. Combien de temps allaient-ils tenir ainsi ?

—Le chant du coq résonne au village, réveillant tous ses habitants ! annonça Nino en faisant le tour des tables. Seulement, sous les rayons du soleil, ils découvrirent avec horreur…

Le meneur de jeu laissa planer un temps le suspense, marquant un temps d'arrêt près de Sabrina, puis près de Marc… avant d'aller prendre la carte de Mylène, révélant à tous son fond noir et les deux mains dessinées dessus.

—… La mort de Mylène qui était Salvateur, révéla le DJ tandis que leur camarade alla rejoindre les autres joueurs éliminés. La pauvre n'aura pas pu échapper aux loups.

Avec la perte du Salvateur, le village perdait toute chance de pouvoir sauver une victime mais cela signifiait aussi qu'à présent, l'Ancien n'était plus une menace car il n'y avait plus aucune carte en jeu avec un pouvoir spécial qui risquait d'être affectée par sa mort. Les loups n'avaient donc plus aucune raison de lancer de votes sur lui s'ils l'avait bel et bien déniché.

—Merci à Adrien et à Mylène car on a gagné un tour de jeu ! s'exclama Alya, plutôt satisfaite de ce résultat. Bien joué ton coup fourré au fait.

—Merci Alya, lui répondit le mannequin avec un sourire en coin. Je n'étais pas persuadé que ça marcherait.

—C'est même un peu limite vis-à-vis des règles mon pote, lui signala Nino, l'air faussement embêté. Ça passe pour cette fois mais recommence pas.

—Et bien vu le faux lapsus, ajouta Juleka. C'était un bon plan ça.

—Bon, on peut reprendre le cours du jeu là ? demanda Alix qui s'impatientait. Ça commence à m'énerver de ne pas trouver de loup !

—J'ai l'impression de rater un truc évident depuis tout à l'heure, avoua Marinette, pensive. J'ai du mal à trouver quoi.

—Même chose pour moi, fit Max, suivit par Nathaniel et Juleka. On sait juste que les loups mettent pas mal de temps à se décider…

—Ton opinion Chloé ?

Face à la question d'Alya, la fille du maire eut un bref instant de surprise avant d'hausser les épaules, intriguant toute la classe, plus particulièrement sa rivale qui se mit à se remémorer très vite le déroulement de la partie. Puis soudain, elle réalisa où était le souci et un échange de regard avec sa meilleure amie lui indiqua vite qu'elles avaient pensé à la même chose.

—Arrêtez de me fixer ! lança Chloé en notant que trois personnes la regardait avec insistance. Je suis au même point que vous !

—Vraiment ? fit Adrien, sceptique. C'est étrange car lors de la dernière partie, tu participais beaucoup plus aux débats.

—Exact, confirma Alya, suspicieuse. D'ailleurs, je te trouve bien discrète si on excepte ton caprice du premier tour. C'est assez étrange venant de toi.

—Et soyons honnêtes Chloé, fit Marinette dont le regard bleu était devenu perçant. Si tu étais louve, je serais ta première victime et ça, les autres loups le savaient surement donc à tous les coups, c'est parce que tu voulais m'éliminer que le tour des loups durait si longtemps…

—C'est ridicule ! s'exclama Chloé qui, à présent, était en colère. Tu oses me dire que je serais incapable de mener une meute vers la victoire ? Comme si j'étais assez stupide pour te viser toi à chaque fois…

A cet instant, Alix et Nathaniel se montrèrent suspicieux vis-à-vis de la fille du maire, chacun ayant réalisé que l'attitude de cette dernière ne collait pas avec celle qu'elle avait eue lors de la précédente partie. Qui plus est, tous deux avaient fini par s'apercevoir qu'elle n'avait quasiment pas provoqué la styliste, attirant bien moins l'attention sur elle que d'ordinaire.

—Marinette a juste parlé du premier tour, souligna Marc, faisant déglutir Chloé. Or, si je ne me trompe pas, le seul tour où tu as voté contre elle, c'était le second. Au premier tour, tu t'étais abstenue…

—… Et j'avais trouvé ça assez suspect pour t'accuser, ajouta le dessinateur en pointant du doigt la fille du maire. J'ai l'étrange impression que ma première idée était la bonne.

—J-je suis innocente ! s'exclama Chloé qui perdait visiblement en assurance, ce qui s'accentua quand Marinette, Marc, Juleka et Alya suivirent Nathaniel. V-vous vous t-trompez ! C'est r-ridicule… T-totalement…

—J'en reviens pas ! fit Alix en votant comme ses camarades, un sourire amusé aux lèvres. Chloé Bourgeois a oublié de s'épiler !

—Je suis désolée Chloé mais ils ont raison, s'excusa Sabrina avant de voter contre son amie, suivie par Max.

Face à cette large majorité contre elle, la fille du maire grogna de rage et pointa son amie du doigt avant de quitter sa place pour aller se placer derrière le bureau, face au mur et les bras croisés contre sa poitrine, le tout sous les regards de ses camarades qui n'osaient rien dire.

—D'accord… fit Nino avant de reprendre son rôle de meneur de jeu. Le village choisit donc d'éliminer Chloé…

Le DJ dévoila la carte de la fille du maire et, sans surprise, celle-ci avait un fond rouge sombre avec une tête de loup en son centre.

—… qui était un loup-garou ! Le village est satisfait d'en avoir enfin trouvé un !

Cela n'avait pas été évident mais oui, ils avaient enfin réussi à éliminer un des Loups-Garous… mais cela leur avait coûté trois tours de jeu et le Salvateur, faisant qu'il ne leur restait que leur logique et leur instinct pour débusquer les deux derniers.

—A présent seuls à agir la nuit, les deux derniers Loups-garous se réunissent pour décider de qui sera leur prochaine victime. Qui donc ne se réveillera pas demain ? Leur choix fait, ils se rendorment…

Cette fois, le tour des loups avait été plus rapide, confirmant à tous qu'il y avait bel et bien eu des désaccords entre eux jusqu'à l'élimination de Chloé. A présent, ils mettaient moins de temps à se décider.

—Le village s'éveille et découvre… commença Nino avant de retourner la carte de Sabrina, dévoilant son fond vert émeraude à tous. … La mort de Sabrina qui était Ancien.

Alors que la rousse quittait la table, certains ne purent s'empêcher de noter que Chloé avait voté contre elle juste avant son élimination et qu'à priori, les deux autres loups avaient suivi ce vote. Etrange…

—L'Ancien n'était plus une menace pour le village en cas de mauvais votes donc ce n'était plus utile de le garder en jeu, en conclut Alya qui n'était plus très satisfaite. Seulement, y a un truc qui ne va pas.

—Je trouve aussi, approuva Adrien dont les yeux verts faisaient le tour des tables. Il faudrait revoir les défenses de chacun je crois…

—Je n'ai rien fait pour ma part ! lança Alix en croisant les bras derrière sa tête. J'suis aussi étonnée que vous du choix des loups et puis perso, j'aurais pas ciblé Mylène.

—Même chose pour moi avec Rose, ajouta Juleka d'un ton monotone. Et puis il aurait été plus facile d'éliminer Adrien maintenant que son rôle est connu.

Oui, même privé de son vote, l'Idiot du Village pouvait finir comme victime des loups à tout instant et se faire éliminer du jeu. Tant qu'il n'était pas ciblé la nuit, il gardait le droit de participer aux débats.

—Je crois savoir ce qui cloche, déclara Max avant de pointer du doigt Nathaniel, faisant sursauter ce dernier. Statistiquement parlant, Nathaniel ayant gagné la partie précédente, ses chances d'être éliminé les premiers tours étaient plus hautes que la normale. Or, il est toujours là !

—Il n'a peut-être juste pas été pris pour cible, contra Marinette, approuvée silencieusement par Marc.

—Et j'avais voté contre Chloé dès le début, rappela Nathaniel avec justesse. Excepté avec Adrien, je n'ai jamais changé mon vote.

—Justement, c'est bizarre, finit par dire Alya, l'air pensive. En toute logique, cet acharnement aurait dû pousser les loups à l'éliminer pour éviter qu'il ne lance les votes sur Chloé. Seulement, à moins que Mylène n'avait usé de son pouvoir sur lui, ce qui me semble peu probable, j'ai du mal à comprendre en quoi il serait innocent.

Face à ces arguments, la journaliste suivit Max, imitée par Juleka, tandis que Marinette, peu sûre d'elle, vota contre Max sous prétexte que Nathaniel était innocent à ses yeux. Adrien, ne pouvant pas voter, essaya de comprendre ce qui était en train de leur échapper en se remémorant les actions de chacun. Certes, le dessinateur était connu pour ne pas porter Chloé dans son cœur et avec l'autre loup, il lui aurait à coup sûr tenu tête mais le mannequin doutait fort que son amie d'enfance aurait apprécié longtemps qu'il la vote en permanence, surtout qu'il suspectait qu'elle avait dû être tentée de l'éliminer à plusieurs reprises pour ce motif.

En prenant tout cela en compte, pour lui, Nathaniel était innocent mais pourquoi les deux autres loups l'auraient gardé si longtemps dans le jeu s'il était une menace potentielle pour l'un d'eux ? Pour Adrien, cela n'avait pas trop de sens… jusqu'à ce qu'il réalise soudain qu'ils avaient complètement oublié un rôle bien précis, celui-ci n'ayant pas refait parler de lui depuis le premier tour. A cet instant, tout devint clair et il dût se retenir de se frapper la tête pour ne pas avoir envisagé cela plus tôt.

—Attendez ! s'exclama le mannequin alors qu'Alix et Marc s'apprêtaient à voter contre le fan de jeux vidéo. Nous avons totalement oublié Cupidon ! A tous les coups, c'est l'explication sur le pourquoi Nathaniel est encore présent !

—Le couple… fit Juleka, la mine sombre. Nathaniel est en couple avec un autre joueur.

—Et c'est surement un loup ! Cela justifierait qu'il n'ait pas été éliminé par eux !

—J'suis d'accord, approuva Alix dont le regard alla vers Marinette. D'ailleurs, ce serait pas toi Mari ? Ça expliquerait pas mal de trucs…

—Je suis innocente ! riposta la jeune styliste, ses joues légèrement rougies par la gêne. Je ne suis pas en couple non plus ! J'ai juste dit que, pour moi, Nathaniel était innocent.

—Et tu as raison, lui dit Adrien avant de tourner son regard vers le voisin de droite du dessinateur. En revanche, j'ai quelques doutes sur Marc, surtout depuis que je me suis souvenu qu'après le premier tour, il n'a fait que copier les votes de Nathaniel.

En entendant cela, l'écrivain, déjà nerveux de base, l'était encore plus, son teint ayant subitement pâli tandis que les autres réalisèrent qu'effectivement, Marc ne votait que si Nathaniel avait voté avant lui et, à l'exception du premier tour, il n'avait fait que copier les choix de son voisin de gauche. L'écrivain n'était clairement pas à son aise face à tous ces regards qui se tournaient vers lui, tout son être semblant avoir rapetissé dès l'instant où le mannequin avait pointé du doigt la possibilité d'un couple traître.

—Laisse-le tranquille ! s'exclama le dessinateur en se levant de sa chaise, jetant un regard noir au mannequin. C'est sa première partie et il ne connait pas très bien le jeu !

—Ça ne veut pas dire pour autant qu'il est innocent, précisa calmement Adrien. Le jeu est ainsi Nathaniel et je suis certain que tu te souviens que lors de la première partie, personne n'aurait pensé que Rose était parmi les loups-garous.

L'argument fit mouche, Alix étant clairement en train de suspecter Marc tandis que Max était prêt à voter ce dernier. De plus, Alya et Juleka étaient en train de reconsidérer leurs votes respectifs, ce qui accentuait la nervosité de l'écrivain qui avait rabattu sa capuche sur sa tête pour mieux se dissimuler aux yeux des autres.

—Vu son attitude, c'est clair à plus de quatre-vingt-dix pour cent qu'il est loup ! s'exclama Max en votant Marc, suivit par Juleka et Alya qui avaient finalement changé d'avis. Les filles, vous dev-

—Tu veux bien te calmer cinq minutes Max ! le coupa Marinette en voyant que l'écrivain n'était vraiment pas à son aise. Tu es en train de lui faire peur !

—Je rappelle à certain que ce n'est qu'un jeu, ajouta calmement Nino tout en jetant un regard dur à Max, imité par Nathaniel et Alya. Même si je comprends que l'on peut se passionner pour un jeu, ce n'est pas une raison valable pour blesser les autres, c'est bien clair tous ?

—Très clair… lâcha le fan de jeux-vidéos en baissant la tête. J'suis désolé si je me suis emporté…

—Bien. Vu que le temps des débats est écoulé, c'est le moment de voter en votre âme et conscience.

Probablement parce qu'elle n'a guère apprécié que Max se soit un peu laissé emporté, Marinette décida de maintenir son vote contre lui, suivie par Nathaniel puis, timidement, par Marc. En revanche, Max, Alya et Juleka restèrent sur Marc, ne laissant plus qu'Alix qui, après avoir lâché un soupir, vota contre l'écrivain.

—Bien que divisé, le village choisit à la majorité d'éliminer Marc, déclara le meneur de jeu tandis que l'écrivain, encouragé par le dessinateur, ôta sa capuche. Seulement, l'annonce de sa pendaison plongea Nathaniel, son aimé, dans le chagrin. Il décida de le rejoindre dans la mort.

Le dessinateur tendit leurs cartes à Nino avant que lui et Marc ne quittent la table, confirmant ainsi qu'ils étaient bien le couple de la partie. Le DJ révéla ensuite à tous leurs rôles.

—Ainsi, le village découvrit que Marc était un loup-garou et que Nathaniel était un Simple Villageois ! déclara le meneur du jeu, prouvant qu'Adrien avait bien deviné qui était l'innocent dans le couple. Face à cette victoire amère, le village se rendort…

Avec deux joueurs en moins, il ne restait plus grand monde en jeu, cela même si l'on comptait Adrien qui avait perdu son droit de vote. Certes, cela augmentait les chances les chances de trouver le dernier loup, surtout vu qui était encore dans la partie, mais cela allait-il être si facile ?

—Dernier survivant de sa meute, le dernier des loups-garous se réveille et fait tranquillement son repas avant de se rendormir…

Suite à l'élimination de Marc, il était clair que le loup ayant tenu tête à Chloé ne pouvait pas être lui mais cela n'était pas de bon augure car, parmi les survivants, il y avait une majorité de caractères forts qui avaient déjà plus d'une fois dit sa façon de penser à la fille du maire. Cela n'allait pas du tout aider à innocenter quelqu'un…

—Entendant le chant du coq, le village s'éveille au petit matin, fit Nino en faisant le tour des tables. Cependant, ils ne tardent pas à découvrir le corps sans vie de…

D'un geste vif, le DJ prit une des cartes de l'un des joueurs, révélant celle d'un Simple Villageois qui n'avait pas eu de chance.

—… Max qui était un Simple Villageois, dévoila le meneur de jeu tandis que le fan de jeux-vidéos quitta sa place, la tête baissée. C'est l'heure des débats !

—Bon ben on sait au moins que le dernier loup est une fille, fit remarquer Alix en riant jaune. Génial…

Oui, à l'exception d'Adrien dont le rôle était connu de tous et que le dernier loup semblait vouloir garder en vie, les derniers joueurs présents étaient Alya, Marinette, Juleka et Alix. Vu les personnalités de chacune, cela n'allait que rendre le débat plus compliqué…

—Je ne connais pas très bien Marc mais je doute fort qu'il ait pu tenir tête à Chloé, dit Alya, prononçant tout haut ce que tout le monde pensait très fortement. Seulement, c'est un peu mal barré pour s'en sortir…

—Une chance sur quatre, fit Juleka dont le regard allait sur chacune de ses camarades. Pas évident…

—Et on ne peut pas franchement dire que le dernier loup soit aisé à repérer, grommela Marinette qui n'était clairement pas plus avancée que les autres.

—Bon ben… lâcha Alix avant de se tourner vers Adrien. Si t'as une idée, on est preneuses.

Le mannequin aimerait bien mais, malheureusement, excepté le fait qu'il était convaincu de l'innocence d'Alya, il n'avait aucune certitude sur les trois autres. Qui plus est, il restait encore étonné que le dernier loup l'ait gardé en vie alors qu'il représentait un risque durant les débats. Quelle utilité pouvait-il encore avoir qui justifierait un tel choix ?

—J'ai peur de ne pas être plus avancé que vous autres, avoua-t-il, ne trouvant rien dans les précédents tours qui en accusait une plus que les autres. Rien ne me saute aux yeux…

—Toi peut-être mais pas moi, admit la journaliste en herbe avant de se tourner vers Alix et Juleka. Les filles, vous ne trouvez pas suspect qu'Adrien soit encore là ? Genre… vraiment suspect ?

Si le mannequin ne semblait pas comprendre l'allusion cachée, ce n'était pas le cas des filles qui, soudain, se mirent toutes à fixer Marinette qui n'était clairement pas tranquille.

—Mais… fit-elle, l'air sincèrement étonnée de voir qu'elle était devenue suspecte. Mais je suis innocente !

—Le hic est que si on fait un classement de ceux ayant tenu tête à Chloé au moins une fois dans leur vie, t'as direct la première place Mari ! lança Alix, donnant le premier argument contre la styliste. En prime, t'avais déjà été suspectée au deuxième tour je crois…

—Et elle est plus discrète que durant la première partie, souligna Juleka, attisant les suspicions sur leur camarade. C'est pas net…

—Vous vous trompez ! s'exclama Marinette en voyant qu'Alix et Juleka la pointait du doigt. Je ne suis pas un loup !

La jeune styliste venait d'en prendre conscience, la présence même d'Adrien l'accusait, ce que toutes les filles de la classe savaient pertinemment. Elle le savait, elle aurait beau se défendre comme elle le pouvait, rien ne pouvait expliquer ça… faisant qu'elle ne fut guère surprise d'être votée par Alya, même si cette dernière semblait peu convaincue. Pour cette raison, elle préféra ne pas voter car cela n'allait rien changer au résultat final.

—Après un court débat, le village décida d'éliminer Marinette, déclara Nino après avoir constaté que les votes n'allaient pas changer. Ils la pendirent haut et court pour découvrir…

Avec un soupir résigné, la jeune styliste révéla sa carte à tous, donnant des sueurs froides à toute la classe quand ils découvrirent que celle-ci n'était pas avec un fond rouge sombre mais un fond bleu qui fit que trois personnes de la classe furent plus estomaquées que d'autres.

—… qu'elle était Cupidon ! révéla le meneur de jeu, laissant la majorité de la classe sous le choc de la découverte.

—Sérieusement ? fit Alya qui se remit de ses émotions plus vite que les autres. C'est une blague ?

—Non, je peux vous assurer que ça ne pouvait venir que d'elle, révéla Nathaniel dont les yeux lançaient des éclairs vers Marinette.

Durant le précédent tour, il avait apparu évident pour le dessinateur que la jeune styliste était forcément celle qui l'avait mis en couple avec Marc. Pas qu'il s'en plaignait, loin de là, mais il aurait préféré que, pour la première partie de l'écrivain, elle ait choisi d'autres cibles et il comptait bien lui en toucher deux mots…

—Est-ce que l'on peut se remettre dans la partie s'il vous plait ? demanda Nino tandis que Marinette alla rejoindre les autres éliminés du jeu, devant faire face au grand sourire de Chloé qui semblait grandement apprécier ce coup de théâtre. Ce n'est pas encore fini.

Tant qu'il y avait plus de villageois que de loups en vie, la partie n'était pas terminée. La seule exception était quand le dernier villageois en vie était le chasseur, un cas de figure qui déclenchait une défaite totale des deux camps vu que tous étaient morts.

—Le village se rendort dans la peur, reprit le meneur de jeu calmement. Le dernier loup s'éveille et, très amusé par la situation, croqua sa victime avant de se rendormir.

En théorie, avec deux villageois survivants contre un loup, il y avait une chance de victoire. Seulement, ce n'était pas si simple et cela, une certaine personne découvrit, trop tard, la vraie stratégie du dernier loup-garou lorsqu'elle réalisa que l'élimination de Marinette n'était pas la seule raison pour laquelle Chloé semblait de si bonne humeur…

—Au petit matin, les habitants se réveillent et découvrent…. commença Nino avant de retourner la carte d'Alix. La mort d'Alix qui était Simple Villageoise.

Normalement, elle aurait dû quitter sa chaise pour rejoindre les autres mais lorsque son regard vit la tête que tirait Alya, elle comprit tout de suite qu'il y avait un problème et se tourna vers Juleka… dont le sourire en disait long.

—J'aurais dû l'envisager plus tôt, déclara la journaliste en herbe, estomaquée. On a fait l'erreur de penser que le dernier loup avait plus de caractère que Chloé mais en fait, il était plus expérimenté qu'elle…

Elle s'en voulait de cela : ils avaient tellement été focalisés sur une mésentente entre les loups qu'elle n'avait pas pensé que cela pouvait cacher un coup tordu de la part du dernier loup qui a dû être celui ayant l'idée de se débarrasser du Salvateur – il n'avait pas dû lui être très difficile de deviner qui Mylène aurait protégé en priorité.

—En réalité, elle ne nous avait pas fait perdre du temps que lors du premier tour, révéla Juleka qui n'avait plus aucune raison de se cacher. Du coup, je me suis dit que ce serait intéressant de faire pareil les tours suivants. En revanche, merci Adrien pour le couple. Je l'avais oublié.

—La partie n'est pas encore finie ! fit le mannequin alors qu'Alya restait silencieuse. Le village pe-

Puis soudain, Adrien s'interrompit, comprenant qu'en réalité, ils avaient perdus depuis l'instant où Marinette avait été éliminée. Ce n'était nullement un hasard si Juleka l'avait laissé dans la partie et ainsi, elle venait de réaliser son objectif final : se servir de lui pour assurer la victoire des loups.

—Le tour du village va forcément se finir avec une égalité… lâcha-t-il en se remémorant les règles. Et dans ce cas…

—Un nouveau vote devra être fait, compléta Sabrina, révélant aux autres la stratégie de leur camarade. Si à l'issue de ce vote, personne n'obtient la majorité, personne n'est éliminé.

—Et zut ! fit Alya en désignant Juleka qui la vota en retour.

Comme énoncé par Sabrina, un nouveau vote fut fait et son résultat fut identique – l'autre possibilité aurait été de voter Adrien mais cela ne changeait rien au dénouement.

—Je pense qu'on peut dire que cette fois, les loups-garous ont gagné ! déclara Nino, mettant fin à la partie. Ça aura été une sacrée partie !

—Merci ta compo moisie… râla Alya qui jura intérieurement qu'elle n'allait plus jamais laisser son petit ami choisir seul les rôles de la prochaine partie.

—Je promets que je ne mettrais pas d'Ancien quand ce sera mon tour, déclara Juleka en se levant. Ça risquerait de déséquilibrer le jeu.

Après cela, tous rangèrent la salle et discutèrent de la partie, Chloé ne cachant pas sa satisfaction d'avoir été à deux reprises du coté du camp vainqueur à l'inverse de sa rivale qui avait deux défaites à son compteur – Marinette grogna un peu au début mais elle se rappela vite que la fille du maire n'avait pas été d'une grande aide à son camp dans les deux cas ou, du moins, pas volontairement. Puis ils quittèrent le collège, se séparant en petits groupes et chacun rentrant à son domicile…

—C'était… étrange comme expérience, déclara Marc alors qu'il longeait la Seine avec Nathaniel. Je ne suis pas... certain que ce jeu soit fait pour moi. C'était difficile de tout suivre avec… autant de monde.

—Juleka m'avait dit qu'il était possible de faire des parties avec moins de personnes, lui précisa le dessinateur en terminant un croquis qu'il avait commencé après leur élimination. Si tu veux, je peux lui demander de venir organiser ça dans la salle d'art.

—Eh bien… Pourquoi pas.

Nathaniel nota dans un coin de sa tête d'en discuter avec sa camarade pour savoir combien de joueurs minimum il lui fallait, le tout en terminant ce dessin de loup-garou qu'il allait peut-être utiliser dans la bande-dessinée sur laquelle Marc et lui travaillaient.

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Note : Gag : j’ai paumé le fichier texte d’origine où j’avais noté toutes les précédentes bêtises pour ces anecdotes… J’imagine qu’il a dû rester sur mon ex-ordi qui… ahem… Paix à son âme…

Note 2 : M’étant bien éclatée sur Tales of Vesperia : Definitive Edition sur Switch, forcément, y a pas mal de petites détails qui ont donné des idées plus ou moins loufoques… Enjoy.


Au moment où ils avaient dû traverser le château pour aller sauver Estelle, leur petit groupe avait dû fouiller certaines pièces afin de trouver des indices sur comment accéder à l’escalier-épée, Patty avait, par hasard, trouvé la chambre de Flynn. Voyant là une bonne occasion d’en savoir plus sur son principal rival dans le cœur de Yuri, elle avait inspecté les placards et ainsi trouvé l’existence d’une lettre avec un cachet en forme de cœur qui était bien mis en évidence.

Elle tenta de la subtiliser afin d’en savoir plus mais l’épéiste récupéra l’objet du délit et depuis ce jour, elle n’avait plus jamais revu cette mystérieuse lettre sur laquelle elle se posait encore de nombreuses questions.

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—Oh, j’ai oublié de te rendre ça.

—Me rendre quoi ?

Yuri sortit la lettre qu’il avait réussi à sauver in extremis de la curiosité de Patty quelques temps auparavant et qu’il avait cachée, faute de temps, derrière le dessin que Ted avait fait de lui et Flynn et que son ami d’enfance avait accroché au mur de sa chambre. En un sens, l’épéiste était un peu vexé que le chevalier n’ait pas réalisé cette disparition mais il devait admettre qu’entre sa promotion subite, Zaude et l’Adephagos, il n’avait pas dû avoir le temps de remarquer cette absence suspecte.

Par contre, il se sentit vite gêné en voyant le sourire de Flynn face à cette lettre et Yuri détourna le regard face à ce qui avait été son premier et dernier grand élan de romantisme.

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Même si certains avaient du mal à le croire, Raven avait son petit succès auprès de ces dames et avait au moins une conquête dans chaque recoin de Dahngrest chez qui il pouvait passer la nuit s’il le désirait. Seulement, son statut de grand Casanova fut mis en péril le jour où il eut la mauvaise idée d’entraîner Flynn avec lui car depuis, toutes réclamaient désespérément le beau chevalier aux cheveux d’or pour leur tenir compagnie.

Il était bon pour tout reprendre à zéro…

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L’inconvénient d’être une femme célibataire originaire de la noblesse pour Sodia, c’était qu’elle recevait régulièrement des invitations pour des réceptions afin de faciliter des rencontres arrangées, ce qui ne l’avait jamais intéressée. Malheureusement, il était impossible pour elle de toutes les esquiver et, bien malgré elle, beaucoup d’hommes cherchaient à lui passer la bague au doigt alors qu’elle les connaissait à peine.

Durant un bal au palais, deux de ses prétendants se montrèrent trop pressants à son goût et elle faillit perdre son sang-froid quand Judith, vêtue d’une tenue à la limite de la décence, vint leur demander ce qu’il se passait. Distraits par sa présence, ils tentèrent de s’attirer les faveurs de la krytienne mais Judith leur déclara qu’elle n’était pas intéressée puis, à la surprise générale, elle embrassa Sodia sur la bouche avant de la prendre par la main et de l’entraîner à l’écart des deux hommes, restés médusés face à cette scène.

Quant à Sodia, elle avait été tellement prise de court qu’elle n’avait pas réagi avant un bon moment… et à chaque fois qu’elle repensait à ce baiser volé, elle en rougissait jusqu’aux oreilles.

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Dans sa cabine sur son navire, Patty avait pour habitude d’y échafauder ses plans les plus importants… et la conquête du cœur de Yuri faisait partie de ceux-ci. La jeune pirate gardait un œil attentif sur tous ses rivaux, récoltant nombre d’informations sur eux, y compris sur ceux qui n’étaient plus en course comme Zagi. Elle avait aussi bien pris connaissances des préférences de son aimé et, ainsi, avait établi un classement de ses différents rivaux en amour.

Sans réelle surprise, Flynn, celui qu’elle peinait le plus à évincer, était loin devant tous les autres. La deuxième place qui, anciennement, était celle de Zagi, avait été prise par Mary Kaufman, la dirigeante du Marché de la Fortune qui manifestait régulièrement sa préférence envers l’épéiste en lui proposant de travailler pour elle avec quelques petits avantages que d’autres ne se voyaient pas proposer.

Pour ce qui était du troisième potentiel rival, Patty avait un temps pensé que cela serait de nouveau une femme mais, en recoupant ses informations, elle réalisa qu’un petit nouveau était entré dans la compétition : l’empereur Ioder Argylos Heurassein dont l’intérêt pour Yuri était devenu particulièrement accru ces derniers temps. Elle allait devoir le prendre très au sérieux…

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Quand l’empereur Ioder reçut un mystérieux courrier qui l’incitait vivement à abandonner l’idée de courtiser Yuri Lowell, il en fut très amusé, bien que cela signifiait un potentiel danger pour sa personne et qu’il allait devoir demander à son Commandant d’améliorer la sécurité au palais.

Calmement, il avait rangé cette lettre de menaces dans un tiroir secret de son bureau avant de rejoindre une pièce du palais où il aimait se retirer… et aux murs de laquelle il avait lui-même accroché des dizaines de clichés de l’épéiste de Brave Vesperia que la guilde des photographes lui envoyait régulièrement contre une jolie petite somme.

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Alors qu’elle cherchait où son cher cousin avait pu ranger cette encyclopédie botanique, Estelle découvrit par hasard sa pièce favorite au palais et resta muette de stupeur face à ce nombre incroyable de photos de Yuri qu’il avait pu rassembler.

Quand elle fut enfin remise de ce choc, elle réalisa que dans un coin de la pièce, il y avait un tableau noir sur lequel Ioder avait écrit différents textes et schémas reliés les uns aux autres mais la princesse n’arrivait pas bien à comprendre ce qu’il comptait faire avec des menottes, une robe de bal et une arche de mariage…

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Alors qu’il accompagnait Judith à une réception dans le quartier public de Zaphias, Yuri décrocha par hasard un job très bien rémunéré mais dont il se serait bien passé.

Un célèbre couturier proposait à celle attrapant le bouquet qu’il allait lancer de clôturer son prochain défilé contre un bon salaire, faisant que son amie s’était jointe aux autres femmes de la salle pour tenter sa chance. Cependant, personne ne s’était attendu à ce que ledit bouquet, jeté trop en hauteur, ne ricoche sur un lustre pour atterrir droit sur l’épéiste qui, sur le coup, avait ramassé la chose en se demandant ce qui venait de lui tomber sur le crâne.

Yuri eut beau protester, le couturier ne voulait pas céder et tenait à ce que ce soit lui qui lui serve de modèle, le tout avec Judith qui lui rappela tout le long la somme à gagner avec ce travail.

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Peu avant la fin du défilé organisé au palais, un incident eu lieu : le dernier modèle avait été drogué puis enlevé par des intrus. Flynn était immédiatement intervenu et, constatant vite que les ravisseurs avaient laissé une piste plus que visible, il les prit en chasse avec une partie de ses hommes jusqu’à un manoir du quartier noble qui était inhabité depuis un moment.

Ni une ni deux, ils enfoncèrent la porte et le jeune Commandant se précipita à l’intérieur pour sauver la victime que son ravisseur tentait visiblement d’épouser contre son gré devant un prêtre et une arche de mariage improvisée. Il s’apprêtait à libérer la jeune femme… avant de s’apercevoir que celle-ci était en fait Yuri, vêtu d’une robe de mariée qui lui allait extrêmement bien et qui était manifestement très contrarié de découvrir dans quelle situation il se trouvait vu qu’il avait collé son poing dans le visage de son kidnappeur.

S’en suivit un échange verbal houleux entre Flynn et son ami d’enfance, parfois coupé par le prêtre, où le jeune Commandant essayait de comprendre le pourquoi du comment de ce bazar et où l’épéiste montrait l’étendue de son mécontentement de se retrouver dans cette situation, cela sous les yeux des autres chevaliers qui ne savaient comment réagir.

Le comble fut atteint quand le prêtre les déclara mari et femme, faisant brutalement se figer les deux concernés qui se tournèrent, incrédules, devant l’homme d’église qui leur confirma ce qu’ils venaient d’entendre. Ils tentèrent de contester mais les témoins présents soulignèrent qu’ils avaient tous les deux prononcé au moins le mot « Oui » quand le prêtre leur avait demandé si l’un voulait prendre l’autre pour époux.

Ce fut ainsi que Flynn se retrouva marié à Yuri plus ou moins à son insu…

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Suite à ce mariage tordu, Yuri avait été très tenté d’étrangler ce prêtre avant de réaliser qu’il l’avait déjà vu quelque part. Fouillant dans sa mémoire, il se souvint l’avoir aperçu, peu avant le début de ce fichu défilé, en train de parler avec Ioder, faisant que l’épéiste ne mit pas longtemps à comprendre qui était l’instigateur de ce piège odieux et que cette vermine allait encore s’en tirer avec son sourire d’ange.

Une fois ramené au palais, Yuri avait tenté de partir s’expliquer avec cette saleté d’empereur mais Judith, qui était manifestement complice de ce gamin depuis le départ, le menotta à Flynn et les enferma toute la nuit dans les appartements de ce dernier pour leur « nuit de noces. »

L’épéiste jura qu’il allait prendre sa revanche… mais avant, il était contraint et forcé de demander à son ami d’enfance de l’aider à ôter cette fichue robe de mariée qui le gênait plus qu’autre chose.

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Environ un mois après ce fameux défilé et la réussite de son plan, l’empereur Ioder était très satisfait d’avoir réussi à obtenir le premier mariage entre un citoyen impérial et un représentant des guildes, cela même si la cérémonie n’avait pas été faite de manière très conventionnelle.

De plus, bien que les deux concernés continuaient à se prendre la tête sur ce sujet, le jeune empereur ne pouvait que sourire en constatant qu’aucun des deux n’avait entamé la moindre démarche pour demander le divorce.

A priori, cette union était bel et bien faite pour durer.


NB : Pour une fois, les anecdotes se rejoignent en grande partie entre elles, faute au fait que j’avais une idée fixe : coller Yuri dans une robe de mariée.

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Note : Punaise… Ça fait un bail ! Donc non, je n’ai pas oublié cette fic mais j’ai juste pas eu le temps de m’en occuper… La Definitive Edition de Vesperia a eu le mérite de me relancer dedans donc je vous souhaite une bonne lecture !

Playlist :

- Imperia – Facing Reality

- The Dark Element – My Sweet Mystery

- Cellar Darling - Challenge

- Amorphis – Dark Path

- Beast in Black – Blind and Frozen

- Lacuna Coil – Fire


Partie 6

Durant leurs longues recherches dans les archives de Séléné, Estellise et Rita avaient regroupé tous les ouvrages traitant des divinités existantes. Au début, la princesse impériale avait hésité à intégrer ceux venant de Myorzo mais en parcourant l’un d’eux, elle s’était aperçue que les krytiens avaient quelques histoires plutôt intéressantes qui pourraient être pertinentes si elles étaient regroupées avec ce qu’elles savaient déjà.

A présent, elles étaient dans la demeure du devin lunaire, occupées à parcourir tout ce qu’elles avaient emprunté sous le regard de leur aîné qui préparait des ustensiles pour un rituel – Yeager était actuellement en négociation avec Ioder afin d’obtenir de Séléné de l’aide pour que son peuple, le moment venu, puisse repartir sur de nouvelles bases et se construire un avenir moins sanglant que celui qu’il a toujours connu.

« Il y a plus de divinités que l’on veut bien nous le dire. » grommela Rita après sa lecture de textes relatant l’origine d’Océan. « Même si je reconnais que nous n’avons aucune raison de les prier en Hélios, ce n’est pas une raison pour ne pas nous parler de l’autre dieu originel ! »

« Il faut dire que, tout comme celui du Néant, le dieu de la Création est scellé. » lui fit remarquer Estellise en se remémorant ses cours et ses lectures. « Innonimat et l’Adephagos étaient réputés pour se haïr après tout. »

« Leurs natures même les opposaient. » précisa Duke, toujours concentré sur son travail. « Ce qu’Innonimat créait, l’Adephagos le détruisait, créant un cycle sans fin. Celui-ci se brisa après que l’Adephagos ait dérobé une partie de son pouvoir à Innonimat, lui permettant ainsi d’engendrer ses trois enfants tandis que son ennemi eut juste le temps de donner naissance à Océan avant d’être scellé par son adversaire de toujours. »

Estellise avait déjà entendu l’histoire des origines une fois lorsqu’un diplomate krytien était venu à Tsuki pour une visite amicale. Gravement blessé par l’Adephagos, Innonimat avait usé de beaucoup de son pouvoir pour créer Océan, faisant de ce dernier le second dieu possédant un fort pouvoir de création. Cependant, le dieu de la mer Azurée ne pouvait point créer des divinités de lui-même car il n’avait pas la puissance infinie d’un originel et ses créations furent longtemps limitées à des cours d’eau ou à des lacs. Ce ne fut qu’après avoir rencontré Sol, Umbra et Luna qu’il découvrit qu’avec l’aide de l’un d’eux, il était capable d’engendrer une nouvelle divinité…

« Celui qui a fait ce dessin d’Océan avait une drôle de vision des choses… » leur déclara la jeune hélienne en leur montrant une représentation du dieu des krytiens où celui-ci, au lieu d’être un jeune homme athlétique aux muscles saillants brandissant un trident, était un pêcheur plutôt enrobé dont le profil mettait bien en valeur son ventre imposant.

« Non, c’est bien une des apparences connues de ce dieu. » lui précisa la princesse, s’attirant la stupéfaction de son amie. « En fait, quand il a rencontré Luna, le pouvoir de la déesse a stimulé celui d’Océan qui a vu son corps se modifier comme sur cette image. Avant que Sol et Umbra ne lui donne le collier qu’il porte sur les représentations actuelle, Océan devenait ainsi dès qu’il approchait de Luna et il donnait ensuite naissance à différents êtres. Ce fut suite à l’une de ses rencontres avec notre déesse que sont nés les krytiens. »

« Tu veux dire qu’en fait, sur cette image, il est… »

En voyant Rita grimacer, visiblement dégoûtée par l’idée même qu’une divinité connue comme étant un homme pouvait porter un enfant en son sein, Estellise comprit à quel point les héliens étaient ignorants sur les dieux autres que Sol. A Séléné, tout le monde savait que si l’union entre Océan et Luna avait été aussi fructueuse, c’était parce que plus le dieu aquatique passait du temps avec la déesse de la lune, plus il avait de chances de créer énormément d’êtres à la fois. Seulement, c’était aussi handicapant pour lui car bien souvent, il s’était retrouvé plusieurs fois père rien qu’en posant les yeux sur la divinité lunaire, raison pour laquelle il ne se maria avec elle que quand Sol et Umbra lui eurent remis un collier permettant d’annuler le pouvoir de Luna sur lui.

« Si l’on veut être corrects, Océan serait une divinité hermaphrodite mais comme ses amours se sont toujours limités à Luna, il est impossible de le certifier. » leur pointa Duke tout en vérifiant l’état d’un kiseru. « Ce pouvoir est aussi une des raisons pour laquelle Umbra se méfie de lui. Le dieu des Nyx a un jour piégé Océan en l’enfermant avec Luna et il s’était rendu au sceau d’Innonimat pour dérober un peu du pouvoir du dieu de la Création. Seulement, le dieu des ténèbres a vite regretté son geste en découvrant malgré lui le fonctionnement de ce pouvoir… »

« Oui, je me souviens de cette histoire-ci. » fit Estellise en fouillant dans sa mémoire. « A cause du tour que lui avait joué Umbra, Océan a donné naissance au peuple krytien et quand il fut libéré, le dieu aquatique avait découvert le dieu des ténèbres en train de se tordre de douleur. Il a prévenu Luna et celle-ci est venue aider son frère à mettre au monde les Nyx. Après cela, Umbra n’a plus jamais été tenté de dérober le pouvoir de Création. »

La divinité de la nuit avait souffert pendant sept jours et sept nuits pour chaque Nyx qui était né, faisant que depuis, il gardait une certaine distance avec le dieu de la mer Azurée, craignant certainement que celui-ci lui fasse revivre cette expérience. Vu qu’Umbra n’avait plus rien créé par la suite, c’était qu’il avait probablement usé de tout ce qu’il avait réussi à voler à Innonimat… bien que la princesse, avec ce qu’elle connaissait du dieu des ténèbres, trouvait curieux de sa part qu’il n’ait pas sollicité Océan pour créer les Nyx. Il faudra qu’elle fouille dans les poèmes et chansons du peuple de la nuit pour savoir quels étaient les rapports entre Umbra et Océan à l’origine.

« Qui plus est, les krytiens comme les Nyx tiennent beaucoup de leur dieu. » ajouta Duke après avoir fini d’inspecter son matériel. « Lorsqu’ils séjournent à Séléné où l’influence de Luna y est forte, nous sommes obligés de leur rappeler d’être prudents les nuits de pleine lune, surtout pour les hommes. Seulement, cela n’empêche pas certains de ne pas suivre les conseils donnés et de découvrir quelques semaines plus tard qu’ils devront se préparer à subir une césarienne au bout de quelques mois. »

« En plus des rituels, le devin lunaire doit savoir pratiquer une césarienne dans le cas où un krytien s’est… trop approché du réceptacle de Luna. » expliqua Estellise à Rita. « Cela peut paraitre étrange, je le sais, mais jusqu’à ma majorité, j’ai toujours eu interdiction d’approcher de moins de cinq mètres d’un krytien et cela a été le cas des précédentes femmes de ma famille. Seulement, même à cette distance, je vois bien qu’ils sont affectés par le pouvoir de la déesse de la Lune. »

Quand elle était enfant, la princesse avait trouvé amusant de voir ces gens aux oreilles pointues prendre des rondeurs en sa présence. Elle se souvenait encore de ce krytien, un jeune marchand aux habits amples, qui était entré mince au palais et dont le corps, au fil des minutes qu’il avait passés dans la même pièce qu’elle, s’était sensiblement modifié, faisant qu’au bout d’une heure, il avait été contraint de partir car il craignait que ses vêtements ne finissent par craquer.

« En tant que réceptacle de Luna, tu peux avoir les mêmes pouvoirs qu’elle ? » questionna Rita, visiblement très intriguée. « Si c’est le cas, alors… »

« En toute logique, cela est valable pour les autres divinités aussi. » répondit Duke de sa voix posée en venant s’installer sur un zabuton. « Cela est certainement peu perceptible chez les Nyx et les krytiens vu qu’ils sont déjà proches d’Umbra et d’Océan mais j’imagine que pour Sol, celui qui joue le rôle de son réceptacle doit avoir été bien préparé pour supporter une divinité d’une telle puissance… »

Il était vrai que durant ses échanges avec l’hélienne et leurs différentes lectures, Estellise avait réalisé qu’excepté Cyan – elles avaient eu beaucoup de mal à trouver des informations sur lui et le nombre très réduit d’écrits le mentionnant ne parlaient que de sa fonction de dieu du Neilos sans entrer dans les détails –, toute la descendance de Sol était mortelle car Topaze n’avait été divinisée que peu après la naissance de son troisième fils. Du coup, quels étaient les critères de ce dieu pour ses réceptacles ? Dans le cas de Luna, c’était la déesse elle-même qui choisissait la personne qui lui semblait la plus adaptée parmi la famille impériale et la personne était souvent privilégiée dans l’héritage – la princesse n’avait pas eu de difficultés à faire comprendre qu’elle ne souhaitait pas régner et que la fonction de devin lunaire lui convenait mieux, son cousin Ioder l’ayant toujours soutenue.

« Sauf qu’il y a un problème. » déclara la plus jeune en fronçant le nez. « Si je me fis à ce que j’ai lu, Sol est un dieu très puissant et aucune divinité n’a réussi à le battre à la loyale. Qui plus est, ses fils ont fondé la famille royale et les rares fois où celle-ci a été menacée, c’était à cause d’un autre membre de cette famille. En se basant là-dessus, cela pourrait signifier que l’actuel réceptacle de Sol est forcément le roi Thar mais le dieu est en colère et tout le pays est persuadé que c’est notre dirigeant le coupable… »

« Sol aurait effectivement eut largement la capacité de l’éliminer. » réalisa Estellise en se basant sur ce qu’elle vivait avec Luna. « Il devrait même pouvoir passer outre le rituel d’invocation ! Seulement, s’il ne l’a pas fait, cela voudrait dire que sa rage n’est pas dirigée sur celui que tout le monde pense. »

La véritable origine de la crise en Hélios était peut-être plus profonde que ce qu’ils pensaient… mais comment la découvrir ? Ils allaient devoir consulter tout ce qui datait du règne du précédent roi jusqu’à la mort de ce dernier pour essayer de comprendre à partir de quel moment le dieu solaire s’était réellement mis à déverser sa colère sur son pays.

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A quel jeu jouait-il ? Yuri n’était pas au mieux de sa forme et cela jouait sur ses capacités de Nyx mais il savait que le roi Thar mijotait quelque chose car autrement, il n’aurait pas cherché à faire cette mise en scène pour faire croire à ses scribes que son favori avait passé la nuit dans ses appartements.

Lorsque Rowen leur avait apporté leurs affaires, ils n’avaient eu que deux minutes pour se changer, aidés par le serviteur qui soignait certains détails, notamment le contraste de sa tenue avec le lit royal et le fait que le soldat devait passer le plus inaperçu possible. Le souverain avait exigé assez vivement que Flynn remette son masque et cache le bracelet de Cyan, deux points qui avaient aiguisés ses soupçons sur un possible mensonge qu’il avait pu rater. Une fois apprêtés, leurs rôles leur avaient été rapidement expliqués et chacun s’était mis en place avant l’entrée des scribes.

Dans une position limite aguicheuse, il était resté en partie allongé sur les draps, sa tête sur les cuisses du roi et son visage caché par ses longs cheveux noirs, lui permettant de faire croire à leurs invités qu’il dormait alors qu’en fait, il gardait un œil ouvert, prêt à déchiffrer le moindre signe suspect. Sans surprise, les trois scribes n’étaient pas très à l’aise d’être reçus ainsi mais un regard noir du maître des lieux les poussa à ignorer leur gêne… bien que celle-ci était feinte pour le plus âgé d’entre eux qu’il avait plusieurs fois surpris en train de fixer l’ouverture de sa tenue avec grand intérêt tout en essayant de se pencher discrètement pour tenter d’avoir une meilleure vue – le Nyx avait fait exprès de bouger légèrement, faisant glisser un peu plus le tissu sur sa cuisse, offrant ainsi un joli spectacle à son voyeur qui, vu qu’il s’était soudainement mit à baisser les yeux après un raclement de gorge du souverain, s’était fait griller en beauté.

Ce fut lorsqu’ils parlèrent des offrandes faites au temple de Sol que Yuri repéra de légers signes de nervosité chez l’un d’eux, comme s’il n’était pas à l’aise avec ce qui était énoncé. Il s’intéressa aux deux autres et vit qu’eux aussi avaient des tics étranges mais pas de la même nature que ceux de leur collègue qui, lui, était clairement plus impressionné qu’eux par le roi Thar. Dans tous les cas, quelque chose concernant le temple de Sol les mettaient tous les trois mal à l’aise…

Lorsqu’ils furent congédiés, leur petite comédie cessa et le souverain lâcha un soupir d’agacement.

« Qu’avez-vous vu tous les deux ? » demanda le roi Thar dont le regard mordoré lançait des éclairs sur la porte par laquelle étaient sortis les trois scribes.

« Ils cachent un truc concernant le temple de Sol. » déclara le Nyx avant de lâcher un bâillement. « Je pense que l’un d’eux sera plus disposé que les deux autres à parler car il était moins sûr de lui. »

« C’est peut-être lié aux chiffres qu’ils ont énoncés. » ajouta Flynn après avoir ôté son casque et son masque. « Si je me base sur ceux que j’ai lu tout à l’heure et ce que je sais via une amie, ils ont donné des chiffres plus bas que sur ce qu’ils prélèvent dans la réalité. »

« Les récoltes sont divisées en trois. » énonça le souverain qui eut l’air pensif. « Une partie est conservée par le peuple pour qu’il puisse se nourrir, une autre est prélevée en guise d’impôt royal et la dernière revient aux temples. Or, suite aux risques de famine, la part dédiée aux impôts royaux a été diminuée et en compensation, les paysans qui le peuvent travaillent dans les mines et carrières des Dunes. A ma connaissance, le temple de Sol n’a rien changé à sa façon de faire… »

En d’autres termes, il y avait une partie des récoltes récupérées par les prêtres qui s’était volatilisée. Qu’est-ce qu’ils pouvaient bien en faire s’ils ne l’utilisaient ni pour les offrandes, ni pour leurs usages personnels ? Quel intérêt avaient-ils à en détourner une partie ? Des bijoux ou de l’or, cela aurait été plus logique comme mobile mais de la nourriture ?

Le favori leva la tête vers le souverain pour essayer d’en savoir plus mais il vit quelque chose de curieux : le regard mordoré de celui-ci semblait… luire. Seulement, cela ne dura pas longtemps et le maître des lieux se tourna vers Rowen qui venait d’entrer avec un plateau de nourriture entre ses mains.

« Le capitaine Schwann est ici avec Lucrèce, votre Altesse. » déclara le serviteur juste avant que ceux-ci n’entrent par le passage reliant les deux chambres royales.

« Vous avez trouvé quelque chose d’intéressant ? » les questionna le roi Thar.

En face de leur maître, Raven et l’érudit échangèrent un drôle de regard – Yuri réalisa soudain que tous deux n’étaient pas du tout à l’aise, comme s’ils avaient une mauvaise nouvelle à annoncer. Un signe du maître des lieux les incita à parler.

« Narcisse n’était pas le coupable de l’empoisonnement au Peyolt. » répondit Lucrèce avant de baisser les yeux, l’air un peu honteux. « Celui-ci nous a bien eu… »

« Il semblerait qu’effectivement, quelqu’un au harem s’est bien joué de nous depuis un bon moment. » précisa l’espion qui ne semblait pas du tout enchanté par cela.

« J’imagine que c’est d’Orpin dont vous parlez. » supposa le roi Thar, qui ne semblait guère surpris.

Pour le coup, Yuri ne l’avait pas vu venir : le bariolé était celui qui avait empoisonné tout le monde au harem l’autre jour ? En même temps, il était bien incapable de le cerner ce type donc c’était tout à fait possible mais jusqu’ici, il l’avait toujours pris pour un simple d’esprit… ce qu’il, manifestement, n’avait jamais été. Mais comment faisait-il donc pour qu’il soit impossible de lire clairement en lui ? Seule la folie pourrait expliquer cette bizarrerie… ou bien la magie.

« C’est bien lui, oui. » confirma Raven, l’air grave. « Ses motivations ne sont pas très claires mais vu que c’est Garista qui l’a sorti du harem... »

« Ils travaillent ensemble, c’est certain. » conclut le roi Thar sans détour. « Quant à son mobile, vu les évènements d’hier, j’ai bien mon idée. »

Le regard mordoré se baissa vers lui… et le Nyx comprit : les évènements du banquet avaient été plus ou moins planifiés, signifiant que peu importe s’il avait bu ou non ce verre de vin, Narcisse aurait plongé et Orpin aurait été écarté du palais. L’empoisonnement au Peyolt était destiné à pousser l’amoureux de sa petite personne à commettre cet acte afin de s’en débarrasser, signifiant que le laurier rose lui avait probablement été remis par le sorcier solaire lui-même.

Le favori égocentrique s’était fait piégé et il en avait payé le prix fort… Mais pour quelle raison l’éliminer alors qu’il était clairement en disgrâce ? Savait quelque chose de compromettant pour eux ou avaient-ils juste eu besoin d’un bouc émissaire ?

« Avec Orpin en guise d’espion, Garista savait tout des favoris et de leurs relations entre eux. » fit Lucrèce en grinçant des dents. « Il savait que j’allais m’assurer que Narcisse paie pour ses crimes et il savait qui il allait cibler. »

« Et ce n’est pas un hasard si cette fouine n’est pas revenue au harem. » ajouta Raven, la mine sombre. « Avec la nouvelle lune de demain soir et les ordres qui ont été donnés, il n’a pas dû mettre longtemps à comprendre que nous savons ce qui risque de se produire demain dans la nuit… »

Si Flynn et Rowen semblaient ignorer le sous-entendu, ce n’était pas le cas des autres personnes présentes et surtout de Yuri qui avait vite deviné ce qui se tramait : l’Alliance de Sang allait venir le chercher et ce, certainement en laissant quelques cadavres dans son sillage. Et vu la manière dont cela était présenté, le vieux était certain de quand ils viendraient… ce qui ne pouvait signifier qu’une chose.

« Depuis quand Barbos a ses hommes en Hélios ? » questionna le Nyx sur un ton glacial, provoquant un échange de regard entre le capitaine et le souverain. « J’imagine qu’il a déjà fait quelques victimes… »

« D’après les derniers rapports, Hamil a bien été confirmée comme ayant été… entièrement décimée. » déclara Raven après un signe du roi. « Seulement, Barbos a aussi réussi à infiltrer quelqu’un dans le clan adverse et celui-ci serait probablement déjà à Aurum selon notre source la plus fiable. Le hic est qu’il est impossible de mettre la main sur cet individu… »

Soit les soldats d’Hélios étaient mauvais, soit le type était doué pour le camouflage, ce qui était l’explication la plus probable vu que les Nyx étaient d’excellents chasseurs. Cependant, les températures d’ici ne devaient pas lui plaire la journée donc sauf s’il était très tolérant à la chaleur, il ne sortirait que la nuit… à condition de s’être trouvé une cachette qui n’attirerait pas l’attention, ce qui n’était pas chose aisée en terrain inconnu. Excepté s’il avait un complice sur place qui avait déjà tout préparé pour ce genre de cas de figure… Vu qu’il était clair que personne à Némésis n’était censé savoir qu’il était vivant, Barbos avait forcément été informé par quelqu’un d’Hélios car Yuri était certain de n’avoir croisé aucun Nyx avant d’entrer au harem… et il ne mit pas longtemps à en conclure que Garista était probablement celui l’ayant renseigné.

« Si nous avions un objet appartenant à cet individu, notre alliée aurait pu faire quelque chose mais elle n’a pas eu l’occasion de lui dérober quoique ce soit. » poursuivit Lucrèce avant de lâcher un soupir de dépit. « La seule solution est de s’assurer que tout le monde est barricadé dans les bains ou toute autre partie du harem dont il est aisé de bloquer les accès. »

« Le souci est que certains pensionnaires du harem souffrent encore des conséquences de l’empoisonnement. » ajouta Raven, la mine sombre. « Il va être compliqué de tous les déplacer dans une zone sûre. »

« Alors maintenez-les eux et leurs serviteurs hors du harem. » trancha le roi Thar. « S’ils demandent pourquoi, dites que c’est pour s’assurer que tout a bien été examiné. Si l’on prend trop de risques, le nombre de victimes sera très élevé… »

Yuri ne pouvait que donner raison au souverain : combien de fois avait-il vu des membres de l’Alliance de sang tuer leurs rivaux, même sans défense ? C’était certain qu’en territoire ennemi, ils n’allaient pas se gêner pour éliminer quiconque se trouvera dans leur champ de vision, quitte à faire couler du sang pour leur propre plaisir.

« De plus, il va falloir que tu prépares un convoi le plus tôt possible. » poursuivit le maître des lieux. « Vu les derniers évènements, il est urgent que je me rende à la frontière ainsi que Yuri car autrement, l’Alliance de Sang ne sera pas la seule à venir nous rendre ce genre de visites… »

« Vous voulez qu’il retourne sur les Terres des Nyx ? » s’étonna Flynn tandis que le favori cachait au mieux son appréhension à l’idée de retourner dans cet enfer. « Mais… »

« Il le faut. S’il ne le fait pas et que Barbos meurt, le peuple de la nuit va sombrer dans le chaos le plus total et cela ne sera bénéfique à personne. Même si je ne sais pas ce que vaut le chef des Griffes de Léviathan, il va être vital que je négocie avec lui pour débarrasser Hélios et Séléné de ce fléau qu’est l’Alliance de Sang. »

« Donc Yuri va servir de monnaie d’échange. »

Le ton du soldat était à la fois sec et acide, trahissant avec clarté le fait qu’il n’approuvait pas cela. Seulement, le Nyx se doutait qu’il n’y avait pas d’autre solution, surtout pour obtenir la paix entre leurs deux pays qui étaient certainement aussi fragilisés l’un que l’autre. Là où ça coinçait, c’était qu’il n’était pas du tout prêt à assumer la fonction de sage nocturne, n’ayant jamais suivi sa formation jusqu’au bout et, en prime, n’ayant rien fait pour retenir au maximum ce qu’il était censé savoir…

« Je crains d’être quelque peu… surévalué. » admit le Nyx qui se doutait bien que Barbos ne mettrait pas longtemps à comprendre qu’en réalité, celui qu’il convoitait n’allait pas lui servir à grand-chose. « Cela fait des années que j’ai quitté Némésis et on ne peut pas vraiment dire que j’ai été un élève modèle avant ça… »

« Ça c’est ennuyeux… » fit Lucrèce en plissant les yeux. « Tu connais au moins les rites de base ? »

S’il savait identifier des objets destinés au culte d’une divinité et qu’il se souvenait très bien des offrandes préférées des divinités les plus plébiscitées par le peuple de la nuit, Yuri était en revanche bien incapable d’exécuter un rituel en l’honneur d’Umbra et ignorait de quelle manière l’invoquer, ce qui, vu l’expression du favori taciturne et celle de l’espion, devait se lire sur son visage.

En se tournant vers le roi, le Nyx eut à nouveau l’impression que le regard du souverain s’était mis à luire brièvement et, cette fois-ci, il se demanda si c’était vraiment son imagination.

« Très fâcheux oui… » concéda le roi Thar qui semblait pensif, comme s’il réfléchissait. « A moins de demander à Umbra lui-même, il va être compliqué de rattraper ce retard avant demain soir. »

… Qu’est-ce que c’était que cette idée-là ? Poser la question au dieu de la nuit alors que celui-ci venait à l’improviste lui piquer son corps, parfois sans même qu’il ne s’en rende compte ? Etait-il seulement possible de discuter avec cet espèce de pervers dont l’occupation principale dès qu’il prenait sa place semblait être d’essayer de dépuceler Flynn sans pour autant avoir l’accord du principal concerné ?

Yuri commença à sérieusement se demander ce que le souverain d’Hélios leur cachait encore car il semblait en savoir bien plus long qu’eux et ce, depuis un petit moment…

-§-

Le temps leur manquait pour rejoindre Aurum mais depuis Nomos, il fallait au moins compter trois à quatre jours de trajet avec un cheval mais Sodia savait qu’il serait impossible d’en obtenir suffisamment pour elle et ce groupe de quinze de Nyx. Pour cette raison, Judith avait proposé, en échange de l’emplacement du passage secret pour rejoindre la région du Lymna ainsi que d’autres informations, de leur trouver une embarcation pour descendre le Neilos, ce qu’elle avait réussi à faire avant que leurs routes ne se séparent.

« Le courant est de notre côté, nanoja ! » s’exclama Patty, la propriétaire du bateau les conduisant vers Aurum. « Demain soir, nous serons à la capitale ! »

« Vous êtes vraiment certaine que vous ne voulez rien en échange ? » la questionna Gauche qui était toujours étonnée que cette étrange adolescente les ait pris à bord si facilement. « Même pas des améthystes ? »

« J’allais dans cette direction de toute manière… bien que je ne me souvienne pas pourquoi j’ai quitté la Mer Azurée, nanoja. Et puis c’est pas tous les jours que l’on peut croiser des Nyx vous savez. Une petite histoire ou deux me suffira comme paiement, nanoja. »

Cette Patty était une fille curieuse avec ses nattes blondes, ses yeux bleus et ses vêtements de marin. Autour du cou, elle portait un collier composé de plusieurs nœuds en fils de lin et de deux pierres, l’une d’un bleu bien prononcé et l’autre d’une blancheur nacrée – Judith lui avait dit que cette adolescente avait certainement déjà été à Myorzo car ce bijou était fabriqué par les krytiens pour honorer Océan et sa fille Sephira, la protectrice des marins ainsi que déesse de la chance. Le plus étonnant avec elle était que tout portait à croire qu’elle maniait seule ce grand esquif dont la cabine était juste assez grande pour que les hommes de Gauche puissent se reposer.

« Habituellement, les héliens craignent les Nyx pourtant. » remarqua Sodia qui ne savait quoi penser de l’adolescente. « C’est rare d’en croiser qui sont amicaux envers eux. »

« Qui dit que je suis une pure hélienne ? » répliqua Patty, l’air un peu offusquée. « Je suis une fille de la Mer Azurée, prête à pourfendre ses dangers et découvrir les nombreux trésors qu’elle recèle ! Et techniquement, je suis plutôt une sang-mêlé, nanoja. Ma mère était une sélénite. Et puis ce n’est pas votre faute si vous êtes dirigés par un fou furieux, nanoja. »

Gauche montra une certaine surprise en entendant ces mots puis, calmement, alla rejoindre les membres de son clan pour se reposer. Quant à la rousse, elle observa un moment l’adolescente faire une prière à une statuette représentant Sephira avant de s’installer sur un côté de l’esquif et de regarder défiler le paysage au fil de l’eau. A cette heure-ci, le soleil devrait être ardent et taper durement sur la peau mais des nuages étaient venus le masquer depuis un petit moment, faisant que les températures, bien que toujours étouffantes, étaient plus supportables, surtout avec cette légère brise qui soufflait que le Neilos…

Sodia sentit le poids de la fatigue peser sur ses épaules. Elle ferma les yeux puis les rouvrit… et fut étonnée de voir un esquif qui était à présent à côté du leur, avançant à la même allure qu’eux.

Comment était-il apparut si vite ? C’était étrange… Tout comme les deux passagers à son bord : un jeune homme aux cheveux d’or s’arrêtant au niveau des épaules avec des yeux azur ainsi qu’une boucle d’oreille en turquoise et une jeune femme aux longs cheveux blonds coiffés en deux nattes, de grands yeux bleu rieurs et un collier ressemblant fortement à celui de Patty – la tenue qu’elle portait était curieuse car qui aurait l’idée de coudre un filet de pêche sur tout un côté de sa robe ?

Elle ne put s’empêcher de les observer en train de discuter, la fille étant visiblement très prise dans son histoire au point de la ponctuer de grands gestes, ce qui amusait beaucoup le garçon qui souriait et parfois riait aux éclats avec elle. A un moment, ils se lancèrent dans ce qui ressemblait fort à un concours de grimaces, chacun essayant d’avoir l’expression la plus loufoque possible, et ce fut celle aux nattes blondes qui l’emporta haut la main sous les applaudissements du jeune homme.

Alors qu’ils commencèrent un nouveau jeu, Sodia réalisa qu’une troisième personne se trouvait sur leur esquif : un homme aux cheveux blonds en épis dont les yeux mordorés les fixaient avec bienveillance. L’armure dorée qu’il portait contrastait avec les habits des plus jeunes mais elle était certaine d’avoir déjà vu celle-ci quelque part… avant de réaliser que c’était sur une représentation du dieu Sol ! Cela signifierait donc que cet homme était le dieu d’Hélios en personne ? Dans ce cas, ces deux-là seraient…

Soudain, elle sentit quelque chose sur son visage, la ramenant à la réalité… et lui faisant réaliser qu’elle avait rêvé pendant tout ce temps quand elle vit qu’aucune embarcation n’était à côté de la leur.

« On dirait que la pluie vient nous voir nanoja. » entendit-elle Patty dire à ses côtés.

Sodia sentit une goutte d’eau s’écraser sur son bras, suivit d’une autre. Puis l’averse débuta avec légèreté mais les sons grandissant trahissaient le fait qu’un véritable déluge allait bientôt s’abattre sur eux, ce qui se confirma quand la jeune femme tourna la tête en direction des Dunes pour s’apercevoir que celles-ci étaient rapidement masquées par des trombes d’eau tombant du ciel.

« On dirait qu’Hélios a droit à un peu de chance pour aujourd’hui, nanoja. »

-§-

Après avoir échangé leurs informations, le roi Thar avait donné des instructions à chacun : Lucrèce avait la charge de régénérer au mieux Cyan, Raven de préparer à la fois leur départ et la défense d’Aurum contre l’Alliance de Sang. Pour ce qui était de Yuri, il devait impérativement entrer en contact avec Umbra dès la tombée de la nuit, ce que le favori ne semblait pas très tenté de faire – Flynn pouvait le comprendre vu la personnalité du dieu des ténèbres. En revanche, le souverain avait clairement dit au soldat qu’il devait continuer à veiller sur le Nyx et ne surtout pas quitter le harem sans sa permission, ce qui intrigua le jeune homme.

Il garda ses interrogations pour lui durant tout le trajet de retour vers le bâtiment des favoris où les attendaient Repede, Karol… et une femme aux cheveux vert anis coiffés en couettes qu’il ne connaissait pas.

« La joueuse de lyre du banquet je présume ? » supposa Yuri avec un sourire en coin, répondant ainsi à la question que se posait le soldat. « Je croyais pourtant t’avoir recommandé de quitter les lieux. »

« De ce que j’ai compris, Droite est restée après avoir été convaincue par notre cher capitaine. » précisa Lucrèce à qui avait été remis le bracelet de Cyan. « Elle nous a permis de confirmer qu’Orpin était derrière le premier empoisonnement. »

« Qui aurait cru que ce type bossait pour Garista ? » fit remarquer Karol, silencieusement approuvé par les autres pensionnaires du harem. « Tout le monde le prenait pour un simplet ! »

« Ou bien il n’était pas tout à fait seul dans sa tête. » souligna le bel éphèbe en grinçant des dents. « C’était impossible pour moi de discerner le vrai du faux dans ses paroles. »

Sur ce point, le soldat ne pouvait qu’être d’accord : Orpin avait toujours eu une attitude donnant l’impression qu’il n’était qu’un simple d’esprit mais la folie n’était pas à exclure – une nuit, il l’avait aperçu en train de danser de façon étrange tout en récitant des paroles incompréhensibles. Seulement, si cette personne était vraiment folle, n’était-ce pas risqué pour le sorcier solaire d’avoir un tel allié ?

« On m’a donné les nouvelles des Terres des Nyx. » ajouta la jeune femme avec gravité. « J’ai encore du mal à y croire mais…»

« J’en conclus que tu vas rester ici tant que je serais à Hélios… » coupa le Nyx en se passant une main sur le visage. « Sauf que je ne me rappelle pas la moitié de ce que je suis censé savoir pour être le sage nocturne. A priori, je vais devoir poser la question à ce dieu pervers pour qu’il me fasse une séance de rattrapage et espérer qu’il me réponde… »

« Il le fera. » fit la voix de Cyan, surprenant Karol et Droite qui ne lui avait encore jamais parlé. « Le seul souci est que tu devras attendre cette nuit pour le contacter et entrer dans son subconscient. »

« … Je peux faire ça ? »

« Il peut te prendre ton corps avec facilité, ce qui signifie qu’un pont a été établi entre vos deux esprits et qu’il perdurera jusqu’à ce que celui-ci soit rompu, généralement quand un nouveau réceptacle est désigné puis préparé à accueillir en lui la divinité concernée. C’est en tout cas comme cela que ça marche avec Sol et moi. »

Donc le dieu d’Hélios avait lui aussi un réceptacle… Sauf que si c’était le cas, pourquoi ne pas communiquer avec la divinité via cette personne pour qu’elle cesse d’abattre sa rage sur tous ? Cela avait-il un rapport avec ce que les prêtres de Sol détournaient ?

« Pour Sol et toi… » répéta Lucrèce, l’air intrigué. « Maintenant que j’y pense, je ne me souviens pas avoir lu quoique ce soit expliquant comment préparer un réceptacle pour Topaze. Dois-je supposer que pour elle, c’est différent ? »

« Ma mère n’aime pas trop que l’on choisisse pour elle, un point qu’elle n’a pas vraiment pardonné à oncle Umbra, cela même s’il me semble qu’il a joué un rôle dans sa divinisation. » expliqua calmement Cyan. « Elle et ma cousine Sephira se choisissent elles-mêmes leurs réceptacles mais je redoute que pour ma mère, elle n’ait pas réussi à établir de pont solide avec le sien si celui-ci n’était pas assez proche de Parques. Je crains même que ma mère soit plus affaiblie que je ne le suis… »

Topaze serait donc elle aussi en danger alors qu’elle était pourtant une divinité encore priée en Hélios, surtout par les femmes ? Quant au nom de Sephira, Flynn crut se souvenir qu’elle était priée dans la Mer Azurée car protectrice des marins… et le jeune homme vit qu’une drôle d’expression était présente sur le visage des deux Nyx depuis qu’ils avaient entendu son nom.

« Yuri, Sephira n’est pas la fille d’Océan qu’Umbra a tenté de noyer dans le Lymna ? » questionna Droite avec une grimace.

« C’était dans le Styx. » rectifia Yuri en grinçant légèrement des dents. « Sauf qu’elle a réussi à en réchapper en lui jouant un tour et à priori, ça l’a encore plus motivée à tenter d’épouser Umbra… »

« Le pire est qu’oncle Océan a donné sa bénédiction pour que ma cousine continue de le courtiser et cela uniquement parce que ça l’amusait beaucoup… » précisa Cyan dont il était possible de percevoir une hilarité qu’il tentait au mieux de cacher. « En revanche, si un mariage devait se faire, mon père m’avait clairement dit qu’il s’y opposerait. »

« Cela éviterait de compliquer leur arbre généalogique… » lâcha le favori taciturne en se massant la tempe gauche. « Si les papotages inutiles sont terminés, je recommanderai à ceux voulant se laver de le faire dès maintenant car j’ai besoin d’eau du Neilos pour ce que je dois faire et seuls les bains en ont. »

Un long silence se fit entre eux… si l’on exceptait Repede qui n’avait, semble-t-il, pas trop aimé que l’on prononce le mot « bain » – le chien avait peur de l’eau et n’acceptait d’être lavé qu’avec un chiffon humide. Puis Flynn nota une odeur assez déplaisante, comme un mélange de cendres froides et de renfermé, qui semblait émaner de Droite, un détail que les autres avaient aussi remarqué vu que tous la fixaient avec insistance. La jeune femme, voyant les regards fixés sur elle, huma sa propre odeur… et grimaça en la sentant – le soldat l’entendit maudire le bâtiment abandonné. Sur un signe de Lucrèce, elle partit en direction des bains, suivie par le favori taciturne qui attrapa Karol pour l’emmener avec lui, Repede fermant la marche.

A présent, il était seul avec Yuri et le silence perdura jusqu’à ce que plus personne ne soit dans leur champ de vision.

« Il n’a pas tout dit. » déclara soudainement le Nyx, les yeux fixés droit devant lui et ne semblait rien regarder de précis.

« Qui ça ? » demanda le soldat, intrigué.

« Le roi Thar. Je ne sais pas ce qu’il nous cache encore mais j’espère que ça ne nous retombera pas dessus vu ce qui arrive… »

Dans un sens, cela ne l’étonnait pas vraiment mais le garde trouvait quelque peu étrange que le favori ait attendu ce moment pour en faire part. Seulement, il préféra laisser cela de côté car autre chose le dérangeait.

« Et devons-nous nous attendre à affronter des assassins ? » demanda Flynn, sa main se posant instinctivement sur le pommeau de son glaive.

« C’est l’Alliance de Sang donc je peux te certifier qu’elle porte très bien son nom. » lui répondit Yuri en le fixant avec froideur. « Et nouvelle lune ou pas, je te déconseille de les affronter au combat. »

« Je sais me défendre. »

« Contre des maîtres de la persuasion qui tuent depuis l’enfance ? La nuit, tu n’as aucune chance et je ne pourrais pas te protéger si tu penses être capable d’affronter des tueurs de sang froid au moment où ils sont les plus redoutables. »

« Depuis quand tu ne t’es pas battu ? Je ne t’ai pas vu t’entrainer une seule fois depuis que je suis ici ! »

Cette remarque lui valut un regard noir du Nyx qui n’avait visiblement pas apprécié que l’on remette ses capacités martiales en doute. Ce dernier partit d’un pas rapide dans la cour devant le bâtiment des favoris, forçant le garde à lui emboîter le pas pour ne pas le perdre de vue, puis il le vit ramasser quelque chose au sol… et ce fut en entendant le son du métal qu’il réagit instinctivement en sortant son glaive, parant de justesse la lame qui avait été dressée contre lui.

« Mais qu’est-ce que… » fit Flynn, surpris à la fois par ce qu’il venait de se produire et par la vitesse de son adversaire. « Qu’est-ce que tu fiches ? »

« Tu as déjà oublié comment ça fonctionnait là d’où je viens ? » répliqua Yuri sur un ton acide.

… Les Nyx préféraient les actes à la parole. Par ce geste, le favori venait de lui prouver qu’il était loin d’être sans défense… ce qui laissait une question dans la tête du soldat : comment se faisait-il qu’il sache se battre alors qu’il était destiné à être un sage nocturne ? De mémoire, les prêtres d’Hélios n’avaient pas de formation militaire… mais le peuple de la nuit ne fonctionnait clairement pas de la même manière…

« Tous les enfants d’Umbra apprennent à se battre dès leur plus jeune âge. » lui confirma son adversaire en tentant de lui porter un nouveau coup qu’il para avec plus de facilité. « Les conflits entre clans, la chasse, les prédateurs qui rôdent dans les montagnes en attendant que l’on baisse notre garde… Les Nyx ont tous eu du sang sur les mains au moins une fois dans leur vie, que ce soit celui d’un animal ou d’un être humain. En prime, les Dents de Cerbère recèlent d’autres vilaines surprises pour compliquer un peu plus notre survie… »

La vitesse des frappes de Yuri s’accentua, contraignant Flynn à reculer pour ne pas être touché tout en bloquant les coups comme il le pouvait. Puis à un moment, il nota qu’il était à quelques pas d’un bouclier, probablement oublié par un des gardes qui devait assurer la protection de l’un des autres favoris. Il espérait une ouverture pour le récupérer et celle-ci se présenta d’une façon inattendue : dans la fièvre du combat, aucun d’eux n’avait dû réaliser qu’un vrai déluge arrivait sur eux, faisant qu’ils le reçurent de plein fouet. Si le soldat n’était pas gêné par la pluie, le Nyx en revanche eu sa vue obstruée par une mèche mouillée durant deux secondes, un laps de temps qui fut suffisant à l’hélien pour récupérer ce bouclier et ainsi parer avec plus de confort la lame qui venait sur lui.

« Et tu comptes vraiment retourner dans cet enfer sans rien dire ? » lança Flynn en haussant le ton, ses yeux azurs plantés dans ceux anthracites de son adversaire tout en bloquant le glaive le menaçant. « Je sais que tu ne le veux pas… »

« Je n’ai pas le choix ! »

Yuri se relança dans une série d’attaques rapides mais sa lame se heurta à chaque fois au bouclier, le bruit du métal qui résonnait étant en partie étouffé par celui du déluge qui s’abattait sur eux et qui ne semblait pas vouloir s’arrêter. Le soldat contrattaqua, inversant les rôles entre le Nyx et lui qui montra des signes de difficultés – il suspectait que la fatigue était en train d’avoir raison de lui et que l’énergie qu’il avait mise dans ce duel n’allait pas tarder à s’épuiser mais ce n’était pas une raison valable pour lui de baisser sa garde.

Avec cette pluie intense, la visibilité s’était grandement réduite et le sol sec de la cour était devenu glissant, le sable et la poussière recouvrant une partie des pavés s’étant changés en une boue qui les faisait déraper par moments. La précision de leurs gestes se trouvait affectée par tout cela, si bien qu’arriva ce qui devait arriver : aucun d’eux ne réalisa qu’ils s’étaient rapprochés du bassin où les favoris pouvaient nager librement et, en repoussant trop brutalement le Nyx, celui-ci glissa au niveau du rebord et tomba dans l’eau.

Sans réfléchir, Flynn jeta ses armes et se délesta vite de son armure avant de sauter dans le bassin, émergeant à côté de Yuri qui crachait l’eau qu’il avait avalée dans sa chute et dont il écarta les mèches de cheveux de son visage.

« Tu te sens mieux à présent ? » demanda-t-il calmement au favori. « Ou bien tu as encore du stress à évacuer ? »

« … Tu réalises que j’aurais pu te tuer ? » répondit le Nyx sans le regarder. « Ou du moins… »

« Oui. »

Il s’en doutait : Yuri avait déjà dû tuer certains de ses semblables par le passé. Il mentirait en disant que c’était quelque chose qu’il acceptait, surtout quand il pensait à quel âge il avait potentiellement dû devenir un meurtrier. Mais la violence dans laquelle il avait grandie… L’hélien se demandait comment le Nyx avait réussi à s’adapter à Hélios où la notion de survie n’était pas la même. Cela avait dû lui prendre du temps pour mener une vie plus paisible…

« J’aimerais que tu puisses être libre tu sais. » avoua-t-il, s’attirant le regard surpris du favori. « Tu n’es pas fait pour être enfermé dans une cage, quelle qu’elle soit. »

« … Et toi tu devrais échanger de poste avec le vieux. » répliqua le bel éphèbe avec humour. « Je suis persuadé que tu serais mille fois plus compétent que lui pour commander ! »

Il sourit à cette remarque puis, constatant que cette pluie semblait vouloir durer, il estima plus sage pour eux d’aller se mettre à l’abri avant d’attraper la mort. Avec précaution, ils sortirent du bassin, essayant de ne pas glisser, puis quand Flynn eut récupéré son armure – il jugea préférable de ne pas la remettre sur lui – et son glaive, ils rejoignirent la chambre de Yuri, trempés jusqu’aux os.

« Cela faisait longtemps qu’il n’y avait pas eu un tel déluge. » nota le soldat en refermant la porte derrière eux. « C’est plutôt une bonne chose. »

« Oui et non. » déclara le favori en essorant ses cheveux. « La terre est très sèche en ce moment donc si la pluie s’arrête trop tôt, l’eau ne va pas pénétrer dans les sols. Par contre, le niveau du Neilos et des différents puits va certainement remonter. »

« Oui… C’était nécessaire. »

L’hélien tourna son regard vers le Nyx, le voyant ainsi peigner sa longue chevelure de jais avec ses doigts. Il détailla sa silhouette de ses yeux azur, notant que les vêtements en lin noir qu’il portait étaient, à cause de l’eau, à présent collés à sa peau, des gouttes translucides tombant de temps à autre d’une manche. Le maquillage avait été effacé depuis longtemps par leur passage aux bains, les restes des traces de coups qu’il avait reçus étant de nouveau visibles, mais à présent, le bel éphèbe donnait une impression de force et de fragilité, ainsi qu’autre chose sur lequel il n’arrivait pas à mettre de mots, un ensemble qu’il trouvait magnifique à regarder.

« Et je voulais… m’excuser pour le sale coup d’Umbra la dernière fois. » déclara Yuri en soupirant. « Ce n’est pas correct qu’il t’ait agressé comme ça et... »

« Tu ne veux pas que je sois avec toi cette nuit j’imagine. » en conclut aisément Flynn. « Tu crains qu’il ne veuille recommencer. »

A ces mots, le Nyx détourna le regard quelques secondes, ses joues ayant pris des couleurs. Quand les yeux anthracite revinrent se fixer sur lui, l’hélien nota que le jeune homme lui faisant face s’était légèrement mordillé la lèvre inférieure – il ne savait pas trop comment interpréter cela, si c’était de la gêne ou bien autre chose.

« C’est pas exactement ça. » précisa le favori en grognant. « Je ne veux pas le tenter, même si j’ai bien une idée du pourquoi il s’est amusé à ça et de comment essayer de le convaincre de ne pas recommencer. Mais sincèrement, je comprendrai que tu ne veuilles pas faire ce qu’il aimerait… »

« Qu’est-ce que c’est au juste ? » questionna le soldat, appréhendant le pire.

« … Qu’on s’embrasse… »

En entendant cela, il ne cacha pas sa surprise… ainsi que sa gêne, sentant clairement qu’il était en train de rougir vu la chaleur que son visage était en train d’émettre. Il baissa un instant les yeux, maudissant cette divinité tordue qui, manifestement, avait de drôles de façon de s’occuper.

« Un vrai pervers celui-là. » lâcha Yuri dont la couleur des oreilles avait virée au rose. « A croire que ça l’amuse de tenter de dévergonder quelqu’un sans expérience… »

« Ce n’est pas parce que je n’ai rien fait que je ne sais pas comment ça se passe ! » répliqua Flynn, quelque peu vexé. « Et puis on ne peut pas franchement dire que tu m’as épargné sur le sujet… »

« Ce n’est pas de ma faute si tu ne connais que la théorie. »

« Je n’ai pas eu d’occasions pour pratiquer ce genre de choses et j’en sais assez pour me débrouiller le moment venu ! »

« Vraiment ? »

A cet instant, le soldat réalisa qu’il aurait mieux fait de se taire : en entendant sa dernière phrase, il avait clairement piqué l’intérêt du favori qu’il voyait sourire avec amusement, une main posée sur la hanche et le fixant avec un air provocateur.

« Donc là, maintenant, si je te dis que tu peux m’embrasser, tu le feras ? » répliqua le Nyx en venant se planter juste en face de lui dans une démarche suggestive. « En sachant bien sûr que nous n’avons personne pour nous regarder et donc cafter à qui que ce soit… »

« Je… » fit l’hélien, pris de court gêné par cette soudaine proximité. « Heu… »

« Juste des mots donc. Rien de surp- »

Cette remarque le poussa à réagir et, avant que Yuri n’ait terminé sa phrase, Flynn avait posé une de ses mains sur la mâchoire du bel éphèbe, le faisant taire, puis, prudemment, il combla ce qu’il restait de distance entre eux pour poser un baiser bref et maladroit sur cette bouche délicate. Avait-il détesté faire ça ? Non, cela bien qu’il reconnaissait que son manque de pratique dans ce domaine s’était certainement ressenti vu que leurs nez s’étaient frôlés et que le contact avait à peiné duré une seconde. Il avait inconsciemment passé sa langue sur sa lèvre inférieure, y trouvant un léger goût sucré qui n’y était pas auparavant et qui n’avait rien de désagréable.

Il ôta sa main, s’apprêtant à remettre de la distance entre eux quand le Nyx lui passa une main derrière la tête avant de l’embrasser, non pas brutalement comme Umbra avait pu le faire mais avec une douceur et une délicatesse à laquelle il ne se serait pas attendue de sa part. Le contact fut plus long de quelques secondes, lui laissant pleinement le temps de sentir les longs doigts fins passer dans ses mèches humides et de savourer les sensations agréables que cela lui procurait.

Puis leurs bouches se séparèrent, ne laissant que quelques millimètres entre elles, juste ce qu’il fallait pour sentir le souffle de l’autre. Il vit le favori se mordre la lèvre inférieure un bref instant mais à aucun moment il n’ôta sa main de ses cheveux.

« … Tes lèvres sont sèches. » lui murmura Yuri en baissant légèrement les yeux.

« … Les tiennes ont un goût de dattes enrobées dans du miel. » répliqua Flynn de la même manière. « Vu comme tu te jettes sur les desserts, ça ne devrait même pas me surprendre… »

« Hélios a beaucoup de choix en desserts mais j’ai eu du mal à m’y faire au départ. Trop sucré pour moi à l’époque. J’ai été habitué aux baies qui poussent dans les Dents de Cerbère comme les fraises, les airelles, les myrtilles… »

Le Nyx eut un sourire nostalgique en prononçant ce dernier mot, ses yeux se relevant et faisant que leurs regards se croisèrent à nouveau.

« J’adorais me gaver de myrtilles, même si je me retrouvais avec la bouche toute bleue après. » poursuivit-il avec un certain amusement, le regard brillant avec une certaine envie. « Je me faisais réprimander quand je rentrais mais j’étais content de moi. Plus jamais je n’ai pu en manger une fois en Hélios… »

« Tu as donc au moins un bon souvenir de ton enfance. » constata l’hélien avec un léger sourire.

« Oui… »

Aucun d’eux n’ajouta quoique ce soit, chacun étant à trop occupé à scruter intensément les yeux de l’autre tandis que cette proximité était toujours maintenue. Le silence régnait, cela si l’on exceptait le son de leurs respirations et la pluie, moins forte que plus tôt mais toujours audible, qui tombait sur le harem.

Puis cet instant cessa quand Yuri eut un frisson, le poussant à retirer sa main puis à s’écarter pour serrer ses bras contre lui et ses vêtements trempés.

« Il faut que je dorme un peu si je veux pouvoir tenir cette nuit face à Umbra. » précisa le favori en détournant le regard, le visage rougit par la gêne. « Si tu peux… »

« Bien sûr. » comprit Flynn qui se retourna, tout aussi embarrassé que son camarade.

Il entendit des légers sons derrière lui, signe que le bel éphèbe devait se déshabiller… ou du moins essayer, celui-ci s’étant mit à pester contre sa tenue encore gorgée d’eau et qui lui collait trop à la peau. Le soldat eut un sourire amusé avant de sentir un picotement au niveau de son nez, lui rappelant que lui aussi portait des vêtements trempés et il ne put retenir un éternuement, faisant émettra un léger rire au favori… qui éternua à son tour deux secondes après.

-§-

Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas pu se battre contre quelqu’un de coriace – Judith était restée son adversaire la plus redoutable depuis qu’il l’avait affrontée – et il devait admettre que combattre Flynn lui avait fait un bien fou. S’il avait su qu’il était aussi fort, Yuri l’aurait provoqué en duel bien plus tôt et ça leur aurait évité de finir tous les deux dans le bassin à cause de ce déluge – vu la durée de celui-ci, il suspectait que les prières régulières de son amie à Océan avaient enfin porté leurs fruits.

Etre seuls dans la même pièce avec des habits leur collant à la peau était loin d’être la meilleure idée qu’il ait eue car même si l’hélien portait un pagne en plus de la tunique sous son armure, cela suffisait amplement à mouler toute sa musculature, un détail que le Nyx avait bien noté et qui n’avait pas manqué de le perturber. C’était en partie pour cette raison qu’il n’avait pas réfléchit en le provoquant et qu’il avait été pris de court quand celui-ci l’avait embrassé. S’il n’avait pas réussi à se retenir de l’embrasser à son tour, il était parvenu, non sans mal, à en rester-là et s’il n’avait pas réalisé qu’il avait froid, il aurait peut-être cédé de nouveau à la tentation.

Il s’était pas mal débattu avec son habit, frissonnant une fois qu’il s’en fut débarrassé, et il s’était hâté de trouver de quoi finir de se sécher – pour ses cheveux, il ne se faisait pas d’illusions sur le fait qu’ils seraient encore humides une fois la nuit tombée. Puis il avait eu la mauvaise idée de lever les yeux en entendant le soldat se déshabiller… et de rester bloqué cinq bonnes secondes sur ce fessier musclé qui était loin de lui déplaire – depuis trois ans, il en avait vu passer des paires de fesses dans ce harem, une bonne partie des pensionnaires aimant se baigner nus dans le bassin, mais là, ce cul lui donnait envie de croquer dedans pour savoir s’il était aussi ferme qu’il en avait l’air.

Yuri s’était vite hâté de chasser de son esprit toute image pouvant encore plus exacerber son attirance pour Flynn avant d’aller se coucher… ce qui ne l’avait pas empêché de rêver qu’ils étaient allés plus loin que ces chastes baisers – si jamais ce dieu pervers lui conseillait de se faire sauter par son garde, il allait lui coller son poing dans la figure.

Karol l’avait réveillé au crépuscule puis aidé à enfiler des habits secs. Le soldat n’était pas dans la chambre, ce qui était peut-être préférable. Ce ne fut qu’une fois dans la cour qu’il le vit à l’entrée des bains en train de parler avec Raven ainsi qu’un Lucrèce visiblement épuisé.

« Quelqu’un est debout on dirait. » fit remarquer le capitaine, faisant se retourner le garde vers lui. « Prêt à rendre visite à ton créateur ? »

« Je vais surtout lui dire ma façon de penser. » précisa Yuri avant de se tourner vers l’érudit. « Tu vas bien ? »

« J’ai juste besoin de dormir un peu… » répondit mollement Lucrèce, confirmant qu’il était fatigué. « C’est là que je regrette d’avoir congédié tout mon personnel… »

« Je vais t’aider à rejoindre ta chambre. » proposa Flynn en lui tendant son bras.

« Merci. »

Calmement, le soldat laissa le favori taciturne s’appuyer sur lui puis après les avoir salués et que le Nyx ait échangé un regard avec l’hélien aux cheveux blonds, ils montèrent les escaliers puis disparurent de leur champ de vision une fois arrivés à l’étage.

« Comme je l’expliquais à Flynn, les préparatifs pour le départ ont été en partie retardés à cause du déluge de tout à l’heure. » déclara Raven avec sérieux, attirant le regard du Nyx sur lui. « Qui plus est, Lucrèce et moi trouvons curieux que Garista soit si discret… »

« Il prépare quelque chose. » en conclut aisément Yuri. « Comme faire venir l’Alliance de Sang ici. »

« Ce n’est pas impossible mais nos options pour les arrêter sont très réduites. »

Sauf si Umbra lui-même intervient… Mais encore fallait-il savoir ce que la divinité de la nuit pensait réellement de tout cela car, aussi loin qu’il s’en souvenait, le favori n’avait jamais eu l’impression que leur dieu voulait qu’ils cessent les combats. Cela mériterait qu’il tire ça au clair en priorité…

« Autre chose. » ajouta l’espion en lui faisant signe de le suivre. « A l’exception de Karol, plus aucun d’entre vous n’est autorisé à sortir d’ici par la grande porte. »

« La grande porte… » répéta Yuri, intrigué par ce choix de mots alors que tous deux allaient quitter le quartier des favoris. « Il y a donc une autre sortie… »

« Un passage secret que le roi Thar m’a montré récemment. Droite l’a probablement déjà exploré en entier mais celui-ci relie l’ancien bâtiment des enfants à la salle du trône ainsi qu’à l’extérieur. J’ai personnellement vérifié et personne ne peut entrer au harem par ici : les portes sont fermées par un mécanisme qui ne s’ouvrent que si l’on possède la bonne clé. Quant à ce qu’est cette clé, c’était quelque chose en rapport avec Topaze… »

« Ce n’est pas forcément une bonne nouvelle tu sais le vieux. Même si je ne pense pas que ces abrutis soient des fervents admirateurs de Topaze, Parques est dans les Terres des Nyx. »

En réalité, si la situation entre Parques et Barbos était la même, il était possible que cette ville soit toujours hostile au vieux chef de clan car après tout, Parques était aussi surnommée « la ville des femmes » car seules femmes et enfants avaient le droit d’y pénétrer – une exception était faite pour le sage nocturne, ce qui avait permis à Yuri de voir les plus redoutables combattantes de son peuple sous un nouveau jour.

« Droite et sa sœur viennent de Parques et la dirigeante de cette ville est, selon les dires de notre alliée, plus favorable à la Griffe de Léviathan qu’à l’Alliance de Sang. » précisa Raven en ouvrant la grille barrant l’accès au bâtiment abandonné. « Je te laisse à présent. J’ai encore des choses à vérifier… Je reviendrai au lever du soleil pour t’ouvrir. »

« Ça marche. »

Le Nyx rentra dans la cour du bâtiment sinistre puis s’avança vers ce dernier, entendant la grille être fermée à clé derrière lui dans un grincement strident. L’obscurité prit peu à peu le dessus, un point qui ne le gênait nullement… mais qui lui révéla, au fur et à mesure de son avancée, l’horreur qui avait eu lieu ici par le passé : des murs noircis par la fumée, des plafonds en partie effondrés, des ossements calcinés ou des fragments ayant éclatés à cause d’une chaleur trop intense, une odeur de cendres froides et humides… Cet endroit avait été victime d’un incendie et vu la fragilité dont semblait souffrir ce bâtiment, il aurait déjà dû être démoli depuis longtemps.

Le favori réprima un haut le cœur face aux scènes atroces qui se dessinaient dans son esprit puis il chercha Droite du regard. Deux secondes plus tard, un bruit attira son attention et en s’avançant, il vit la jeune femme sortir d’un trou dans un mur de pierre. Celle-ci s’apprêtait à le refermer quand elle l’aperçut.

« Oh ! » fit-elle, surprise, avant de lui faire signe de venir. « Je faisais à nouveau le tour de ce passage secret pour vérifier les accès. »

« Quelque chose d’intéressant ? » questionna-t-il en la rejoignant.

« Je pense que cette porte-ci était très utilisée, que ce soit dans un sens comme dans l’autre car elle est très facile à ouvrir. Celle menant à la salle du trône aussi mais je ne pense pas que ce soit le cas dans l’autre sens. Pour celle menant à la sortie, aucune chance qu’un de ces abrutis puisse passer par là : personne de Parques n’aurait rejoint l’Alliance de Sang. Ce serait se mettre Kaufman à dos et personne ne le veut… »

« Donc c’est elle qui est à la tête de cette ville maintenant… Elle est de votre côté ? »

« Maître Yeager lui reverse une partie de nos butins en échange de son soutien. Dès qu’il sera chef des Nyx, elle veut rouvrir toutes les routes commerciales avec Séléné et Hélios. »

Une tâche ardue mais pour une femme telle que Kaufman, nul doute qu’elle allait parvenir à son but. Cette commerçante née pouvait vendre n’importe quoi à ceux du peuple de la nuit alors faire cela avec leurs voisins allait être une partie de plaisir pour elle – il se souvenait que lors de sa dernière visite à Parques, elle avait réussi à vendre en un temps record plusieurs statuettes de Topaze, souvent à des personnes qui en avait déjà chez elles.

Après qu’ils aient discuté, Droite lui laissa un peu d’espace, lui promettant de garder un œil sur lui. Avec appréhension, Yuri s’assit en tailleur dans un coin un minimum dégagé et entreprit de faire une chose qu’il n’avait pas faite depuis longtemps : méditer. Quand il vivait à Némésis, il s’installait dans un recoin calme des montagnes, sentant ainsi l’air frais sur son visage et humant les multiples odeurs qui arrivaient à ses narines – celles des nombreuses fleurs sauvages poussant sur les rives du Lymna et sur les versants des Dents de Cerbère prenaient souvent le dessus sur toutes les autres. A son arrivée en Hélios, il avait eu plus de mal à trouver un endroit adapté à la méditation – et puis il avait moins ressenti le besoin de reprendre le contrôle de ses émotions par rapport à son pays d’origine où il était en permanence sous tension – mais une fois que c’était fait, il avait pu ressentir de nouvelles choses, à la fois intrigantes et exotiques. Puis une fois entré au harem, il avait cessé de s’y adonner, estimant que cela n’était plus possible dans pareil endroit.

A présent, il était plus que temps qu’il se remette à cette activité seulement là, une fois qu’il eut fermé les yeux, au lieu de totalement vider son esprit, il se concentra sur une seule chose : Umbra.

Il pensait qu’il allait devoir attendre un bon moment avant d’obtenir quoique ce soit, n’ayant aucune idée de si cela allait donner des résultats, mais en entendant un son qui n’était pas venu à ses oreilles depuis des années, le Nyx ouvrit les yeux… pour voir qu’il n’était plus dans le bâtiment abandonné mais debout dans une caverne au plafond ouvert. De la neige recouvrait le sol de pierre et, face à lui, sculpté dans de l’améthyste, un trône sur lequel siégeait une personne aisément reconnaissable avec ses yeux rouge sang, sa longue chevelure noire, son long manteau fait de fourrures d’ours et de loups et ses bottes fourrées…

« Trouvé ! » lui lança Umbra en penchant sa tête sur le côté, dévoilant un pendant d’oreille fait en métal et certainement avec un croc de loup. « Ce n’était pas si compliqué. »

« Personne n’a jugé bon de me dire que c’était possible avant aujourd’hui. » dit Yuri en croisant les bras sur sa poitrine, jetant un regard noir à son dieu. « Et on ne peut pas franchement dire que vous ayez cherché à entrer en contact avec moi. »

« L’habitude… Et puis normalement, je n’autorise pas mes réceptacles à m’atteindre mais pour toi, j’ai fait une exception. »

« Trop d’honneur… Surtout de la part de quelqu’un qui ne se soucie pas de son propre peuple. »

Umbra avait plissé les yeux à cette remarque mais rien d’autre chez lui n’indiquait que cette pique l’avait affecté d’une manière ou d’une autre. De la part d’un dieu réputé pour être fourbe et menteur, c’était à prévoir… Il allait être très difficile voire même impossible de lire en lui.

« J’ai peut-être créé les Nyx par accident mais je sais très bien ce qu’il se trame sur notre territoire. » déclara la divinité sur un ton plus ferme. « Et cela ne m’a pas du tout amusé quand j’ai senti que cette sale vermine avait éliminé un sage nocturne que j’appréciais beaucoup. Il mérite pleinement le sort que Yeager lui prépare… »

« Pourquoi ne pas intervenir vous-même pour stopper l’Alliance de Sang ? » questionna le jeune homme, suspicieux.

« Parce que ce clan possède une particularité à laquelle Barbos a soigneusement veillé via les différents raids sur Hélios : tous ses membres sont de sang-mêlé. Je ne peux pas les contrôler comme j’aimerais le faire depuis vingt bonnes années… »

Cela, Yuri l’ignorait… mais cela pouvait expliquer certaines choses, notamment comment ils pouvaient supporter les températures d’Hélios… et pourquoi ce clan tendait à ne pas trop s’aventurer dans les zones les plus froides des Dents de Cerbère. En revanche, cela signifiait qu’une confrontation avec eux serait inévitable et, que ça lui plaise ou non, se salir de nouveau les mains – la dernière fois qu’il avait dû tuer quelqu’un, c’était de la légitime défense et il n’aurait pas réussi à le pousser dans le vide, ça aurait été lui qui aurait fini mort et enterré.

« Avant de débuter avec les choses sérieuses… » commença Umbra en quittant son siège, un air espiègle sur le visage. « Tu aurais dû aller plus loin avec lui. Vu son langage corporel, il n’y aurait pas émis la moindre ob- »

« Non. » coupa fermement le Nyx, agacé par la suggestion perverse qui lui était faite. « C’est un hélien et moi je vais être coincé toute ma vie sur les Terres des Nyx… »

« Pas tout à fait. Cela inclut aussi toute la région du Lymna, y comprit les parcelles qui appartiennent officiellement à Hélios et Séléné. Officieusement, cette partie n’est à personne. Sol, Luna et moi en avions décidé ainsi pour une raison… précise. »

Après ces mots, la divinité de la nuit vint se planter face à lui en un éclair, le faisant presque sursauter, et affichant un air grave sur son visage.

« Tu n’es pas sans savoir que mon cher père a été scellé sous le lac Lymna. » dit Umbra qui poursuivit quand il le vit hocher la tête. « En tant qu’enfants du dieu du Néant, nous sommes censés posséder chacun un peu de son pouvoir mais dans les faits, ce n’est pas le cas pour nous tous. Luna n’en a pas une once en elle tandis que pour Sol, celui-ci a fusionné avec sa lumière pour donner son feu destructeur. Je suis le seul à avoir des pouvoirs proches de l’Adephagos. »

« Donc la capacité à détruire toute création. » en conclut Yuri, ce que la divinité lui confirma. « Dans une moindre mesure j’imagine. »

« Tout à fait. Cependant, cela fait aussi de moi le plus à même pour sentir une… anomalie. »

Umbra leva sa main et claqua des doigts, faisant souffler un bref vent glacé sur eux. A côté d’eux, la neige fut balayée puis, dans un son cristallin, des améthystes sortirent du sol, cela jusqu’à former quelque chose de familier aux yeux du Nyx : une carte de la région du Lymna et de Dents de Cerbère.

« De nous trois, c’est moi qui suis situé le plus proche du sceau de père, une décision qui n’a pas été prise au hasard. » poursuivit la divinité en désignant ce qui représentait le lac Lymna. « Quand Barbos a commencé à monter son Alliance de Sang, j’ai fait l’erreur de ne pas y prêter attention, faisant que j’ai compris un peu tard que le sceau s’était peut-être fragilisé de notre côté. »

« Fragilisé ? » tiqua Yuri, n’aimant pas trop ce que cela pouvait signifier. « L’Adephagos pourrait donc… »

« Je ne pensais pas cela possible à l’époque car je n’ai plus rien noté sur la partie du sceau que j’ai placée moi-même et je doute que celle de Luna ait bougée. En revanche, quelques années après, les rumeurs sur Hélios sont arrivées à mes oreilles mais le « charmant cadeau » de père m’empêchait de vérifier le sceau de mon frère… »

Le Nyx vit que durant une microseconde, Umbra avait laissé passer des signes montrant à la fois de la frustration et… de la souffrance.

« Qu’est-ce que le dieu du Néant vous a fait au juste ? » questionna le jeune homme, faisant se voiler un bref instant le regard rouge sang face à lui.

« L’aube et le crépuscule… » répondit la divinité en grinçant des dents. « A l’origine, Sol et moi pouvions nous voir librement dans le ciel mais père détestait mon frère et ne supportait pas notre proximité de l’époque… alors il a déchiré le ciel pour que le jour et la nuit ne puissent plus jamais se toucher l’un et l’autre. Bien qu’il soit à présent scellé, mon frère et moi n’avons jamais pu passer outre cette barrière, pas sans ressentir une douleur intense. »

« … C’est pour ça que je me suis réveillé en Hélios après ma fuite : parce que vous ne pouviez pas faire autrement. »

Le Nyx avait toujours gardé un grand trou de mémoire sur comment il avait fini de traverser ce lac puis passé la frontière avec Hélios. Depuis peu, il suspectait Umbra d’en être le responsable mais n’avait jamais réussi à comprendre ses motivations.

« Oui… » confirma la divinité avec gravité. « Et depuis quelques heures, les soupçons que j’avais se sont changés en certitude : le sceau de Sol a été fragilisé, surement sur plusieurs années. La nourriture que ces prêtres détournent n’a pu être utilisée que comme offrande à un dieu et je suis persuadé que ce n’est pas pour mon frère… mais pour mon père. »

Ce qui voudrait dire que les prêtres de Sol avaient trahis leur propre divinité… mais pour quelle raison ? Le pouvoir peut-être ? Ou la folie ?

« Vu le peu de temps que nous avons tous les deux cette nuit, je vais t’enseigner les rituels qui, dans le cas présent, sont les plus importants. » poursuivit Umbra. « Nous allons aussi devoir apprendre à nous harmoniser et ça, ça ne sera pas une mince affaire… »

Sur ce point-là, Yuri n’allait pas le contredire mais vu les enjeux, il n’avait pas d’autres choix que de s’appliquer pour retenir tout ce qu’il n’avait pas pris la peine d’écouter dès le départ…

-§-

S’il disait qu’il avait passé une bonne nuit de sommeil, Flynn mentirait. Après avoir aidé Lucrèce à rejoindre sa chambre et avant d’aller se coucher, il avait préféré faire le tour du harem une dernière fois, vérifiant que rien n’avait bougé depuis sa dernière patrouille – il avait profité de la sieste de Yuri et du retour de Karol et de Repede pour bien inspecter les lieux durant l’après-midi, cela malgré la pluie qui n’avait cessé que peu avant la fin de sa patrouille. Si ce n’était qu’un changement du garde chargé de surveiller les portes du harem, il n’y avait rien eu à signaler… faisant qu’il se retrouva à repenser ce baiser… ou plutôt ces baisers.

Inconsciemment, il avait posé ses doigts sur ses lèvres, se remémorant les délicieuses sensations de ce contact intime, ce petit goût sucré qui correspondait très bien au favori et surtout, le fait qu’il n’avait pas détesté ça. Il n’était pas certain de ce que cela signifiait. Est-ce qu’il avait une attirance physique pour le Nyx dont la beauté l’avait plus d’une fois ébloui ou bien était-ce plus que ça ? Il n’avait pas le souvenir d’avoir ressenti quelque chose d’équivalent avec qui que ce soit auparavant…

Puis il se rappela ce que le capitaine Schwann lui avait précisé sur les sages nocturnes et que Lucrèce avait confirmé un peu plus tôt : en tant que représentants d’Umbra, ils avaient interdiction de se marier mais en revanche, rien ne leur interdisait de fonder une famille ou d’avoir des relations amoureuses, cela à la seule condition que leur impartialité ne puisse pas être remise en cause – son supérieur lui avait précisé que le prédécesseur de Yuri avait respecté cette règle en envoyant sa famille loin de Némésis et que ceux-ci vivaient toujours près de la frontière avec Hélios. Donc en théorie, s’il envisageait une relation avec le favori une fois que celui-ci aurait quitté le harem, cela serait possible…

Ses pensées continuèrent de le tourmenter dans ses rêves, lui faisant entrevoir ce qui aurait éventuellement pu se passer si le Nyx et lui étaient allés plus loin – cette image d’eux nus, collés l’un contre l’autre en train de s’embrasser avec ardeur risquait d’être très difficile à oublier – ainsi que les conséquences dramatiques que cela aurait eu s’ils avaient été découverts. Flynn s’était réveillé en sursaut à l’aube quand ses songes lui avaient montré sa propre exécution par décapitation, sa main se posant instinctivement sur sa gorge, là où le sabre aurait dû lui trancher la tête.

A l’exception de Repede, personne n’était réveillé dans le bâtiment des favoris, faisant que le soldat en avait profité pour aller se passer de l’eau sur le visage et marcher un peu. La chaleur revenait doucement au fur et à mesure que les teintes chaudes de l’aurore chassaient le ciel nocturne. Les pas du soldat l’amenèrent devant les grilles du bâtiment abandonné, lieu bien sinistre à cette heure-ci, et dont la vision lui rappela que le favori était toujours à l’intérieur.

L’hélien hésita un moment, se demandant s’il ne valait pas mieux qu’il attende la venue de son supérieur, avant de finir par escalader les grilles et se diriger vers cette lugubre construction… avant de s’arrêter à mi-chemin en sentant que les températures devenaient plus froides au fur et à mesure qu’il s’en approchait. Qu’est-ce que cela signifiait au juste ? Prudemment, il entra à l’intérieur… et fut frappé de plein fouet par le froid glacial et pénétrant qui y régnait. L’autre chose qui le surprit fut quand il entendit craquer sous son pied… et qu’il découvrit qu’il avait marché sur une espèce de couche blanche et étincelante semi-translucide.

« Q-Qui est là ? » lança Droite avant d’apparaître dans son champ de vision, ses bras serrés contre elle et claquant des dents. « C-C’est t-toi. C-C’est déj-jà le m-matin ? »

« A peine. » répondit-il en frottant ses mains contre ses bras pour tenter de se réchauffer et voyant qu’il faisait si froid que leurs souffles étaient visibles. « Qu’est-ce qu’il s’est passé ici ? »

« T-Tout s-s’est mis a-a gi-ivrer d-dans la n-nuit. J-J’ose m-même p-pas le t-toucher… »

… Le toucher ? Est-ce que c’était de Yuri dont elle parlait ? Le jeune homme se mit à le chercher frénétiquement du regard, sans succès, puis il s’avança dans une pièce voisine… et se figea quand il découvrit dans quel état était le favori : celui-ci était assis sur le sol en tailleur, les yeux fermés… sa peau bien plus blanche que d’ordinaire, ses lèvres bleues et son corps en partie recouvert de cette chose étincelante et semi-translucide. Ne voyant pas la poitrine de celui-ci montrer le moindre signe de respiration, le soldat voulut lui poser la main sur la nuque pour vérifier qu’il était bien vivant…

« Non ! » s’exclama une voix puissante en le tirant en arrière. « Si tu n’attends pas que le soleil se lève, tu risques de le tuer ! »

Flynn tourna la tête et fut surpris de découvrir que c’était le roi Thar qui l’avait stoppé. Mais d’où venait-il ?

« Rowen m’a proposé de me faire gagner du temps pour arriver ici via les passages secrets. » précisa le souverain en ôtant la cape aux tons clairs qu’il portait, dévoilant le fait qu’en dessous, il ne portait une tunique et un pagne clair. « Je voulais voir s’il avait réussi à contacter Umbra et il semblerait que ce soit le cas. Tout cet endroit est sous l’influence du dieu des ténèbres. »

« Est-ce qu’il… » commença le jeune homme, trahissant son inquiétude.

« Il est vivant mais son corps a été gelé, probablement parce que c’était sa première vraie prise de contact avec son dieu. »

D’un geste de la main, le maître d’Hélios indiqua à Droite de quitter les lieux, ce que celle-ci s’empressa de faire, ayant visiblement hâte d’aller se réchauffer. Une fois certain qu’elle n’était plus là, le roi Thar lui remit sa cape puis se plaça face à lui, permettant à Flynn de constater que son aîné n’était pas du tout apprêté, ses cheveux étant en bataille et aucun trait de khôl n’étant là pour souligner ce regard mordoré qui le fixait avec intensité.

« Comment cela se passe pour Lucrèce ? » le questionna le souverain sur un ton inquisiteur.

« Il était épuisé hier soir. » répondit le soldat sans détour. « Quand je l’ai ramené à sa chambre, il tenait à peine sur ses jambes. »

« C’était à prévoir. Autre chose : où es enterré ton père ? »

« A Spero, mon village natal. »

Depuis Aurum, il n’était pas très difficile de s’y rendre vu que c’était un des premiers villages que l’on croisait lorsque l’on remontait le fleuve en partant de la capitale – le jeune homme se demanda d’ailleurs comment se portait Sodia, n’ayant pas eu l’occasion de la voir depuis qu’il était entré en poste au sein du harem. Spero était au départ un village de paysans mais beaucoup, comme son père, avaient dû se reconvertir en mineurs dans les Dunes pour gagner de quoi vivre.

Le roi Thar avait hoché légèrement la tête en entendant sa réponse puis, soudain, le soldat vit le regard mordoré de cet homme s’illuminer un bref instant. Avait-il rêvé ? Il était pourtant certain d’être bien réveillé…

« Le soleil est là semble-t-il. » déclara le souverain en se tournant vers le corps gelé du Nyx. « Mets-toi derrière lui mais fait attention à ne pas le toucher tant qu’il ne bouge pas. »

Bien qu’intrigué, Flynn s’exécuta et s’accroupit derrière le favori tandis que le roi se plaçait en face de celui-ci avec un genou au sol – le jeune homme fut surpris en voyant que ce « givre » qui était au sol fondait autour du souverain, ne laissant que quelques gouttes d’eau qui s’évaporèrent en un instant. Le regard de son aîné se mit de nouveau à luire, cette fois-ci durant plusieurs secondes, puis le souverain prit une profonde inspiration avant de souffler sur le corps glacé de Yuri. Le soldat était étonné de sentir un air aussi chaud être expiré, faisant que s’il n’avait pas vu le Nyx basculer en arrière, il ne l’aurait pas rattrapé à temps. Ses yeux bleus se baissèrent sur le bel éphèbe en sentant que les habits de ce dernier étaient trempés, voyant ainsi que celui-ci avait une respiration lente et qu’il commençait à reprendre des couleurs.

« Il va rester endormi plusieurs heures le temps que son corps se remette de cette hibernation forcée. » expliqua le roi Thar tandis que le garde enroulait Yuri dans la cape pour ne pas qu’il prenne froid. « Par contre, il faudra bien s’assurer qu’il se réchauffe durant son sommeil. »

« Comment avez-vous… » commença Flynn en levant la tête vers le souverain, abasourdi par ce qu’il venait de voir. « Vous saviez que cela allait se produire ? »

« Je l’ai supposé en me basant sur ce que j’avais moi-même expérimenté avec Sol. Umbra et lui sont des divinités très puissantes donc en devenir le réceptacle nécessite une certaine préparation si l’on ne tient pas à y laisser la vie, surtout avec Sol. »

Ce qu’il avait… Mais bien sûr : le roi Thar était l’actuel réceptacle de Sol. Il aurait dû le comprendre plus tôt. Sauf que si c’était le cas…

« Si tu te demande pourquoi je ne laisse pas ma place à Sol pour qu’il dise le fond de sa pensée à Garista, saches que bien que l’envie ne me manque pas, cela m’est impossible. » déclara le souverain en se relevant. « Depuis que ce bâtiment a brûlé, le dieu d’Hélios et moi-même ne sommes plus en phase. Mon frère a été contraint de bloquer mon lien avec la divinité car suite à l’incendie, j’ai développé une peur du feu. »

« Sauf que vous pouvez toujours utiliser les pouvoirs de Sol… » souligna le jeune homme, intrigué.

« Je reste son réceptacle, cela même si ses interventions auprès de moi se résument le plus souvent à observer ce qu’il se passe en Hélios et à me donner son avis quand il n’est pas de mauvaise humeur. Si je voulais être séparé de lui, il faudrait que je meure ou qu’on lui désigne un autre réceptacle. »

Vu la façon dont ce regard mordoré s’était mis à le fixer, Flynn devina que leur conversation était terminée, cela bien que d’autres questions lui brûlaient la langue. Le soldat regarda le souverain partir rapidement par ce qui était manifestement un passage secret puis il se débrouilla pour caler au mieux Yuri contre lui avant de le porter dans ses bras. Il réussi sans souci à le sortir du bâtiment, retrouvant des températures normales ainsi que Droite qui l’attendait près des grilles ouvertes avec le capitaine Schwann. Personne ne fit de commentaire quand ils virent l’état du favori et, calmement, il avait ramené ce dernier dans sa chambre où Karol, à moitié réveillé, se hâta d’aller chercher de quoi le réchauffer.

Après cela, le jeune homme était resté à surveiller le Nyx pendant que le serviteur s’occupait de Lucrèce qui était retourné aux bains régénérer Cyan et que la jeune femme était allée dormir dans la chambre de l’érudit – ce dernier n’y voyait aucune objection tant qu’elle ne touchait pas à ses affaires. Repede s’était allongé contre son maître pour aider à le réchauffer mais quand le garde constata que le bel éphèbe était toujours glacé, il dut se résoudre à s’allonger aux côté de ce dernier jusqu’à la fin de la matinée – bien qu’il voyait très bien que le favori respirait, il restait inquiet car celui-ci ne bougeait pas d’un millimètre, faisant qu’il restait très attentif à son état. Ce ne fut que vers midi qu’il vit que le jeune homme aux cheveux de jais pliait par moment ses doigts dans son sommeil, ce qu’il jugea comment étant un bon signe.

Flynn avait enfin été rassuré dans l’après-midi quand il avait posé sa main sur le front de Yuri et que celui-ci avait légèrement gémit face à ce contact, sa température corporelle étant enfin revenue à la normale. Laissant le favori sous la garde du chien borgne, l’hélien était allé rejoindre Lucrèce qui mangeait avec Karol et Droite – l’érudit était encore plus fatigué que la veille au soir et cette fois, ils avaient tous insisté pour qu’il se repose un peu, Cyan, visiblement revigoré, ayant précisé qu’il pouvait à présent se passer de lui le temps qu’ils rejoignent le Neilos. Quand il eut de nouveau monté le favori taciturne dans ses appartements, le soldat entreprit de faire le tour du harem en commençant par la chambre du Nyx – celui-ci était toujours profondément endormi et il eut du mal à ne pas admirer l’air paisible qu’il avait, se retenant de justesse de lui remettre en place une mèche de cheveux lui barrant le visage.

Comme la nouvelle lune était pour ce soir, le jeune homme décida d’être minutieux et de bien inspecter les lieux, débutant par la partie réservée aux favoris – il s’attarda longuement sur les bains, seul pièce où il était possible de se retrancher, notant que le jeune serviteur avait visiblement tout préparé pour bloquer les portes. Il vérifia ensuite le bâtiment abandonné dont il dut escalader les grilles – le capitaine Schwann les avaient verrouillées ce matin – mais rien n’avait été bougé et l’instabilité potentielle du lieu ne l’encourageait pas à poursuivre son inspection – un léger grincement l’avait intrigué mais quand il vit une pierre tomber à un mètre de lui, il jugea préférable de ne pas continuer.

Flynn s’apprêtait à aller vérifier le dernier bâtiment du harem avant de retourner veiller sur Yuri, et éventuellement se préparer à devoir le déplacer, quand il nota que la porte du harem était entrouverte. Les ordres du roi lui interdisaient de sortir mais il ne lui était pas interdit de vérifier si le garde qui était censé être entre les deux portes était à son poste… et il constata vite que celui-ci manquait à l’appel.

« Qu’est-ce… » murmura-t-il avant de baisser les yeux, notant au sol la présence d’une pièce d’or qui n’était pas censée se trouver ici.

Le sang de l’hélien se glaça : si la personne chargée de surveiller les allées et venues n’était plus ici, alors n’importe qui pouvait entrer ici et Yuri risquait de…

Soudain, un son fit se retourner le soldat en direction de la cour du harem, celle normalement occupée par les pensionnaires qui n’étaient pas les favoris du roi, et il ne tarda pas à voir une silhouette colorée qui n’avait rien à faire ici : Orpin était revenu et celui-ci le fixait d’un air… étrange. Flynn allait lui demander ce qu’il faisait ici quand le favori imprévisible se faufila dans une pièce du bâtiment, obligeant le garde à vite prendre une décision : aller chercher de l’aide ou lui mettre la main dessus tant qu’il ne pouvait pas s’échapper.

Il opta pour la deuxième solution et le suivit dans ce qu’il se doutait être une chambre… mais à peine avait-il passé la porte pour coincer Orpin qu’il reçut un coup violent derrière la tête et s’écroula au sol, à moitié assommé. La dernière chose qu’il vit avant de perdre connaissance fut l’étrange jeune homme qui vida le contenu d’une fiole sur un linge blanc avant de le lui plaquer contre le visage…

-§-

Toute la nuit, il l’avait passée à s’entrainer avec Umbra pour mieux s’accorder avec le dieu quand celui-ci prenait possession de son corps et revoir en accéléré tout ce qu’il devait savoir pour occuper sa fonction de sage nocturne – la divinité avait jugé plus urgent qu’il apprenne le rituel de passation afin que le prochain dirigeant des Nyx puisse régner sur le peuple de la nuit en toute légitimité. C’était éreintant mais cela en valait la peine et lui permettait de détourner son esprit de son attirance pour Flynn qui le dérangeait au plus haut point – heureusement, ce dieu pervers n’était pas d’humeur à le déconcentrer avec des allusions sur leur relation, ce qui l’avait bien arrangé.

Ce devait être l’après-midi quand il se réveilla dans sa chambre, probablement transporté jusque dans son lit par le soldat pour éviter qu’il ne dorme sur le sol froid et sinistre du bâtiment abandonné. Il chercha d’ailleurs celui-ci du regard, s’attendant à le voir, comme souvent, adossé contre un mur pour être le mieux placé possible pour surveiller les lieux mais, étrangement, il était absent…

Un peu déconcerté, il se leva en baillant et tourna son regard vers Repede, le seul autre être vivant qui était avec lui et qui, visiblement, montait la garde, signe qu’ils étaient probablement seuls dans les parages – logiquement, Lucrèce devait être retourné dans les bains pour continuer de régénérer Cyan et Karol avait certainement dû aller chercher de quoi s’occuper.

« Ça fait longtemps que je dors ? » demanda-t-il à son ami canin avant de le rejoindre pour observer le ciel, constatant que le bleu de celui-ci avait commencé à prendre les teintes chaudes du couchant, signe que le soleil était très proche des Dunes. « Apparemment oui… »

Il jeta un autre coup d’œil dans sa chambre, repérant une assiette de dattes dans laquelle il commença à piocher… lorsqu’il eut une drôle de sensation. Il crut avoir rêvé mais quand Repede se mit à grogner et qu’il ressentit à nouveau cela, il sut que quelque chose n’allait pas… Des pas précipités se firent entendre puis Karol arriva en courant dans la pièce, complètement essoufflé.

« Yuri… » commença le jeune serviteur en reprenant difficilement son souffle. « Y a… un problème… »

« Qu’est-ce qu’il y a ? » demanda le favori en se mettant vite au même niveau que son ami.

« Droite… a vu Flynn… se faire attraper par des types… Elle pouvait pas… intervenir… Ils l’ont… emmené… hors du harem. »

Le Nyx sentit son sang se glacer en entendant cela. Pourquoi enlever le soldat ? Cela n’avait absolument aucun sens ! Il n’y avait rien le concernant qui justifiait un tel acte… n’est-ce pas ?

Retrouve-le, tout de suite !

La voix d’Umbra résonna dans sa tête et vu le ton employé, le dieu des ténèbres était encore moins calme que lui. Seulement, comment pouvait-il lui parler alors qu’il faisait encore jour ? Etait-ce parce que le crépuscule avait débuté ? Mais dans ce cas…

Ne reste pas planté là ou bien il sera mort quand on le trouvera !

« Restez-ici tous les deux. » dit Yuri en partant le plus vite possible en direction de la sortie du harem. « Et qu’est-ce que tu veux dire par là dieu pervers ? »

Tu vas bientôt le découvrir… Et prend le passage vers la salle du trône !

Sans chercher à comprendre, le Nyx s’exécuta et fonça vers le bâtiment abandonné. A peine arrivé devant celui-ci, il ne perdit pas de temps et escalada les grilles pour se laisser tomber avec souplesse de l’autre côté avant de reprendre sa course. Droite l’interpella mais il était pressé et il lui dit de rester où elle était avant d’entrer dans le passage secret puis de prendre à droite en direction de la salle du trône.

Alors qu’il était presque arrivé au bout, cette sensation étrange revint, suivie d’une soudaine montée de température… et quelques secondes après, ses oreilles perçurent un cri déchirant qui lui fit froid dans le dos.

-§-

Il était en plein entretien privé avec le roi pour l’informer des mesures prises pour cette nuit quand ils entendirent cet horrible cri résonner dans le palais. Raven sentit son sang ne faire qu’un tour et il partit immédiatement vers l’origine de ce son, suivant son souverain qui courait en direction de la salle du trône, une épée à la main – l’espion avait attrapé son arc et son carquois de sorte à pouvoir protéger son maître le plus efficacement possible.

La première chose qui lui vint en tête était une attaque de l’Alliance de Sang mais le fait que ce soit le crépuscule balayait cette hypothèse car tant que le soleil était présent dans le ciel, les Nyx ne bénéficiaient d’aucun avantage – une nuit noire leur était plus profitable car il était quasi impossible de les voir venir.

Une fois arrivés devant les portes, l’absence de gardes lui parut immédiatement suspecte… ainsi que la chaleur étouffante qui émanait des lieux. D’un geste, le roi Thar le dissuada de toucher les panneaux en bois sculptés et tous deux reculèrent pour ensuite donner un grand coup de pied dans les portes, les ouvrant brutalement… pour découvrir l’origine de tout cela.

Ils étaient arrivés près du trône du roi d’Hélios, surélevé par deux marches afin que celui qui y était assis puisse être au-dessus du peuple quand il recevait celui-ci dans cette salle qui était une des plus vastes du palais. Des ouvertures du côté des plus grandes portes et du plafond permettaient au soleil de pénétrer, permettant ainsi au soleil couchant de leur montrer Garista ainsi que des prêtres de Sol qui semblaient en pleine cérémonie… autour d’une personne se faisant dévorer par des flammes dorées et qui hurlait de douleur. En apercevant une mèche d’une teinte blonde qu’il connaissait pour l’avoir vue plusieurs fois, il ne mit pas longtemps à comprendre que celui qui subissait ce supplice n’était autre que Flynn.

« Ils ont osé invoquer Sol… » fit le roi Thar d’une voix blanche. « Nous sommes perdus. »

Raven fixa avec horreur son souverain, ce dernier étant comme figé sur place. S’il disait vrai, alors un arc et des flèches ne pouvaient rien pour le stopper.

Son regard se baissa vers le sol de marbre clair sur lequel il remarqua des symboles suspects qui avaient été tracés au fusain et qui semblaient entourer la divinité, plus comme une sorte de prison qu’autre chose. Sa supposition se confirma quand il vit que Sol tentait de s’échapper, sans succès à cause de ce cercle d’écriture et des prêtres qui ne cessaient de psalmodier des incantations. Seulement, vu les gouttes de sang ardent qui commençaient à tomber, il y avait de fortes chances que ce rituel soit fatal à Flynn s’il n’était pas stoppé au plus vite.

A peine eut-il pensé cela qu’un craquement sinistre retentit, suivi de la chute de l’un des prêtres… due à Yuri qui, manifestement, venait de lui briser la nuque, le tuant sur le coup et attirant sur lui l’attention de Garista.

« Attaque-le. » ordonna le sorcier solaire sur un ton glacial.

Les symboles au sol émirent une lueur sinistre, arrachant un cri de douleur à celui qui en était prisonnier. Contraint et forcé, Sol se tourna vers le favori alors que celui-ci venait de poignarder un second prêtre et il créa une boule de feu ardente dans sa main.

« Umbra… » fit une voix rocailleuse dont la souffrance était plus que perceptible.

D’un geste, il lança la boule de feu vers sa cible qui l’évita mais qui, à la place, brûla vif l’un des prêtres présents. Raven détacha ses yeux de la scène… pour réaliser que Garista avait disparu et que le roi était toujours figé sur place, faisant qu’il était à présent le seul à pouvoir aider le Nyx à interrompre cette invocation.

Yuri ne pouvant plus s’occuper de neutraliser ceux qui maintenaient cette prison magique, l’espion s’en chargea et, rapidement il prit une flèche dans son carquois et banda son arc, fichant le projectile droit dans la gorge de sa cible la plus proche. Il réitéra son geste, tenant compte de ses mains qui devenaient moites avec cette chaleur étouffante, le tout en gardant un œil attentif sur le combat inégal entre le favori et Sol qui pouvait à tout instant très mal se finir.

Soudain, une gerbe de flammes sortit dans l’angle mort du Nyx et celui-ci sauta vite sur le côté pour l’éviter… mais hurla de douleur quand une boule de feu toucha son avant-bras, lui faisant lâcher son arme et le forçant à s’arrêter durant quelques secondes. Ce moment d’immobilité coûta cher au favori car Sol vint le rejoindre et, profitant que la souffrance de Yuri l’avait déconcentré, il lui attrapa la nuque d’une main ardente, faisant crier sa victime qui tenta de se libérer. Raven tenta de l’aider en tirant une flèche sur le dieu solaire mais celle-ci fut réduite en cendres avant de toucher sa cible, ne laissant que peu de chances de survie à cette dernière.

« EHCAL-IOM ! »

Un puissant souffle glacial balaya la pièce, éteignant les flammes du cercle et atténuant fortement celles de la divinité solaire. L’archer dut se protéger un instant les yeux et, quand le vent se calma, il réalisa que le soleil ne brillait plus… et qu’Umbra avait pris possession de Yuri. Les yeux rouges du dieu de la nuit brillaient avec force tandis que sa longue chevelure noire prit vie, chaque mèche bougeant comme bon lui semblait avant de s’allonger subitement prenant de court les derniers prêtres qui se firent étrangler par certaines d’entre elles tandis que les autres s’enroulaient autour de Sol.

« Um… bra… »

« Sec sreimuf tnov reyap ruop t’ riova tiaf aç… »

Les ténèbres s’épaississaient à toute allure, cela au point que la dernière chose que Raven vit fut le regard rouge d’Umbra avant que toute lumière présente ne disparaisse, laissant un noir glaçant autour d’eux – l’espion frissonnait, sentant que les températures avaient brutalement chutées – puis un silence angoissant, comme s’il n’y avait plus rien d’autre que le néant qui avait tout englouti.

Après ce qui leur parut être un long moment, les ombres se dissipèrent progressivement… révélant les corps des prêtres tués un à un – l’archer reconnut aisément ceux qui avaient succombés à ses flèches ainsi que ceux que le dieu de la nuit avaient éliminés, ces derniers étant morts dans un cri étranglé en se tenant la gorge. Cependant, deux d’entre eux avaient leurs toges qui avaient disparues et la raison de cela s’expliqua quand les dernières ténèbres eurent disparues, révélant Yuri, ses vêtements en partie brûlés par endroits, assit sur le sol, tenant fermement contre lui un corps, certainement celui de Flynn, enveloppé dans des tissus et dont on ne voyait que le bas du visage gravement brûlé ainsi qu’une main dans un état similaire. Le Nyx tremblait comme une feuille, des larmes coulants le long de ses joues et murmurant quelque chose qu’il ne parvenait pas à entendre. Le regard anthracite était encore en partie rouge, signe qu’Umbra était toujours là, et, en s’approchant, Raven comprit pourquoi : des ténèbres étaient encore présentes là où le favori avait reçu les attaques de Sol et quand celle-ci se dissipèrent, aucune brûlure grave n’était visible mais des cicatrices montraient bien que la peau avait souffert à ces endroits précis.

L’espion s’apprêtait à écarter Yuri de ce carnage mais ses yeux notèrent un léger mouvement, presque imperceptible, sous ces tissus. Il eut un instant de doute, pensant l’avoir imaginé, mais en voyant cela se reproduire, il se demanda par quel miracle c’était possible : Flynn était encore vivant.


NB : (il semblerait que l’auteur de cette fic se soit volatilisée… Les derniers témoins disent l’avoir aperçue vêtue d’un trench et d’un fedora rouge à la gare de…)

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Disclaimer : Tales of Vesperia ne m'appartient pas

Titre : Service en salle

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Résumé : Pourquoi Yuri ne voulait pas jouer les serveurs à Dahngrest ? La grande question que pas mal se sont posés et à laquelle je tente d'apporter un semblant de réponse…


Dès que ce travail à la taverne de Dahngrest était tombé, Yuri s'était hâté de se défiler, ce qui n'avait pas manqué d'étonner les autres qui se demandèrent donc pour quelles obscures raisons il ne voulait pas s'occuper du service, cela même si c'était bien payé. Certains avaient tenté de le convaincre d'au moins essayer mais l'épéiste avait été clair sur le fait qu'il était hors de question qu'il travaille en salle et qu'il préférait être commis de cuisine – il avait été noté qu'il avait dit cela quand Patty n'était pas à côté pour l'entendre.

Bien entendu les autres se posèrent des questions sur le motif caché derrière cet entêtement. Rita, elle, ne voulait pas chercher à comprendre et ne participa donc pas à leur jeu des hypothèses, se rangeant d'un geste du côté d'Estelle quand cette dernière supposa que Yuri n'aimait tout simplement pas ce travail. Pour Karol, l'attitude de leur ami y était sûrement pour quelque chose, la vulgarité de ce dernier et son manque de tact étant bien connus du groupe qui n'y faisait plus trop attention, un point sur lequel Raven était assez d'accord. Quant à Judith, elle développa l'idée de son chef de guilde en suspectant que Yuri avait déjà déclenché quelques bagarres, ce qui n'avait pas dû lui faire une très bonne réputation en tant que serveur.

Pendant qu'ils débattaient à Aurnion de ce qui pouvait être la raison la plus probable, l'épéiste les regardait au loin en soupirant, se disant qu'il aurait aimé que ce sujet ne soit plus d'actualité.

—Qu'est-ce qu'ils font, nanoja ? demanda Patty qui venait d'arriver avec Flynn.

—Ils discutent du fait que j'ai refusé de faire un travail pour Brave Vesperia y a quelques temps, répondit Yuri en grimaçant. Comme si j'avais eu le choix…

—Tu as refusé un travail ? tiqua le chevalier. Quel était le problème ?

—Le job était d'être serveur.

En entendant cela, le jeune Commandant grinça des dents, signe qu'il se souvenait très bien de l'époque où tous deux avaient aidés à La Comète.

—Je comprends mieux… fit Flynn en se passant une main sur le visage.

—Pourquoi ? questionna Patty, curieuse. Quel est le souci, nanoja ?

—Les clients, répondirent les garçons au même moment.

—J'en ai ma claque de me prendre des mains aux fesses à chaque fois que je dois servir des plats ! lâcha Yuri en se remémorant les types qui ont tenté de le peloter contre son gré en pensant qu'il était une fille. Y a des mecs qui savent encore moins se tenir que le vieux…

—Des femmes aussi, lui rappela Flynn en grimaçant. Pourquoi toutes les dames âgées du quartier inférieur se sentaient obligées de parler si ouvertement de mon physique ?

—Leur en veut pas car je pense que certaines d'entre elles n'avaient pas vu un cul jeune et ferme d'aussi près depuis longtemps… Voire même un cul tout court.

L'épéiste essaya de ne pas rire mais il se souvenait très bien que quand son ami d'enfance aidait au service à La Comète, si les jeunes femmes se contentaient d'essayer de le draguer sans qu'il ne capte quoique ce soit, les mamies, elles, étaient absolument sans gêne et avaient aisément des mains baladeuses quand on n'y prenait pas garde – la palme revenait à celle qui avait fait exprès de faire tomber un de ses couverts au sol quand Flynn passait et qu'elle avait bien maté quand celui-ci s'était baissé pour le ramasser.

En revanche, si le chevalier était plutôt chanceux dans ses malheurs de serveur, ce n'était pas le cas de l'épéiste qui avait souvent eu droit aux pires clients qui pensaient pouvoir tout se permettre avec une serveuse, faisant que régulièrement, il avait eu droit à des agressions d'ivrognes ou de types tellement stupides qu'ils ne voulaient pas comprendre quand le mot « non » était prononcé. Du coup, ça avait souvent dégénéré et, sans le témoignage des patrons, Yuri aurait fini dans une cellule avec ces abrutis – ce fut la seule fois où il fut d'accord avec Leblanc quand celui-ci lui conseilla d'arrêter d'être serveur.

—Ils étaient vraiment mal élevés les clients, constata Patty bien qu'elle avait été amusée par le coup des mamies. Je n'avais pourtant pas eu cette impression la dernière fois, nanoja.

—La Comète, tu peux y manger bien et pas cher donc souvent, ceux de passages à Zaphias s'y arrêtaient, chevaliers inclus, révéla l'épéiste qui se souvenait avoir vu y passer bon nombre de commerçants lors des matins de marché.

—La clientèle était surtout de condition modeste ou pauvre, précisa Flynn. Le lieutenant Leblanc aime bien s'y arrêter de temps en temps pour discuter avec les habitants du quartier.

—Et emmener quelques ivrognes qui foutaient le souk au passage…

Yuri passa sciemment sous silence le fait qu'il avait été mis en cellule par Leblanc après qu'il ait eu la mauvaise idée de noyer un chagrin d'amour dans l'alcool et qu'il s'était mis à ennuyer les autres clients puis de discuter tout seul avec une chaise. Son ami d'enfance l'avait récupéré le lendemain matin avec une gueule de bois carabiné et après ça, l'épéiste s'était juré de ne plus jamais boire autant de sa vie, surtout si c'était parce qu'il s'était fait jeté.

Après avoir promis de garder le secret, Patty alla rejoindre les autres, le laissant seul avec Flynn.

—Ça te dirait un duel ? proposa l'épéiste. Je pense qu'ils en ont encore pour un moment…

—Ça marche.


NB : Voili voilou pour un petit texte afin de vider un peu la boîte à idées qui déborde…

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Disclaimer : Tales of Vesperia ne m’appartient pas

Titre : La fête de l’amour

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Rating : K+ (c’est gentillet après tout…)

Genre : Romance globalement vu le titre

Note : Truc écrit rapidement pour me sortir quelques idées du crane.

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A Terca Lumireis, tout le monde ou presque se préparait pour la fête de l’amour, un jour où les amoureux étaient à l’honneur. La tradition voulait que l’on offre des roses d’un rouge flamboyant ainsi que des chocolats exquis à la personne aimée ou que les jeunes filles offrent aux garçons qu’elles aiment des desserts quelles leur ont fait avec amour – certains comme Yuri et Judith n’étaient pas des grands fans de cette coutume qu’ils trouvaient sexiste et prenaient donc un malin plaisir à ne pas la suivre dans les règles de l’art. En toute logique, la guilde du Marché de la Fortune se frottait d’avance les mains, les périodes festives étant celles où elle faisait le meilleur bénéfice.

Pour ce qui était des membres officiels et officieux de Brave Vesperia, cette période était assez mouvementée, faisant que chacun mit un moment avant de pouvoir se poser et, enfin, profiter un minimum de cette journée.

Dans le cas de Repede, il s’en fichait bien de quel jour on était, cette fête étant, de base, réservée aux humains. Il estimait qu’il n’avait pas besoin d’un jour particulier dans l’année pour aller compter fleurette, surtout que, pour le moment, il avait déjà suffisamment de choses à faire à son goût.

Concernant Karol, Raven avait plusieurs fois essayé de le pousser à offrir quelque chose à Nan mais l’adolescent était trop gêné pour se lancer, surtout qu’il ne comprenait pas vraiment les choses de l’amour. Il l’avait donc simplement invitée à chasser quelques monstres près de Dahngrest, rien qui, en soit, ne sortait de l’ordinaire, puis il lui proposa simplement de partager avec elle son pique-nique, une attention qu’elle trouva charmante et qui le fit rougir un bon moment.

Du côté de Rita, il ne fallait même pas lui en parler si on ne voulait pas courir le risque de finir brûlé au quinzième degré tellement cette fête l’exaspérait au plus haut point… mais c’était sans compter Estelle qui débarqua chez elle avec des pâtisseries pour le thé et qui lui proposa de passer cette journée ensemble. Ce simple geste suffit à adoucir la mage au caractère volcanique qui accepta même de recevoir des chocolats de la part de la princesse, le tout en essayant au mieux de lui cacher à quel point cela l’affectait.

Pour Raven, l’idée de départ avait été d’inviter Judith à dîner en lui offrant un somptueux bouquet de fleurs avant de la séduire avec ses merveilleux desserts… sauf qu’elle lui annonça la veille qu’elle avait déjà quelque chose de prévu et qu’elle ne pouvait pas annuler, brisant le cœur de l’archer qui comprit que s’il ne voulait pas se retrouver tout seul, il allait devoir se trouver quelqu’un d’autre et vite ! Le hasard voulut que Patty fit face au même genre d’échec que lui quand elle tenta de mettre le grappin sur Yuri mais, manque de chance pour la jeune pirate, l’épéiste, à force, avait réussi à passer maître dans l’art de l’esquiver. Du coup, Raven proposa à Patty de dîner tous les deux entre amis, une proposition que Patty accepta à condition que ce soit elle qui fasse le plat. Autant dire que bien que ce n’était pas une soirée entre amoureux, ils avaient tous deux passé un excellent moment.

Concernant Flynn, il était quelque peu submergé par la grande quantité de ballotins de chocolats qu’il avait reçu de nombreuses personnes, certaines étant restées anonymes. La nuit était tombée quand il eut enfin reçu tous ceux qui l’attendaient et terminé son travail, si bien qu’il n’était pas mécontent de s’en éloigner un peu… jusqu’à ce qu’il découvre que Yuri l’attendait probablement depuis un bon moment, son ami d’enfance s’étant endormi sur son lit, un sachet de chocolats posé à côté de lui. La scène fit sourire le jeune Commandant qui, en faisant attention à ne pas réveiller l’épéiste, attrapa le sachet et croqua dans l’un des chocolats, savourant son goût amer dû à un pourcentage élevé de cacao et son piquant qui venait à coup sûr d’une épice qui y avait été ajoutée. Il sut que dès le lendemain, Yuri allait certainement, comme chaque année, manger une partie des chocolats qu’il avait reçus pour la fête de l’amour, ciblant en priorité ceux à base de chocolat blanc qu’il détestait et de chocolat au lait. Par contre, il risquait fort d’en être malade…

Enfin, Sodia n’était pas fan de cette journée qui lui rappelait surtout des mauvais souvenirs dû à son statut de noble. Face à l’arrivage massif de chocolats pour le Commandant, elle avait renoncé à l’idée de lui en offrir et s’était plutôt préparée à devoir en donner, sachant très bien que son supérieur avait des goûts assez restreint en matière de confiseries. En début de soirée, elle fut congédiée et s’apprêtait à rejoindre ses appartements quand elle eut l’immense surprise de tomber sur Judith. La krytienne lui déclara qu’elle était embêtée et que son rendez-vous venait de lui poser un lapin, si bien qu’elle voulait lui proposer de venir dîner avec elle pour ne pas gâcher son travail en cuisine. Après un moment d’hésitation, elle accepta et se retrouva donc seule avec Judith dans un endroit calme à partager un excellent repas ainsi que d’intéressantes conversations. Cependant, Sodia ne put s’empêcher de se demander par quel curieux hasard tous les plats qu’elles avaient mangés ensemble avaient pu être ceux qu’elle préférait…

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NB : C’est très court mais je fais confiance à vos imaginations pour faire le reste.

En Noir

Nov. 2nd, 2018 03:52 pm
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Fluri Fortnight – Formal Wear

Titre : En Noir

Disclaimer : TOV ne m'appartient pas

Note : Texte court pour le Fortnight. Mes excuses pour ma façon de traiter ce thème mais ma première idée ne me plaisait pas et j'ai pris la seconde…


Le choix avait été fait pour ce moment : une tenue intégralement noire qui collait le mieux avec ses goûts et aux convenances. Cela faisait un moment que ce costume trainait au fond d'un placard et cette occasion était la bonne pour le sortir de là. Une chemise noire et une cravate sombre qu'il n'avait jamais portée avaient été choisies pour compléter l'ensemble, donnant un ensemble chic et sobre à la fois qui faisait qu'il ne détonnait pas par rapport au reste des invités. Ses cheveux auraient pu être noués en catogan mais cela n'aurait en rien collé avec ce qu'il était…

Peu importe tout ce qui avait pu être dit, Yuri avait toujours eu une certaine classe quand il faisait l'effort de porter des tenues habillées, cela même s'il avait toujours haï cela. Après tout, il avait toujours été un grand adepte des chemises mal fermées, des jeans slim déchirés aux genoux et de t-shirts divers et variés. Il avait aussi une vieille veste en cuir qu'il gardait précieusement et qu'il ne mettait que les week-ends pour sortir mais celle-ci avait souffert dernièrement, au point qu'elle n'était plus portable.

Pour Flynn, c'était étrange de ne pas le voir porter une tenue décontractée mais pour ce genre d'évènement, il était mieux de respecter les convenances… même si la pilule restait dure à avaler.

La main de Judith sur son épaule suffit à le sortir de ses pensées, le ramenant à cette réalité qu'était cette mise en bière et dont il aurait aimé s'évader plus longtemps, refusant encore d'admettre que devant ses yeux se trouvait le corps de son meilleur ami, décédé dans un accident de la route après avoir été percuté par un chauffard ivre, placé dans un cercueil ouvert afin que la famille puisse se recueillir une dernière fois avant qu'il ne soit scellé pour la cérémonie.

Pourquoi ne l'avait-il pas dissuadé de sortir ce soir-là ? Cette question tournait en boucle dans son crâne depuis qu'il avait été prévenu de l'accident puis que le décès fut prononcé quelques heures plus tard.

Si Judith et Sodia ne s'étaient pas proposées pour l'aider, jamais il n'aurait eu la force d'organiser des funérailles et de contacter tous leurs amis, Yuri n'ayant plus de famille depuis très longtemps. Pour cette raison, elles étaient restées à ses côtés et elles ne comptaient pas l'abandonner de si tôt.

En entendant des bruits venant d'une pièce voisine, Flynn su que cet instant de recueillement allait toucher à sa fin et il prit sur lui pour y mettre un terme et sortir du funérarium… avant de finir par craquer dans la voiture de Judith, les larmes de douleur coulant sur ses joues en pensant à l'injustice qu'était la mort de son meilleur ami…


NB : De mémoire, je crois que je n'avais jamais osé tuer Yuri… Maintenant c'est fait.

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 Fluri Fortnight – Octobre 31/Novembre 1er : Halloween

Note : A l'origine, je devais poster cela l'année dernière pour le Fluristelle Month. Or, je n'ai pas pu le terminer faute de temps et d'idées donc c'est resté dans mes dossiers jusqu'à ce que je le ressorte pour le réécrire un peu afin de le caser pour le Fluri Forthnight de cette année. Donc mes excuses pour cette longue attente…


 

Quelques secondes après que Yuri ait perdu connaissance, Flynn avait cru que son monde s'était à nouveau effondré, cela jusqu'à ce qu'il comprenne que son aimé était toujours vivant et qu'il avait besoin de son aide. Le ramener au manoir Blackwood était donc urgent car c'était le seul endroit où des fantômes errants n'oseraient jamais pénétrer… et si jamais ils essayaient, ils n'allaient pas tarder à goûter à un sacré comité d'accueil.

Le souci était qu'ils étaient la nuit d'Halloween, soit une des plus chargées pour un Faucheur comme lui à cause de ces fameux esprits qui étaient plus actifs que d'ordinaire tant que le soleil n'était pas visible et aussi à cause de ceux qui manquaient de prudence durant cette fête, causant leur propre mort ou celles de personnes qui auraient dû pouvoir vivre encore de belles et longues années. Avec Sodia qui était elle aussi dans un état inquiétant, ça signifiait qu'il se devait de les tenir éloignés loin de l'autre afin d'éviter toute mauvaise surprise le moment où il sera contraint d'aller accomplir sa macabre besogne… ce qui risquait de ne pas tarder vu le sifflement qu'il commençait à percevoir et qu'il n'avait pas intérêt à ignorer trop longtemps s'il ne souhaitait pas en payer le prix.

—Retrouvez-moi tous au manoir avec Sodia, ordonna le Faucheur en serrant Yuri contre lui. Patty, tu garderas un œil sur elle à tour de rôle avec Judith et vous vous assurerez qu'elle ne quittera pas sa chambre sans mon accord.

—Compris nanoja, dit l'adolescente avec gravité, celle-ci comprenant très bien pourquoi leur camarade devait être isolée.

—Je prendrai le premier tour de garde, ajouta Judith tandis que Karol l'aidait à placer Sodia sur son dos.

—Merci.

Après cela, Flynn avait usé de sa magie pour le ramener lui et Yuri au manoir, plaçant vite le jeune homme entre les mains de Rita pour qu'elle use de ses capacités afin de neutraliser le poison, ce qu'elle fit avec brio – c'était loin d'être la première fois qu'elle soignait quelqu'un ayant été victime d'un fantôme d'une victime d'empoisonnement donc elle savait très bien ce qu'elle faisait, étant le seul type d'esprit capable de neutraliser les effets de ce poison qui agissait par simple contact physique. Elle était ensuite vite allée s'occuper de Sodia, le laissant seul avec celui qui risquait fort d'être leur invité pour un bon moment.

Le manoir Blackwood comptait quatre chambres au premier étage et au deuxième, des chambres de bonnes se trouvant sous les toits. Si le Faucheur s'était installé dans celle de feu Robert Blackwood, la chambre d'amis était à présent celle d'Estellise et de Rita tandis que les chambres de bonnes étaient normalement occupées par les autres fantômes – souvent, Patty préférait élire domicile dans l'abri de jardin pour permettre à Sodia et à Judith d'avoir plus d'espace. Une des chambres du premier étage était un bureau et la dernière, qu'il s'était toujours refusé à toucher, était celle de Lilith.

En toute logique, Flynn avait installé Yuri dans cette pièce, la seule de la demeure qu'il avait laissée dans son état d'origine et où, sauf certaines exceptions comme le ménage, les fantômes n'avaient pas le droit d'aller. Les tapisseries d'un rouge profond avaient un peu vieillies, tout comme les rideaux qui s'étaient décolorés avec la lumière du soleil, mais la coiffeuse était toujours présente tout comme cette armoire en bois sombre, sa commode assortie et le grand lit qui était d'une étonnante simplicité comparé au reste du mobilier qui était plus ouvragé. Le contenu de l'armoire et de la commode était toujours le même depuis cette nuit fatidique, faisant qu'il allait certainement devoir envoyer Raven et Karol chez le jeune homme pour qu'ils récupèrent au plus vite ses affaires…

Durant cette nuit, il dut s'absenter à plusieurs reprises, le contraignant à laisser Yuri sous la surveillance de Repede et d'Estellise avec pour instruction de le prévenir dès qu'il se réveillerait ou que son état changeait – Rita n'avait rien pu faire contre sa fièvre et avait besoin de plus de temps pour essayer de déterminer ce qu'il lui arrivait au juste. Il avait envisagé d'aller demander à d'autres faucheurs ce qu'il se passait exactement mais suite aux évènements de cette nuit d'Halloween, il était à présent extrêmement suspicieux concernant ses confrères et ne leur faisait plus confiance car pour contrôler une telle quantité de fantômes à la fois, il n'y avait qu'un émissaire de la Mort pour y parvenir. Il n'en était pas certain mais il pensait de plus en plus que Lilith avait bel et bien été tuée par un faucheur, ce qui expliquerait qu'il n'ait jamais pu trouver son âme sur place. Seulement, pourquoi la réincarnation ? C'était insensé…

—Des nouvelles ? demanda-t-il à l'érudite une fois de retour vers quatre heures du matin.

—Quoiqu'il lui arrive, je peux certifier que ce n'est pas contagieux, répondit-elle, ce qui sous-entendait certainement que Karol ou Raven avaient dû être mis à contribution contre leur gré à un moment donné. En revanche, l'anneau est bizarre…

A peine a-t-elle dit cela qu'elle désigna la main gauche de Yuri… ou l'on pouvait nettement voir l'alliance briller par intermittence. C'était la première fois qu'il voyait ça…

—Estelle a parcouru les bouquins que le Faucheur qui t'as servit de témoin de mariage t'avait offert, poursuivit Rita. Apparemment, il se peut qu'il soit en train de chercher à rejeter l'anneau mais le hic, c'est que s'il le fait maintenant…

—Sa vie sera à nouveau en danger, compléta Flynn en voyant la mine grave de l'adolescente. Il faudrait savoir exactement ce qu'il se passe dans son esprit.

Et chance, il avait une bonne idée de comment faire cela…

Durant son temps libre, Flynn avait passé de longues heures à étudier de vieux écrits concernant les Faucheurs et, surtout, ceux qui avaient été mariés à des mortels. Suite à ce qu'il avait pu lire de l'expérience de l'un d'entre eux, il avait décidé qu'il était temps de tenter quelque chose qu'il n'avait jamais voulu essayer avant aujourd'hui : entrer dans les songes de Yuri grâce au lien entre les anneaux. L'idée le dérangeait un peu car les rêves étaient quelque chose d'assez… intime mais s'il voulait savoir comment se portait réellement son ami, c'était la solution la plus efficace. Qui plus est, il avait peut-être une chance de trouver un indice sur l'identité de l'assassin de sa compagne.

Après avoir congédié Rita, il s'allongea aux côtés de son ami, joignit leurs mains gauches puis ferma les yeux, se laissant emporter par le sommeil. En ouvrant les yeux, il était toujours dans le manoir… mais vu l'état des lieux, durant le XIXème siècle.

La chambre de Lilith était en désordre, ce qui était son état normal quand la maîtresse des lieux était vivante – le Faucheur avait eu pas mal de disputes avec elle à ce sujet avant de comprendre que cela ne servait à rien et qu'il valait mieux qu'il range lui-même s'il voulait que ce soit fait un jour. Le lit était jonché de vêtements qui avaient vraisemblablement été sortis de l'armoire et jetés à cet endroit vu que certains avaient dû glisser par terre. Fouillant parmi ses placards, Lilith était manifestement en train d'essayer de déterminer ce qu'elle allait mettre ce jour et n'était actuellement vêtue que d'une chemise légère blanche et d'un pantalon de lingerie qui était généralement porté sous une robe. Ses cheveux de jais étaient plus ou moins maintenus en un chignon approximatif mais une mèche venait régulièrement lui chatouiller le nez, faisant qu'elle soufflait à chaque fois sur celle-ci pour la chasser – il mourrait d'envie d'aller lui placer cette mèche derrière son oreille, cela afin d'en profiter pour caresser son visage et voir ses beaux yeux se tourner vers lui.

Soudain, des coups violents retentirent à la porte de sa chambre… bloquée par une chaise afin d'empêcher quiconque d'entrer.

—Elisabeth ! tonna sa tante en tentant, sans succès, de pénétrer dans la pièce. Ouvrez cette porte !

—Je suis occupée ! répliqua la jeune femme en jetant un chapeau dans le coin où Repede dormait.

La scène continua de se dérouler sous les yeux de Flynn, reconnaissant un épisode que lui avait conté sa compagne lors de leurs nombreuses discussions. Lady Greed tenait à ce que sa nièce adopte les dernière modes, notamment celles de la période victorienne où les robes des femmes étaient assez chargées. Seulement, Lilith détestait porter des jupons et, surtout, des corsets, faisant qu'elle avait sciemment détruits chacun d'eux, s'attirant les foudres de sa parente qui finit par abandonner à force de voir l'obstination de la jeune femme à saccager tous les vêtements qu'elle lui apportait.

En voyant ce moment du passé recommencer du début, le Faucheur eut des soupçons puis, afin de comprendre ce qui était en train de se passer, il changea de pièce afin de vérifier son hypothèse, se rendant dans le petit salon qu'il connaissait si bien. Là, un autre évènement du passé s'y déroulait : une après-midi calme entre Estellise et sa compagne. Celle-ci était en train de jouer Lettre à Elise pour son amie qui semblait en savourer chaque note. Il vit, sur la table basse, deux tasses de thé ainsi qu'un ruban vert anis dont il se rappelait assez bien, faisant que vers la fin du morceau, il se décala… et laissa la place à sa version de lui-même de l'époque, habillé en peintre et subjugué par la musique que Lilith jouait sur son piano.

Il en était certain à présent : à tous les coups, Yuri rêvait de toute sa vie antérieure, revoyant tout ce qu'avait vécu Elisabeth Blackwood. Par contre, cela ne lui disait pas où il pouvait bien être…

Sans perdre de temps, il visita toutes les pièces du manoir, faisant face à bon nombre de souvenirs qu'il avait ou non partagé avec sa compagne – il eut le rouge aux joues en entrant dans sa chambre et en tombant pile sur ce qui devait correspondre à leur nuit de noces vu qu'il n'y avait aucun signe des vêtements de la jeune femme dans la pièce. Une fois le tour de la demeure faite, il en conclut que son ami ne s'y trouvait point et continua donc dans le jardin.

Derrière le manoir, il y avait un pommier que feu Robert Blackwood avait planté quelques années avant qu'il ait recueillit sa petite fille et celui-ci avait pris de l'ampleur au fil des ans, faisant que, une fois, le Faucheur s'était endormi dessous suite à une journée qui l'avait pas mal épuisé au niveau émotionnel. Seulement, Lilith avait aussi choisi ce jour précis pour grimper dans cet arbre afin d'en cueillir les fruits pour préparer des desserts et elle avait tellement agité les branches qu'une des pommes était tombée sur sa tête, le réveillant brutalement et déclenchant une bonne série de piques verbales entre eux qui s'acheva quand sa compagne tomba de l'arbre et qu'il servit à amortir sa chute.

Alors qu'il repensait à cela, Flynn reçut quelque chose derrière la tête, lui arrachant un « Aïe ! » de douleur. Il baissa les yeux et vit que c'était une pomme bien rouge qui était la coupable. Cependant, il n'était pas sous l'arbre donc comment était-ce possible ?

Un autre fruit se cogna contre son crâne et il se tourna pour en esquiver un troisième de justesse. En levant les yeux vers la cabane servant d'abri de jardin, il réalisa que, assit sur le toit avec une pomme dans la main, il y avait Yuri qui le fixait avec méfiance, visiblement prêt à lui envoyer un autre projectile.

—Tu comptais me dire un jour la vérité j'espère ? lui demanda son ami qui semblait de mauvaise humeur. Parce que j'avoue que là, j'ai bien envie de t'en coller une !

Il devait admettre que celle-là, il l'avait méritée… et vu la situation, il n'avait plus aucun intérêt à lui mentir, même s'il se doutait que, vu leurs caractères respectifs, il y avait un risque non nul qu'ils en viennent aux mains – par principe, il détestait frapper quelqu'un qui était sans défense mais il avait déjà pu constater que Lilith avait un très bon crochet du gauche, un détail qui n'avait pas dû changer…

—J'avais peur que tu te fasses tuer de nouveau, répondit Flynn en se massant l'arrière du crâne. Qui plus est, tu avais ta propre vie donc je ne voulais pas t'imposer quoique ce soit…

—Ah oui ? répliqua Yuri, clairement suspicieux. Alors pourquoi tu es resté dans les parages ? Pour m'espionner ?

—Dois-je te rappeler que l'anneau à ta main n'est pas sans danger ?

A cette remarque, Yuri grogna et jeta un œil au bijou en question. Il le fixa quelques secondes avant de jeter une pomme sur le Faucheur qui, cette fois-ci, la rattrapa avant qu'elle n'atteigne sa cible.

—Je suis désolé pour tout cela, dit Flynn en se dirigeant vers l'échelle contre la cabane. Je m'inquiétais pour toi et je refusais de te perdre à nouveau…

—A raison faut croire, grommela son ami avant de froncer les sourcils. Soit je n'avais pas de chance, soit quelqu'un ne devait pas vouloir que je retrouve les souvenirs d'une vie antérieure…

D'un pas vif, il monta les barreaux de l'échelle puis une fois en haut, il s'assit à côté de son ami, son regard azur admirant la vue qui leur était offerte sur les lilas aux tons blancs et violacées.

—Pendant des années, j'ai mené mon enquête mais jamais je n'avais envisagé que le coupable de ton meurtre pourrait être autre chose qu'un humain, admit le Faucheur en grinçant des dents. Si j'avais seulement pris cela en compte…

—Ca aurait été pire Flynn.

Les yeux anthracite de Yuri étaient à présent plantés dans les siens et le fixait avec intensité.

—… Il m'aurait tué pour me faire taire, conclut le Faucheur en se remémorant ce fameux soir où son bonheur avait volé en éclats. S'il est ce que je pense qu'il est, il n'aurait pas hésité. Mais s'il t'a tué, comment a-t-il fait pour cacher cela ? Un faucheur ne doit pas tuer d'humain…

—Si je me souvenais de ce jour-là, ce serait possible mais va comprendre pourquoi, c'est le seul souvenir auquel je n'ai pas accès, lui déclara son ami, contrarié. Si on excepte bien sûr cette scène que j'ai vue sans cesse…

Ce rêve étrange qu'il faisait depuis pas mal de temps… Sauf que, en se souvenant des descriptions faites, une incohérence le frappa : si Lilith était morte à ce moment-là, comment Yuri pourrait voir son cadavre vu qu'il était sa réincarnation ? Ce n'était pas logique, tout comme le fait que, dans ce songe, le piano s'obstinait à jouer le troisième mouvement de la sonate Clair de lune, celui qui avait toujours posé des difficultés à sa compagne mais dont elle jouait admirablement bien quand elle était sous le coup d'une émotion forte…

D'ailleurs, de quoi se souvenait-il de ce fameux 31 octobre ? Beaucoup de choses vu qu'à chaque fois qu'Halloween approchait, il se repassait en boucle ce jour fatidique pour essayer de comprendre pourquoi cela s'était terminé ainsi…

—… Et si je te montrais ce dont je me rappelle ? proposa le Faucheur. Cela doit être possible vu où nous sommes à la fois physiquement et psychiquement…

—… Le manoir existe toujours, en conclut Yuri avec un sourire en coin. Tu l'as donc gardé ? Durant toutes ces années ?

—Je n'ai jamais eu le cœur de m'en séparer. J'ai dû y faire quelques modifications et rénovations avec le temps, comme revoir l'installation électrique ou bien planter un nouveau pommier suite à un accident avec l'ancien mais dans sa globalité, ton ancienne maison n'a quasiment pas changée.

Face aux avancées technologiques et aux effets du temps qui passe, Flynn avait fait au mieux pour limiter les gros travaux, se concentrant uniquement sur ceux qui étaient nécessaires comme la plomberie, l'électricité et l'isolation du toit – les murs du manoir étaient suffisamment épais pour garder la fraicheur en été et la chaleur en hiver, ce qui lui avait bien rendu service à l'époque. S'il n'avait pas touché aux portes qui avaient étonnamment bien vieillies, il avait été contraint de faire changer certaines fenêtres à cause des facéties de ses pensionnaires fantomatiques et de faire refaire la cuisine – il n'avait pas besoin de manger pour survivre mais l'arrivée de Sodia qui était un fantôme ressentant la faim l'avait poussé à installer un réfrigérateur et réhabitué à prendre ses repas comme s'il était un humain comme les autres. Le plus simple pour lui avait été de changer les tapisseries qui avaient perdu de leur éclat ou qui se déchiraient, le tout en restant le plus fidèle possible au style d'origine – pour ça, il avait pu se faire aider de Karol puis de Sodia, tous deux étant capables d'interagir avec tous les objets et personnes qu'ils désiraient sans la moindre contrainte et sans qu'il ne doive user de ses pouvoirs. En revanche, concernant le jardin, s'il n'avait pas eu un jour la bonne idée de vouloir planter un second pommier à partir d'un plant venant du premier, il aurait été contraint d'en acheter un vers les années 50 – suite à une dispute entre Raven et Rita, cette dernière avait accidentellement mis le feu au vieux pommier, ce qui avait valut aux deux concernés de se faire remonter les bretelles en beauté et au Faucheur de devoir revoir l'ensemble des protections qu'il avait placées sur le manoir afin de les étendre au jardin, rendant ainsi toute la propriété insensible aux pouvoirs des fantômes.

Avec prudence, Flynn tendit sa main vers Yuri qui fixa longuement cette dernière avant de lever les yeux vers lui.

—Est-ce que tu es prêt à accepter mon aide ? demanda-t-il avec appréhension. Je te promets que tu pourras rentrer chez toi si tu le désires et qu-

—Je suis chez moi, le coupa le jeune homme. J'ai autant envie que toi de connaitre le fin mot de cette histoire, même si je crève d'envie de te coller mon poing là où je pense.

Sans hésitation, Yuri lui prit la main, serrant celle-ci entre ses doigts avec fermeté… avant de le tirer vers lui et d'attraper le col de sa chemise de son autre main pour ensuite le plaquer contre le toit avec force.

—Et une fois qu'on sera sortis de là, il faudra qu'on parle toi et moi, lui rappela le jeune homme en se plaçant au dessus de lui. Donc n'espère pas que je te lâcherai si facilement…

—C'est bien compris, répondit Flynn, captivé par cet éclat fougueux dans le regard de son aimé qui lui avait tant manqué.

Après quelques secondes de flottement où il voyait que le jeune homme semblait en grande réflexion, ce dernier finit par se baisser vers lui avant de marquer un bref instant d'hésitation qui se dissipa à l'instant où il unit leurs lèvres durant un court instant. Suite à cela, tous deux se relevèrent et quittèrent le toit de l'abri de jardin, retournant à l'intérieur du manoir en gardant bien leurs mains jointes.

Très concentré, le Faucheur gardait son esprit focalisé sur le jour du 31 octobre 1870, se remémorant chaque détail de cette journée à partir de son commencement, le tout en conduisant son aimé vers le lieu correspondant.

—C'est peut-être un peu tôt pour les galipettes, fit Yuri quand ils pénétrèrent dans la chambre à coucher que Flynn avait occupé depuis son emménagement au manoir.

—J'ai pourtant la certitude que cela ne t'arrêtait pas, répliqua-t-il avec un sourire amusé face à l'air faussement innocent que lui montrait son aimé. Et puis tu avais passé la nuit dans ma chambre, ce qui n'était pas désagréable à voir.

A peine eut-il prononcé ses mots que la scène dont il se rappelait se dessina dans la pièce aux tapisseries bleu pastel : allongée sous les draps bleu roi, Lilith était endormie, ses cheveux de jais éparpillées autour de sa tête tandis que le Faucheur était allongé à ses côtés, la regardant dormir avec un sourire rêveur sur les lèvres.

—Jamais je ne me suis lassé de ce spectacle, avoua Flynn avec un certain émerveillement. Même maintenant, tu es toujours aussi captivant quand tu es endormi…

—… Rappelle-moi de te coller une baffe pour chaque fois où tu es entré dans mon studio à mon insu pour me mater dans mon sommeil, menaça Yuri en lui jetant un regard noir. Et tu as intérêt à ne pas mentir sur le nombre…

Le Faucheur eut un sourire amusé en entendant cela, surtout quand il vit que le jeune homme à ses côtés avait les joues plus roses que d'ordinaire.

Malheureusement, ce jour-là, il n'avait pas pu assister au réveil de Lilith, son travail d'émissaire de la mort s'étant rappelé à lui à cause d'un accident domestique qui s'était avéré mortel – il avait dû faire preuve de psychologie face à ces fantômes qui étaient très paniqués afin de les calmeret de les aider à accepter leur sort, même si ce n'était pas facile. Du coup, ils avaient changé de pièce, se rendant dans la salle à manger où il avait retrouvé sa compagne en train de prendre son petit-déjeuner avec Repede à ses côtés – ce n'était pas la pièce où elle passait le plus de temps, surtout parce qu'ils recevaient rarement pour dîner à l'exception d'Estellise qui venait au moins une fois par semaine et aussi car sa compagne préférait manger à l'extérieur quand la météo et les températures le permettait.

Rien de particulier ne s'était passé à ce moment précis : il avait rejoint Lilith pour le petit-déjeuner, échangé quelques banalités tandis qu'elle finissait de se réveiller puis quand ils eurent tous deux fini, il avait commencé à débarrasser la table au moment où il avait été appelé à de nouveau remplir ses fonctions, cette fois-ci à cause du choléra qui avait fait de nouvelles victimes dans un hôpital à quelques kilomètres du manoir.

Il lui avait presque fallut une heure pour terminer sa macabre besogne, cela à cause de décès supplémentaires qui n'étaient pas tous liés à cette maladie – il avait été contraint de prendre quelques minutes pour se calmer après avoir envoyé dans l'au-delà une femme qui avait succombé aux coups de son époux qui risquait fort d'échapper à la justice vu son statut social. A son retour au manoir, sa compagne s'était absentée, probablement pour aller au marché, et il en avait profité pour aller s'installer dans le petit salon pour y lire le premier livre qui lui était tombé sous la main.

Environ une demi-heure plus tard, il avait entendu Lilith revenir et, à son pas rapide sur le plancher, il n'avait pas mis longtemps à comprendre qu'elle aussi n'était pas de très bonne humeur.

—Quelle bande de sales commères ! s'était-elle exclamée en rentrant dans la pièce, jetant son chapeau à ses pieds avec un certain agacement. Je ne peux pas faire un pas en ville sans que cela ne murmure sur nous dans mon dos. Elles ne peuvent pas trouver un autre sujet de discussion ?

—Le jour où un autre couple marié restera plusieurs années sans enfants, cela arrivera certainement, avait souligné Flynn avec une certaine tristesse, sachant très bien que beaucoup reprochaient à sa compagne d'être la raison pour laquelle ils n'avaient aucun enfant alors qu'en réalité, le problème venait de lui. Seulement, en jasant comme ils aiment tant le faire, ils vont leur faire plus de mal qu'autre chose…

En l'entendant dire cela, Lilith s'était instantanément calmée, une lueur d'inquiétude s'étant allumée dans son regard. Puis, brusquement, elle lui avait arraché son livre des mains et s'était assise à ses côtés, attirant toute son attention vers elle.

—Ne me dis pas que tu recommences à broyer du noir avec ça ? lui avait-elle dit, suspicieuse. Nous en avons déjà parlé et ce n'est pas comme si je m'étais engagée avec toi pour être mère de famille !

—Ca ne m'empêchera pas de m'en vouloir de ne pas être capable de fonder une famille avec toi, avait-il répliqué en baissant les yeux. Je m'en veux de te laisser seule ici avec Repede…

—Sauf que vu ce que tu es, c'est trop risqué de prendre du personnel et puis… je t'avoue que je pense de plus en plus à l'adoption…

A ces mots, il avait brusquement relevé la tête vers elle, lui permettant de découvrir le léger sourire qu'elle avait aux lèvres et qui trahissait le fait qu'elle craignait qu'il réagisse mal à cet aveu… probablement à cause du fait qu'il allait certainement être celui qui enverra son épouse et ses enfants dans l'au-delà.

—Le manoir serait plus animé, avait-il dit avec un sourire, rassurant sa compagne. Cet endroit est un peu trop calme par moments.

—Entièrement d'accord.

C'était probablement un des plus grands regrets de Flynn : ne pas avoir eu d'enfants avec Lilith, même si ceux-ci n'étaient pas de leur sang à l'un ou à l'autre. N'ayant jamais eu de relation affective depuis qu'il était devenu un Faucheur, il avait découvert avec sa compagne que cela avait probablement eu pour conséquence de le rendre stérile – à partir de leur nuit de noces, leur vie sexuelle était active, cela même s'ils faisaient chambre à part une nuit sur deux, et il pouvait attester que tous deux savaient parfaitement comment s'y prendre pour concevoir un enfant.

Après un an sans résultat, tous deux s'étaient faits à l'idée qu'il leur serait compliqué d'être parents…

—Dans un sens, vu ce qu'il s'est passé ensuite, c'était peut-être mieux qu'il n'y ait eu personne d'autre au manoir, finit par dire Yuri avant de déglutir. J'imagine que si Repede est un fantôme…

—Il a été tué le même soir que toi, oui, confirma Flynn qui se souvenait encore très bien que l'animal avait été égorgé et que son esprit errait près du corps de sa maîtresse. J'ai voulu l'envoyer dans l'au-delà mais dès que j'ai sorti ma faux, il m'a vite fait comprendre qu'il n'était pas d'accord.

Depuis cette nuit fatidique, le chien et lui recherchaient le coupable derrière ce crime mais malheureusement, ils n'avaient pas eu beaucoup de résultats et le Faucheur savait à présent que c'était normal vu qu'en réalité, c'était un de ses semblables qui était derrière tout cela… mais son identité ainsi que son mobile lui échappait. Qui plus est, cela n'expliquait toujours pas pourquoi l'âme de sa compagne s'était réincarnée car il ne voyait aucune raison de tuer une personne pour la forcer à renaître quelques années ou siècles plus tard – c'était une capacité que possédait les émissaires de la Mort mais elle n'était que rarement utilisée car cela signifiait que le Faucheur qui en faisait usage entrait dans une période de sommeil le temps de récupérer toute l'énergie dont il avait dû faire usage, ce qui le rendait vulnérable et posait souci au niveau des fantômes qui n'avaient pas d'autre choix que d'errer dans le monde des vivants – et où il avait bien pu se cacher durant autant de temps après avoir fait cela.

Ils continuèrent ensuite de faire le tour de ses souvenirs, passant par la moitié des pièces du manoir mais sans rien voir de très intéressant – la majorité du temps, chacun était concentré sur ce qu'il faisait comme lire le courrier ou faire la cuisine –, cela jusqu'à avoir atteint la dernière scène qui se déroulait à la nuit tombée…

D'après le nombre de coups de l'horloge, il était dix heures du soir quand ses sens de Faucheur avaient été alertés par un grand nombre de décès, encore une fois dus à l'épidémie de choléra. A ce moment-là, il était en train d'écouter sa compagne qui jouait un des Nocturnes de Chopin – s'il ne se trompait pas, c'était l'opus 9, numéro 2 – qui s'était interrompu en voyant qu'il s'était levé en grimaçant.

—J'ai peur de rentrer tard encore une fois, avait-il dit en passant sa main dans ses cheveux. C'est sérieux donc…

—Je ne t'attends pas pour aller me coucher, je sais, avait-elle complété avant de lâcher un soupir. J'ai l'habitude… Et tu m'as assez rabâché ces derniers jours de ne laisser rentrer personne ici un 31 octobre. Tout ira bien.

Malheureusement, Lilith s'était trompée vu qu'après son départ, elle avait été assassinée dans cette pièce, vêtue de cette même robe blanche style empire qu'elle avait mise car elle était plus légère que ce qu'elle avait porté le matin pour aller au marché – il l'avait entendue râler sur le fait qu'il faisait plus chaud qu'elle ne l'avait prévu pour un mois d'octobre. Malgré les protections qu'ils avaient mises sur le manoir pour que sa compagne ne reçoive aucune visite de fantôme errant, elle n'avait pas pu échapper à ce sort funeste, rien ni personne n'étant en mesure de la sauver à ce moment précis.

—A part m'avoir comblé quelques trous sur ce jour précis, je n'ai rien de nouveau qui me vient en tête, signala Yuri une fois qu'ils eurent vu tout ce dont il se souvenait. Ca ne m'explique toujours pas ce fichu rêve qui tourne en boucle avec le piano qui joue du Beethoven…

—Tu peux me montrer ce rêve ? lui demanda Flynn en se souvenant qu'il avait cru relever des incohérences, cette mélodie étant l'une d'elles. Il y a quelque chose que j'aimerai vérifier…

—Il y truc qui ne colle pas avec le reste.

Il avait réalisé lui aussi, probablement grâce à la mémoire de Lilith et à ce qu'il lui avait montré.

Son ami lui tenait toujours la main puis, alors qu'il se concentrait, rapidement, les lieux se modifièrent et, à peine la pièce fut nette à leurs yeux que le troisième mouvement de la sonate Clair de lune résonna avec force, couvrant les autres sons qui auraient pu être présents.

Son regard azur nota chaque détail, allant du courant d'air à la fenêtre à la tasse en porcelaine brisée au sol, le tout en n'oubliant pas le foulard en soie claire qui était déchiré ainsi que les quelques autres signes prouvant qu'il y avait eu lutte dans cette pièce – de mémoire, il confirmait que la lampe qui se trouvait ici à l'origine avait bien été cassée cette fameuse nuit et les meubles avaient bien été bougés de cette façon mais pour ce qui était de la tasse brisée, cela ne collait pas car il avait retiré ce plateau de la table bien avant son départ et le service était intact.

Puis en apercevant le corps sans vie de sa compagne, le Faucheur déglutit, son cœur se serra dans sa poitrine et ses souvenirs de cette horrible découverte lui revinrent en mémoire : son effroi en la découvrant ainsi au sol, sa peau aussi froide qu'un bloc de glace... Ses yeux bleus n'arrivaient pas à se détacher de ce visage, plus pâle que d'ordinaire, aux yeux gris éteints et aux lèvres bleues entrouvertes dans un cri muet…

—Flynn !

La voix de Yuri le ramena à lui, lui rappelant que ce qu'il voyait n'était pas réel. Il détacha son regard du corps de Lilith et se concentra sur l'élément le plus incohérent qui soit : le piano.

En recoupant ses souvenirs de ce jour fatidique avec ce qu'il voyait, il nota que la partition qui était sur l'instrument n'était pas celle du troisième mais du premier mouvement – c'était d'ailleurs étrange en soit car ce jour-là, à sa connaissance, elle n'avait pas du tout joué de Beethoven mais plus du Chopin ou du Mozart. De plus, les feuillets qu'il voyait n'étaient plus très lisible… à cause d'une trace de main ensanglanté sur l'une des pages, ce qui ne correspondait pas à la réalité car les feuillets étaient en excellent état et tous rangés avec soin, signe que sa compagne avait dû en réalité finir le morceau qu'elle jouait avant qu'il ne la quitte.

—Je comprends mieux pourquoi je ne supporte pas les écharpes, ironisa Yuri qui examinait le corps de Lilith. Tu as trouvé quelque chose ?

—Ce n'est pas fidèle à ce que j'ai constaté en découvrant… la scène de crime, révéla difficilement Flynn en prenant garde à ne pas fixer le cadavre de sa compagne. Il n'y avait aucune partition sur le piano et aucune n'était tachée de sang.

—… Tu m'as bien dit que Repede est mort aussi ce jour-là ?

—Oui, sa gorge avait été tranch-

Le Faucheur ne poursuivit pas sa phrase, ayant soudain prit conscience d'une grave incohérence qui n'avait absolument aucun sens si le meurtrier n'était pas humain : quel besoin avait-il de tuer Repede et pourquoi lui et sa maîtresse étaient morts de deux façons différentes ? Qui plus est, dans quel ordre avaient-ils été tués ? La logique aurait voulu que ce soit le chien en premier pour éviter qu'il ne donne l'alerte mais si l'assassin était un faucheur, il pouvait facilement prendre Lilith par surprise mais pourquoi choisir la strangulation alors qu'il avait de quoi égorger quelqu'un ?

Soudain, un mal de crâne commença à vriller la tête de Flynn, sonnant une sorte de glas à l'intérieur de sa tête. Un coup d'œil à sa main droite qui se couvrait progressivement de taches noires lui confirma ce qu'il pensait : quelqu'un était mort et comme il tardait à réagir à cause du fait qu'il était dans l'esprit de Yuri, il en payait le prix. S'il restait ici trop longtemps, il allait se faire éjecter de force et attirer d'autres faucheurs, ce qu'il voulait éviter vu les circonstances.

—Il faut que je parte, déclara Flynn en grimaçant tout en désignant sa main. Je ne peux pas rester ici plus longtemps et… ce serait bien qu'à mon retour, tu sois réveillé. Nous avons pas mal de choses à régler je pense.

—Je pense aussi, confirma Yuri en lui serrant plus fermement la main avant de sourire en coin. On a combien à rattraper au juste. Plus de cent cinquante ans non ?

—C'est à peu près ça.

-§-

A peine Flynn avait quitté ses songes que Yuri s'était réveillé avec la tête lourde. Il avait tenté de se lever mais le Faucheur ainsi qu'une adolescente qu'il n'avait jamais vue – il avait cru comprendre qu'elle s'appelait Rita – le lui ont vivement déconseillé… ce qu'il comprit vite en constatant qu'il avait de la fièvre ainsi que des vertiges. Il était donc obligé de se reposer et de rester alité tant que son état ne s'améliorait pas.

Il essaya donc de dormir un peu mais ce n'était pas facile, surtout avec ce rêve qui persistait à tourner en boucle dès qu'il fermait les yeux. Qui plus est, maintenant qu'il se souvenait de sa vie en tant qu'Elisabeth Blackwood, il trouvait ces images très désagréables à voir au point d'en avoir des nausées.

A son réveil, le soleil commençait à filtrer à travers les vieux rideaux. Il se tourna du côté opposé pour voir Flynn, endormit sur une chaise et qui, vu ce qu'il avait dans les cheveux, avait dû passer par une soirée d'Halloween – il se demandait si le Faucheur avait réalisé qu'il avait un morceau de fausse toile d'araignée violette collée dans sa tignasse ainsi que de la mousse à raser et un truc vert qui semblait bien gluant. En baissant les yeux, il s'aperçut que quelqu'un d'autre était là et, qu'en le voyant ou l'entendant bouger sur le lit, cela l'avait réveillé.

—Salut Repede, murmura-t-il à son vieil ami à quatre pattes en tendant la main vers lui. Ca fait un bail.

En guise de réponse, le chien se rapprocha pour lui renifler la main… avant de glisser sa tête dessous, permettant à Yuri de lui gratter les oreilles. D'ailleurs, comment pouvait-il le toucher alors que Repede était un fantôme ?

—Il peut interagir avec tous les objets et personnes qu'il désire, répondit la voix de Flynn qui était en train d'ouvrir les yeux. Qui plus est, avec l'alliance, tant que tu la portes, tu restes lié à moi et tu peux donc toucher tous les fantômes si tu le désires dans une certaine mesure.

—Qui est… ? fit-il, son regard concentré sur son vieil ami à quatre pattes qui était visiblement enchanté de le retrouver, même s'il avait beaucoup changé.

—Tu n'es pas un faucheur donc tu dois rester prudent quand tu en touches un, surtout si c'est celui d'une victime d'empoisonnement. Ceux-là peuvent tuer un humain au moindre contact physique.

Il comprenait mieux pourquoi Sodia lui avait dit qu'il allait mourir s'il en touchait un autre…

—Ceux des électrocutés sont dangereux pour les personnes cardiaques ou portant un pacemaker mais dans ton cas, tu risques juste de sentir une légère décharge, comme avec de l'électricité statique, poursuivit Flynn. Pour les autres, au sein du manoir, il n'y aura aucun souci. J'ai suffisamment chargé celui-ci en protections pour m'assurer qu'il ne tombe pas en ruine en mon absence…

Vu la manière dont il avait prononcé ces mots, il y avait pas mal de vécu derrière…

—Et excepté Repede, il y a combien de fantômes ici ? demanda Yuri en se mettant en position assise. Un certain nombre j'ai l'impression…

—Tu en connais déjà quelques-uns et, si je ne me trompe pas, ils sont sept, répondit le Faucheur en se massant les tempes. Certains d'entre eux sont passés maîtres dans l'art de me donner des maux de tête…

Par déduction, le jeune homme en conclut aisément que Karol, Patty et Sodia étaient tous trois des fantômes ainsi que cette Rita qu'il avait vue tout à l'heure. Judith, qui lui avait été présentée rapidement la veille, en était un à coup sûr ainsi que ce type – s'il avait bien compris, il s'appelait Raven. Il lui en restait donc un à rencontrer.

—D'ailleurs, j'ai l'impression que tu as dû faire fureur cette nuit, fit-il en désignant la tignasse blonde de son ami qui se passa la main dans les cheveux, grimaçant en sentant ce qui s'y trouvait. Je croyais que la capuche était de rigueur pour ta tenue de travail ?

—J'ai dû passer par une soirée d'Halloween très animée, précisa Flynn en prenant un mouchoir en tissu dans une de ses poches pour essayer de nettoyer les dégâts. Il y avait tellement de monde que j'ai eu du mal à trouver l'âme que je cherchais. J'ai fini par lui mettre la main dessus au niveau du bar où il était devenu un fantôme et où il essayait d'augmenter encore plus son taux d'alcoolémie… ce qui était la cause de sa mort.

—Certains n'ont jamais appris ce qu'était la modération… et de mémoire, je crois que tu détestes gérer ce genre de fantômes.

D'après les souvenirs qu'il avait récupéré de sa vie antérieure, le faucheur n'avait jamais apprécié devoir gérer ceux décédés suite à un coma éthylique, principalement car ceux-ci, une fois devenus esprits, restaient ivres même après leur mort et il était difficile de leur faire comprendre qu'ils avaient passé l'arme à gauche, voire même de les envoyer dans l'au-delà car ces esprits étaient imprévisibles à cause de leur état d'ébriété.

—J'en viens des fois à regretter les épidémies de choléra, soupira Flynn avant de lui sourire. Tu m'as manqué tu sais…

—Et tu me sors ça comme ça ? répliqua Yuri, l'air faussement agacé. En me plaçant au même niveau qu'un virus pourri ?

—D'abord, le choléra n'est pas un virus mais est dû à une bactérie et ensuite, de toutes les âmes que j'ai pu rencontrer dans ma longue vie, jamais je n'en ai vue une aussi belle et éblouissante que la tienne. Jamais.

… Pas de doute, c'était la vérité. Déjà dans sa vie précédente, le Faucheur lui avait déclaré cela avec la même ferveur et à présent, il comprenait à quel point le physique importait peu à ses yeux car il s'en fichait que son partenaire soit un homme ou une femme. Tout ce qui l'intéressait, c'était ce qu'était la personne à l'intérieur, qui elle était réellement.

—Je vois que t'as pas changé, constata le jeune homme avec un certain amusement. Toujours à me balancer ce genre de niaiseries…

—Ce n'est que la pure vérité, déclara l'émissaire de la mort en se rapprochant de lui. Et encore, cela fait un bon moment que je me retiens de te dire à quel point j-

—La ferme.

Pour être certain que Flynn se taise, Yuri l'attrapa par la chemise et le tira brutalement vers lui avant de rapprocher leurs visages puis de plaquer leurs bouches l'une contre l'autre, faisant se frôler leurs nez au passage. Au bout de cinq secondes, il s'écarta de quelques centimètres, constatant que le Faucheur était encore surpris par ce geste… et il en profita pour lui coller son poing en pleine mâchoire, prenant l'autre totalement au dépourvu.

—Ca c'est pour m'avoir encore espionné dans mon sommeil ! s'exclama-t-il, faisant craquer ses doigts alors que son ami se tenait la mâchoire. Maintenant, tu vas me dire combien de fois tu m'as épié qu'on règle cela dès maintenant…

—J'aurais dû deviner… fit Flynn en massant la zone qui avait été frappée. Et ça n'est pas impo-

—Combien ?

—… Une dizaine je dirais…

Vu le regard bleu fuyant et le fait que ses pieds s'étaient légèrement tournés vers la porte de la chambre, Yuri estima que le compte n'y était certainement pas ou avait été largement revu à la baisse, faisant que, par mesure de précaution, il jugea préférable de se préparer à asséner une centaine de baffes au Faucheur avant que celui-ci ne lui fausse compagnie…


NB : Suite y aura-t-il ? Pas dans l'immédiat car ceci était mon dernier texte pour le Fortnight mais ça ne signifie pas que je compte arrêter cette fic. Ca dépendra surtout de mon temps libre.

kaleiyahitsumei: (Default)
 Fluri Fortnight : 29 octobre / 30 octobre : Festival

Disclaimer : Tales of Vesperia ne m'appartient pas

Titre : Rythme estival

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Rating : T

Note : Texte écrit à la dernière minute pour cause de blocage (mon cerveau refusait catégoriquement de faire autre chose que la Fête de la Musique… et j'ai fini par céder en voyant que je n'aurais qu'un seul texte si je me bougeais pas les fesses), manque de temps et chat pas très coopératif ces derniers jours (comprenez-le : il s'est mis à faire froid et je dors dans la pièce la plus chaude de la baraque donc…). Il n'a donc pas été corrigé donc j'espère qu'il n'y a pas trop de fautes qui subsistent et que cela vous plaira malgré tout.

Playlist : Beast in Black – Born Again


C'était chaque année lors du jour le plus long de l'année que tout le pays était rythmé par le soleil et la chaleur de bien nombreuses mélodies, celles-ci résonnant dans les rues au moins jusqu'à la tombée de la nuit.

Au début, pour eux, ça ne signifiait pas grand chose excepté le "Festival du bruit" dont se plaignait régulièrement Hanks et auquel ils avaient trouvé drôle de participer à leur façon en jouant des cymbales avec des couvercles de poubelles. Cela leur avait valu un bon sermon mais, sincèrement, ils ne regrettaient rien.

Ensuite, en grandissant, ils avaient commencé à comprendre que ce jour de fête était plus que des basses faisant trembler le sol et tapant contre les murs. Jeunes collégiens, ils avaient arpentés les rues pour voir les différents groupes jouant devant les bars, commerces et parc où des scènes avaient été installées pour l'occasion. Même s'ils n'avaient pas les mêmes avis sur les différents genres musicaux que l'on pouvait entendre, ils avaient fait de chouettes découvertes.

Les années passaient et bien que leur amitié avait subit des revers au lycée, cette fête sonore où la nuit était la plus courte de l'année demeurait et, même s'ils étaient fâchés pour des raisons diverses et variées, ils étaient bien forcés de s'y croiser. D'abord, chacun faisait mine de ne pas avoir vu le premier, facilement reconnaissable à l'œil au beurre noir que le second lui avait fait avant de se prendre en retour un uppercut qui lui avait laissé un bel hématome au bas du visage. Puis en ayant assez de s'ignorer, ils profitaient d'un bar ouvert pour s'asseoir à une table devant un soda ou un jus de fruit, faisant la paix tout en écoutant le groupe de jazz qui jouait à côté.

Après le lycée, ils se sont séparés pour que chacun suive sa route mais ça ne les avaient pas empêchés de se retrouver lors de cette première soirée d'été, près d'une scène où jouait un groupe de rock et tous deux accompagnés d'amis qu'ils s'étaient fait. Leurs deux bandes s'étaient mélangées, bien qu'ils étaient très différents sur bien des points et tous avaient passé un bon moment. Les deux amis étaient heureux de se retrouver, retrouvant vite leurs marques, cela sous le regard d'une des filles de leur groupe qui, face à leur complicité, eut un sourire plein de mystère et de malice aux lèvres avant de prendre une gorgée de sa bière ambrée, le tout sur une reprise d'une chanson des Beatles.

Enfin vint l'année précédente, riche en rebondissement divers et variés : l'un avait brutalement rompu avec sa petite amie et l'autre avait eu un différend avec son employeur. Tous deux s'étaient retrouvés pour repartir du bon pied, faisant cela en se mettant en colocation et reprenant ensemble ce rythme si particulier qui, sans le savoir, leur avait manqué. Cependant, aucun d'eux n'avait vraiment envisagé qu'un nouveau tempo allait s'installer progressivement et que durant cette première nuit d'été, sur le chemin du retour et au son lointain d'une voix suave chantant une chanson d'amour, ils échangeraient un regard d'une telle intensité. Quelque chose leur avait soudain semblé évident, comme si c'était sous leur nez depuis le début mais qu'ils avaient été trop aveugles pour s'en apercevoir plus tôt.

C'était resté dans leurs esprits quand ils montèrent l'escalier de leur immeuble, cela même quand ils entendirent que leur vieille voisine du deuxième étage devait encore être débout en train d'écouter un vieux vinyle d'Edith Piaf. Aucun d'eux n'avait sommeil quand ils entrèrent dans leur appartement et c'était tout naturellement que l'un d'eux avait pris son téléphone pour mettre une radio diffusant surtout des morceaux de musiques allant du rock au metal, faisant qu'ils tombèrent pile au début d'une chanson d'un groupe nommé Beast in Black, à laquelle ils n'auraient pas prêté plus d'attention que cela, la gardant en simple fond sonore, si les premières paroles avaient été différentes.

Aucun d'eux ne bougeait, chacun écoutant attentivement la musique et les mots prononcés par le chanteur. Lors du refrain, chacun plongea son regard dans celui de l'autre, cherchant une étincelle prouvant que ce qu'ils avaient réalisé plus tôt était réciproque, leurs oreilles restant attentives au morceau qui passait à la radio. Ils se rappelèrent leurs précédents souvenirs de la Fête de la Musique, commençant par leurs frasques d'enfance, leur rivalité adolescente, le moment où leurs routes s'étaient séparées pour finalement se rejoindre à nouveau... Lors du solo de guitare, ils s'étaient inconsciemment rapprochés l'un de l'autre et ce ne fut qu'à la reprise du refrain qu'ils franchirent la ligne qui allait à jamais changer le rythme de leur relation.

Un an après, la chaleur se ressentait à travers la ville ainsi que les multiples notes dont les rues étaient parsemées depuis la fin de l'après-midi où démarrait la Fête de la Musique. Assis sur le rebord de la fenêtre de leur appartement, il y avait Yuri qui cherchait un peu de fraicheur, simplement vêtu d'un large débardeur et d'un short noir s'arrêtant à mi-cuisses qui accentuait le côté androgyne de sa silhouette. Installé au comptoir qui leur servait de table pour prendre leurs repas, il y avait Flynn qui terminait de vérifier leurs comptes en banque, s'assurant que leur budget du mois avait été respecté et qu'ils avaient de quoi se permettre de remplacer le vieux sofa qu'on leur avait donné lors de leur emménagement et qui était assez peu confortable.

En entendant résonner une reprise de "Paint it Black" venant d'une rue proche de leur immeuble, Flynn finit par éteindre son ordinateur, estimant qu'il avait eu toutes les réponses qu'il souhaitait pour aujourd'hui, puis il tourna son regard azur vers celui qui était à la fois son ami d'enfance, son meilleur ami, son colocataire et son petit ami, lui permettait de le voir bouger son pied en rythme avec la musique, le tout en suçant un glaçon qui devait auparavant être dans le verre de thé glacé qu'il s'était servi plus tôt.

—Tu es d'accord pour sortir ce soir ? demanda-t-il, cela bien qu'il se doutait quelle serait la réponse.

—Ca dépend, lui répondit Yuri avant de donner un coup de langue au peu qu'il restait de son glaçon et de le remettre dans le verre vide à ses côtés. Seuls ou en groupe ?

—D'après ce que j'ai compris en discutant avec Sodia hier, il se peut qu'on la croise en ville accompagnée de Judith. C'est moi ou b-

—Nan. Elles trainent ensemble trois soirs par semaine depuis un mois et elles passent tantôt la nuit chez l'une, tantôt chez l'autre. J'verrais bien si Judy se décidera à arrêter de me répondre à coup de « peut-être » quand je lui demande si elle fait des galipettes avec Roxy ou si je dois justement enquiquiner Roxy jusqu'à ce qu'elle lâche le morceau et qu'elle me colle une baffe après.

Flynn préféra ignorer cette dernière remarque, surtout qu'il n'allait pas défendre sa moitié s'il mettait celle-ci à exécution car là, il cherchait les problèmes. Il s'installa donc face à lui, son regard azur profitant de la vue qui lui était offerte sur ce visage aux traits fins encadré par des mèches sombres s'échappant de ce chignon fait à la va-vite qui n'était maintenu en place que par une pince à cheveux… jusqu'à ce que son petit ami vienne poser son pied nu sur son épaule.

—Tu comptes rester dans cette tenue ? questionna-t-il, attirant sur lui un regard anthracite qui sous-entendait clairement que son cher ami ne voyait pas quel problème cela pouvait poser. Je vais finir par croire que toi et Judith êtes en train de faire un concours à celui qui portera le moins de tissu…

—Serais-tu jaloux que quelqu'un d'autre que toi puisse avoir le plaisir d'admirer ces gambettes ? répliqua Yuri avec sa malice habituelle, le tout en faisant glisser son pied sur le torse de son compagnon qui était caché sous une chemise claire à manches courtes.

—Je doute fort que d'autres les voient d'aussi près, surtout que tu sembles beaucoup aimer me les passer autour du cou ces derniers temps…

—Est-ce de ma faute si elles s'accordent à la perfection à ta gueule d'ange ? Elles mettent ton teint en valeur.

Il sourit à cette phrase, toujours amusé par leurs petites taquineries mutuelles qui duraient depuis des années. Quand il entendit la nouvelle musique jouée et finit par reconnaitre une reprise de « No one like you » de Scorpions, il combla la distance entre eux pour poser ses lèvres contre celles de sa moitié durant une seconde… qui fut plus longue que prévue quand l'intéressé ne le laissa pas rompre le contact si facilement, ayant passé sa main derrière sa tête pour l'empêcher de s'écarter, changeant un simple baiser en un échange plus fougueux et rythmé…


NB : Voilou… Je précise bien entendu que je ne ferais pas de suite, même si je suis tentée d'écrire du Judith x Sodia un jour.

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Disclaimer : Tales of Vesperia est à Namco Bandai et Cinderella Phenomenon à Dicesuki

Titre : L’après-guerre

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Fandom : Tales of Vesperia / Cinderella Phenomenon (crossover)

Note : Alors cette fois-ci, pour reprendre ce crossover, j’ai choisi de m’intéresser à un moment qui n’était pas visible dans le jeu : la fin de la Grande Guerre. Si vous n’avez pas fait les routes de Waltz et de Fritz (plus celle de Waltz je dois dire…), vous risquez de vous faire spoiler sur des éléments clés de l’histoire.

 


 

Cela faisait quelques semaines à présent que la Grande guerre s’était terminée avec la défaite puis la mort d’Hildyr, porteuse du Tenebrarum et leader des sorcières ainsi que reine du royaume d’Angielle. Seulement, la malédiction des Contes de Fées sévissait encore, signe qu’Hildyr avait probablement fait en sorte que même après sa mort, sa création perdurerait et continuerait de faire souffrir ceux qui en étaient victimes… lui-même inclus.

Yuri grimaça en se voyant dans la glace de sa chambre au Marchen. Même s’il commençait à s’y faire, cela l’agaçait au plus haut point d’avoir la malédiction de Peter Pan et d’être coincé dans le corps d’un garçon de douze ans au plus alors qu’en fait, il allait fêter ses dix-huit ans le mois prochain. A côté, cela l’énervait moins d’y avoir laissé sa magie dont il pouvait se passer… pour le moment. Par contre, il se demandait encore comment cela se faisait que ses cheveux de jais lui arrivent aux épaules alors qu’avant la malédiction, ils les avaient longs jusqu’à la taille. La magie avait parfois de drôles d’effets…

Au premier regard, personne ne pouvait se douter qu’il était Yuri Lowell, le deuxième sorcier le plus puissant d’Angielle après le porteur du Tenebrarum… ainsi que l’un des deux apprentis d’Hildyr qui, pour avoir trahi sa maîtresse en révélant les plan de cette dernière à la porteuse du Lucis pour mettre fin à cette guerre, avait été maudit par elle en guise de punition, enfermant sa magie dans le coffret Neverland et le cachant avec sa clé Tinkerbell dans un lieu inconnu. Même si sa trahison n’était connue que de quelques rares personnes et qu’il ne regrettait pas ses actions, il se devait de faire profil bas car la haine des sorciers était encore bien vive au sein du royaume et peu d’humains faisaient la différence entre ceux qui étaient bons et ceux corrompus par le Tenebrarum…

Il finit par lâcher un soupir avant de détacher son regard anthracite de son reflet et de prendre la boîte contenant les quelques marionnettes qu’il avait fabriquées avant de quitter sa chambre, se préparant à aller gagner de quoi payer cette dernière.

En arrivant dans la salle commune, il aperçut Estelle, reconnaissable à ses cheveux roses lui arrivant aux épaules, en train de lire dans un fauteuil. Celle-ci, l’ayant sûrement entendu, leva la tête vers lui en souriant… lui permettant de voir les cernes noirs sous ses grands yeux verts.

Lorsqu’on la voyait actuellement, aussi frêle qu’une feuille s’apprêtant à tomber d’un arbre, il était difficile de croire que celle qui se faisait appeler Estelle était en fait Estellise, le leader des fées et la porteuse du Lucis. Devoir combattre Hildyr avait été un déchirement pour elle et le Tenebrarum étant sans porteur à l’heure actuelle, c’était à la fée de maintenir l’équilibre comme elle le pouvait, ce qui, avec les blessures qu’elle avait subies durant la Grande guerre, était éreintant. De plus, elle devait aussi user de sa magie pour protéger le Marchen afin qu’il ne soit accessible qu’aux bons sorciers, aux fées et à ceux victimes de la malédiction et qui avaient besoin d’aide pour la briser. Autant dire qu’à l’heure actuelle, il y avait peu de chances qu’elle redevienne la puissante fée qu’elle avait été avant la guerre…

—Tu veux que j’aille te chercher quelque chose après le spectacle ? demanda-t-il, constatant qu’Estelle semblait épuisée.

—Non merci Yuri, lui répondit avec un sourire qui trahissait sa fatigue. J’ai encore ce qu’il me faut.

—Tu devrais aller dormir Estelle. Je peux gérer pendant ce temps.

Il tourna la tête pour voir la silhouette aux courbes aguicheuses de Judith dans l’encadrement de la porte qui menait à la taverne. Bien que quelque peu malicieuse, elle était une bonne sorcière qui avait rejoint leur camp sans hésitation, ayant manifestement un contentieux personnel avec Hildyr – il avait eu connaissance après la Grande Guerre que le leader des sorcières avait tué un des proches de Judith car celle-ci n’avait pas voulu rejoindre sa cause lorsque les humains s’étaient mis à faire leur chasse aux sorcières.

—Tu es sûre Judith ? demanda la fée avant de laisser échapper un bâillement. Pardonnez-moi…

—Certaine, répondit la sorcière avec bienveillance avant d’esquisser un sourire plein de malice. S’il y en a un qui pose souci dans la taverne, sois assurée que je lui ferais passer l’envie de recommencer.

—Comme la fois où tu as fait tomber ces casseroles sur moi pour m’empêcher d’aller frapper l’autre abruti qui m’a traité de sale gosse ? fit remarquer Yuri dont le souvenir était encore douloureux, à la fois pour sa tête et son orgueil.

—Entre autres.

S’il avait sa taille normale et sa magie, il aurait pu se défendre lui-même et surpasser Judith mais il était forcé de reconnaître que cela aurait dégénéré et celle qui aurait dû réparer le tout aurait été Estelle… Elle n’avait pas besoin qu’on lui rajoute du travail en plus alors qu’elle avait besoin de récupérer et qu’il fallait qu’ils obtiennent des informations fiables sur le prochain porteur du Tenebrarum… ce qui était l’autre raison pour laquelle il devait aller en ville aujourd’hui.

Après que la fée ait fini par accepter d'aller faire au moins une sieste dans sa chambre, Yuri était parti en ville avec la boîte de marionnettes. Il aurait pu choisir d'autres façons de gagner sa vie mais avec un corps d'enfant, il était limité dans ses choix et ces spectacles de rue étaient sa meilleure chance de pouvoir à la fois obtenir un peu d'argent mais aussi des informations via son jeune public qui était parfois bien plus réceptif qu'il n'en avait l'air. Et puis en plus, il avait déjà eu pas mal d'entraînement avec les marionnettes du temps où il vivait encore au palais...

Arrivé sur la place où il avait prévu de se produire, il grimaça en réalisant qu'il allait avoir un petit souci : il avait oublié de se fabriquer un castelet, trop fatigué après avoir cousu lui-même ses marionnettes la veille. Il allait devoir se débrouiller sans le temps qu'il y remédie...

—Besoin d'aide ?

Yuri sursauta presque en entendant cette voix familière à ses côtés... avant de grogner en se tournant vers son propriétaire qui le fixait avec un sourire amusé, remarquant ainsi qu'il avait en sa possession de quoi monter ce qui lui manquait.

—En avance, évidemment... constata le magicien en grommelant. Et bien préparé en plus.

—Tu m'as dit que tu allais faire ta première représentation aujourd'hui donc je ne comptais pas la rater, répliqua le jeune homme à ses côtés en le fixant de ses yeux azur. De plus, j’ai pensé que tu aurais besoin de ceci donc comme j'avais un peu de temps libre hier après mon entraînement, je me suis dit que je pourrais te le fabriquer.

Et il allait surement vouloir lui donner un généreux pourboire mais Yuri ne l'accepterait pas car il avait besoin de lui pour obtenir les informations qu'il désirait et qu'en plus, ils étaient amis.

—... Merci Flynn, finit par lui dire le jeune magicien avant de poser sa boîte de marionnettes et que tous deux se mirent à mettre en place le castelet.

Flynn Scifo et lui avaient le même âge et étaient techniquement parlant des orphelins. Seulement, Flynn était humain et avait été adopté par Alexei Dinoai, le commandant de l'Ordre de la Caldira qui était chargé de protéger le palais ainsi que la famille royale. En toute logique, le jeune homme aux cheveux blonds suivait un entraînement pour devenir chevalier et, vu les rumeurs, allait à coup sûr obtenir une place définitive au palais dès sa majorité.

C'était là-bas qu'ils s'étaient rencontrés pour la première fois, peu après que Flynn ait été adopté, alors qu'Alexei l'avait emmené avec lui pour lui montrer l'entraînement des chevaliers. Yuri avait profité qu'Hildyr soit concentrée à entrainer son autre apprenti pour approcher ce garçon de son âge pendant qu'aucun adulte n'était dans les parages... et il n'avait guère apprécié le côté fermé de Flynn à l'époque, faisant que cela avait fini par une bagarre entre eux. Tous deux s'étaient pris un bon sermon de la part d'Alexei et Yuri avait eu droit à un regard glacial de la reine quand elle eut vent de cette histoire mais, chance ou non, elle l'avait puni lui et n'avait pas jugé utile de s'en prendre à celui qui avait fait un œil au beurre noir à son surdoué d'apprenti. Après ces évènements, le jeune magicien avait été retrouvé ce garçon en cachette pour lui demander pourquoi il était aussi froid... et il avait appris qu'il avait perdu ses parents dans un incendie.

—Parait que tu vas avoir une bonne place très vite, fit remarquer Yuri une fois le castelet monté. Félicitations.

—C'est ce que veut mon père adoptif mais je ne suis pas certain d'être prêt, déclara Flynn qui semblait sceptique. Certes, il m'emmène plus souvent au palais qu'auparavant mais je ne déteste pas patrouiller en ville.

—Donc j'imagine que tu as vu...

D'un signe de la tête, le jeune chevalier lui indiqua que oui. Seulement, ce n'était pas le moment pour en parler : des curieux s'étaient arrêtés pour voir ce qu'il se passait, notamment des enfants. C'était donc le moment de démarrer le spectacle... et Yuri sentit comme une soudaine montée de stress. Il n'avait pas fait de spectacles de marionnettes depuis qu'il avait douze ou treize ans et à l'époque, il n'avait qu'une seule spectatrice qui était très critique, le poussant à se dépasser pour qu’elle passe le meilleur moment possible. Il espérait qu'il n'avait rien oublié de ce qu'elle lui avait appris à l'époque...

Après sa prestation, il avait reçu des applaudissements de la part de son public, l’encourageant à user d’un des rares petites tours de magie qu’il pouvait encore faire pour clôturer son spectacle : d’un claquement de doigts, il fit apparaitre une pluie de pétales, émerveillant son public qui apprécia grandement ce final, surtout les enfants qui s’amusaient à essayer de les attraper en plein vol.

Une fois qu’il eut récolté tous les pourboires et remballé son matériel, Yuri était plutôt fier de lui et il pouvait à présent s’occuper de l’autre chose qu’il avait à faire. Lui et Flynn allèrent s’installer dans une ruelle à l’abri des regards, sachant très bien que le sujet qu’ils allaient aborder était sensible…

—J’imagine que tu as eu vent des dernières rumeurs, dit son ami en s’adossant contre un mur, les bras croisés contre la poitrine. Les domestiques ne sont pas d’une grande discrétion…

—De vraies commères, je confirme, grommela le magicien qui avait déjà surpris une femme de chambre en train de raconter les derniers ragots à une commerçante d’Angielle. Dur de démêler le vrai du faux…

—Je n’ai été que deux ou trois jours au palais et si certaines choses sont quelque peu exagérées à mon goût, d’autres en revanche…

Vu l’expression du jeune chevalier, Yuri s’attendait au pire, surtout que vu ce qu’Hildyr avait fait avant qu’elle ne l’éloigne du palais, il y avait de bonnes chances pour qu’elle ait réussi à faire ce qu’il redoutait le plus…

—La princesse a bel et bien un cœur de glace à présent, en conclut le magicien en grinçant des dents. Si j’avais su…

—Tu n’es pas fautif, le coupa Flynn en prenant une position assise afin de se mettre à la même hauteur que lui. Le roi Peony lui cache la vérité pour la protéger et, sincèrement, je pense qu’elle serait brisée si elle prenait conscience qu’elle a été maltraitée toute son enfance par sa propre mère. Il a interdit & quiconque au palais de lui révéler qu’elle était la fille d’une sorcière…

—Vu comme il détestait Hildyr, ça m’étonne pas… Tu as autre chose ?

—Je n’ai pas pu l’apercevoir mais une nuit, mon père adoptif et moi sommes restés tard au palais et alors que j’étais allé chercher un document pour lui, je suis passé devant la chambre de la princesse… et je l’ai entendue presque hurler dans son sommeil.

En entendant cela, Yuri sentit sa haine pour son ancien mentor se raviver ainsi que les raisons pour lesquelles il avait trahi la reine. Il aurait pu demander l’assistance des fées bien plus tôt mais il avait bêtement cru que cette haine des humains qui les avaient persécutés était pleinement justifiée… du moins, jusqu’à ce qu’il réalise qu’il souffrait de curieux trous de mémoire concernant son enfance et qu’il eut appris que la raison pour laquelle il était orphelin était parce que ses parents avaient refusé de le remettre à la porteuse du Tenebrarum. Hildyr les avaient tués et lui avait ensuite effacé la mémoire pour qu’il pense que ceux-ci avaient été victimes de la chasse aux sorcières.

A cet instant, il avait compris que, pour le bien d’Angielle et de la princesse Sodia, il fallait à tout prix arrêter cette femme, peu importe le prix à payer.

—Des cauchemars donc, en conclut-il aisément, suspectant que c’était un effet secondaire de ce qu’Hildyr lui avait fait pour qu’elle reste obéissante. Tu sais si c’est fréquent ?

—Les domestiques l’évitent comme la peste donc impossible d’obtenir quoi que ce soit d’eux, lui répondit Flynn avant de froncer les sourcils. Si tu me disais ce qu-

—Tu es assez impliqué comme ça.

Même si le chevalier et lui étaient amis, il ne lui disait pas tout, surtout concernant le Marchen car celui-ci n’avait rien à y faire vu qu’il n’était ni un bon sorcier, ni une fée, ni la victime de la malédiction des Contes de fées. Judith et Estelle connaissaient cependant son existence mais Yuri avait été très clair sur le fait qu’il ne voulait pas le mêler de trop près à leurs histoires car il refusait de le perdre lui aussi. Déjà qu’il avait perdu Sodia juste parce qu’il s’était lié d’amitié avec elle…

—Très bien, je n’insisterai pas, fit Flynn en lâchant un soupir quelque peu exaspéré. Mais n’espère pas que je reste éternellement les bras croisés à t’attendre comme quand tu m’as laissé planté à la sortie de la ville en pleine nuit pour aller je ne sais où !

—Ca j’en doute pas… grinça le magicien entre ses dents, se souvenant de cette nuit où il avait quitté Angielle en secret pour aller voir Estelle afin de lui remettre la clé des passages secrets du palais. Tu aurais été fichu de me suivre dans un endroit pas fait pour les humains…

—Dois-je vraiment te rappeler ce que tu as fait cette nuit-là ?

Oh non… Même si ce souvenir était visiblement encore vif dans la tête de son ami vu les charmantes rougeurs qu’il arborait aux joues, la réciproque était vraie pour lui. En même temps, c’était la seule idée qu’il avait eue pour le faire taire une bonne fois pour toutes mais il se demandait encore ce qui lui avait pris de l’embrasser sur la bouche à l’orée de la forêt – d’ailleurs, il mentirait en disant qu’il avait détesté ça mais renouveler l’expérience pour tirer ça au clair alors qu’il était coincé dans un corps d’enfant ne lui semblait pas du tout approprié, surtout que si quelqu’un les voyait, cela serait très mal perçu.

—C’était ça ou bien tu ne m’aurais pas écouté jusqu’au bout, signala Yuri en jetant un regard noir à son ami. J’ignorais combien de temps ça me prendrait et si tu étais venu, ça ne serait pas passé inaperçu.

—Je le sais oui, admit Flynn en serrant les dents. La reine aurait été alertée que quelque chose se tramait si Alexei s’était mis à ma recherche.

—Et tu serais sûrement mort ou pire à l’heure qu’il est.

Et ça, il ne l’aurait pas accepté. Pour cette raison, il voulait le plus possible tenir le chevalier loin de ses affaires avec ceux du Marchen mais tant qu’ils n’avaient pas de solution pour entrer au palais sans éveiller les soupçons, il était leur seule source fiable d’informations.

—Ca ne m’empêche pas de toujours vouloir t’aider comme je le peux, même si tu ne veux rien me dire, lui déclara Flynn en le fixant droit dans les yeux. Qui plus est, je vais peut-être avoir la possibilité de te fournir des informations plus fiables venant du palais très bientôt.

—Rien de dangereux j’espère ? questionna Yuri, sceptique.

—A cause de la méfiance du peuple envers elle, le roi veut assigner à la princesse Sodia une nouvelle garde rapprochée mais peu de chevaliers veulent se porter volontaires.

—… Tu sais que c’est à elle de choisir ?

—Oui.

—Tu sais aussi qu’il y a de bonnes chances pour que des sorciers et sorcières corrompus tentent de l’approcher ?

—Tu m’as suffisamment briefé sur le sujet pour que je sache qu’il ne faut jamais faire de marché avec un sorcier ou en contrarier un. Je ne me ferai pas maudire si c’est ce que tu crains.

Ce n’était pas que ça qu’il redoutait en fait… Mais plus les dix-huit ans de Sodia approcheraient, plus il y avait un risque que des sorciers corrompus tentent de la convaincre de poursuivre l’œuvre d’Hildyr le jour où elle serait la porteuse du Tenebrarum. Il fallait impérativement quelqu’un pour la protéger de leur influence et déterminer à quel point l'influence toxique de la reine était parvenue à atteindre la princesse.

—... Tu as intérêt à faire très attention si tu y arrives, finit par dire Yuri après avoir lâché un soupir. Je ne pourrais rien faire pour t'aider au sein du palais.

—Je serais prudent, ne t'inquiète pas, lui dit Flynn. Et si je vois quelque chose de suspect, je te contacterai à la première occasion.

—D'accord. Et n'oublies pas que personne ne doit se douter que nous sommes en contact, pas même Alexei.

—Je le sais oui.

Même s'il avait contribué à la fin de la guerre, le fait que cette fichue malédiction sévissait toujours continuait à alimenter la haine des humains pour les sorciers. Beaucoup de ses pairs comme Judith ne pouvaient pas se permettre de se mêler aux habitants d'Angielle sans risquer leur vie, faisant qu'ils devaient se faire discret ou, pour ceux qui en avaient la capacité, user d'un sort appelé le "glamour" qui permettait de cacher l'identité de la personne visée ou bien d'un objet aux yeux de certains individus - seuls des fées et sorciers puissants étaient capables de voir au travers ce sortilège de dissimulation.

—Il serait temps que l'on se sépare, lui dit Flynn en levant les yeux vers le ciel. Si tu restes dans la rue la nuit, tu risques d'attirer l'attention.

—Ca vaut aussi pour toi, rétorqua Yuri. T'es pas attendu chez toi à tout hasard ?

—Alexei ne rentre jamais avant la tombée de la nuit. Si je le pouvais, je te raccompagnerai mais...

—Tu sais bien que ce n'est pas possible.

Ils n’avaient pas d’autres choix que de se séparer ici, cela après s’être donné rendez-vous lors du prochain spectacle du magicien afin de savoir si, oui ou non, le chevalier avait réussi à entrer au service de la princesse d’Angielle… leur laissant ainsi le temps de trouver un autre moyen, plus discret pour communiquer sans que quiconque en ville ne se doute de leur petit manège.

 


 

NB : Voilou voilou… Je pense que le prochain texte reviendra sur des évènements ayant eu lieu dans le jeu, probablement surtout ceux de la route de Waltz qui est la route canonique. Par contre, faut que je refasse le tour des rôles de chacun vu que ça fait un bail que je n’ai pas touché à ce crossover…

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Titre : Tiercelieux chez Miraculous

Disclaimer : Excepté l'idée et ce scénario, rien ne m'appartient !

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre.

Résumé : Lors d'une heure de permanence suite à un prof absent, Alya propose à ses camarades de jouer à un jeu pour passer le temps…

Note : Ca me démangeait de faire cela mais comme je coinçais sur les rôles à mettre à chacun, j'ai laissé le hasard décider… et je ne regrette pas mon choix. Pour ceux qui ne connaissent pas le jeu des Loups-Garous de Tiercelieux, je vous laisse aller chercher les règles sur internet ou essayer de les comprendre avec cette fic. Bonne lecture !


—Les habitants du hameau de Tiercelieux étaient de paisibles villageois qui trimaient jour et nuit pour avoir de quoi manger le soir venu. Parmi eux, certains étaient un peu étranges comme la sorcière et ses potions, la voyante un peu curieuse et un Cupidon un peu farceur. Seulement, d'autres étaient bien plus redoutables : ceux qui, une fois la nuit tombée, se changeaient en d'effroyables loups-garous assoiffés de sang ! Le courageux chasseur était bien armé pour lutter contre eux mais comment les débusquer lorsque ceux-ci se mêlaient aux simples villageois peuplant le village ? Les innocents paysans allaient devoir s'unir pour espérer triompher du mal qui menaçait leur paisible existence…

Sur ces mots, Alya avait achevé son préambule à son rôle de maître du jeu, cela sous le regard admiratif de Nino qui applaudissait sa petite amie pour cette belle introduction à ce qui allait occuper leur heure de permanence imprévue.

—C'était super bien raconté Alya ! la félicita Rose avec son grand sourire éclatant.

—Si vous le dites, râla Chloé qui, étonnamment, avait accepté de venir jouer avec eux. On a cette salle pour une heure je vous signale donc ce serait bien qu'on se bouge avant le cours d'anglais !

Oui, ce jour-là, leur professeur d'histoire-géographie était absent, faisant qu'ils avaient une heure de permanence cet après-midi à occuper. La journaliste en herbe avait proposé à ses camarades de jouer aux Loups-garous de Tiercelieux dans une des salles d'études, ce qui avait enthousiasmé la majorité de la classe, plus particulièrement Adrien qui brûlait d'envie de jouer à ce jeu depuis que Nino lui en avait parlé. Ceux qui étaient d'abord réticents comme Nathaniel, Alix ou Chloé avaient vite été convaincus par les autres et, à présent, ils étaient dans une salle vide où les tables avaient été disposées en forme de U face à un bureau vide. Pour ceux qui ne connaissaient pas les règles de ce jeu de rôle, un résumé leur avait été fait par Alya tandis qu'elle mélangeait les cartes des différents rôles de chacun avant de les étaler sur le bureau puis de demander à chacun de venir en piocher une.

Au niveau de leurs places à chacun, ils avaient plus ou moins respectées leurs habitudes de placement en classe : Nathaniel était au fond avec Rose et Juleka, Adrien était assis près de la porte avec Nino à sa droite qui avait lui-même Marinette à la sienne, Chloé était assise face à Adrien avec Sabrina à sa gauche qui avait Alix ainsi que Kim puis Max à la sienne et enfin, Ivan et Mylène occupaient les places restantes.

—Puisque sa Majesté insiste, fit leur maître du jeu avec ironie. La nuit tombe sur le village de Tiercelieux et les habitants s'endorment…

Cette phrase signifiait que tout le monde devait fermer les yeux, attendant le moment où celle qui dirigeait la partie allait leur dire de les ouvrir à nouveau.

—Prêt à jouer un tour aux villageois, Cupidon ouvre les yeux et bande son arc pour lier deux cœurs à jamais avant de retourner dans les bras de Morphée. Puis le couple nouvellement formé se découvre avant de se rendormir à son tour.

Celui parmi eux ayant eu le rôle de Cupidon avait ouvert ses yeux et, après un certain temps, désigna les deux joueurs qui seraient les amoureux, faisant d'eux un couple inséparable, peu importe la nature de l'un ou de l'autre. Si l'un d'eux venait à mourir de quelque façon que ce soit, l'autre le suivrait immédiatement dans la tombe. Pour gagner, le couple se devait d'être le seul à survivre…

—Assoiffés de chair et de sang, nos trois loups-garous se dévoilent à la lueur de la lune pour se concerter. Qui semble le plus appétissant parmi ces pauvres villageois ? Qui croquera le plus sous leurs crocs acérés ? Leur choix semble fait et ils retournent dormir, repus du repas qu'ils viennent de faire.

A présent, c'était donc le tour des loups-garous d'ouvrir les yeux et de décider de qui, parmi les villageois, serait leur première victime. Le plus difficile restait de se mettre d'accord car, pour différentes raisons comme l'amitié, la rivalité ou parce que l'un d'eux avait été victime de Cupidon, opter pour une cible était complexe. Pour s'en sortir, ils se devaient de bien choisir qui éliminer à chaque nuit et d'essayer d'éviter de s'attirer les foudres du village ou, pire, de la sorcière ou du chasseur qu'il valait mieux repérer le plus tôt possible pour éviter une mort subite de l'un d'eux.

—Ses rêves tourmentés, la voyante s'éveille et, curieuse, sonde le cœur de l'un des villageois. Est-il bon ? Est-il mauvais ? Personne ne le sait à part elle. Satisfaite, elle retourne au pays des songes.

Rôle à la fois puissant et vulnérable, la voyante pouvait, chaque nuit, savoir le rôle d'un joueur de son choix. Cependant, seule elle possédait cette information et elle se devait donc de guider le village dans sa traque des loups-garous sans que ceux-ci ne réalise qui elle était réellement. Seulement, elle courrait aussi le risque que les villageois ne tiennent pas compte de ses accusations et que ceux-ci décident de la pendre haut et court.

—Alakazam ! La sorcière sort de son sommeil pour vérifier son stock de potions et découvre avec horreur que les loups-garous ont fait une victime cette nuit ! Usera-t-elle de sa potion de vie ? Fera-t-elle usage de sa terrible potion de mort ? La réponse arrivera bientôt et la reine des breuvages magiques se rendort.

Dans la catégorie des rôles offensifs, les plus connus étaient le chasseur et la sorcière. Si le pouvoir du chasseur ne s'activait que suivant les actions des autres joueurs, celui de la sorcière s'activait chaque nuit où elle était en vie. Elle possédait deux potions : une permettant de ressusciter une victime des loups et une autre qui lui permettait de tuer le joueur de son choix. Bien sûr, des erreurs pouvaient potentiellement se produire, faisant que celui qui jouait ce rôle se devait d'être bien attentif à la partie pour éviter de commettre un grave impair pouvant mettre le village en péril.

—Le jour se lève enfin sur le village de Tiercelieux et les villageois découvrent… commença Alya avant de rompre le suspens. Que personne n'est mort cette nuit !

Un soulagement général se faisait sentir dans la pièce : la sorcière avait sauvé la victime des loups durant la première nuit. Cependant, en faisant cela, elle avait usé de sa seule possibilité pour sauver quelqu'un…

—Les loups auraient déjà trouvé la sorcière ? supposa Nino qui connaissait le jeu. Pas cool ça…

—Ouais, ça craint, approuva Juleka qui, avec le DJ et la bloggeuse, faisait partie de ceux ayant déjà joué à ce jeu de rôle. Faut pas se rater.

Tout comportement ou attitude suspect était à présent activement recherché par la majorité des joueurs et, très vite, un regard bleu nota des signes de nervosité apparents chez quelqu'un en particulier.

—Tu as un problème Dupain-Cheng ? questionna Chloé qui avait repéré que sa rivale était curieusement plus concentrée sur la carte face cachée face à elle qu'autre chose. On dirait que tu as un truc à nous cacher…

—Je peux savoir ce que tu insinues au juste ? répliqua Marinette en entendant le ton hautain de la peste de leur classe.

—Je dis que je te pense louve, voilà ce que j'insinue.

—Vraiment ? Et toi alors ? Tu n'essaierais pas de détourner les soupçons vers moi à tout hasard ?

C'était à prévoir : à un moment donné, elles se seraient bouffées le nez et la majorité de la classe, notamment les filles qui avaient bien conscience de l'ampleur de cette rivalité, soupirèrent de dépit face à cela. Le débat n'allait pas beaucoup avancer si elles se chamaillaient…

—C'est pas pour vous presser les filles mais on peut pas trop traîner non plus, tenta de tempérer Nino alors que les deux adolescentes échangeaient des regards électriques entre elles.

—J'suis d'accord, approuva Alya en montrant le décompte du chronomètre sur son téléphone où il restait moins de huit minutes et vingt secondes. On a fixé le premier débat à dix minutes grand maximum et les suivants à cinq pour être certains d'être à l'heure en anglais.

—Et puis j'vais p'être dire un truc évident mais si une d'elle était louve, vous croyez pas que l'autre l'aurait déjà mangée ? ajouta Alix sur un ton quelque peu blasé.

Cette remarque provoqua un long silence dans la salle avant d'être approuvée par les autres, plus particulièrement par Max qui, via des données chiffrées, souligna l'innocence des deux rivales et écarta rapidement Chloé du rôle de sorcière car celle-ci aurait, avec un taux d'environ quatre-vingt huit pour cent, utilisé sa potion de mort sur Marinette.

Il ne leur restait que cinq minutes avant la fin des débats et le début des votes, faisant que chacun chercha qui semblait plus suspect qu'un autre… ce qui finit par arriver lorsqu'une personne qui n'avait pas encore parlé se montra très nerveuse, attirant sur elle l'attention de ceux d'en face.

—Dis-moi Mylène, tu es la seule que nous n'avons pas entendue, signala Sabrina après que Nathaniel ait déclaré qu'il n'avait rien fait de spécial la nuit précédente. Que faisais-tu pendant que les loups-garous attaquaient le village ?

—J-je dormais bien sûr, répondit sa camarade avec un manque d'assurance flagrant. Je n'ai rien fait de mal !

—Vraiment ? répliqua Chloé, l'air sceptique. T'as pourtant pas l'air très à ton aise Mylène…

—Hey ! Laissez Mylène tranquille ! s'exclama Ivan en voyant que sa bien-aimée était la cible des accusations. Elle n'est pas un loup-garou !

—T'en es sûr ? fit Kim, l'air narquois. Parce que moi, j'aurais juré que l'un de vous deux était pas clair en face.

—Kim…

—C'est méchant d'accuser comme ça ! s'exclama Rose, l'air peiné. Mylène est si gentille et Ivan aussi ! Jamais ils ne nous feraient de mal !

Certains d'entre eux échangèrent un regard, se disant que leur camarade n'avait peut-être pas pleinement saisi le concept du jeu.

—Bon, résumons ce qui est ressorti des débats, fit Adrien en voyant qu'il ne leur restait qu'une minute. Nous sommes tous d'accord pour dire que ni Chloé, ni Marinette, ne sont suspectes sur ce tour car toutes deux ont de solides arguments pour prouver leur innocence. Seulement, sans possibilité de savoir qui la sorcière a sauvé, c'est compliqué pour nous tous de trouver une piste solide donc nous avons tous donné une défense…

—Et celle de Mylène manque d'assurance, souligna Sabrina qui avait manifestement son opinion de faite.

—Elle ne connaissait pas les règles avant aujourd'hui aussi. Dans tous les cas, il faut que nous votions donc essayons de ne pas faire d'erreur, d'accord ?

L'heure des votes avait effectivement sonnée et, sans surprise, Sabrina et Chloé votèrent contre Mylène, suivies par Kim puis par Max. Rose choisit de s'abstenir, ne surprenant personne, tandis que Juleka et Nathaniel, peu sûrs d'eux, choisirent de voter Max. Quant aux autres, Marinette choisit de s'abstenir, jugeant qu'elle avait trop peu d'éléments pour choisir, tandis qu'Adrien vota contre Kim, imité par Nino. Mylène et Ivan firent de même mais malheureusement, Alix choisit de voter Mylène car les arguments de Sabrina n'étaient pas sans fondement pour elle.

—Malheureusement pour Mylène, c'est elle qui a reçu la majorité des votes, déclara Alya à la fin du tour de jeu du village. Les villageois la pendirent haut et court et découvrirent…

Avec un geste théâtral, la bloggeuse prit la carte face à Mylène et montra son rôle à tous, dévoilant, non pas la carte jaune des villageois ou rouge des loups-garous, mais une carte orange qui les fit déglutir et attira des regards noirs sur celle ayant lancé les votes contre leur camarade.

—… qu'elle était en fait la sorcière ! Face à ce coup dur, ils s'endormirent, priant pour faire mieux le lendemain.

Perdre la sorcière au premier tour… Autant dire que le village était en très mauvaise posture avec la perte d'un si bel atout ! Est-ce que les loups l'avaient repérée et donc éliminée au plus vite pour neutraliser cette menace ? Cela restait à découvrir…

—Heureux d'être débarrassés d'une si redoutable ennemie, nos trois loups-garous fêtent leur bataille gagnée en essayant de se mettre d'accord sur leur prochaine victime. Est-ce que ce sera lui ? Est-ce que ce sera elle ? Difficile de choisir entre toutes ces proies si alléchantes… Mais une fois rassasiés, ils retournent dans les méandres du sommeil.

Oui, les loups-garous avaient, cette fois-ci, put faire une victime sans que celle-ci ne revienne d'entre les morts. Cependant, durant leur tour, un bruit retentit dans la salle, faisant que les plus attentifs du groupe en cherchèrent l'origine. Mais comment en être certain en ayant les yeux fermés ?

—Choquée par la mort de sa comparse la sorcière, la voyante se réveille et sonde le cœur d'un des villageois. Est-il l'un de ceux qui ont causé du tort au village ? Toujours est-il qu'elle se rendort, à présent certaine du rôle de l'un des habitants.

Afin de permettre à la voyante de savoir le rôle de la personne sondée, le maître du jeu prend la carte du joueur à vérifier et montre celle-ci à la voyante. Seulement, pour éviter qu'un petit malin ne se mette à observer les cartes afin de savoir laquelle d'entre elles avait bougée, celui qui dirigeait la partie en déplaçait plusieurs afin de s'assurer que les identités de chacun ne soient pas aisées à révéler.

—Le jour se lève enfin sur le village de Tiercelieux et les villageois découvrent… commença Alya avant de prendre la carte d'Ivan et de dévoiler sa face jaune. La mort d'Ivan qui était simple villageois !

Tout comme Mylène, Ivan avait rejoint les victimes des loups et ne pouvait donc plus participer aux débats du village. Pour éviter de donner trop facilement des indices aux autres, tous deux prirent leurs chaises et les placèrent près du bureau, leur permettant ainsi de continuer à suivre la partie sans perturber leurs camarades.

—Sabrina… fit Chloé en jetant un regard noir à sa meilleure amie.

—Je suis vraiment désolée ! s'excusa tout de suite la rousse en se faisant tout petite. Je n'aurais jamais pensé qu'elle était la sorcière !

—C'est sa première partie à Sabrina aussi et le premier tour est toujours le pire, la défendit Nino avant de regarder tous ceux qui n'étaient pas directement à côté de lui. Par contre, c'est moi où il y a eu du bruit en face ? J'aurais juré avoir entendu un truc…

—T'essaierais pas de nous rouler des fois ? supposa Kim, l'air dubitatif. On a voté Mylène car elle était nerveuse donc tu crois quand même pas qu'on va faire une autre erreur de ce genre ?

—C'est vrai que j'ai cru entendre racler une chaise, admit Adrien, l'air pensif. Par contre, je ne serais pas capable de dire de quel côté le bruit venait.

Avec l'écran de son téléphone, Alya leur indiqua qu'ils avaient encore trois minutes pour débattre et la grande question était de savoir si, oui ou non, ce bruit venait de leur salle ou d'une autre. Si Nino fut un temps accusé de faire erreur, Marinette vint à son secours, étant certaine que ce son qu'ils avaient perçu durant le tour des loups-garous venait assurément de cette pièce. Sabrina, quant à elle, restait obstinément en retrait, ayant visiblement peur de commettre une nouvelle erreur.

—Si le son venait d'une autre salle, nous ne l'aurions pas entendu aussi distinctement, souligna la jeune styliste avec assurance. Par contre, j'avoue que je suis seulement capable de dire que ça ne venait pas d'à côté de moi…

—En face peut-être ? supposa Adrien dont le regard vert scrutait les visages de leurs cinq camarades face à eux.

—Adrichou ! Je vois que nous sommes sur la même longueur d'ondes ! s'exclama Chloé avec joie, faisant grimacer le principal concerné. Je suis certaine que ce bruit venait de ma gauche mais…

—Kim a surement une bonne explication, la coupa Alix en se tournant vers son rival, un sourire narquois aux lèvres. T'as toujours aimé te balancer sur ta chaise quand tu gagnais un défi en classe et vu ce que j'ai entendu de ton côté, je dirais que t'as inconsciemment fêté ta victoire du tour précédent.

—C'est totalement faux ! s'exclama le concerné, visiblement outré. Ce n'est pas de ma faute si les loups se sont acharnés sur Ivan !

Cette remarque attira immédiatement l'attention de la majorité de la classe, faisant que la sportive de la classe ne cacha pas sa satisfaction face à cela.

—Dis-moi Kim, commença Chloé, les yeux plissés. Tu faisais quoi lors du tour précédent ? C'est la sorcière que les loups ont trouvé. Pas un villageois.

—H-heu, j'avais pas suivi, s'excusa l'autre sportif, attirant encore plus les suspicions sur lui.

—C'est bizarre car c'est toi qui avais tenté de semer le doute entre Ivan et Mylène au départ, souligna vivement Marinette, approuvée par des hochements de tête de Nino et d'Adrien. Et puis excepté Alya, les seuls qui peuvent savoir cela, ce sont ceux qui jouent les loups-garous !

—Voilà la preuve que tu devrais commencer à te raser, déclara Alix en pointant son voisin de gauche du doigt. Qui d'autre veut pendre le premier loup ?

Face au manque d'arguments valables de Kim, le débat fut écourté de quarante secondes car tous, sauf Rose qui s'était encore abstenue, avait voté contre lui. Le sportif vota, de rage, contre sa rivale mais face à cette majorité écrasante en sa défaveur, il était bien obligé d'admettre sa défaite.

—A la quasi-unanimité, les villageois décidèrent de se débarrasser de Kim, déclara Alya à la fin du tour de jeu du village. Les villageois le pendirent haut et court et découvrirent…

D'un geste vif, la bloggeuse prit la carte face à Kim et montra son rôle à tous, dévoilant, à la grande joie de tous, cette carte au fond rouge sombre qu'ils espéraient tant découvrir.

—… qu'il était bel et bien un loup-garou ! Face à cette victoire, les villageois s'endormirent afin de reprendre des forces pour débusquer les deux autres.

Contrarié d'avoir été découvert, Kim se leva et alla s'asseoir sur le bureau, s'en voulant d'avoir révélé qu'en fait, Mylène avait usé de sa potion de vie non pas sur elle, mais sur Ivan, prenant ainsi un très gros risque stratégique dès le début du jeu.

—Mécontents d'avoir perdu l'un de leurs membres, les deux derniers loups-garous s'éveillent afin de faire une nouvelle victime. Choisiront-ils celui-ci ou bien celui-là ? Question bien difficile… A laquelle ils trouvent une réponse avant de se rendormir.

Perdre un des leurs alors qu'il restait tant de villageois était un coup dur pour les loups-garous, surtout avec la menace du chasseur qui planait encore au-dessus de leurs têtes et celle de la voyante qui risquait de dévoiler leurs sombres secrets à tout instant. Ils ne devaient pas se tromper…

—Grisée par la victoire du village, la voyante se réveille afin de sonder le cœur de l'un des habitants. Est-il un simple paysan ou bien une bête assoiffée de sang. Elle seule le sait et c'est avec cette nouvelle information qu'elle retourne au pays des songes.

Chaque nuit, la voyante se devait de sonder quelqu'un et chaque nuit, elle courrait le risque que les loups la dévorent avant qu'elle n'ait pu délivrer son message de quelque façon que ce soit…

—Le jour se lève enfin sur le village de Tiercelieux et les villageois découvrent…

Faisant le tour des tables, Alya laissa planer le suspens, chacun des regards de ses camarades essayant de savoir lequel d'entre eux allait devoir quitter la partie. Et la réponse ne tarda pas lorsqu'elle prit une des cartes face cachée, révélant à leur plus grande horreur un rôle dont la couleur violette trahissait son importance.

—… La mort d'Alix qui était voyante !

S'étant probablement doutée de la chose, la sportive prit calmement sa chaise et alla rejoindre Kim qui la fixait, l'air éberlué de cette découverte. Si la concernée ne semblait pas trop embêtée d'avoir été éliminée par les loups-garous, ceux encore en jeu eurent un vrai choc en réalisant l'atout qu'ils venaient de perdre.

—Oh non ! s'exclama Rose, horrifiée. Pas Alix ! Qu'est-ce qu'on va faire sans elle pour nous guider ?

—Ça explique pourquoi elle était si sure d'elle pour Kim, réalisa Nathaniel, lui aussi encaissant le coup que les loups venaient de leur asséner. Elle avait dû le sonder en entendant la chaise bouger.

—C'est surement ça oui, approuva Adrien avant de grimacer. Par contre, si elle avait trouvé un autre loup, nous n'avons plus aucun moyen de le savoir à présent.

—C'est le jeu malheureusement, fit Nino en haussant les épaules. Va falloir compter sur nos têtes pour trouver les derniers loups-garous et ça va pas être simple car il n'y a pas eu un seul bruit ce coup-ci.

Oui, cette fois-ci, l'adversaire s'était montré très silencieux, ce qui les cantonnait aux interrogatoires en espérant parvenir à en coincer un par hasard. Sauf qu'ils devaient prendre en compte d'autres données et se souvenir de toutes les actions effectuées lors des tours précédents.

—Sérieux, c'est pas une perte de ne plus avoir la voyante, déclara Chloé en regardant sa manucure. Elle a voté Mylène au premier tour au lieu de voter un loup.

—C'est sa première partie je te signale ! répliqua Marinette dont la tempe gauche commençait à battre furieusement. Et que je sache, toi aussi tu as voté contre Mylène !

—Je n'ai jamais joué à ce jeu auparavant !

—Mylène non plus ! E-

—STOP ! les coupèrent Nino et Adrien.

—Les filles, ça ne sert à rien de se chamailler ! leur dit le jeune mannequin avant de pointer le chrono qui affichait moins de trois minutes. Si on perd notre temps à ça, on va voter au hasard et c'est ce que l'on veut éviter.

—Au fait, c'est pas bizarre que vous soyez encore là ? réalisa le DJ, son regard passant de l'une à l'autre. J'veux dire, on est certains qu'aucune n'est un loup-garou donc logiquement, l'une d'elles aurait dû être une victime non ?

La remarque de Nino était plausible : depuis le premier tour, il était clair que les deux rivales ne pouvaient pas être des loups-garous vu leurs attitudes respectives donc pour quelle raison seraient-elles toujours là alors qu'Ivan, que Kim avait un temps cherché à voter, avait été victime des loups ? Quelque chose n'allait pas…

—Ce n'est pas le seul fait curieux, déclara Max en se levant de sa chaise. Certes, il reste encore le chasseur en jeu mais le plus curieux, c'est que ni Cupidon, ni le couple n'aient été découverts.

Ces remarques de leur camarade leur fit réaliser qu'effectivement, à aucun instant le couple n'avait été déclaré mort, signifiant que celui-ci, ainsi que leur entremetteur, étaient encore en jeu avec un risque supplémentaire : les deux membres du couple cherchant à doubler tout le monde pour gagner. Et visiblement, avec déjà quatre joueurs en moins, ils étaient bien partis…

—Si l'on se base sur les évènements précédents, il est évident qu'Alix n'a pas été éliminée par hasard, poursuivit Max en replaçant correctement ses lunettes sur son nez. C'est elle qui a voté la dernière lors du premier tour, sûrement parce qu'elle savait qu'une égalité entrainerait un nouveau vote, et en entendant Kim bouger à côté d'elle, elle a certainement vérifié ses soupçons pour ne pas reproduire l'erreur du premier jour. Cependant, en faisant cela, un des loups a sûrement eu des doutes à son sujet et a préféré l'éliminer.

—Personne ne savait qu'elle était la voyante, souligna Marinette, l'air un peu sceptique.

—Et tout le monde ici sait qu'elle et Kim sont rivaux, ajouta Adrien, pointant ainsi une évidence connu de tous.

—Oui mais justement, nous avons deux innocentes sûres ici mais étrangement, elles sont encore ici ! s'exclama Max en désignant la jeune styliste et la fille du maire. Pourquoi les loups les garderaient en vie alors qu'ils pourraient les éliminer et ainsi diriger les soupçons sur quelqu'un comme Juleka ou Sabrina qui sont discrètes ou sur Rose dont les votes manquent de cohérence ? Les options envisageables seraient que soit les loups s'en servent pour détourner l'attention d'eux, soit elles sont toutes deux louves et font donc semblant d'être l'une contre l'autre, soit l'une est louve et a été mise en couple avec l'autre par Cupidon…

—RIDICULE ! s'exclama vivement Chloé, rouge de colère que l'on puisse la penser alliée à Marinette. C'est totalement RI-DI-CULE ! Jamais je ne tolèrerai qu'un sale petit chérubin me colle en ménage avec la boulangère !

—Et qu'est-ce qu'il te prend de penser que je puisse être de mèche avec Chloé ! ajouta la jeune styliste, elle aussi bien remontée contre Max pour avoir émis ces hypothèses. Ce ne serait pas plutôt toi le loup ? Kim était aussi à côté de toi que je sache et tu n'as jamais admis avoir entendu la chaise au tour précédent !

Cet argument cinglant ainsi que les votes des deux rivales contre leur camarade firent s'échanger des regards entre les autres joueurs qui, après courte réflexion, suivirent les deux adolescentes en votant contre lui, à la plus grande déception de ce dernier.

—Il nous restait encore une minute mais vu que vous êtes tous d'accord… fit Alya avant de s'approcher de la place de Max. A l'unanimité, le village décide de pendre Max qui était…

Tandis que leur camarade prenait sa chaise pour rejoindre les autres victimes, la bloggeuse prit la carte face cachée et montra à tous… sa couleur jaune qui firent s'étrangler Marinette et Chloé, toutes deux réalisant la grosse gaffe qu'elles venaient de commettre.

—… Simple Villageois ! énonça clairement leur maître du jeu à l'horreur générale. Face à cette tragique erreur, le village se rendort, tourmenté par ce jugement erroné qui avait coûté la vie à un innocent.

Une véritable tragédie s'abattait sur eux. En plus d'avoir perdu deux rôles clés, les joueurs ne parvenaient plus à débusquer les loups-garous restant. Leur seul espoir de victoire restait le chasseur mais si celui-ci avait été embrouillé par l'ennemi, il risquait fort de se tromper le moment venu, permettant une victoire des loups ou bien de ce mystérieux couple dont l'identité restait une véritable énigme.

—Ravis de ne plus avoir à s'inquiéter d'un espion potentiel, les loups-garous fêtent leur victoire du jour en désignant leur nouvelle victime. A quelle sauce allaient-ils la manger ? Sauce tartare avec des fines herbes ou bien sauce barbecue avec des patates sautées ? Toujours est-il que, une fois rassasiés, ils se rendorment…

Sans voyante ou sorcière pour perturber leurs activités nocturnes, les loups-garous pouvaient agir tranquillement et n'avaient plus qu'à bien réfléchir à leurs défenses afin de passer pour de simples villageois. Seulement, le chasseur restait à prendre en compte car tant qu'il restait caché, il représentait un danger potentiel. Mais pour le débusquer, seuls les débats de la journée pouvaient les aider…

—Le jour se lève enfin sur le village de Tiercelieux et les villageois découvrent…

Alya fit le tour des tables à nouveau, tous les regards fixés sur elle afin d'essayer de deviner qui avait été la victime des loups. Certains regards scrutaient plus l'assemblée que d'autres, comme ceux de Juleka et de Nino, les plus expérimentés de la bande, pour essayer de repérer une attitude qui pouvait trahir quoique ce soit. Plus la bloggeuse s'arrêta près de Marinette dont le teint pâlit brusquement.

—La mort de… commença la journaliste en herbe avant de retourner une des cartes à sa portée, révélant sa face jaune à tous. Nino qui était simple villageois.

Le DJ grogna entre ses dents, s'étant douté qu'à un moment donné, les loups-garous allaient décider de se débarrasser de ceux qui connaissaient le mieux le fonctionnement de ce jeu. Il rejoignit les autres victimes de cette partie sous le regard triste de son meilleur ami.

—Ça devait arriver, déclara Juleka en soupirant. Les loups éliminent ceux qui sont les plus menaçants pour eux.

—Mais Nino n'avait jamais émis de soupçons sur Kim, souligna Adrien dont le regard vert se planta dans celui orange de sa camarade. Tu crois qu'il avait repéré un loup ?

—Pas forcément. Je pense que lui et Max avaient raison en suspectant un truc concernant Marinette et Chloé.

—Non mais vous n'allez pas encore insinuer que je suis en couple avec la boulangère j'espère ! s'exclama la fille du maire dont le teint rougi trahissait la colère qui menaçait d'exploser.

—En fait… commença timidement Sabrina avant de se tourner vers la gothique. Il y a aussi autre chose qu'il trouvait curieux et c'était les votes de chacun…

Ce rappel fait par leur camarade les poussa à se remémorer les paroles exactes de Max avant que le village ne choisisse de l'exécuter… puis les différentes actions des joueurs encore présents. Si certains n'étaient pas sûrs d'eux, d'autres en revanche, comme Nathaniel, Adrien et Marinette, se tournèrent vers la personne dont la façon de voter leur apparaissait à présent comme bien étrange.

—Rose, commença l'artiste qui ne semblait pas encore totalement croire à ce qu'il suspectait. Pourquoi tu as voté contre Max au tour précédent ?

—Moi ? demanda leur camarade au cœur en or. En fait… Vous étiez tous en train de l'accuser donc je vous ais simplement imités…

—Alors pourquoi t'être abstenu contre Kim au tour d'avant ? la questionna Adrien, l'air suspicieux. Contre Mylène, je veux bien vu comment cela se passait mais Kim était clairement suspect !

—M-mais je ne v-voulais pas voter contre un ami ! Je ne le pensais pas loup !

Cette soudaine nervosité chez elle attira l'attention des filles qui commencèrent sincèrement à se demander si leur si gentille camarade n'avait pas profité de sa réputation pour les entourlouper. Seulement, en était-elle capable ? Si Marinette et Sabrina avaient quelques doutes, Juleka, celle qui la connaissait le mieux, la fixait à présent avec méfiance et Chloé, elle, semblait très amusée par la façon dont tournait le débat.

—Se pourrait-il que la gentille Rose soit devenue méchante ? supposa la fille du maire avec un sourire narquois. Rien que pour le savoir, je vote contre elle.

—J-je n'ai rien fait ! se défendit la concernée en se levant de sa chaise tout en pointant du doigt celle qui l'accusait. Et puis moi, je ne suis pas en couple avec Adrien au moins !

Cette déclaration détourna l'attention vers le jeune mannequin qui, à présent, ouvrait des yeux ronds d'étonnement, ne s'étant visiblement pas attendu à cela.

—Mais je ne suis pas en couple avec Chloé ! s'exclama le concerné, déclaration qui fit confirmée avec le soupir de dépit de la fille du maire.

—On le saurait déjà si c'était le cas ! ajouta la styliste avant de se mettre à rougir et de tenter de se faire la plus petite possible sur sa chaise.

Au vu des réactions de chacun, il était clair que Rose avait tout faux sur l'identité du couple et, involontairement, elle avait renforcé l'innocence de Chloé qui, si elle avait été Cupidon, aurait très certainement choisi de s'unir avec Adrien, ce qui n'était visiblement pas le cas. Même si cela ne plaisait pas à la majorité d'entre eux, la fille du maire était clairement du côté du village… mais deux personnes de la salle repensèrent à Marinette et en vinrent à se demander si, en tant que louve, elle aurait réellement choisi d'éliminer sa rivale en premier.

—Je vote contre toi Rose, déclara Juleka en la pointant du doigt, imitée par Nathaniel et Adrien. Tes votes sont étranges et ça mérite une explication.

—Même chose pour moi, ajouta la jeune styliste, suivie de Sabrina. Tu n'as pas beaucoup participé aux débats quand on y repense.

Face à tous ces votes contre elle, la pauvre Rose n'eut pas d'autre choix que de s'avouer vaincue avant la fin du chronomètre et d'aller rejoindre les autres victimes du jeu.

—Vu que tout le monde est d'accord, le village a décidé d'éliminer Rose qui était…

Alya alla récupérer la carte de leur camarade et, à leur plus grande joie, leur montra à tous un fond rouge sombre qu'ils n'avaient pas revu depuis le deuxième tour.

—Loup-garou ! s'exclama la bloggueuse avec le sourire. C'est donc une nouvelle victoire pour le village qui peut s'endormir avec satisfaction !

Ils n'étaient plus que six survivants… et parmi eux, il restait un loup-garou, le chasseur, Cupidon et le mystérieux couple qu'il avait créé lors du premier tour de jeu. Suivant qui ne passerait pas la nuit, leur nombre chuterait à cinq, quatre voire même trois si le chasseur venait à tuer le couple, une probabilité qui était à présent bien élevée.

—A présent seul survivant de sa meute, le dernier loup-garou peut choisir librement sa victime. Qui est-elle ? Il se rendort, laissant le plaisir de cette macabre surprise pour les villageois.

Un loup-garou contre cinq villageois, c'était serré, même s'il réduisait ce nombre d'une personne. Face au chasseur qui n'attendait que le moment propice pour agir, il se devait d'apparaître sous le jour le plus innocent qui soit afin d'éviter la défaite de sa meute.

—Le jour se lève enfin sur le village de Tiercelieux et les villageois découvrent…

D'un pas lent, Alya recommença son tour des tables, faisant que chacun chercha à deviner qui n'avait pas passé la nuit et, surtout, combien ne se réveilleraient pas, leur petit nombre tendant à rendre probable la mort du couple et pouvant grandement changer la donne. Lorsque la bloggeuse s'arrêta vers le fond de la salle, Juleka lui tendit sa carte, l'air résignée.

—La mort de Juleka qui n'était qu'une simple villageoise, révéla leur maître du jeu tandis que leur camarade allait retrouver Rose. Visiblement, elle n'était pas surprise de cela.

Après tout, la gothique l'avait dit au tour précédent : les joueurs les plus expérimentés étaient les plus en danger à présent, signifiant que le loup-garou restant voulait se mettre toutes les chances de son côté pour gagner… et qu'il n'était que novice vu que les cinq encore en jeu en étaient tous à leur première partie, ce qui les rendait tous coupables.

Personne n'osait prononcer le moindre mort, fixant chaque personne présente pour tenter de repérer un comportement suspect ou repensant aux actions de chacun lors des tours précédents tout en remettant en doute certaines certitudes.

Si Chloé était l'innocente la plus probable, elle était aussi celle qui avait le plus mené le jeu, que ce soit en bien ou en mal. Bien qu'il ait été prouvé qu'elle ne pouvait pas être Cupidon et qu'elle n'était pas en couple avec Adrien ou sa rivale, il restait des doutes sur son rôle ainsi que sur le fait qu'elle soit parmi les cinq survivants. Aurait-elle été assez maline pour garder Marinette afin d'écarter les soupçons d'elle et ainsi mener le village à sa perte au moment où l'on s'y attendrait le moins ? Serait-elle le redouté chasseur qui attendait le moment propice pour agir ?

Dans le cas d'Adrien, ses votes avaient été intelligents et il n'avait pas ciblé Mylène au premier tour. Qui plus est, il participait un minimum aux débats et était resté loin des suspicions jusqu'à ce que Rose l'accuse d'être en couple avec Chloé. S'il avait démenti cela, il n'avait pas nié avoir été victime d'une des flèches de Cupidon mais rien dans ses actions ne permettait de savoir son rôle avec certitude. Etait-il le loup-garou tant recherché qui aurait sacrifié son meilleur ami pour la victoire ? Etait-il le mystérieux entremetteur qui avait lié deux joueurs à jamais ou en avait-il été effectivement victime ?

Pour Sabrina, son erreur du premier tour la rendait suspecte et celle-ci s'était faite discrète par la suite, fait que Max avait souligné. Cependant, elle avait voté contre les loups, ce qui tendait à prouver que ses accusations contre Mylène au début étaient une simple erreur de débutante. Mais était-ce bien le cas ? Aurait-elle dupé tout le monde, son amie incluse ? Ou bien était-elle innocente, essayant de comprendre ce qui pouvait bien se tramer dans la tête du dernier loup-garou.

Nathaniel, lui, était parmi les plus discrets, ce qui pouvait faire de lui un suspect non négligeable. Mais ses actions indiquaient le contraire, celui-ci ayant compris que Rose jouait un double-jeu et n'ayant pas hésité à le signaler. Avait-il lui aussi joué la comédie afin de donner le change face au reste du village en sacrifiant un de ses alliés nocturnes ? Etait-il bel et bien innocent depuis le début ?

Enfin, il restait Marinette qui, au départ, était considérée comme innocente. Seulement, cette innocence était à présent remise en doute car elle était assez maline pour conserver Chloé afin de se faire passer pour un villageois et éliminer les autres loups pour que le village ne se doute de rien. Aurait-elle dupé tout le monde afin de pouvoir assurer sa victoire ? Serait-elle bel et bien du côté de la majorité ?

Beaucoup de questions restaient en suspens et, en plus du dernier loup-garou, il restait le couple dont l'identité n'était connue que de Cupidon ainsi que des deux concernés. Comment les débusquer ?

—Bon, quelqu'un a une idée ? demanda Chloé dont le regard bleu allait de Sabrina à Nathaniel. Car bon, par défaut, c'est forcément l'un d'eux le dernier loup…

—Hein ? fit la rousse, surprise. Mais ce n'est pas…

—Depuis quand penses-tu qu'Adrien est innocent ? demanda l'artiste, son regard se tournant vers le mannequin. Marinette je veux bien mais Adrien n'a jamais…

—Tu crois vraiment qu'il aurait tué Nino ? le coupa sèchement la fille du maire. Je te signale que contrairement à mademoiselle à côté de moi, il n'a pas voté de façon irréfléchie et que, bien que ça me fasse mal de l'admettre, avec moi et Dupain-Cheng, il est loin d'être suspect !

—J'ai juste fait une erreur ! se défendit Sabrina, l'air peinée qu'on l'accuse ainsi. Crois-moi Chloé ! Je ne suis pas un loup-garou !

—Ça va être rapide à vérifier.

D'un geste précis, Chloé pointa sa meilleure amie du doigt, montrant ainsi qu'elle comptait voter contre elle. Seulement, ce geste provoqua différentes réactions parmi les joueurs restant : la stupéfaction de voir la fille du maire décider de se débarrasser de sa meilleure alliée, la peur de voir une nouvelle erreur être commise et favorisant les loups-garous… et, chez l'un d'eux, un éclair de compréhension.

—Chloé, elle a probablement raison ! s'exclama Adrien, apparemment contrarié par ce que faisait son amie d'enfance. Tu l'accuses sans preuves là !

—Je suis sure de moi, répliqua la fille du maire avant de remarquer que Marinette la pointait du doigt. Qu'est-ce que tu fabriques toi ?

—Ça ne se voit pas ? fit la jeune styliste avec ironie. Je te suspecte de ne pas être très claire donc je vote contre toi, ce qui me démange depuis le premier tour de jeu !

—Toi tu…

Seulement, Chloé ne continua pas sa phrase, un hoquet de stupeur s'échappant de ses lèvres quand elle vit que son ami d'enfance la désignait lui aussi, visiblement peu enchanté de faire cela.

—Je suis désolé mais je suis certain que Sabrina est innocente.

Si un certain soulagement était visible sur le visage de la rousse, celui-ci n'était pas partagé par son amie qui se sentait soudain en mauvaise posture, à la fois à cause de son vote mais aussi parce que l'autre personne n'ayant pas encore fait son choix était elle aussi réputée pour ne pas la porter dans son cœur. Avec une forte angoisse, elle tourna ses yeux bleus sur la tignasse rouge de celui qui risquait fort de la pousser dans la tombe et, intérieurement, elle se prépara à sa défaite…

—J'avoue que c'est tentant… admit Nathaniel, repensant probablement à toutes les fois où Chloé lui avait causé des problèmes. Seulement, nous sommes dans un jeu et pour l'intérêt du village… je vote Sabrina.

Etonnement général dans la salle, que ce soit pour les joueurs, la meneuse du jeu ou bien ceux qui étaient morts durant la partie. La rousse dévisageait son camarade avec une stupeur évidente mais celui-ci restait de marbre, ne laissant rien transparaître de ses émotions… avant d'accorder un bref regard à un autre joueur, un geste qui ne passa pas inaperçu parmi deux personnes encore en jeu.

—C'est ridicule… souffla Chloé qui ne comprenait pas ce qu'il se passait, Total-

—Je vote contre moi.

Cette fois-ci, la surprise fut encore plus grande parmi les spectateurs, qui ne s'attendaient pas à cela : Sabrina se pointait du doigt, l'air déterminée et son regard fixé dans celui de Nathaniel. Si la fille du maire n'arrivait pas à saisir le pourquoi de ce vote, d'autres en revanche venaient de réaliser pourquoi l'artiste n'avait pas choisi de sacrifier Chloé.

N'importe quel novice pouvait être dérouté que la rousse choisisse de se voter elle-même alors qu'en désignant celle qui était son amie, elle aurait surement sauvé sa tête. Cependant, quiconque ayant lu les règles du jeu comme elle l'avait fait aurait remarqué que, d'une part, il n'était pas interdit de voter contre soi-même et que, d'autre part, parmi les rôles en jeu sur cette partie, il y en avait un qui avait tout intérêt à se faire éliminer le plus tard possible, lui permettant ainsi d'assurer plus facilement la victoire du village.

—Bon… fit Alya en s'avançant près de la table de Sabrina. Le village est divisé mais contre toute attente, c'est Sabrina qui est éliminée ! Tous découvrent donc…

D'un geste de la main, la bloggeuse prit la carte de la rousse et, à la surprise des spectateurs et au grand effroi de Chloé, celle-ci n'était ni jaune ou rouge… mais verte avec un œil jaune en son centre. Le chasseur avait été trouvé et à présent qu'il était mourant, son pouvoir était activé : choisir quel villageois allait le suivre dans la tombe en lui tirant une balle en plein cœur.

—Que Sabrina était le chasseur ! s'exclama la journaliste avant de s'écarter. Qui va la suivre dans la mort ?

—Pas moi, pitié ! supplia la fille du maire qui se sentait en très mauvaise posture.

La rouquine laissa planer le suspens pendant de longues secondes, regardant chacun des quatre joueurs encore dans la partie qui, à l'exception de Nathaniel, ne semblaient pas très rassurés.

—Nat' a raison sur un point, déclara l'adolescente avant de désigner sa cible. L'intérêt du village prime sur le reste.

L'index tendu, à la grande surprise de Chloé, ne la désignait pas elle et, quand elle suivit la direction vers laquelle il était pointé, elle ainsi que Marinette eurent un violent hoquet de stupeur en réalisant que celui qui avait été tué par le chasseur… était Adrien qui était moins surpris que les autres.

—Mais… Mais… QUOI ? firent les deux rivales en réalisant ce qui venait de se produire. Mais i-

—J'avoue que je n'avais pas deviné avant le vote de Nathaniel que tu étais le chasseur, déclara le mannequin avec un sourire en coin. Je ne pensais pas tenir aussi longtemps.

Sans attendre Alya, Adrien prit sa carte et dévoila la face cachée de celle-ci… révélant à tous la carte au fond rouge sombre des loups-garous, ce qui laissa la fille du maire éberluée… puis extrêmement contrariée.

—Adrichou… gronda Chloé en fixant son ami d'enfance d'un œil noir. Tu as osé te servir de moi !

—Je n'étais pas certain que ça marcherait tu sais, lui répondit le mannequin, l'air gêné. Le plus dur a été de se mettre d'accord avec Rose sur qui manger. Si j'avais pu trouver le chasseur plus tôt, nous aurions peut-être gagné.

—Du coup, on a fini la partie cinq minutes avant le cours d'anglais ! s'exclama Kim en descendant du bureau. On p-

—Non, ce n'est pas tout à fait terminé, le coupa Alya avec un sourire en coin. Il y a encore une dernière chose à faire pour clôturer pleinement ce tour.

—Ben c'est fini non ? Le loup-garou est mort et le village a gagné !

—Ah mais non ! réalisa Rose dont le regard brillait. Nous ne savons pas qui est le couple et Cupidon !

—Cupidon n'était pas très… coopératif pour choisir le couple donc j'ai dû le faire à sa place, les informa la meneuse du jeu avant de se tourner vers ceux encore en jeu.

—Du coup, Nat' était Cupidon ?

A cette question de Rose et alors que Chloé venait de retourner sa carte de simple villageois, Nathaniel eut l'air surpris et la fixa, l'air incrédule, avant de lui montrer sa propre carte… dont le fond était jaune, révélant ainsi que, comme la fille du maire, son rôle n'avait aucun pouvoir depuis le début du jeu.

Constatant cela, l'ensemble de la classe se tourna vers Marinette qui, à présent était rouge comme une tomate et semblait avoir pour idée fixe de disparaitre sous sa table… leur rappelant à tous que lors du premier tour de jeu, la styliste avait montré des signes de nervosité dont ils n'avaient pas identifié clairement l'origine. Du moins, jusqu'à ce qu'Alya ne récupère sa carte, dévoilant à tous le fond bleu de celle-ci.

—Grace au tir réussi du chasseur, Adrien, le dernier loup-garou, fut éliminé, déclara la bloggeuse avant de désigner son amie. Terrassée par le chagrin suite à la perte de son aimé, Marinette se donna la mort, révélant à tous qu'elle était Cupidon. Victoire du village !

Alors que presque tous, sauf Chloé dont le teint était rouge de colère, discutaient de la partie, la sonnerie retentit, signe qu'il ne leur restait qu'à peine une minute pour se rendre en cours d'anglais. Ils remirent vite les chaises déplacées à leur place et se hâtèrent d'aller en classe, certains plus que d'autres.

Durant l'heure d'anglais, profitant que les élèves étaient plus occupés sur l'exercice de compréhension orale qu'autre chose, une petite créature noire se faufila discrètement hors du sac où elle avait pour habitude de se cacher puis passa à travers un bureau pour entrer dans un sac à main rose à pois blancs.

—Plagg ! s'exclama Tikki à voix basse en le voyant arriver. Quelqu'un aurait pu te voir !

—Je ne suis quand même pas une cervelle de souris ! répliqua le kwami de la destruction, l'air offusqué. Et puis admet que c'est amusant de se voir en cachette…

—Viens-en au fait….

—Tikki, ose me dire que ça ne t'as pas amusé de savoir nos porteurs en couple dans ce jeu ?

A cette remarque, le kwami de la création eut un léger rire. Effectivement, elle avait trouvé très drôle de voir Marinette en couple avec Adrien sur cette partie ainsi que la manière dont chacun soutenait l'autre. Certes, ils n'avaient pas gagné cette fois-ci mais vu à quel point le mannequin avait apprécié ce jeu, nul doute qu'ils auraient bientôt l'occasion de prendre leur revanche.



Note : Pour ceux qui se demanderaient pourquoi je n'ai pas inclus Lila, déjà, on ne l'a vue qu'une seule fois pour le moment et en plus, je tiens à souligner qu'elle aurait… facilement gagné vu ses talents, ce qui n'était pas très intéressant à traiter. 
kaleiyahitsumei: (Default)
 Note : Là commence le dépaysement pour nos héros... Vont-ils survivre au froid terrib- Hum ? Attendez... Ah oui, cette fic se passe en été... Faites comme si je n'avais rien dit dans ce cas. Bonne lecture à vous tous !

Le trajet en train durait environ trois heures, ce qui impliquait qu'il fallait de quoi passer le temps. Même si Marinette n'avait rien contre les longues discussions entre amis – surtout, elle était assise juste en face d'Adrien côté fenêtre, le rêve ! –, il fallait admettre qu'Alya avait eu une bonne idée en embarquant avec elle un jeu de cartes et un jeu de Uno qui avaient visiblement bien servi – la jeune styliste avait été à deux reprises contrainte de piocher deux cartes car elle avait oublié de dire « Uno ! » au bon moment, tout simplement parce qu'elle avait été déconcentrée par le rire du beau garçon en face d'elle.

Au fil du temps, ils apercevaient les champs laissant place à des terrains plus en reliefs avant d'être remplacés par des collines boisées et des pentes rocailleuses, signe qu'ils arrivaient dans les montagnes. A la place des immeubles parisiens, ils voyaient passer des villes, des villages, des prés où se trouvaient vaches ou chevaux. Puis leur train serpenta un moment entre deux pentes arborées avant d'entrer dans un long tunnel puis ressortir… sur un paysage qu'ils ne s'étaient pas attendus à trouver.

Eclairée par la lumière du soleil, la vallée dans laquelle ils étaient à présent leur semblait immense avec sa montagne très boisée et son lac aux eaux turquoise qui se trouvait à ses pieds. Des bateaux à voiles étaient visibles au loin ainsi que d'autres, visiblement à moteur, qui étaient plus près d'eux. Avec ceux qui se baignaient ou qui s'amusaient à prendre de l'élan sur un ponton pour ensuite sauter à l'eau, il y avait comme une impression de décor de carte postale et de vacances au soleil qui était plus que plaisante.

En jetant un coup d'œil à ses amis, Marinette constata que Nino, le moins tenté du groupe par leur destination, semblait visiblement bien plus emballé qu'au départ tandis qu'Alya essayait de prendre des photos avec son téléphone, pestant après le fait qu'un court tunnel lui avait fait rater son cliché. Puis elle glissa ses yeux vers Adrien et elle eut un mal fou à ne pas tomber en extase devant cette vision : les mains contre la vitre, il avait son regard vert qui brillait d'émerveillement face à tout ce qu'il voyait tandis que ses lèvres dessinaient un sourire si éclatant qu'elle sentait le rythme de son cœur s'accélérer. Elle crut d'ailleurs frôler la crise cardiaque quand il se tourna vers elle avec cette expression si radieuse que même le soleil ne pouvait rivaliser face à cela.

Sa meilleure amie la ramena à la réalité en lui donnant un coup de coude dans les côtes, lui arrachant un gémissement de douleur. Après qu'elle lui ait jeté un regard noir, elle réalisa que les pentes sauvages laissaient vite place à des habitations et, peu de temps après, une annonce retentit pour signaler qu'ils approchaient de la gare d'Aix-les-Bains Le Revard. Rangeant leurs affaires, allèrent récupérer leurs valises et attendre que leur train s'arrête avec les quelques voyageurs qui descendaient au même endroit qu'eux.

Puis enfin, ils purent poser leurs pieds sur le sol Savoyard…

—Bon, fallait s'y attendre dans une petite ville, fit la journaliste en herbe en constatant que la gare était petite comparée à celle d'où ils venaient. L'ascenseur où les escaliers ?

—Moi les escaliers ça me va, répondit Nino qui avait un sac de voyage rouge en bandoulière. J'vous aide si vous voulez.

—Pareil pour moi, déclara Adrien en désignant sa valise noire à roulettes.

—Toi tu prends l'ascenseur avec moi, fit Alya en se tournant vers elle, l'empêchant de dire quoique ce soit. Te connaissant, tu vas trébucher sur la troisième marche.

—Mais pas du tout ! s'exclama Marinette, vexée. Je peux très bien m'en sortir toute seule !

… Mots qu'elle regretta peu après, ayant, non pas trébuché à la troisième mais directement à la première marche du passage souterrain, faisant que si sa meilleure amie n'avait pas eu la bonne idée de prendre l'ascenseur avec les valises, elle aurait encore eu à en ramasser le contenu et que si Adrien n'était descendu le premier et qu'il n'avait eu pas de bons réflexes, sa chute aurait été beaucoup plus douloureuse. Autant dire qu'elle avait fait le reste du trajet jusqu'au hall de la gare avec les joues bien rouges d'embarras.

—Bien Marinette, tu sais où nous attends Olivia ? lui demanda la journaliste en herbe une fois qu'ils furent sortis du bâtiment.

—Voyons… fit la jeune styliste en regardant son téléphone, remarquant qu'elle avait reçu un message qu'elle ouvrit. Apparemment, elle sera ici dans cinq minutes donc elle nous dit de l'attendre ici.

Par contre, elle avait l'impression que sa cousine était énervée vu les fautes qu'elle avait faite…

Toujours est-il que ce petit délai leur laissait un peu de temps pour prévenir leurs parents qu'ils étaient bien arrivés, soit par un simple message, soit par un appel téléphonique – dans le cas d'Adrien, celui-ci avait décidé de poser avec Nino devant une sculpture représentant le département de la Savoie afin de pouvoir prouver à l'assistante de son père qu'il était bien au bon endroit – et aussi d'observer un peu les lieux – en apercevant la rue qui ne faisait que monter en face d'eux, Alya avait semblée heureuse d'avoir prévue des baskets, surtout en voyant la montagne qui était loin derrière.

Puis enfin, arrivant par la gauche, une longue voiture verte klaxonna avant de passer devant eux et s'arrêter sur l'une des places de parking à leur droite. Peu après, une jeune femme aux cheveux châtains qu'elle n'avait pas revue depuis longtemps en sortit, un grand sourire aux lèvres.

—Salut Mari ! lui lança joyeusement Olivia en venant à leur rencontre d'un pas rapide. Vous ne m'avez pas trop attendue j'espère ?

La dernière fois qu'elle avait vue sa cousine, c'était il y a trois ans environ, quand celle-ci était venue passer une semaine à Paris avec une bonne amie à elle. Si on exceptait ses cheveux qui étaient plus longs qu'à l'époque et qui étaient coiffés en une tresse sur le côté, elle était fidèle à son souvenir avec ses yeux noisette qui pétillaient, son goût prononcé pour les tons orangés qui se voyait à travers son haut couleur pêche dévoilant ses épaules ainsi que ses sandales et son sac à main corail, le tout accompagné d'un short kaki qui mettait bien ses jambes en valeur. Elle remarqua à sa main gauche une bague en argent puis un bracelet aux perles colorées qu'elle reconnut immédiatement comme étant celui qu'elle lui avait envoyé pour Noël.

—Salut Olivia ! fit Marinette tout en faisant une accolade à sa cousine. Non, on vient juste d'arriver.

—Ouf ! Tant mieux car j'ai perdu un temps pas possible… Et tu me présente à tes amis ?

—Moi c'est Alya, dit sa meilleure amie en faisant un signe de la main. Enchantée de vous connaître.

—Pitié, tutoie-moi, répliqua Olivia en grimaçant. J'ai que vingt-cinq ans…

Un rire amusé échappa à la journaliste en herbe qui promit qu'elle allait s'en rappeler.

—Moi c'est Nino, fit le DJ avant de désigner son meilleur ami. Et lui c'est mon pote Adrien.

—Salut, fit ce dernier avec un sourire absolument adorable.

En le voyant, Olivia haussa un sourcil, intriguée, avant de soudain avoir comme une illumination.

—Mais oui ! Je t'ai déjà vu poser dans des tas de magazines lues par mes clientes, se rappela la jeune femme avant de poser une main sur sa hanche. T'es encore plus mignon qu'en photo !

—Merci, répondit le concerné, un peu gêné.

—Tu fais quoi comme travail au juste ? questionna Alya, visiblement curieuse.

—Je suis coiffeuse et j'ai ouvert mon propre salon l'année dernière, lui dit Olivia avec un grand sourire. Du coup, je peux travailler comme je le souhaite.

Marinette le savait par ses parents car ceux-ci avaient généreusement proposé à sa cousine de lui prêter de l'argent afin qu'elle puisse se lancer. De ce qu'elle en savait, le projet de son aînée avait bien fonctionné et cette invitation à son mariage était aussi une manière pour elle de remercier sa famille de lui avoir fait confiance.

Rapidement, ils chargèrent leurs sacs et valises dans le coffre de la voiture puis montèrent à l'intérieur, elle devant avec sa cousine et ses amis à l'arrière.

—Pas trop serrés vous trois ? demanda Olivia en se tournant vers eux.

—Nan, c'est cool comme ça, répondit Nino en passant ses deux bras autour des cous d'Adrien et d'Alya.

—Alors o-

Soudain, le téléphone de sa cousine se mit à bipper et lorsque celle-ci vit ce qu'elle avait reçu, Marinette aurait juré voir une grosse veine battre au niveau de sa tempe… impression qui se confirma quand elle vit le teint de sa parente rougir de colère.

—Saleté de peau de… grommela-t-elle, ses yeux lançant des éclairs en direction de l'appareil. Elle l'a fait exprès, c'est pas possible autrement !

L'adolescente échangea un regard un peu inquiet avec ses amis, chacun se demandant ce qu'il se passait.

—Changement de plan, leur dit Olivia sur un ton qui trahissait son humeur à présent massacrante. On va se poser quelque part avant de vous installer tous les quatre. J'ai besoin d'un thé glacé, maintenant !

Dans le genre flippant, sa cousine était pas mal quand elle était en colère…

-§-

Depuis leur arrivée à Aix-les-Bains, Adrien était enchanté par ce qu'il voyait même si, il le reconnaissait, il n'avait pas vu grand-chose pour le moment – il suspectait cependant que la qualité de l'air était meilleure ici que dans la capitale vu la quantité de verdure qu'il avait vue par la fenêtre du train. Dans un coin de sa tête, il nota qu'il avait intérêt à remercier encore une fois son père pour avoir donné son accord.

S'il avait beaucoup aimé rencontrer Olivia Dupain, il avait par contre moins apprécié sa conduite plutôt brusque dans les rues de la ville – il mettait cela sur le compte de son humeur qui avait brusquement changé. Heureusement, le trajet avait été assez court car elle s'était vite garée sur un parking en centre-ville avant de leur faire signe de descendre et de la suivre jusqu'à ce qui était un salon de thé caché au début d'une ruelle. Elle ouvrit la porte un peu brusquement, faisant tinter un carillon qui devait probablement se trouver juste au-dessus.

—Bonjour Olivia ! lança un homme sur un ton accueillant. Et bonjour à vous jeunes gens.

Ils le saluèrent poliment, appréciant cet homme qui leur paraissait bien aimable. Il avait des yeux noirs cachés derrière une monture carrée et une barbe noire soignée qui ne jurait pas avec son style vestimentaire décontracté.

—Bonjour, répliqua la jeune femme en grognant. Sophie est dans le coin ? Faut que je lui parle…

—Elle est partie il y a cinq minutes.

La cousine de Marinette jura à voix basse en apprenant cela mais Adrien n'y prêtait que peu d'attention, son regard admirant les lieux, s'arrêtant sur le mur entier de boîtes en métal contenant chacune un thé différent puis sur le côté un peu atypique de l'endroit avec ce petit espace délimité par des panneaux en bois et en verre opaque et enfin sur les différents tableaux accrochés – l'un de ces tableaux représentait des mains magnifiquement dessinées et qui tenaient un bol de thé. Le mobilier n'était pas assorti, ce qui, avec la musique jazz qui venait d'un haut-parleur, donnait une ambiance plutôt agréable à l'endroit, le tout associé à cette odeur de café fraichement moulu qui planait dans l'air. Quand ses yeux repérèrent des muffins et des biscuits en vitrine sous des cloches en verre, il eut du mal à se retenir de baver d'envie de goûter l'un de ces délices sucrés.

Ce fut une tape de Nino sur son épaule qui le sortit de sa contemplation de l'endroit, son ami lui montrant que les filles allaient dans une salle adjacente à celle-ci. Ils les suivirent donc, arrivant dans une pièce plus sombre et plus petite qui était divisée en deux parties : une avec des sièges et une banquette en simili cuir ainsi que des tables basses ressemblant à des caisses, l'autre avec un bar en bois derrière lequel il y avait d'autres boîtes en métal et tout le nécessaire pour faire du café et d'autres boissons.

—Prenez ce que vous voulez ! leur lança Olivia avec le sourire en s'installant sur l'un des sièges. Je vous l'offre.

—On peut payer nous-mêmes tu sais, lui dit Marinette avant de déglutir face au regard noir de sa cousine. M-Mais puisque tu nous invites…

Même si sa gourmandise lui hurlait de se jeter sur ce qu'il avait vu en vitrine, Adrien préféra rester raisonnable en prenant une limonade goût myrtille avec un muffin pépites de chocolat – au départ, il voulait le tout chocolat mais Marinette l'avait demandé avant lui donc il avait préféré le lui laisser vu qu'il n'était pas difficile –, tout comme ses amis qui optèrent pour des boissons fraîches pour accompagner la pâtisserie choisie par chacun. Placés comme ils l'étaient, ils avaient vite été servis et il n'avait guère été surpris de voir que Nino avait opté pour un muffin banane avec une limonade fruit de la passion et avait souri en voyant Alya lui piquer discrètement un morceau de son gâteau alors qu'elle en avait déjà un devant elle.

Une fois qu'Olivia eut pris une bonne gorgée de son thé glacé à la pêche, elle prit une bonne inspiration, le tout sous leurs regards curieux.

—Bon, on a un souci à la maison, leur déclara-t-elle avec un léger grincement de dents. Il s'avère que cette sale peau de vache a changé ses plans au pire moment…

—Sa belle-mère, leur traduisit le gérant du salon de thé en préparant la commande d'un client.

—Merci… Son dernier sale coup en date est qu'elle a finalement décidé de dormir à la maison au lieu d'être à l'hôtel comme c'était prévu au départ et à cause d'elle, je n'ai plus qu'une seule chambre pour vous quatre.

Des exclamations à la fois surprises et indignées leur échappèrent à presque tous – Nino, lui, avait juste failli avaler sa boisson de travers – en entendant cela.

—Mais ça se fait pas ! lança Alya, visiblement peu enchantée de la tournure de leurs vacances. Elle ne peut pas retourner à l'hôtel celle-là ?

—Je ne demande que ça mais connaissant Marc, mon fiancé, il va céder à ses désirs, soupira Olivia avec dépit. Mon seul espoir c'est Sophie mais si jamais elle loue à quelqu'un…

—C'est pour ça que tu voulais la voir… fit Marinette, l'air un peu pensive.

—Si cela peut t'aider Olivia, Sophie a mentionné qu'elle n'avait aucun locataire chez elle, signala le gérant du salon de thé en posant une théière en fonte noire sur un plateau.

—Et ça ne me dérangerait pas d'aller chez elle. Elle était très sympa avec moi quand tu étais venue avec elle à Paris.

Vu le sourire de son amie, elle avait très certainement gardé un bon souvenir de cette Sophie. Mais quand Adrien vit celui de la cousine de sa camarade, il sentit tout de suite qu'il était plus… éteint, voire un peu forcé par politesse – combien de fois avait-il eu cette expression aux lèvres pour faire croire aux autres que tout allait bien ? A sa connaissance, seuls son meilleur ami et Chloé arrivaient parfois à voir au travers et sans eux, il ignorait où il en serait aujourd'hui.

—A ce sujet Mari… commença Olivia dont le regard noisette tendait à aller vers le bas. Elle n-

La phrase de la jeune femme fut interrompue par la sonnerie du téléphone de cette dernière. En regardant l'écran, elle haussa un sourcil, visiblement intriguée par qui tentait de la contacter, puis s'excusa auprès d'eux en allant répondre à l'extérieur.

Quand l'adolescent reporta son attention sur Marinette, il vit une lueur inquiète dans son regard bleu qu'il n'était vraisemblablement pas le seul à avoir vue étant donné qu'Alya lui avait posé une main rassurante sur l'épaule.

—On s'affole pas, leur dit la journaliste en herbe avec un sourire. C'est pas parce qu'une mégère qu'on a jamais vue a changé nos plans que l'on va se laisser gâcher nos vacances !

—Oui, lui dit timidement son amie avant de lâcher un léger soupir de dépit. Mais j'espère juste qu'Olivia et Sophie ne se sont pas brouillées…

—Tant qu'on ne sait rien, autant ne pas tirer de conclusions hâtives, lui dit Adrien sur un ton rassurant. Et puis si elles ne se parlaient plus, je ne suis pas certain qu'Olivia l'aurait choisie elle en premier pour l'aider.

C'était plutôt logique : si elles étaient en froid, la cousine de Marinette aurait montré bien plus de réticences à demander l'aide de cette Sophie. Par contre, vu à quel moment elle avait changé d'attitude et sa façon de sourire, une simple dispute lui semblait être bien loin de la vérité…

—MAIS C'EST UNE BLAGUE ?

Tous sursautèrent en entendant hurler de rage la jeune femme, faisant que quand elle revint en traînant des pieds et l'air abattue, aucun d'eux ne sut comment réagir… ou presque.

—Heu… Ça va Olivia ? demanda Nino, prudemment.

—Non… répondit celle-ci en s'affalant sur son siège, la mine défaite. Mon mariage est une cata intersidérale…

—Houlà… lâcha Alya avant de reprendre la parole. La belle-mère a encore frappé ?

A cette question, la jeune femme répondit par un hochement de tête négatif puis se prit la tête dans les mains en gémissant, ce qui commençait à vraiment les inquiéter. Alors que Marinette essayait de faire parler sa cousine, Adrien entendit le gérant saluer quelqu'un qui venait d'entrer. En tournant la tête, ses yeux verts tombèrent sur un poignet autour duquel une chaîne noire était enroulée à trois reprises, maintenue en place par un crochet en métal argenté ressemblant étrangement à une tête de chat.

—Y a un problème ici ? demanda la nouvelle venue sur un ton quelque peu agacé.

En entendant cette voix, Olivia releva tout de suite la tête, visiblement, très surprise, puis elle fonça se jeter sur l'inconnue, la serrant dans ses bras avec force.

—Sophie ! fit la jeune femme au bord des larmes. Aide-moi !

La dénommée poussa un profond soupir avant d'ôter les bras de son amie qui étaient autour d'elle et ensuite mettre une légère distance entre elles. Alors qu'elle réajustait sa casquette grise qui semblait avoir bien vécu vu les traces de peinture qu'il y avait dessus, Adrien l'observa attentivement, notant les cheveux châtains attachés en queue de cheval qui étaient méchés de rouge par endroits et le regard gris qui semblait bien éteint face à celui, noisette, de la cousine de Marinette. Au niveau des épaules qui étaient en grande partie visibles avec le vieux débardeur noir délavé qu'elle portait, il vit des traces rouges sur la peau de Sophie, soulignant la pâleur de sa peau qui semblait être sensible aux coups de soleil. Le reste de sa tenue était complétée par un pantalon ample kaki abîmé au niveau des genoux ainsi qu'une paire de baskets grises qui, à l'inverse, étaient neuves, et un vieux sac à dos kaki.

—Si c'est pour ton mariage avec Marc, je te rappelle que je ne suis pas ta demoiselle d'honneur, fit la nouvelle venue, l'air blasée. Et…

—Non, non, ce n'est pas ça ! la coupa vite Olivia avant de les désigner. C'est juste que ma cousine est venue avec ses amis et que, suite à un pépin familial, je ne peux plus les héberger.

En entendant cela, Sophie se tourna vers eux, l'air intriguée, puis les dévisagea un à un avant de s'arrêter sur Marinette qui lui faisait signe.

—Ça fait longtemps Sophie, dit sa camarade sur un ton un peu timide en se levant. Je ne sais pas si tu te souviens de moi…

—Le microbe qui a failli faire faire une crise cardiaque à Ollie car elle avait réussi je ne sais plus quel tour de maladresse, coupa la jeune femme avec un sourire en coin. Un bail que je t'ai pas vue.

Cette remarque sur la maladresse légendaire de leur camarade les fit tous sourire, excepté peut-être la concernée qui rougissait de gêne, s'étant probablement souvenu de l'évènement en question.

—Pour ce qui est de tous les héberger, ça sera pas possible, précisa Sophie en se tournant vers Olivia. J'ai donné un lit à une association la semaine dernière et, en comptant le mien, il m'en reste que trois : deux simples et un double.

—On vit à même pas deux minutes à pied l'une de l'autre donc ça devrait aller comme ça, fit la cousine de Marinette avec une moue agacée. Ça m'embête vraiment que l'on soit obligées d'en venir à cette solution à cause de la peau de vache qui a changé d'avis au dernier moment !

—C'est à cause d'elle que tu hurlais dehors ?

A ces mots, Olivia se décomposa et retourna s'affaler sur son siège, sous leurs regards médusés à tous, avant de se remettre à dire que son mariage était une catastrophe et se cacher la tête entre ses mains.

—Vindiou (1), fit Sophie en se pinçant l'arête du nez. Pas encore ce fichu disque…

—Ce n'est quand même pas le fiancé qui a décidé de se barrer ? questionna Alya, ce à quoi la future mariée répondit par un hochement de tête négatif. Donc ça doit surement pouvoir se résoudre.

—Et Marc sait ce que je risque de lui faire si je venais à apprendre qu'il lui avait fais du mal.

La façon dont Sophie fit craquer les articulations de ses doigts était suffisamment claire à leurs yeux pour comprendre que le futur marié avait fortement intérêt à se tenir à carreaux.

—Ça a rien à voir avec Marc, leur déclara Olivia en relevant la tête, l'air toujours abattue. Celui qu'on avait engagé pour animer la fête vient de nous planter et avec tout ce qu'il reste à faire, nous n'arriverons jamais à lui trouver un remplaçant comme ça au pied levé.

En entendant cela, Adrien tourna la tête vers Nino qui avait les yeux grands ouverts d'étonnement face à ce bien curieux hasard. Alya lui donna un coup de coude et sur un signe de Marinette, son meilleur ami se redressa sur son siège puis se racla la gorge.

—Dis-moi Olivia, il doit faire quoi au juste celui qui anime ? questionna l'adolescent à la casquette rouge.

—Passer de la musique, trouver de quoi amuser les invités… répondit la jeune femme avant d'hausser les épaules. Mais trouver quelqu'un aussi vite…

—Si j'ai le matériel, considère que t'as trouvé ton DJ pour ton mariage. Faudra juste me briefer un peu car je n'ai jamais mixé dans ce genre d'évènement.

—Et je devrais pouvoir l'aider pour les animations, ajouta Alya avec le sourire. J'ai déjà été à d'autres mariages donc je sais un peu comment ça fonctionne. Et puis Nino et moi, on est ensemble donc s'il le faut, on peut dormir dans la même pièce.

En entendant cela, les yeux noisette d'Olivia se mirent à briller de joie et Adrien était certain que si Sophie n'était pas venue se mettre à côté d'elle pour poser sa main sur son épaule, la cousine de Marinette aurait déjà sauté au cou de ses amis pour les remercier de l'aide qu'ils lui offraient. Puis après avoir réalisé ce que la journaliste en herbe venait de suggérer, il crut un instant avoir mal compris mais le regard gris qui était sur lui tendait à lui indiquer le contraire.

—Donc en résumé, le microbe et toi logerez chez moi pendant que les deux autres se farcissent les préparatifs du mariage, déclara la jeune femme en remettant en place sa casquette qui lui tombait sur les yeux. Pas de souci pour moi. Et toi Ollie ?

—Tant qu'ils sont sages, ça me va aussi.

Ce qui signifiait donc que lui et la jeune styliste allaient passer leur semaine chez Sophie…

-§-

Si au début, Marinette avait été plus que ravie qu'Olivia ait pu régler ses soucis et de revoir Sophie, une panique immense s'était emparée d'elle quand elle avait entendu qu'elle et Adrien allaient être seuls chez cette dernière – certes, elle avait précisé qu'ils auraient chacun leur chambre mais sans Alya pour l'aider à rattraper ses bêtises, elle risquait de passer pour la pire des débiles en sa présence ! Evidemment, sa meilleure amie avait tout de suite approuvé cette répartition et elle-même n'avait pas pu dire non quand celui qui détenait son cœur avait eu l'air heureux de cela lui aussi.

Cependant, à l'intérieur de son crâne, son cerveau était totalement en train disjoncter, lui passant tous les scénarios catastrophes possibles pour à jamais ruiner ses chances avec le garçon de ses rêves : allergie brutale au fromage qui l'envoyait à l'hôpital, attaque des cygnes au bord du lac, un rocher qui dévalait la montagne et qui détruisait la maison, une avalanche de neige qui les engloutissait tous, le dahu (2) venant tout démolir…

Elle était tellement paniquée qu'elle ne réalisa que bien plus tard qu'ils avaient quitté le salon de thé et qu'ils étaient dans l'entrée de chez Sophie qui s'était mise à sa hauteur et qui la fixait avec un sourcil haussé.

—Bon retour parmi nous Microbe, fit la jeune femme en se redressant. Je demandais quelle chambre tu voulais car ton ami n'a l'air d'avoir aucune préférence.

Marinette sentit le rouge lui monter vivement aux joues, surtout quand elle remarqua les sourires amusés d'Alya, de Nino et d'Olivia puis l'expression intriguée d'Adrien qui, visiblement, ne comprenait pas trop ce qu'il se passait. Sur un signe de Sophie, elle ne s'attarda pas dans l'entrée à la tapisserie rose pâle un peu datée qui se décollait par endroits et s'engouffra vite dans le couloir juste à droite qui menait à trois portes. Elle ignora la première en apercevant un carrelage bleu, signifiant que cette pièce était certainement une salle de bains, et alla jusqu'aux deux portes au fond qui se faisaient face puis les ouvrit l'une après l'autre.

La chambre de droite avait une décoration datée avec un papier peint chargé – il avait aussi été appliqué sur l'intérieur des moulures des portes des placards de la pièce – et une commode en bois sombre avec un dessus en marbre blanc ainsi qu'une fenêtre encadrée de gros rideaux rouge sombre. A part cela, le sol semblait avoir été changé récemment pour un parquet stratifié clair et les tables de chevet en bois sombre avaient un style un peu plus actuel. Le grand lit qui était présent était recouvert d'un couvre-lit blanc et surmonté d'un petit tableau représentant une jeune fille avec un oiseau.

La chambre de gauche était de même taille mais paraissait plus grande avec le lit simple qui s'y trouvait, le papier peint gris clair et les portes-fenêtres qui donnaient accès à un balcon. Le même parquet avait été posé et les mêmes rideaux imposants étaient présents avec une commode en bois sombre surmontée d'un napperon blanc brodé. Un gros fauteuil blanc meublait un peu plus la pièce qui paraissait bien vide malgré la table de chevet qui était présente et le tableau représentant un paysage de montagne qui était au mur.

—C'était de la moquette au sol au départ mais elle avait quarante ans et c'était une plaie à nettoyer donc elle a été virée, précisa Sophie qui l'avait rejointe. Il y a pas mal de travaux de décoration que je dois prévoir mais vous avez chacun un climatiseur et la même quantité de rangements. Les toilettes sont séparés de la salle de bains à cet étage donc ça devrait aller logiquement.

Le choix se portait donc sur leurs goûts et préférence de confort à chacun. Par contre, un détail lui sauta aux yeux.

—Et où est-ce que tu dors ? demanda Marinette en réalisant comment les lieux étaient disposés.

—Les combles sont aménagés en haut, lui répondit la jeune femme avant de lâcher un bâillement. C'est un peu le chantier là-haut donc je déconseille d'y monter.

Elle était vraiment dans la lune pour ne pas avoir vu la taille de la maison… mais elle était rassurée de savoir que Sophie ne dormirait pas sur un canapé pour qu'ils aient chacun un lit.

Après réflexion et après avoir vérifié sur quoi donnait la fenêtre – probablement sur la rue mais le vis-à-vis était caché par une haie, la jeune styliste opta pour la chambre de droite et y mit sa valise rose tandis qu'Adrien mit ses affaires dans celle de gauche – elle eut beaucoup de mal à ignorer le fait que le mannequin dormirait dans la pièce d'à côté et fit un gros effort mental pour ne pas réagir.

—Bon, vous voulez aller au lac cet après-midi ? leur proposa Olivia une fois qu'ils furent tous de nouveau dans l'entrée. Marc a proposé que l'on se retrouve tous ce soir dans une pizzeria pas loin de là si vous êtes d'accord.

Le mot « pizza » entraîna une approbation générale… sauf celle de Sophie qui leur déclara qu'elle avait dû dépanner quelqu'un cette nuit et qu'elle avait besoin de dormir, attristant un peu sa cousine. Marinette observa plus attentivement leur hôtesse et, en comparant avec ses souvenirs, elle eut l'impression qu'elle n'était plus celle qu'elle était auparavant, comme si quelque chose en elle avait… disparu sans qu'elle ne puisse savoir quoi. Cette question continua à la tarauder dans la voiture en direction du lac, faisait qu'elle écoutait à peine Alya qui était à l'avant et qui discutait vivement avec Nino et Olivia. Elle voyait défiler les rues et les voitures par la fenêtre, son esprit cherchant à comprendre ce qui pouvait bien clocher chez Sophie.

Ses interrogations furent mises de côté quand ils arrivèrent au bord du lac.

Une brise légère soufflait sur ce qui était d'un côté une longue promenade bordée de platanes longeant le lac avec une route et une vaste pelouse, de l'autre côté un port de petite taille avec un pont menant à un parc où roulaient vélos et rollers tout en côtoyant les piétons. Les eaux du lac étaient splendides avec leurs teintes allant entre le bleu et le turquoise et, derrière, la montagne presque entièrement sauvage était un vrai joyau de verdure que le soleil mettait bien en valeur.

—Marrant le sommet là-haut, fit remarquer Alya en prenant la montagne avec son téléphone. On dirait presque une dent.

—C'est la Dent du Chat, lui répondit Olivia avant de se tourner dans le sens opposé pour leur montrer les montagnes qui étaient de l'autre côté. Le mont Revard qui est en face est le point le plus haut de la vallée et on peut y aller en voiture. Il y a une vue sublime de toute la vallée de là-haut.

Marinette allait demander plus d'informations sur le sommet surplombant le lac quand un bruit sourd retentit à ses oreilles, suivi d'une légère onde de choc qui lui glaça le sang. Quand elle regarda sa cousine et ses amis, ceux-ci ne semblèrent pas avoir ressenti cela mais en tournant la tête autour d'elle, quelques personnes semblaient elles aussi chercher l'origine de ce phénomène… et elle remarqua Adrien dont le regard vert était dirigé vers le lac mais qui, au lieu de montrer ces étincelles d'émerveillement qu'elle s'était attendue à voir, semblait pensif.

—A-Adrien ? lui dit-elle, le sortant de ses pensées et attirant son attention sur elle. Tu as… senti ça toi aussi ?

—Oui, répondit-il en hocha la tête avant de fixer de nouveau l'étendue d'eau. C'était peut-être un léger séisme ou une réplique. C'est une zone sismique ici et il me semble avoir lu qu'une faille est justement située sous le lac du Bourget.

Un simple tremblement de terre ? Ce serait donc ça le bruit et l'onde de choc ? Seulement, pourquoi, même en sachant cela, elle avait toujours des frissons qui lui parcouraient le dos ?


Notes :

1 : Vindiou = Zut en patois savoyard. Je précise que je ne mettrais au plus que quelques mots ou expressions car croyez-moi, vous frôleriez le mal de crâne face à des phrases uniquement dans cette langue… Qui plus est, le patois savoyard est de moins en moins utilisé, surtout dans les grandes villes du pays savoyard.

2 : Le dahu est une bestiole de chez nous qu'on peut apercevoir à flanc de montagne… Non, en fait, ça n'existe pas. C'est un mythe très connu et souvent, on le fait chasser aux enfants ou aux touristes en le sifflant. Techniquement, le dahu ressemblerait à un chamois ou un bouquetin.

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Disclaimer : Thomas Astruc n’est pas à moi et la Savoie est aux savoyards (Si si, quand vous entrez en pays de Savoie, c’est marqué sur le sol avec une bombe de peinture)

Titre : La légende du lac

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre (pour le coup, elle est rémunérée en raclette)

Résumé : Conviée au mariage de sa cousine, Marinette doit se rendre en Savoie pour assister aux festivités. Accompagnée d’Alya qui a convaincu Nino et Adrien de venir avec elles, Marinette est aux anges. Cependant, Paris n’est peut-être pas la seule ville de France où le danger rôde…

Note : Bon, je voulais éviter de faire une fic longue sur Miraculous mais ce projet me hante depuis un an et j’ai fini par me lancer. Pour éviter de vous spoiler sur ce qui va venir, je n’en dis pas plus excepté que je n’ai pas choisi le cadre par hasard.


Ce jour-là chez les Dupain-Cheng, Marinette courait dans tous les sens, vérifiant qu’elle n’avait rien oublié, le tout sous les yeux de Tikki qui surveillait attentivement l’heure.

—Mince ! fit l’adolescente alors qu’elle allait refermer sa valise pleine de vêtements. J’ai failli oublier le cadeau pour Olivia !

—Tu es sûre que tu as encore de la place pour le mettre ?

A cette question de son kwami, la jeune fille baissa les yeux sur sa valise à roulettes rose… et réalisa vite que celle-ci était déjà pleine à ras bord de vêtements, accessoires, chaussures, le tout rangé un peu n’importe comment si l’on exceptait les habits pliés avec soin au fond et protégés par un sac pour qu’ils ne soient pas accidentellement abîmés durant le trajet. Il y avait en plus sa trousse de toilette qui prenait pas mal de place à elle seule, son ordinateur portable qui était plus encombrant qu’elle ne l’aurait imaginé et pas mal de petites choses qu’elle avait mises sans trop savoir si elle en aurait vraiment besoin là où elle allait comme une veste en laine ou des gants bien chauds.

—Euh… fit Marinette, cherchant une solution au problème évident qui se posait devant ses yeux. Il faut que j’enlève des choses je crois…

—Tu ne pars qu’une semaine tu sais, lui fit remarquer Tikki en allant voler au-dessus de la valise. Qui plus est, je ne pense pas que tu risques d’avoir froid en plein été, même là où tu te rends.

—Probablement mais la dernière fois que je suis allée là-bas, il faisait très froid et j‘ai regretté de ne pas avoir assez d’habits avec moi.

Marinette grelotta en se souvenant de son dernier passage en Savoie quand elle avait six ans et où le chauffage chez sa tante était, suite à une coupure de courant, limité à la cheminée du salon. Heureusement, cette fois-ci, elle ne montait pas aussi haut que ce chalet enneigé…

Oui, aujourd’hui, l’adolescente devait se rendre à la Gare de Lyon pour prendre un train en direction du pays Savoyard, plus précisément à Aix-les-Bains où sa cousine Olivia se mariait. Comme ses parents ne pouvaient pas s’y rendre car ils avaient des commandes à honorer, c’était Marinette qui venait représenter les Dupain-Cheng aux festivités, le tout en profitant de quelques jours de coupure loin de la capitale. Sa cousine lui avait proposé d’inviter des amis, précisant qu’elle avait de la place pour les loger, et l’adolescente avait proposé à Alya de l’accompagner, ce que sa meilleure amie avait accepté après s’être assurée qu’il n’y aurait pas de problème avec ses parents. Cette dernière avait ajouté que c’était aussi une bonne occasion d’inviter des garçons et, sans lui laisser le temps de dire quoique ce soit, avait convaincu Nino de venir qui, lui, avait réussi à persuader Adrien de se joindre au voyage sans être certain que celui-ci pourrait se libérer.

Autant dire que quand Marinette avait appris que le garçon de ses rêves avait pu obtenir l’autorisation de venir avec eux, elle avait été sur un petit nuage… avant qu’une dose de stress phénoménale ne la ramène brutalement sur terre quand elle se souvint qu’elle n’avait rien à se mettre pour le mariage ! Durant deux jours entiers, elle avait travaillé dur sur sa robe afin d’être sûre de plaire à Adrien sans trop faire de l’ombre à la mariée pour autant.

—Rappelle-toi qu’ils ont prévu qu’il ferait très chaud là-bas ! lui signala Tikki en désignant son téléphone. Je doute fort que tu te retrouves soudainement avec deux mètres de neige dès ton arrivée.

Vrai, sa kwami avait raison. Mais bon, dans le doute, elle allait quand même prévoir un gilet fin car on ne savait jamais…

-§-

Jusqu’à ce qu’il monte dans la voiture avec sa valise, Adrien peinait à croire que son père l’avait autorisé à partir une semaine avec ses amis et ce, sans lui imposer de chaperon ou un planning serré. Les seules contraintes qu’il avait étaient qu’il devait appeler au moins une fois par jour, envoyer des photos pour prouver qu’il allait bien et ne pas rater le train du retour. Il devait aussi se souvenir que son père, une fois qu’il aurait terminé de régler les derniers détails sur la collection automne-hiver, allait très certainement se rendre un ou deux jours à Annecy car un ami à lui, restaurateur, voulait depuis plusieurs mois qu’il vienne dans son établissement et Adrien allait certainement devoir venir lui aussi.

Certes, de ce qu’il en avait vu sur Internet, ses amis et lui ne se rendaient pas dans la ville la plus touristique qui soit mais voir la montagne le changerait radicalement des immeubles parisiens… et Plagg lui avait semblé très intéressé à l’idée de manger quelques fromages de la région – son kwami avait passé la nuit à rêver d’un bon reblochon accompagné d’une tranche de beaufort, d’une meule d’emmental et d’une bonne Tome de Savoie.

De ce qu’il en avait retenu, la ville d’Aix-les-Bains était surtout, à l’origine, une ville thermale, attirant donc principalement des curistes et, avec son lac et ses nombreux clubs sportifs, des amateurs de sports, notamment de ski nautique ou d’aviron. Seulement, elle avait eu de la mauvaise publicité au niveau de l’hôtellerie suite à une émission tournée dans un hôtel qui ne s’était pas très bien passée – c’était d’ailleurs une sacrée chance que son père n’ait pas eu vent de cela. Côté histoire, la ville possédait quelques vestiges datant de l’époque de l’Empire Romain et quelques bâtiments datant du XIXème siècle, notamment le Palais de Savoie qui abritait aujourd’hui un casino et un théâtre – de ce qu’il avait compris, l’un des salons de ce bâtiment allait abriter la fête du mariage donc ce n’était pas utile d’aller visiter cet endroit en premier.

Toutes ses recherches ainsi que le fait que son père comptait prendre quelques jours pour s’éloigner un peu de Paris lui avaient visiblement permis de réussir à le convaincre – Nathalie avait aussi discrètement appuyé sur le fait que le musée des Tissus et des Arts décoratifs de Lyon avait acquis de nouvelles pièces et que ce serait une bonne occasion d’aller les voir de plus près.

Autant dire qu’Adrien avait eu du mal à cacher son enthousiasme à l’idée de pouvoir partir en vacances avec ses amis et le tout sans devoir semer son garde du corps à la moindre occasion ! Sans surprise, Nathalie avait tenu à prendre les billets de train et les avaient tous placés en première classe, faisant que, logiquement, ils seraient tranquilles durant le trajet.

Le seul détail qu’il lui restait à régler une fois arrivé, ce serait comment gérer Plagg durant une semaine sans que personne ne remarque sa présence… ce qui allait s’avérer compliqué en plein été avec un kwami amoureux du fromage. Tant qu’il ignorait où ils allaient loger exactement, cette question restait en suspens.

-§-

Avec le temps qu’elle avait perdu à refaire correctement sa valise, Marinette réalisa qu’il ne lui restait plus beaucoup de temps pour aller prendre son train ! Une fois que Tikki s’était glissée dans sa sacoche, elle dévala les escaliers en vitesse avec sa valise à roulette, alla vite dire au revoir à ses parents et fila très vite en direction du métro, ayant un changement à faire pour rejoindre la Gare de Lyon.

Seulement, en courant, elle ne remarqua pas qu’une des pierres du trottoir était légèrement descellée et ne s’en aperçut qu’en marchant dessus, lorsque celle-ci la déséquilibra et la fit tomber par terre. La chute entraîna sa valise qui, sous le choc, s’ouvrit en laissant s’échapper une partie de son contenu ainsi que les derniers espoirs restant à l’adolescente de pouvoir attraper son train à l’heure…

—Non non NON ! s’exclama-t-elle en se dépêchant de ramasser toutes ses affaires. Faites que le train soit en retard, faites qu’il soit en retard…

Au moment où elle posa la main sur sa trousse de toilettes, une autre main entre en contact avec la sienne. Elle releva la tête vers celui qui était venu l’aider… et son cœur rata un battement en croisant le regard vert d’Adrien.

—A-Adrien ?! fit-elle avec surprise, écartement brutalement ses doigts de sa trousse. Qu-qu’est-ce que t-tu fais là ?

Pourquoi ne pouvait-elle pas s’empêcher de bafouiller en sa présence ? Elle était pourtant déjà parvenue à lui parler normalement mais depuis qu’Alya avait réussi à la faire danser avec lui lors de la fête organisée par Chloé, elle n’arrivait plus à se sortir ce slow de son esprit dès qu’il était dans son champ de vision !

—Mon garde du corps m’emmenait à la gare quand je t’ai aperçue, lui dit-il en lui tendant sa trousse de toilette avec un sourire qui la fit littéralement fondre de l’intérieur. Tu veux qu’on t’y emmène ?

Dans le cerveau de Marinette, c’était devenu le bazar, la raison essayant de tordre le cou de l’émotivité qui, à la simple idée d’être assise aux côtés d’Adrien, était en train de sauter dans tous les coins tellement elle était heureuse, faisant que l’adolescente resta sans réagir quelques secondes… jusqu’à ce que ses cordes vocales se décident enfin à fonctionner de nouveau.

—B-bien j-je e-euh… E-en f-fait…

Défaillance des cordes vocales due à une surchauffe imprévue du système nerveux suite à l’émotivité qui s’était mise à s’extasier sur les reflets du soleil dans les cheveux blonds d’Adrien. Stock de liquide de refroidissement au plus bas pour cause de non-ravitaillement depuis la semaine dernière. Situation critique ! La raison enclencha pour la énième fois le plan d’urgence en voyant à travers le nerf optique un regard vert qui se demandait ce qu’il se passait.

—J-je veux d-dire… commença Marinette en se reprenant, ses yeux bleus se posant brièvement sur l’heure à sa montre et lui rappelant avec horreur qu’elle était pressée. OUI !

L’adolescente s’estimait extrêmement chanceuse pour le coup mais vu le temps qu’il leur restait et le trafic parisien, rien ne leur garantissait qu’ils seraient à l’heure pour prendre le train. Très vite, elle se hâta de ramasser ses affaires et le chauffeur d’Adrien chargea sa valise dans le coffre tandis qu’elle montait à l’arrière à côté du garçon de ses rêves. Seulement, le fait d’avoir réalisé le peu de temps qu’il leur restait la stressait au plus haut point, ce qui n’échappa point à son voisin.

—Tout va bien, la rassura le garçon aux cheveux blonds avec un sourire quand la voiture démarra enfin. Nous serons à temps à la gare.

—En moins de dix minutes ? fit Marinette, sceptique en regardant de nouveau sa montre. Sauf retard du train…

Haussant un sourcil étonné, Adrien regarda l’heure sur son téléphone.

—Marinette, on a encore trente minutes avant le départ du train.

Pour appuyer ses dires, l’adolescent lui montra l’heure affichée sur son smartphone… et celle-ci avait un écart d’environ vingt minutes avec celle qu’elle avait à sa montre. Qu’est-ce que cela signifiait ? Dans le doute, elle vérifia son propre téléphone et constata que celui-ci était à la même heure que sa montre.

—Pourtant, j’ai la même heure ici aussi, fit-elle en montrant l’écran de son smartphone à Adrien. Je ne compr-

Puis soudain, elle eut comme une intuition, se remémorant la veille où elle trouvait que le programme télé qu’elle voulait voir avait bien du retard. Elle se hâta de vérifier les paramètres de son téléphone et s’aperçut que ceux-ci avaient été changés afin que l’heure de son smartphone ne se mette pas automatiquement à jour. Or, elle était certaine qu’elle n’avait pas mis l’horloge en manuel car elle avait tendance à oublier de rajouter ou enlever une heure quand il y avait le changement d’heure et un bug n’expliquait pas que sa montre soit elle aussi affectée par cela.

En repassant dans sa tête tous les évènements de la veille, elle comprit vite ce qu’il s’était passé et grinça des dents.

—Alya… grogna-t-elle en réalisant que c’était sûrement un coup de sa meilleure amie. Elle a utilisé mon téléphone hier avant de récupérer mon billet de train. A tous les coups, elle a fait ça pour être sûre que je serais à l’heure… J’suis vraiment désolée…

—C’est pas grave, lui répondit Adrien avec un léger sourire amusé. La prochaine fois, appelle-moi et je viendrais te chercher.

Ces simples mots déclenchèrent une nouvelle défaillance grave dans le cerveau de Marinette, si bien que durant tout le reste du trajet, elle eut un mal fou à ne pas bafouiller et ramener la couleur de ses joues à une teinte normale.

-§-

Arrivés à la Gare de Lyon, Adrien eut du mal à cacher son enthousiasme à l’idée de partir en vacances avec ses amis. Passer une semaine avec Nino et les filles allait lui faire une coupure plus que bienvenue, même s’il savait que son père allait probablement venir une fois qu’il aurait réglé quelques détails.

Seulement, sa joie était atténuée par une chose : la menace qu’était Papillon. Même s’il était clair que leur ennemi ciblait les Miraculous de Ladybug et de Chat Noir, laisser Paris sous la seule protection de sa partenaire était risqué mais il n’avait pas pu la voir pour la prévenir de son absence. Il avait donc intérêt à prier pour qu’aucun akuma ne vienne ternir la quiétude des parisiens et à faire très attention à ce que personne ne le voit s’il venait à se transformer.

Une fois que son garde du corps eut déchargé leurs valises, Adrien sortit son billet de train… et réalisa qu’il avait omis un détail : il n’avait jamais mis les pieds dans une gare et ne savait donc pas comment trouver son train. Et rien ne lui garantissait que son gorille en savait plus que lui dans ce domaine…

—Euh, Marinette ? fit-il en se tournant vers sa camarade, l’air gêné. Tu sais où on doit aller maintenant ? Je n’ai jamais pris le train…

—Oh ! s’exclama-t-elle avant de jeter un œil à son billet. On cherche un TGV avec le numéro 6787… Il faut qu’on trouve le panneau indiquant les départs et on saura dans quel hall il faut se rendre et la voie de notre train.

Ça avait l’air assez simple finalement. Il la suivit dans la gare, son garde du corps transportant leurs valises… mais face au monde présent à l’intérieur, il revit son opinion, s’apercevant que se déplacer dans ce lieu et retrouver leurs amis ne serait pas si simple. Entre ceux qui attendaient leurs trains, ceux qui courraient pour attraper le leur à temps et toutes les personnes venues profiter des différentes boutiques au sein de la gare, il y avait de quoi être un peu déstabilisé.

Se fiant donc entièrement à Marinette, Adrien fit très attention à ne pas la perdre de vue. Celle-ci repéra assez vite qu’ils n’étaient pas dans le bon hall et elle lui montra où ils devaient aller. Ils se faufilèrent donc entre les voyageurs, la plupart étant trop concentrés sur leurs téléphones pour les laisser passer.

A un moment, un homme très pressé ne vit pas la jeune fille et, en lui coupant brutalement la route, il la déséquilibra. Heureusement, Adrien réagit vite en lui attrapant le poignet, l’aidant ainsi à retrouver son équilibre et empêcher une chute. Elle le remercia timidement, ses joues un peu plus roses que d’ordinaire tandis qu’il lâcha son poignet pour lui prendre la main. Alors qu’elle l’entraînait avec lui à travers la foule de voyageurs, il crut remarquer que les oreilles de sa camarade avaient prise une teinte carmine assez prononcée.

Quelques zigzags plus tard, le son d’une mélodie au piano résonna puis ils parvinrent au Hall numéro 2, celui où ils devaient se rendre. Adrien repéra rapidement la source de la musique : un piano était installé et quelqu’un y jouait avec brio « Champs-Elysées » sous les regards des voyageurs présents. Parmi eux, il reconnut assez vite Nino, repérable avec sa casquette rouge et son tee-shirt bleu, en train de filmer la prestation accompagné d’Alya qui les salua en les voyant arriver… jusqu’à ce que Marinette lui lâche la main et vienne se planter devant elle.

—Alya… fit sa camarade aux cheveux de jais tout en jetant un regard noir à sa meilleure amie. Tu as osé me faire ça !

—Ben je n’ai pas vraiment trouvé mieux pour être sûre que tu sois ici à la bonne heure tu sais, répondit la journaliste en herbe en haussant les épaules, l’air quelque peu amusée. Reconnais quand même que ça a marché.

Pendant que Marinette réglait ses comptes avec Alya, Adrien fit signe à son garde du corps de laisser les valises tandis que Nino vint le rejoindre.

—Salut mon pote ! lui dit son meilleur ami avec leur check habituel. Prêt pour la grande aventure ?

—Absolument ! répondit-il avec un grand sourire. Tu n’imagines pas à quel point j’attendais ça !

—J’me doute. D’ailleurs Marinette, tu sais c’qu’il y a faire là-bas ?

Ayant entendu son prénom, la jeune styliste interrompit sa discussion avec la journaliste en herbe et se mit à réfléchir.

—Olivia m’avait écrit pour me dire qu’il y avait un bowling et quelques trucs à visiter, leur dit-elle tandis qu’Alya leur fit signe de lui donner leurs billets de train pour aller les composter. Il y avait un aquarium mais il a fermé récemment donc elle m’a dit de prévoir de quoi prendre des billets de TER pour Chambéry si jamais on s’ennuie.

—Mon père va probablement aller à Annecy, précisa Adrien en se remémorant ce que celui-ci lui avait dit. Je crois qu’il connaît quelques personnes dans cette ville et c’est fort probable que je doive le rejoindre.

—Pas cool ça, fit Nino en grimaçant.

Le jeune homme s’en fichait un peu : il avait l’occasion de changer un peu d’air et de voir autre chose que Paris. Même si cela lui fendait le cœur de laisser sa Lady seule pour protéger la capitale des akumas, il savait qu’il avait impérativement besoin de cette coupure pour se ressourcer un peu.

—Dites vous autres, ce serait bien qu’on embarque, leur déclara Alya une fois revenue. Le train part dans cinq minutes et de ce que j’ai vu, notre wagon n’est pas le plus proche.

Récupérant son billet auprès de son amie – il nota cependant que celle-ci ne comptait visiblement pas rendre le sien à Marinette, prétextant qu’elle était fichue de le perdre en montant dans le train, ce qui fit un peu râler cette dernière –, Adrien dit au revoir à son garde du corps, promettant qu’il appellerait dès son arrivée, puis suivit ses amis ainsi que les autres voyageurs, sa valise à la main.

Il avait plus qu’hâte de découvrir un endroit qu’il ne connaissait pas et surtout, en compagnie de personnes qu’il aimait.

-§-

Installé en seconde classe, Maître Fu repensait au message qui lui était parvenu une vingtaine de jours plus tôt : un appel à l’aide venant d’un Veilleur, un individu chargé de surveiller une région où avait déjà eu lieu des phénomènes magiques plus ou moins importants, au point que ceux-ci faisaient partie des mythes et légendes locales. L’Ordre des Veilleurs, comme celui des Gardiens, avait beaucoup souffert mais c’était principalement à cause du fait que ces vieilles histoires se perdaient avec le temps et qu’en conséquence, les Veilleurs, peinant à trouver des successeurs, avaient vu leur nombre diminuer et la zone à surveiller augmenter – celui qui était à l’origine chargé de s’assurer que la Bête du Guévaudan ne risquait pas de réapparaître devait à présent aussi être vigilent sur bien d’autres faits qui tiraient bien souvent leurs origines dans ces contes oubliés par la société moderne.

Dans le cas présent, celui qui l’avait contacté n’avait la fonction de Veilleur que depuis quelques mois mais il avait visiblement remarqué de drôles de phénomènes : des secousses sismiques plus fréquentes, des barques détruites mais sans que personne ne puisse savoir comment, des bruits curieux la nuit…

Avec Wayzz, Maître Fu ne tarda pas à découvrir que d’anciens porteurs de Miraculous s’étaient déjà rendus dans la région à l’époque médiévale. Leurs noms n’étaient guère connus mais ils avaient apparemment affronté une créature redoutable dans la région désignée par ce Veilleur. Seulement, l’histoire qui racontait leurs exploits avait perdu en détails au fils des siècles et il y avait fort à parier qu’elle ait été enjolivée par certains conteurs ou modifiée pour diverses raisons.

Toujours est-il que quand Marinette l’avait prévenu qu’elle devait se rendre dans cette région précise pour un mariage, il n’avait pas eu besoin de plus pour comprendre que quoiqu’il se passe réellement là-bas, Ladybug serait la plus à même de le découvrir… et qu’elle ne serait certainement pas contre ses conseils le moment venu.


NB : Et voilà pour le prologue de cette fic. Bon, j’vais essayer à partir du prochain chapitre de ne pas trop vous perdre en pays de Savoie.

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 Collection : Escarmouches

Titre : FairyTale

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S’il y avait bien une chose qu’Adrien Agreste appréciait, c’était d’aller au collège. Cela ne le dérangeait pas spécialement d’y avoir cours et de pouvoir apprendre des choses mais ce qu’il adorait, c’était la possibilité d’y voir ses amis. Il y passait pas mal de temps avec Nino, y compris à l’heure du déjeuner, à parler de tout et de rien. Bien entendu, il s’entendait bien aussi avec d’autres personnes de sa classe comme Max avec qui il avait déjà travaillé sur un devoir de physique, Kim et Alix qui étaient toujours en train de se défier mutuellement – ou du moins, Alix s’arrangeait pour être celle qui relevait les défis de Kim afin qu’il n’embête pas les autres –, Alya qui était une fille super sympa et Marinette qui, bien qu’il l’appréciait, ne semblait pas très à l’aise en sa présence – il ne savait jamais quoi penser quand elle était avec lui mais depuis quelques-temps, ils arrivaient enfin à discuter et ce n’était pas désagréable.

Par contre, il devait faire attention à ce que personne ne sache qu’il était Chat Noir et, en conséquence, il lui arrivait d’avoir des retards difficiles à expliquer en cours donc il avait pour habitude de sortir comme excuse qu’il avait eu une séance photo qui avait duré plus longtemps que prévu. Pour l’instant, cela fonctionnait mais cela ne durerait peut-être pas.

-§-

Pour une fois, son retard n’était pas dû à un akuma mais au fait qu’il avait réussi à semer son gorille pour profiter d’une petite pause dont il avait bien besoin. Du coup, il n’avait pas fait attention à l’heure et avait traîné dix minutes de trop, ce qui lui serait impossible à rattraper et ce, même s’il était conduit en voiture au collège. Pour cette raison – et après que Plagg ait exprimé un vif mécontentement de devoir abréger sa sieste digestive –, Adrien s’était changé en Chat Noir, seul moyen efficace qu’il avait pour gagner un peu de temps.

Cependant, s’il avait pensé à envoyé un sms à Nino, il aurait su que ça ne servait à rien de se presser…

Arrivé près du collège Françoise Dupont, Chat Noir constata que celui-ci s’était changé en une immense maison en pain d’épices dont la simple vue ferait saliver n’importe quel enfant à condition, bien entendu, qu’il soit un amateur de sucreries. Sur les marches, il repéra Nino qui tirait Alya par le bras, celle-ci étant en train de tout filmer avec son téléphone.

Une petite prise de renseignements s’imposait…

Il utilisa son bâton pour prendre l’élan qui lui était nécessaire puis calcula rapidement son coup avant de sauter et d’atterrir pile face aux deux adolescents qui le fixaient avec admiration.

 —Chat Noir ! T’arrives pile au bon moment vieux ! s’exclama Nino avec un soulagement aisément perceptible.

 —Un akuma vient d’apparaître dans le collège et elle n’arrêtait pas de parler de contes de fées et tout, poursuivit Alya qui, avec un grand sourire aux lèvres, se mit à filmer le héros. Tous ceux qu’elle n’a pas changé en personnage de contes ont réussi à se cacher ou à s’enfuir pendant que Fairytale sortait du bâtiment.

Fairytale ? Pas vraiment original comme nom mais cela avait au moins le mérite d’en dire long sur l’ennemi du jour.

 —Vous avez vu par où elle est allée ? demanda le super-héros tout en se demandant si Ladybug était à sa poursuite.

 —Je crois qu’ell… commença la journaliste en herbe avant d’ouvrir de grands yeux horrifiés puis de pointer vivement du doigt la Boulangerie. Elle est là-haut !

Brusquement, Chat Noir tourna la tête et vit son adversaire au sommet de l’immeuble en question : une femme à la peau grise, aux cheveux roux noués en un chignon décoiffé du côté droit et vêtue d’une tenue de fée noire avec la paire d’ailes de libellule qui allait avec. Dans une main, elle tenait un épais livre et de l’autre…

Le sang du héros en noir se glaça quand il reconnut la silhouette de Marinette qui était au dessus du sol, tenue par un bras par Fairytale qui les fixait avec un amusement non dissimulé.

 —Il était une fois une princesse qui rêvait de son prince charmant, déclara la fée maléfique. Chaque soir au coin du feu, elle attendait patiemment qu’il vienne sur son beau destrier blanc et chaque soir, elle brodait une toile de fils multicolores.

 —Lâche-là ! hurla Alya, furieuse de voir son amie dans cette situation.

En temps normal, il aurait probablement réagit ainsi mais il connaissait assez Marinette pour savoir que quelque chose n’allait pas dans cette scène. Il s’attarda donc à observer sa camarade de classe et compris au bout de quelques secondes la raison de son absence totale de réaction : elle était inconsciente, ce qui n’était peut-être pas plus mal dans un sens.

 —Un jour, une sorcière, jalouse de sa beauté, lui jeta un terrible maléfice, poursuivit Fairytale qui semblait ne pas se soucier le moins du monde de leurs réactions. Son prince viendra-t-il un jour briser cet ignoble sortilège ?

L’instinct de Chat Noir fut le premier à réagir et, à peine une seconde après qu’il ait commencé à bouger, la fée maléfique avait lâché Marinette, laissant celle-ci chuter du haut du troisième étage. Il eut tout juste le temps de se propulser avec son bâton pour l’attraper au vol puis la serrer contre lui et se servir de son propre corps pour amortir leur chute sur le sol.

Il était à présent allongé dos au sol, ses deux bras enlaçant sa camarade qui n’avait toujours pas la moindre réaction mais dont il sentait le souffle contre sa nuque. Un rapide coup d’œil en hauteur lui confirma ses craintes : Fairytale en avait profité pour se faire la malle et s’était probablement mise en chasse de celui ou celle qui était la cause de ses émotions négatives.

Alors qu’il commençait à se relever, Chat Noir entendit un grondement qui ne lui plaisait absolument pas. Il n’eut pas le temps de poser Marinette que des ronces gigantesques se mirent à sortir du sol, barrant la rue des deux côtés et les emprisonnant tous deux dans une cage épineuse. Ses yeux verts cherchèrent une sortie mais les tiges aux pointes acérées s’étaient déjà rassemblées en haut, bloquant toute fuite possible puis, petit à petit, la lumière du jour. D’ici peu, seule sa vision nocturne allait lui permettre de voir à l’intérieur de ces rideaux végétaux.

La meilleure solution qu’il avait pour se tirer de ce traquenard était son Cataclysme mais cela posait deux problèmes : les ronces pouvaient réapparaître pour le bloquer à nouveau et s’il recroisait Fairytale en sortant, il risquait de se dé-transformer trop vite et de perdre du temps pour nourrir Plagg, surtout qu’il n’avait pas aperçu Ladybug.

Il devait faire marcher sa tête… Qu’avait-elle dit avant de lâcher Marinette dans le vide ?

Le nom de cet ennemi évoquait clairement les contes de fées et le collège changé en une grande maison en pain d’épices lui faisait immédiatement penser à Hansel et Gretel. En d’autres termes, elle devait pouvoir donner vie à ces histoires en les transposant plus ou moins fidèlement dans la réalité, ce qui n’était pas forcément une bonne nouvelle vu comment certains contes se terminaient.

Chat Noir reprit la jeune fille dans ses bras et s’assit au sol, tenant fermement le corps endormi contre lui. Il avait une pleine vue sur son visage paisible et sa bouche légèrement entrouverte. Une douce odeur de pain chaud émanait de ses vêtements et ses cheveux sentaient faiblement l’iris, une fragrance qu’il percevait parfois en classe quand elle était assise derrière lui et dont il n’avait jamais clairement identifiée l’origine avant aujourd’hui…

Il se gifla mentalement quand il réalisa qu’il était un peu trop conscient de la présence de sa camarade. Il devait impérativement se concentrer pour trouver comment sortir de là.

Les contes… Les contes… Fairytale avait parlé d’une princesse et d’un mauvais sort, ce qui impliquait que le sommeil de Marinette était très probablement dû à cela. Quant aux ronces, elles avaient forcément la même origine.

En cherchant dans sa culture générale, deux histoires lui vinrent en tête : Blanche-Neige et La Belle aux Bois Dormants. Dans les deux cas, la princesse était endormie mais l’origine du sortilège était différente : pour Blanche-Neige, c’était un morceau de pomme empoisonnée – ou cela pouvait aussi être un ruban qui l’étranglait mais il n’y avait rien de ressemblant à cela sur sa camarade de classe – et pour l’autre princesse, elle s’était piquée le doigt sur le fuseau d’un rouet. Or, c’était dans le deuxième conte que la végétation avait pris de l’ampleur, plus particulièrement autour du royaume où la princesse était endormie.

Le héros en noir examina les mains de la jeune fille et confirma son hypothèse en remarquant une petite trace de sang sur son index gauche. Se souvenant l’avoir entendue parler avec Alya d’un vêtement qu’elle souhaitait terminer, il n’était pas difficile de deviner qu’elle s’était peut-être piquée avec son aiguille.

En se souvenant comment la princesse avait été réveillée dans ce conte, Chat Noir ne put s’empêcher de déglutir lorsque ses yeux se reposèrent sur ces lèvres roses. Son cœur s’était mis à battre à cent à l’heure et ce n’était pas parce que l’idée de l’embrasser le dérangeait. Etrangement, c’était plutôt le contraire car il devait reconnaître que Marinette était mignonne et qu’il l’appréciait. Ce qui le troublait le plus, c’était d’avoir son premier baiser dans ces conditions. Il aurait préféré que cela se passe autrement mais s’il tentait de sortir avec son Cataclysme, il pouvait se retrouver en mauvaise posture.

Il rapprocha délicatement son visage du sien et, avant de changer d’avis il ferma les yeux puis il pressa sa bouche contre la sienne dans un baiser quelque peu maladroit. Le contact ne dura que quelques secondes mais cela lui avait suffit pour sentir la douceur de ses lèvres. Il ne put s’empêcher de se lécher la lèvre inférieure et fut agréablement surpris par cette petite saveur acidulée qui lui donnait envie de goûter à nouveau à ce fruit défendu.

Cependant, il lutta contre son désir en voyant quelques rais de lumière percer à travers les ronces et en sentant Marinette bouger dans ses bras.

Chat Noir passa un bras sous les jambes de sa camarade et garda l’autre derrière ses épaules avant de se relever en douceur, son regard vert fixé sur ces yeux bleus qui s’ouvraient lentement tandis que leur prison végétale se rétractait. Les paupières de la jeune fille se refermèrent un court instant pour se rouvrir, révélant une lueur interrogative au fond de ses yeux. Il lui fit un léger sourire tout en se disant dans un coin de sa tête qu’il risquait de repenser à ce baiser volé pendant un bon moment.

 —Comment va ma princesse préférée ? demanda-t-il sur un ton un peu taquin.

A cet instant, Marinette fut pleinement réveillée et, après avoir compris dans quelle position elle se trouvait, ses joues se mirent à rosir, ce qui fit s’agrandir le sourire du super-héros… jusqu’à ce que sa camarade fronça le nez et lui tourna la tête pour qu’il cesse de la fixer ainsi.

 —Je vais bien mais qu’est-ce qu’il se passe ici ? interrogea-t-elle tandis que ses yeux bleus regardaient les ronces qui rentraient dans le sol.

 —Disons que je t’ai évité un réveil brutal, répondit-il en posant ses jambes au sol. Maintenant tu m’excuseras mais j’ai une chasse à la sorcière qui m’attend. A une prochaine fois princesse !

N’attendant pas que les dernières ronces aient disparues, il prit son bâton et s’apprêtait à l’utiliser quand il fut prit d’une soudaine envie, le stoppant dans son action sous l’œil interrogatif de la jeune fille. Chat Noir lui lança un nouveau sourire et lui envoya un baiser avant d’étendre son bâton puis de partir traquer Fairytale… tout en se léchant la lèvre inférieure et en se disant qu’il allait avoir du mal à ne pas repenser à tout ça quand il sera au collège le lendemain.

-§-

Durant une bonne heure, il avait tourné dans Paris sans résultats autres que d’autres parisiens qui s’étaient retrouvés empêtrés malgré eux dans un extrait d’un conte de fée quelconque – il aurait juré avoir reconnu Chloé dans l’allure du grand méchant loup qui essayait de manger un employé du Grand Paris et qu’il avait dû utiliser son Cataclysme pour l’enfermer dans la cage d’ascenseur. Adrien avait été contraint de faire une pause pour régénérer Plagg mais il était forcé de constater que l’ennemi du jour était plus difficile à débusquer que prévu, surtout sans l’aide de Ladybug.

Redevenu Chat Noir, il s’était perché en haut de la Tour Eiffel pour essayer de repérer Fairytale de loin quand, enfin, sa chère partenaire fit son apparition et vint le rejoindre.

 —Tu as pris ton temps ma Lady, déclara-t-il, mi-agacé et mi-ravi qu’elle soit enfin là. Je commençais à fatiguer à force de courir.

 —Désolée, j’avais une urgence à régler avant, s’excusa-t-elle avant de se tourner vers le Trocadéro. J’ai cru voir sur le Ladyblog que tu avais eu affaire à cette Fairytale.

 —Elle tient plus de la vilaine sorcière que de la gentille fée, ça je peux t’en assurer !

 —Encore heureux qu’elle ne t’ait pas changé en gros crapaud baveux.

Amusé, il se tourna vers Ladybug et se rapprocha rapidement d’elle au point d’être assez proche pour lui murmurer à l’oreille.

 —Si cela était arrivé, je suis certain qu’une belle princesse coccinelle serait venue me libérer du sortilège, lui susurra Chat Noir avec délice.

 —Ne prend pas tes rêves pour la réalité chaton, répliqua sa partenaire en le repoussant d’une main, ses joues ayant pris quelque couleurs. On doit d’abord trouver où se cache la méchante de cette histoire…

 —Et lui prendre ensuite son bouquin. A part là, je ne vois pas trop où pourrait être son akuma.

Que pouvait-elle bien fabriquer ? D’habitude, l’ennemi était tellement visible qu’ils n’avaient plus qu’à aller à sa rencontre – sauf peut-être l’Invisible qui les avaient pris en traitre mais vu la nature de ses pouvoirs, c’était même plutôt logique. La seule raison qu’il voyait serait que Fairytale n’avait pas encore pu se charger de sa cible première, celle qui de façon directe ou indirecte avait causé son akumatisation, et qu’elle était donc en train de la traquer.

 —Si l’on pouvait trouver qui elle est en réalité, cela pourrait probablement nous aider, déclara Ladybug qui était sur la même longueur d’ondes que lui.

 —C’est près du collège Françoise Dupont que je l’ai croisé, précisa Chat Noir. Elle l’avait changé en gigantesque maison en pain d’épices et c’est comme ça que je l’ai repérée mais elle m’a tendu un traquenard et elle m’a semé.

Ce n’était pas une nouveauté en soit ce genre de méthodes car certains méchants n’avaient pas visés leurs Miraculous avant d’avoir semé un sacré chaos derrière eux – il se souvenait encore des vols planés que Climatika leur avait fait faire avant de les attirer à la tour de TVi ou encore du Chevalier Noir qui était plus intéressé par la conquête Paris qu’autre chose. Cependant, dans les deux cas, aucun n’avait été très discret sur l’endroit où il se trouvait ou qu’il visait.

 —Dans les contes qu’elle a rendu réalités, lesquels as-tu croisés ? demanda sa partenaire, curieuse. On a Hansel et Gretel déjà…

 —Je dirais aussi la Belle aux Bois Dormants ainsi que le grand méchant loup au Grand Paris, répondit-il tout en se remémorant ce qu’il avait fait sur son trajet. Il me semble aussi avoir reconnu ce conte avec les habits neufs de l’empereur quand j’ai dû enfermer le loup…

 —Les habits neufs de l’empereur ? C’est quoi l’histoire au juste ?

 —C’est un conte d’Andersen où deux escrocs arrivent à convaincre un empereur très coquet de porter un vêtement fait par une étoffe visible uniquement par les gens intelligents. Or, il n’y a jamais eu de tissu…

L’expression de Ladybug était suffisante pour qu’il comprenne qu’elle n’avait pas besoin de plus d’explications. Lui par contre se serait bien passé de croiser le maire de Paris dans cette… tenue plus que légère. Rien que d’y penser, ses yeux le brûlait.

 —D’accord, je vois, fit la super-héroïne avec une grimace. Elle aurait donc fait le collège puis le Grand Paris. Si ça se trouve, elle est encore dans ce coin-là mais…

Cette phrase, sa chère Lady ne l’acheva pas car un fort vent glacial se mit à souffler. Tous deux se tournèrent dans la direction d’où ce souffle venait et, instantanément, ils surent où était passée Fairytale : elle était occupée à se construire ce qui ressemblait fort à un palais de glace. Pas très bon signe ça…

 —Je crois qu’elle est par là Buginette, suggéra Chat Noir en pointant du doigt le bâtiment en glace.

 —J’avais pas deviné, répliqua Ladybug en prenant en main son yoyo. Et encore une fois, arrête de m’appeler Buginette !

Pourtant, c’était mignon comme surnom, non ? Il trouverait bien autre chose… comme « mon petit ange » ou « ma petite coccinelle chérie »…

-§-

Libérée, délivrée, leur adepte des contes avait été ! Le combat avait été rude et Chat Noir avait bien cru que ses moustaches allaient finir givrées mais un Cataclysme bien placé ainsi qu’un Lucky Charm aussi farfelu que les précédents – sérieusement, il n’y avait que Ladybug pour trouver comment se servir d’une chaussure à talon pour vaincre une akumatisée ! – leur avait permis de gagner, découvrant ainsi que Fairytale n’était autre que la bibliothécaire et qu’elle avait un contentieux avec un membre du conseil municipal qui avait menacé de la virer – ce dernier était revenu sur sa décision après intervention du maire de Paris.

Etrangement, après toutes ces péripéties, il avait bien envie de relire quelques contes de fées…

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NB : Bon, c’était ma dernière en stock. Dès que j’aurais une nouvelle idée et du temps, je me mettrais dessus.

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 Disclaimer : Miraculous appartient à Thomas Astruc.

Titre recueil : Escarmouches

Titre texte : Copieuse

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Note : Un coin où je vais surtout rassembler des OS de combats contre des akumas.

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Ladybug et Chat Noir avaient affronté pas mal d’akumas en plus d’une année de collaboration. Certains de leurs ennemis leur avait donné du fil à retordre, laissé quelques mauvais souvenirs – il suffisait de reparler de M. Pigeon au héros vêtu de noir pour le voir instantanément froncer le nez, repensant probablement à son allergie aux plumes qui, pour un chat, était tout de même le comble de la malchance – ou leur avait causé de sacrées frayeurs – la belle coccinelle n’avait pas oublié le jour où son partenaire s’était interposé entre elle et Chronogirl pour la sauver.

Leur ennemi commun, Papillon, redoublait d’imagination pour leur envoyer des adversaires afin de récupérer leurs Miraculous mais parfois, cela donnait des choses un peu bizarres à affronter comme Chloé changée en Antibug ou bien Numeric qui était obsédé par l’idée d’avoir une photo de son idole. Le pire qu’il avait pu leur envoyer jusqu’ici était certainement Volpina dont les illusions auraient eu raison de Ladybug si Chat Noir n’avait pas flairé le piège.

Tant qu’il y aura des akumas à Paris, la ville aura besoin de ses deux héros…

-§-

  —Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

Cela, Ladybug le savait, était une nouvelle victime d’un akuma qui avait été infectée et changée en super-vilain par le mystérieux Papillon. Elle avait fini par s’habituer à cela mais ce à quoi elle ne s’était pas attendue en la suivant dans cette galerie marchande, c’était d’avoir affaire à son propre double ! Certes, Chat Noir avait eu aussi droit à cela avec l’Imposteur mais elle n’avait pas envisagé une seule seconde qu’elle aurait à affronter son sosie parfait… ou presque.

La Copieuse n’était pas du même acabit que celui qui s’était fait passer pour son partenaire : elle était une réelle polymorphe bien que, comme Animan avant elle, elle n’avait pas un grand choix de métamorphoses à son actif car via les dégâts causés, il était évident qu’elle ne pouvait imiter que des femmes : Marinette l’avait repérée au parc quand elle avait revêtue l’apparence de Chloé pour duper Adrien mais elle n’avait pas su reproduire correctement le caractère de la peste pourrie-gâtée, faisant qu’elle avait dû vite se sauver quand la véritable Chloé était arrivée et avait crié au scandale.

A présent, l’héroïne de Paris devait trouver comment la libérer de l’emprise de l’akuma… et espérer que son partenaire n’allait pas rappliquer trop vite parce que s’il la voyait en double, il risquait d’être intenable.

Un échange de coups de pieds et de poings fut entamé et elle était contrainte d’admettre qu’elle avait en face d’elle une adversaire redoutable au combat. La Copieuse avait réussi à la plaquer au sol et à lui attraper les mains, l’empêchant d’accéder à son yoyo. Autant dire qu’elle était en mauvaise posture, surtout quand elle vit son ennemie tendre la main vers ses oreilles…

 —CATACLYSME !

Un grand bruit de bris de glace retentit et Ladybug réalisa que Chat Noir venait d’utiliser son pouvoir pour briser la vitre qui devait le séparer d’elle, détournant ainsi l’attention de l’ennemi. L’héroïne profita du fait qu’elle avait commis l’erreur de relâcher sa prise pour se libérer.

 —Elle va s’échapper Chat Noir ! cria la Copieuse, se faisant toujours passer pour elle.

 —Non, elle ment ! Ne l’écoute pas Chat Noir ! répliqua Ladybug avec force.

Sauf que les craintes de Marinette se confirmèrent quand elle constata que son acolyte les regardait tour à tour avec un grand sourire…

 —Deux Ladybug devant mes yeux ! fit avec bonheur le héros en noir. Un rêve qui devient doublement réalité.

La vraie Ladybug ne put s’empêcher de lâcher un soupir d’exaspération : pourquoi fallait-il toujours qu’il soit en extase devant elle au point d’en être agaçant ? Pouvait-il être un peu plus sérieux au lieu de se laisser distraire ou de faire des jeux de mots à la première occasion ?

Elle s’apprêtait à poursuivre le combat sans lui quand elle vit Chat Noir se précipiter entre elle et la Copieuse avant de pointer son bâton vers l’imitatrice.

 —Sauf que tu n’es pas la vraie, déclara le jeune homme avec un sourire en coin. Beau déguisement mais avec un petit défaut de fabrication si je puis me permettre.

Sur ce coup, Marinette était abasourdie. Comment avait-il su faire la différence aussi vite alors qu’elle n’avait pas réussi à être aussi rapide face à l’Imposteur ?

 —Chat Noir mais… c’est elle la fausse ! contra avec véhémence la Copieuse. Pourquoi ne me crois-tu pas ?

 —Peut-être à cause de l’image que tu renvoies ?

D’un signe de la main, le héros en noir désigna la vitrine d’un magasin dans laquelle se trouvaient des mannequins et un miroir… qui, au lieu de refléter la fausse Ladybug, révélait la véritable apparence de l’imitatrice dont le masque vénitien était à présent bien visible et reconnaissable : c’était une fille qui faisait partie d’une troupe de théâtre devant jouer une pièce au palace Bourgeois et qui avait eu un accrochage avec Chloé. Il était plus que logique qu’elle soit devenue une victime du Papillon et que sa première cible ait été la fille qui l’avait humiliée.

L’heure était donc venue de la forcer à reprendre sa vraie forme avant qu’elle n’imite quelqu’un d’autre.

 —LUCKY CHARM !

Afin de l’empêcher de s’échapper, Chat Noir avait commencé un combat contre la Copieuse pour qu’elle reste dans les parages le temps que Ladybug trouve comment utiliser ce que son pouvoir de création lui avait offert… et qui s’avérait être un briquet. Qu’allait-elle bien pouvoir faire de cela ?

Un examen rapide de son environnement lui indiqua la solution : le système d’extinction pour les incendies. Une barre se trouvait pile à quelques centimètres de l’arroseur au-dessus de l’ennemi et le meilleur moyen pour l’atteindre serait d’avoir un petit coup de pouce de son partenaire félin.

 —Chat Noir ! lança l’héroïne à son coéquipier.

Il indiqua d’un signe de tête qu’il avait compris et, alors qu’elle courrait vers lui, il prépara son bâton extensible et attendit qu’elle ait sauté dessus pour la propulser en hauteur. Elle s’agrippa à la barre de métal de toutes ses forces puis elle se hissa jusqu’à pouvoir toucher l’arroseur avec sa main. D’un geste, elle alluma le briquet et le plaça pile sous la rosace… puis un bruit de verre brisé retentit avant d’être suivi par une véritable douche froide qui s’abattit sur la Copieuse et Chat Noir.

Le déguisement de leur ennemie du jour fut balayé par l’eau, la laissant sous sa vraie apparence. Le héros en noir lui déroba rapidement son masque et le lança à sa partenaire qui le brisa en deux puis purifia l’akuma. Revenue au sol, elle lança en l’air le briquet obtenu via son Lucky Charm et celui-ci laissa place au pouvoir magique qui permettait de réparer les dégâts causés par l’akuma.

Tandis que la pauvre fille qui avait été victime de Papillon redevenait normale, les deux héros joignirent leur poing dans leur habituel signe de victoire... puis suivirent les « bips » de leurs Miraculous respectifs. Il ne leur restait plus beaucoup de temps avant de redevenir normaux. Mais alors qu’ils s’apprêtaient à partir chacun de leur côté…

 —LADYBUG ! Un autographe !

 —Une photo Ladybug !

 —Une interview par pitié !

… ils se retrouvèrent bloqués par une foule de personnes qui étaient probablement venus voir le combat entre leurs héros et l’akuma du jour. Pas de chance ça…

 —Je crois qu’on a un léger problème ma Lady, fit Chat Noir qui, tout comme elle, s’était aperçu qu’ils n’avaient pas beaucoup d’options.

 —Désolée mais on est un peu pressé là, lança Ladybug à ceux qui essayaient de filmer leur héroïne favorite avec leur téléphone portable. Peut-être une autre fois ?

Sauf que cet attroupement de fans ne semblait pas vouloir laisser passer l’occasion de pouvoir apercevoir leurs idoles et le nombre laissait penser que pas mal d’entre eux étaient venus à Paris juste pour cela. Ils avaient donc beaucoup plus de curieux à gérer que d’habitude en plus de la presse et des inconscients qui venaient regarder d’un peu trop près les combats.

 —Mes excuses mais on a d’autres chats à fouetter, déclara Chat Noir en passant un bras autour de la taille de sa partenaire. A plus tard pour d’autres entrechats !

Et sur ces mots, Ladybug eut tout juste le temps de passer ses bras autour du cou de son coéquipier avant qu’il n’utilise son bâton extensible pour passer avec elle par-dessus la foule de curieux. Une fois cela fait, il la lâcha pour l’attraper par la main et l’entraîner avec lui hors de la galerie marchande.

 —Ca devrait être bon à présent, constata le héros en noir. A très bientôt j’espère, ma Lady.

 —C’est cela oui, répliqua-t-elle avec un sourire amusé. A bientôt Chat Noir.

Sur ces mots, ils se séparèrent, chacun allant de son côté pour se dé-transformer discrètement puis reprendre une vie normale comme si de rien n’était… jusqu’au prochain akuma.

 — — —

NB : Bon, ça fait un bail que j’ai écrit ça et que ça trainais dans mon ordi. J’en ai fini un autre il y a quelques jours que je posterai plus tard. 

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Disclaimer : Miraculous Ladybug n’est pas à moi… et merci à Thomas Astruc pour ce superbe dessin animé qui nous inspire tant !

Titre : Quand la mémoire flanche…

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Résumé : Petit texte faisant suite à Audimatrix et où Adrien aimerait bien savoir tout ce qu’il a pu oublier les fois où il est involontairement passé à l’ennemi…


De retour après cette interview avec Nadja Chamack quelque peu contrariée par sa transformation en super-vilaine, Adrien ne put s’empêcher de repenser aux images de Ladybug et Chat Noir qui avaient été diffusées, notamment une dont il n’avait strictement aucun souvenir : un baiser entre lui la belle héroïne coccinelle qui lui avait dérobé son cœur. Comment avait-il pu oublier cela alors qu’il se damnerait pour un simple bisou sur la joue de la part de sa partenaire aux yeux bleus comme les cieux ?

—Pourquoi faut-il que je perde la mémoire quand je me fais avoir par l’ennemi ? se demanda-t-il à voix haute avec un certain agacement.

—Comment veux-tu que je le sache ? répondit Plagg depuis le canapé où il était en train de savourer un morceau de camembert dont l’odeur se sentait dans toute la pièce. Ce n’est pas de ma faute si tu es victime d’un Alzheimer précoce !

Soupirant de dépit, Adrien passa une nouvelle le replay de l’émission, stoppant la vidéo au moment où la photo de Chat Noir en train de se faire embrasser par Ladybug fut affichée à l’écran. Selon sa partenaire, cela datait de leur combat contre le Dislocoeur – il se souvenait l’avoir protégée d’une des flèches de haine puis plus rien jusqu’à ce qu’il se réveille près de la fontaine – donc il n’osait pas imaginer toutes les horreurs qu’il avait pu lui di-… Une petite seconde…

—Dis-moi Plagg, commença l’adolescent en se tournant vers son kwami, se souvenant soudain de quelque chose. Comment étais-tu au courant que j’avais dit des choses atroces à Ladybug le jour de la Saint-Valentin ?

—Ca coulait de source ! répliqua le kwami en avalant d’un coup son morceau de fromage. Heureusement pour toi que tu ne l’as pas touchée avec ton Cataclysme car si-… gloups.

Très vite, Adrien alla intercepter Plagg avant que celui-ci ne s’échappe comme il savait si bien le faire, l’attrapant entre ses deux mains juste à temps.

—Tu te souviens de tout n’est-ce pas ? questionna le jeune homme en fixant son partenaire avec suspicion. Qu’est-ce que tu m’as caché d’autre au juste ?

—Bon bon… capitula le kwami, craignant probablement une soudaine pénurie de camembert. Tu as tenté de tester ton Cataclysme sur Ladybug, l’a plusieurs fois attaquée en diverses occasions, tenté de lui prendre son Miraculous, a failli perdre la vie en la protégeant d’une super-vilaine voyageant dans le temps, fait une toilette de chat au bord de la Seine, chanté en combattant, dansé la Macarena sur le pont des Arts…

—Ca, c’est faux.

—C’était juste pour voir si tu suivais. Je peux partir maintenant ?

En grinçant des dents, il relâcha Plagg… tout en notant dans un coin de sa tête que la prochaine fois qu’il aurait des trous de mémoire suite à un combat contre un akuma, il faudrait impérativement qu’il tire les vers du nez de son kwami afin de savoir quels genre de dossiers risquaient de refaire surface au moment où il s’y attendrait le moins.


NB : Y a pas à dire, j’ai hâte de voir la suite de la saison 2. Pas vous ? x)

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 Disclaimer : Tales of Vesperia et Cinderella Phenomenon ne sont point à moi…

Auteur : Kaleiya Hitsumei

Beta : Eliandre

Titre : Maudite

Note : Après que nous ayons toutes deux fini le jeu « Cinderella Phenomenon », ma comparse et moi-même avons échangé nos opinions respectives et l'idée d'un crossover avec Tales of Vesperia est vite venue. Mais par manque de candidats, nous avons dû piocher les rôles manquants dans d'autres jeux. Je précise que le texte en italique au début est une traduction allégée du début du jeu.


Il y a longtemps, dans un très lointain royaume, il y avait deux cristaux. Le premier était le Cristallum Lucis, protégé par la dirigeante des fées. Le second était le Cristallum Tenebrarum, surveillé par le plus grand chef des sorciers. Si le Lucis se nourrissait de la joie, du bonheur et de l'amour, le Tenebrarum, lui, se nourrissait de la peur, la haine et la colère. Les fées et les sorciers vivaient en harmonie avec les humains de ce royaume et régulait le pouvoir des cristaux pour maintenir l'équilibre entre la lumière et les ténèbres…

Mais un jour, un barde itinérant décida d'écrire des histoires qu'il nomma « Contes de fées », des récits où les fées étaient toujours du côté du bien et où les sorcières représentaient le mal. Personne ne put prévoir l'impact de ses histoires sur le royaume. Ses habitants se mirent à penser qu'elles étaient vraies et se mirent à traquer et à éliminer les sorciers… Cet évènement fut appelé « la Chasse aux Sorcières. »

En colère contre ceux qui exterminait les siens, le dirigeant des sorciers créa la malédiction des Contes de fées, plongeant le royaume dans le chaos et les ténèbres. La dirigeante des fées souhaitait rétablir la paix mais les sorciers étaient aveuglés par leur haine des humains qui étaient responsables du massacre de leurs congénères. La Grande Guerre débuta…

Un jour, le porteur du Tenebrarum, le leader des sorciers, fut vaincu et le Tenebrarum fut perdu. La guerre terminée, la paix put être rétablie et la lumière régna à nouveau.

Mais les ténèbres ne disparaissent pas à jamais… Elles attendent, patiemment, le moment pour réapparaître…

-§-

Au sein du royaume d'Angielle, les habitants vaquaient à leurs occupations habituelles : travailler pour ramener de l'argent à leur foyer, acheter de quoi manger, flâner dans les quelques boutiques de la ville, regarder les spectacles dans la rue… mais aucun d'eux ne se souvenait d'elle depuis ce matin, elle, la princesse Sodia et héritière du trône d'Angielle. Elle était cachée dans une ruelle, vêtue des haillons dans lesquels elle s'était réveillée après avoir été victime de cette fichue malédiction et portant à son cou ce collier avec l'une des pantoufles de verre de Cendrillon, le conte sur lequel était basé ce qui l'avait plongée dans ce véritable cauchemar.

Sa journée d'hier avait pourtant commencé comme les autres…

Comme souvent, elle avait surpris des domestiques en train de bavarder au lieu de travailler, parlant du fait qu'un autre habitant du royaume avait succombé à la malédiction. Elle les avait réprimandé comme il se devait avant de repartir vers la salle à manger, entendant vaguement murmurer des « Princesse au cœur de glace » sur son passage – elle se doutait bien que c'était à elle que l'on faisait référence mais elle avait l'habitude que les gens la détestent depuis toujours, surtout depuis la mort de sa mère. Elle avait retrouvé son père, le roi Peony, ainsi que sa belle-mère et ses demi-frères, Sorey et Mikleo. Si elle tolérait Mikleo – celui-ci était muet et usait d'une peluche pour s'exprimer –, ce n'était pas le cas de Sorey qu'elle détestait au même titre que sa belle-mère, une femme qui n'était même pas issue de la noblesse et que son père avait épousé il y a un an. Ils n'étaient pas sa famille et ne le seraient jamais, tout comme son père qui ne l'avait jamais aimée…

Ce jour-là, Sorey avait remercié le roi pour le livre de contes qu'il lui avait offert avant de demander pourquoi la bibliothèque du palais n'en comptait aucun, ce à quoi Sodia lui avait sèchement répondu que sa mère les avait tous brûlés car elle les détestait avant d'ajouter que ces histoires ne faisant que laisser penser aux hommes qu'ils pourraient obtenir des choses qu'ils n'auraient jamais. Quand elle avait commencé à déclarer que les sorciers n'étaient pas responsables des malheurs des hommes et que c'était ces derniers les responsables de leurs propres malheurs, son père se mit à la réprimander. Lorsqu'il avait parlé de sa mère, elle avait quitté la table, cette conversation lui ayant coupé l'appétit.

Depuis la mort de sa mère quatre ans plus tôt, elle était seule…

—Tout va bien princesse ? Vous semblez contrariée.

Errant dans les couloirs du palais, elle n'avait pas réalisé que quelqu'un l'avait rejointe. Elle s'était donc tournée vers ce jeune homme aux yeux azur et aux cheveux d'or qui avait été assigné à son service il y a trois ans comme son chevalier : Flynn Scifo, fils adoptif du Commandant Alexei Dinoai et membre de l'Ordre de Caldira. Il était probablement la seule personne qu'elle tolérait à ses cotés.

—Qu'est-ce que tu fais ici Flynn ? lui avait-elle demandé en continuant de marcher.

—Mon père m'a demandé de faire une course pour lui, lui avait répondu le chevalier en marchant à ses côtés. J'imagine que vous avez parlé avec le roi ou…

—Oui. Et tu devrais plutôt te rendre à la salle du trône au lieu d'être ici.

—Mon travail est d'assurer votre protection et puis souvenez-vous de quel jour nous sommes aujourd'hui.

Elle avait cherché dans sa mémoire avant de se rappeler en grimaçant que le roi voulait qu'elle aille en ville avec ses demi-frères pour qu'elle essaie de mieux s'entendre avec eux, surtout avec Sorey. Elle n'était pas sortie du palais depuis des années et aurait aimé éviter de le quitter, même pour peu de temps, après ce qui était arrivé la dernière fois.

—Je m'en souviens, avait précisé Sodia sans cacher son mécontentement. Je préfèrerais de loin rester ici.

—Ce ne sera pas aussi mauvais que vous le redoutez princesse, lui dit Flynn avec un sourire amical. Les habitants d'Angielle ne sont pas de mauvaises personnes.

—En es-tu certain ?

Elle lui avait demandé cela en le fixant froidement, comme elle le faisait toujours avec les autres. Mais contrairement aux autres, son chevalier n'était jamais effrayé par elle et ne semblait pas la détester. Il soutenait son regard et son expression devenait plus triste… Pourquoi était-il toujours ainsi avec elle ?

—Les temps ont changé princesse, lui répondit Flynn calmement. Les personnes aussi peuvent changer.

—C'est justement là qu'est le problème, répliqua-t-elle sèchement en repensant à sa mère, la seule personne qui l'avait toujours aimée.

—Le changement n'est pas toujours une mauvaise chose. Vous le verrez probablement tout à l'heure.

Flynn l'avait ensuite laissée devant ses appartements avant de partir, lui promettant de la retrouver à dix heures pile. Sodia était ainsi restée seule dans sa chambre jusqu'à cette heure qu'elle redoutait tant, ses poupées pour seule compagnie – elles avaient toujours été ses seules amies, ne l'ayant jamais trahie ou blessée contrairement aux humains. Elle s'occupait plus particulièrement de la dernière poupée que son père lui avait offerte pour ses dix-sept ans : Judith, une poupée plus réaliste que les autres et qui avait vivement piqué son intérêt.

Seulement, le roi avait demandé à la voir, la contraignant à sortir de sa chambre où elle se sentait tant en sécurité. Sur le chemin vers la salle du trône, elle avait croisé Cumore, le conseiller de son père, qui la salua respectueusement, complimentant le fait qu'elle ressemblait de plus en plus à sa mère – Sodia ne savait pas pourquoi mais elle ne pouvait s'empêcher d'être tendue en sa présence, raison pour laquelle elle n'aimait guère être en présence de cet homme.

Face au roi Peony, elle avait, sans réelle surprise, encore eu droit à ses sermons sur le fait qu'elle devait essayer de faire des efforts avec Sorey, ce à quoi elle ne put s'empêcher de demander à son père où il était le jour où elle avait perdu sa mère – jamais il n'était venu vers elle pour la consoler, la laissant seule dans son chagrin et lui prouvant que sa mère avait raison sur la nature humaine. Son père s'était excusé, la suppliant de faire un effort avec sa belle-famille et lui montrant que, encore une fois, il se souciait plus d'eux que d'elle…

Cette sortie en ville avait été un vrai supplice pour elle : tous la fixaient avec dégoût, peur ou haine. Le pire restait la librairie où Sorey avait mis des heures avant de choisir un livre d'histoire, le tout en bavardant avec le libraire qui était manifestement une connaissance à lui. Cela l'avait tellement agacée qu'elle avait été à deux doigts de sortir en claquant la porte du magasin mais l'entrée d'une femme magnifique aux longs cheveux roux et bouclés venue chercher un paquet lui avait un instant fait oublier tout ça – seul Mikleo avait semblé insensible à sa beauté, restant le nez devant une étagère de livres anciens. Cette inconnue, pour une raison obscure, lui avait fait un sourire limite charmeur avant de repartir avec ce qu'elle était venue chercher –il semblerait qu'une rumeur courait disant qu'elle était une fée mais Sodia était sceptique, surtout parce que les fées n'avaient rien fait pour empêcher la malédiction de se propager.

Une fois de retour à l'extérieur du magasin, elle s'était à nouveau sentie oppressée par les regards des habitants et avait ardemment désiré rentrer au plus vite au palais. Sorey avait essayé de lui faire croire que ceux qui la fixaient étaient juste surpris de la voir en ville mais elle n'était pas dupe. Elle dut prendre sur elle quand celui-ci repéra un spectacle de rue et qu'il entraîna Mikleo avec lui, la contraignant à les suivre avec Flynn – elle s'était bien gardée d'admettre qu'elle était un peu curieuse de voir en quoi cela consistait, n'en ayant jamais vue un seul de toute sa vie. Debout sur une caisse en bois, il y avait un garçon d'une dizaine d'années aux cheveux de jais et aux yeux anthracite.

—Bonjour à vous tous ! lança-t-il à la foule avec un grand sourire. Mon nom est Yuri et je viens vous apporter un peu de joie… et de magie !

Il claqua des doigts et, soudain, une pluie de pétales colorés tomba du ciel. La foule, visiblement impressionnée, applaudit, dont Sorey qui semblait beaucoup apprécier cette vision. Sodia, elle, ne comprenait pas cet enthousiasme et, si ses oreilles ne la trompaient point, Flynn non plus n'avait pas applaudi.

—Il en fait un peu trop aujourd'hui, commenta le chevalier dont elle avait remarqué un léger sourire en coin. Peut-être parce qu'il vous a vue dans l'assemblée.

Ridicule. Sodia allait détourner la tête de cette scène quand elle croisa le regard du garçon. Celui-ci fit un nouveau tour de magie, faisant cette fois-ci apparaitre un magnifique lys entre ses mains avant de descendre de son piédestal improvisé pour s'approcher d'elle.

—Princesse, lui dit-il en lui tendant la fleur. Je vous prie d'accepter ce modeste présent.

—Il est superbe ! s'exclama Sorey dont le regard vert semblait fasciné par le blanc des pétales.

Si son demi-frère était en extase devant cette prouesse, Sodia restait de marbre, faisant que le sourire du garçon s'effaça et que le regard de celui-ci devint plus difficile à déchiffrer. Espérait-il qu'elle allait réagir à son cadeau ? Il finit par lâcher un soupir avant de claquer de nouveau des doigts, faisant apparaître dans sa main une pomme rouge qu'il lança à Flynn.

—Peut-être à une prochaine fois, fit-il en retournant sur la caisse de bois, retournant distraire la foule avec ses tours de magie.

Ils s'éloignèrent et Sorey se remit à essayer de discuter avec elle sur la route.

—J'espère que nous aurons l'occasion de voir d'autres spectacles, lui dit son demi-frère avec grand enthousiasme. J'adorerais voir des acrobates ou encore des mus-

—Je ne compte pas quitter le palais de nouveau, avait-elle répliqué sèchement, en ayant plus qu'assez d'être ici.

—Que… Tu n'aimes pas cet endroit ? Nous y avons grandi avec Mikleo et puis cette ville est la partie que je préfère du royaume ! Je voulais vraiment que tu le vois et même si je sais que tu ne voulais pas venir, je suis ravi que tu sois quand même ici avec nous ! Merci pour ça !

—Je ne suis pas venue pour te faire plaisir mais parce qu'on me l'a ordonné.

A l'entente de ces mots, le sourire de Sorey se volatilisa, remplacé par une expression de pure tristesse.

—Je voulais juste que l'on soit un peu plus proches toi et moi, lui dit-il avec un léger sourire. Qu'on soit amis…

—Nous ne serons jamais amis, le coupa froidement Sodia. Peu importe ce que tu feras, nous ne serons jamais de la même famille. Souviens-toi bien de cela.

Son demi-frère s'était décomposé et alors qu'il allait répliquer, Mikleo s'interposa brutalement entre eux, la foudroyant du regard.

—Arrête tout de suite, lui dit le garçon aux yeux violines via cette peluche sur son épaule, montrant pour la première fois une vive hostilité à son égard.

—Mikl- commença Sorey.

—Allez au diable, le coupa-t-elle avant de s'en aller.

D'un pas rapide, elle s'éloigna de cet endroit, ordonnant à Flynn de la laisser tranquille. Les regards hostiles à son égard étaient pesants et à force d'errer dans les rues, elle finit par se perdre et se retrouva sur une place vide où, en son centre, trônait une fontaine. Sodia prenait bien garde à ce que la capuche de son manteau cachait bien son visage, ne tenant pas à supporter tout cela plus que nécessaire. Elle entendit le bavardage de deux femmes parler d'un domestique qui avait été renvoyé du palais – la princesse se souvint de lui comme étant celui qui avait abîmé la robe de Judith, ce qui justifiait pleinement son renvoi. Elles continuèrent ensuite en déversant leur venin sur elle, finissant par lui confirmer que « Princesse de glace » était bien le surnom qu'on lui avait donné. Quand elles se mirent à faire les éloges de son demi-frère Sorey, elle quitta cet endroit, ne pouvant supporter d'en entendre plus – c'était elle l'héritière et pourtant, depuis qu'il était arrivé, elle avait été reléguée au second plan…

Flynn finit par la retrouver, visiblement mort d'inquiétude, et l'avait reconduite au palais où elle s'enferma dans sa chambre avec ses poupées. Cette sortie l'avait épuisée mentalement et physiquement, faisant qu'elle n'avait pas tardé à aller se coucher en espérant ne plus jamais avoir à retourner en ville.

—Qu'est-ce que j'ai fais pour qu'ils me haïssent comme cela ? se demanda-t-elle en regardant ses poupées avant de lâcher un soupir en repensant à tout ce qu'elle avait entendu. Si seulement Mère était encore là…

Epuisée, elle avait souhaité une bonne nuit à ses poupées et s'était couchée… jusqu'à…

Brille, brille, petite étoile…

Je me demande bien qui tu es.

Qui chantait cette comptine ? Cette chanson douce et légère était devenue bien différente avec cette voix…

Tout en haut au firmament,

Tu as l'éclat d'un diamant.

Brille, brille, petite étoile…

Sodia ouvrit les yeux, cherchant qui pouvait bien chanter cette comptine. Mais personne n'était là… excepté sa poupée Judith qui, étrangement, était à coté de son oreiller au lieu d'être à sa place habituelle. La lumière de la lune l'éclairait, soulignant le bleu de sa chevelure et de sa robe.

Je me demande bien qui tu es…

—Ju… dith ? se demanda la princesse, pensant être en train de rêver.

—Il était temps.

En entendant cette voix émaner de sa poupée, Sodia sursauta et se pinça les joues… réalisant ainsi qu'elle était bel et bien réveillée.

—Encore dix minutes avant que l'horloge ne sonne minuit, déclara la poupée sur un ton quelque peu malicieux.

Un bref éclat de lumière apparut, laissa la place de sa poupée une femme qui lui ressemblait en tous points. Celle-ci lui souriait d'une façon assez… étrange.

—J'espère que tu es prête pour ce qui t'attend princesse, lui dit Judith en la fixant de son regard violine.

—Quoi ? répliqua Sodia qui ne comprenait pas comment sa poupée avait pu devenir humaine. Qui êtes-vous ?

—Tu sais très bien qui je suis. Je te surveille depuis le jour où ton père m'a offerte à toi.

—Que se passe-t-il ?

Jamais elle n'avait été aussi confuse de toute sa vie, ce qui semblait bien amuser cette femme. Comment cela avait-il pu se produire ?

—Tu sauras tout en temps voulu, lui répondit Judith dont le sourire s'élargit. Mais avant, je dois te donner un petit quelque chose…

Une lumière violine apparut entre les mains de cette femme puis, quand elle disparut, elle laissa place à une magnifique pantoufle de verre. Si Sodia fut d'abord impressionnée par la beauté de cette chaussure, elle déchanta très vite quand lui revint en mémoire le seul conte de fées qu'elle avait pu lire dans son enfance.

—Vous êtes une sorcière ! s'exclama-t-elle en ayant un mouvement de recul.

—Je me doutais que tu comprendrais toute seule, lui confirma Judith avant que ses yeux ne se mettent à luire de malice. Il est maintenant l'heure de dire adieu à ta précieuse couronne…

Sodia allait lui demander pourquoi quand résonnèrent les douze coups de minuit. Une étrange torpeur se saisit d'elle et elle sombra de nouveau dans le sommeil.

—Fais de beaux rêves… Cendrillon.

Quand elle se réveilla au matin, Sodia n'était plus dans sa chambre au palais royal mais dans la rue vêtue de haillons et d'un collier représentant la pantoufle de verre de Cendrillon. Elle avait tenté de faire valoir son rang mais elle réalisa avec horreur que plus personne ne savait qui elle était, pas même son père le roi qui, la prenant pour une simple mendiante, lui offrit une bourse contenant des pièces d'or afin qu'elle puisse se nourrir. Les habitants l'évitaient à cause de sa tenue et les nobles se moquaient d'elle…

Elle avait finit par se cacher dans une ruelle en espérant que tout cela n'était qu'un rêve… mais elle ne tarda pas à se rendre à l'évidence : elle était maudite.


NB : Bien... Ca, c'était surtout pour introduire le tout. Par contre, vu que Yuri et Flynn se connaissent dans Vesperia, faudra s'attendre à ce que je prenne des libertés les concernant dans cet univers.

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Note : Pas pu tenir le délai voulu… Je poste du coup plus tard que la date où je poste habituellement car j’ai fini d’écrire ce chapitre trop tard pour qu’Eliandre puisse le corriger (ma faute donc…) Bonne lecture !

Playlist :

- Nightwish – Dark Chest of wonders

- Lindsey Stirling – Shatter me

- Battle Beast – Angel cry

- Caleb Hyles feat Myu – Numb (Linkin Park tribute)

- Imperia – Secret Passion


Partie 5

Cela faisait déjà un petit moment à présent que Rita s’était plongée dans de vieux ouvrages avec Estellise, espérant y trouver des réponses à ses questions.

S’il y avait bien une chose qu’elle appréciait grandement à Séléné, c’était cet accès libre à la connaissance avec cette immense bibliothèque qu’il y avait à Tsuki ainsi que les savants qui n’étaient pas contraints d’être affiliés à un temple. Que cela faisait du bien de ne pas être obligée d’entrer quelque part par effraction ou de trouver quelqu’un pour le faire pour elle – une fois, elle avait eu la chance de tomber sur le seul prêtre de Sol qui ne semblait pas voir d’inconvénient à ce qu’elle consulte certains documents et qui avait été jusqu’à faire le guet le temps qu’elle puisse lire ce qui l’intéressait et ainsi s’apercevoir qu’elle n’aurait jamais ce qu’elle désirait dans ces écrits.

Elle se demandait d’ailleurs pourquoi Hélios réservait tant d’activités aux élites au lieu d’instruire un minimum son peuple qui, bien souvent, était obligé de recourir à un scribe pour pouvoir lire certains documents – dans le cas de Rita, elle devait son savoir au scribe qui l’avait prise sous son aile quand elle était toute petite et qui, voyant son immense désir d’apprendre, avait décidé de lui enseigner la lecture et l’écriture, deux choses qui avaient grandement été utiles aux habitants de son village.

A présent, il lui fallait trouver un indice qui pourrait la mener vers ce lien entre les évènements à Hélios et ceux des Terres des Nyx… si possible avant que Yeagar ne retourne à Némésis car, même si elle était terrifiée par le personnage, il était le seul qui pouvait les aider dans l’immédiat – si seulement elle avait un moyen de contacter Judith… mais il n’y avait que Raven dont elle connaissait l’emplacement et il n’avait pas encore répondu au seul message qu’elle avait pu lui envoyer, ce qui n’était pas très bon signe…

« C’est incroyable tout ce que vous possédez ici ! » s’était exclamée Rita en repérant un ouvrage d’astronomie qui la tentait grandement. « Jamais je n’ai vu ça à Hélios ! »

« Nous sommes pacifistes donc au lieu de fabriquer des armes, nous préférons nous cultiver et vivre en paix avec nos voisins. » avait expliqué la princesse en prenant un livre de contes et légendes sur une étagère. « Hélios commerce beaucoup avec nous, surtout depuis quelques années. »

C’était logique : le royaume de Sol devait compenser la baisse constante de ses réserves de nourriture en exportant ses autres ressources, principalement minières, et en important des produits venant des pays voisins. Or, cette solution ne pouvait pas durer éternellement, surtout si la prochaine crue du Neilos était encore inférieure à la précédente. La famine menaçait les terres d’Hélios et les Nyx risquaient d’aggraver le problème…

« Et avec les Nyx ? » avait questionné Rita, curieuse. « Je sais via des registres que j’avais lu ce qu’exportent Séléné et Myorzo mais pas les Terres des Nyx. »

« C’est assez compliqué depuis plusieurs années avec l’Alliance de Sang… » lui avait répondu Estellise, visiblement pensive. « Je me rappelle vaguement que, du temps de l’impératrice Belius, ils nous vendaient beaucoup de vin, de tissus épais comme la laine et quand nous avions eu une année une surpopulation de sangliers, leurs chasseurs avaient obtenu le droit de venir les traquer chez nous. Cela devait être il y environ cent cinquante ans je crois… Nos archives ou l’un de nos historiens devraient pouvoir répondre précisément à cette question. »

L’érudite était impressionnée : à Hélios, le peu qu’elle avait appris sur les précédents dirigeants de son pays était via le bouche à oreille et le scribe qui l’avait formée – grâce à ses multiples effractions, elle avait ainsi pu dater plus précisément la période de règne du roi Phareoh qui avait été le dernier souverain à commercer avec les Nyx bien que ses rapports avec Gussios puis Astal étaient tendus.

Après avoir pris les quelques ouvrages qui leur avaient semblés pertinents, les deux jeunes filles s’étaient installées à une table pour les consulter – si la princesse avait opté pour des biographies des précédents empereurs de Séléné et un livre retraçant la mythologie de Luna, Rita avait choisi une traduction de divers poèmes et textes sur Umbra puis tous les manuscrits qui pouvaient évoquer les autres dieux.

L’adolescente avait très vite constaté à quel point la mythologie de Topaze avait souffert en Hélios : la déesse du foyer était à l’origine une musicienne vivant dans un village nommé Parques et qui était situé dans les Dents de Cerbère. Visiblement, vu la nature de certains vers, le dieu des ténèbres s’était beaucoup intéressé à elle et lui avait enseigné bien des choses mais leur relation avait visiblement tourné court quand la divinité de la nuit l’avait rejetée et, manifestement, pratiquement poussée dans les bras de son frère Sol.

Pourquoi cacher cela au peuple ? C’était absurde !

Elle avait aussi trouvé pas mal de chansons et de berceuses Nyx ainsi qu’une peinture d’Umbra particulièrement saisissante – si l’on exceptait les yeux rouges, la ressemblance de la divinité avec Yuri était incroyable ! A croire qu’il était sa réincarnation physique…

« Rita, je pense que j’ai quelque chose. » déclara Estellise en lui montrant la page qu’elle lisait. « Ce passage relate le mariage de Luna avec Océan. Il y a aussi la liste de leurs invités ainsi que les cadeaux qu’ils ont amenés avec eux. »

Intriguée, l’érudite y jeta un œil. Sans surprise, elle y lut les noms de Sol et d’Umbra – à priori, les deux frères avaient fait une trêve dans leurs querelles pour ne pas perturber les noces de leur sœur, allant jusqu’à éviter de s’asseoir trop près l’un de l’autre pour ne rien gâcher des festivités. Celui de Topaze était lui aussi présent, la déesse du foyer ayant offert à sa belle-sœur une magnifique composition à la lyre tandis que…

« Hein ? » tiqua l’adolescente en voyant un nom qui ne lui disait rien. « Qui est-ce au juste ? »

-§-

L’aube s’était levée sur Aurum et, après vérification, Narcisse était encore vivant… mais il n’en avait plus pour très longtemps, le laurier rose l’ayant grandement affaibli à défaut de l’avoir tué – rien qu’à l’odeur de sa cellule et à l’état de sa personne, il était clair que personne ne pourrait envier son sort. Autant dire que le décapiter ne pouvait que lui rendre service en abrégeant ses souffrances…

Vu qu’Orpin était instable depuis hier soir et que Yuri n’était pas du tout en état de se montrer en public, Lucrèce était le seul pensionnaire du harem qui assisterait à l’exécution. Qui plus est, Garista était lui aussi absent, sa présence étant requise au temple de Sol, ce qui était parfait pour Raven : il allait pouvoir s’occuper du cas de l’érudit sans risquer d’éveiller les soupçons du sorcier solaire.

Qui plus est, depuis que le roi Thar avait vu Flynn, quelque chose le titillait…

A l’instant même où il avait vu le regard plein de rancœur et de défi du soldat, l’espion avait craint le pire vu l’humeur de son souverain. Mais à sa grande surprise, le roi d’Hélios l’avait longuement dévisagé et son expression était devenue difficile à déchiffrer jusqu’à ce que Yuri finisse par s’interposer entre eux, fixant de ses yeux anthracite ceux mordorés du dirigeant d’Hélios… et le suppliant du regard de laisser son garde tranquille.

Le Nyx était encore fébrile suite à cette soirée bien trop agitée pour lui et ce fut probablement cela qui poussa le roi à quitter la pièce, non sans recommander à l’érudit de se lever à l’aube car il assisterait seul à l’exécution de Narcisse.

De ce que Raven avait pu voir tout à l’heure, Yuri n’avait pas dû dormir de la nuit, ayant probablement pleinement pris conscience de la situation dans laquelle il se trouvait. Le favori avait besoin de temps pour s’en remettre et faire son deuil… Il ne pouvait que compter sur Flynn et Rowen pour le surveiller afin de s’assurer qu’il ne fasse pas de bêtise.

A présent, il était sur la terrasse surmontant la grande cour où serait décapité Narcisse et jusqu’où il avait escorté l’érudit, à présent adossé à un mur et le regard suivant soigneusement tout ce qu’il se passait en bas.

« A quel jeu joues-tu exactement Lucrèce ? » questionna le capitaine, profitant qu’il était seul avec le favori en attendant l’arrivée du souverain.

« Je pourrais vous retourner la question. » répliqua l’érudit en haussant un sourcil. « A part vous, je ne vois pas qui aurait pu fournir un masque à Yuri. »

Prendre Lucrèce à rebrousse poil n’était pas une bonne idée, un peu comme avec Rita mais en moins explosif. Cependant, la flatterie ne le mènerait à rien du tout, surtout si celui-ci était un allié de Garista. Il allait donc devoir avancer avec prudence…

« Un arrangement entre moi et le gamin. » répondit Raven, sachant pertinemment que révéler cela n’aurait pas d’incidence. « Toi par contre, je ne m’attendais pas à ce que tu ais besoin de tant de temps pour dresser une simple liste. »

Ses subordonnés chargés de surveiller le palais avaient été clairs : le favori taciturne avait accès à la réserve du sorcier solaire quand bon lui semblait et avait été vu plusieurs fois au temple de Sol. De plus, sa rancœur à l’égard de Narcisse était visible donc il devait déjà avoir réuni toutes les preuves qu’il lui fallait pour s’en débarrasser. Il avait donc menti sur ses activités réelles avant sa venue au banquet…

« J’avais oublié que vous étiez un espion à l’origine… » déclara Lucrèce en fronçant le nez avant de lever la tête, fixant à présent les murs du palais et les quelques toits des habitations de notables que l’on pouvait distinguer. « Mais vous n’avez pas accès à tout il me semble, comme le temple de Sol. »

« Quelqu’un comme moi n’a aucun droit d’y entrer, effectivement. » confirma le capitaine, ses yeux bleus observant attentivement son interlocuteur qui, à chaque mention de ce lieu de culte, avait grincé des dents. « Le sorcier solaire en pense quoi de ton entrée au… »

« Abattons notre jeu. Nous ne sommes pas ennemis vous et moi. »

Le regard de l’érudit se braqua sur lui avec un certain agacement.

« Jamais je ne serais l’allié de Garista ou de quiconque qui restreint autant l’accès à la connaissance. » poursuivit Lucrèce sur un ton acide. « Je ne suis au harem que dans l’espoir de détrôner ce traître à Hélios de son poste et de lui prendre sa place. Lui ôter quelques appuis au sein du palais est un bonus non négligeable… »

En prononçant ces derniers mots, le favori avait fixé l’emplacement où aurait lieu l’exécution avec satisfaction.

« Narcisse travaillait donc pour Garista ? » questionna Raven, peu étonné par cette information à la vue des derniers évènements.

« C’est le seul qui pouvait lui fournir les poisons qu’il a utilisé au sein du harem. » répondit l’érudit en se tournant vers le soldat. « Je pense qu’il a utilisé du venin de scorpion pour tuer Thot, mon oiseau. De plus, vu les morts des différents rats que j’ai vu agoniser ces cinq dernières années, je suis certain qu’il a forcément eu accès à la réserve du sorcier solaire. Quant à l’objectif initial… cela devait très certainement être ma mort. »

Cela était plutôt logique : si Garista avait compris que Lucrèce en voulait à sa fonction, il avait tout intérêt à se débarrasser de lui dans un lieu où l’on ne pourrait pas l’accuser directement… comme le harem. Qui plus est, l’arrivée de Yuri qui était très demandé par le roi avait dû attiser fortement la jalousie de Narcisse qui en avait oublié la raison de son alliance et expliquerait ainsi que le sorcier solaire ait contribué à sa perte lors du banquet. Par contre, il y avait un détail qui ne collait pas…

« Bien que je sois très enclin à croire cette histoire, une chose n’y est pas cohérente. » souligna l’espion en se souvenant du rapport fait par ses hommes après la fouille totale du harem. « Si, effectivement, du laurier rose a été trouvé chez Narcisse, rien n’indique qu’il ait usé de cactus Peyotl. »

« Vraiment ? » demanda l’érudit, très surpris. « C’est vrai que cet empoisonnement-ci avait été très différent des autres mais cet imbécile n’était pas malin au point d’avoir pu cacher toutes les preuves. »

« Nous sommes d’accord. Aucun de ses serviteurs n’a été aperçu près de la réserve de Garista avant cette histoire, ce qui est d’autant plus troublant. »

Qui était donc le coupable pour cela et dans quel but ? Le sorcier solaire aurait-il soudoyé un serviteur ? C’était une question à laquelle il leur fallait impérativement trouver la réponse…

-§-

La nuit avait été compliquée pour Flynn, principalement suite à ce qu’il s’était passé entre Yuri et le roi. Il ne pouvait le nier : il avait ressenti une rage folle à l’égard de son souverain et, s’il ne s’était pas retenu, il l’aurait certainement frappé au lieu de le défier du regard comme il l’avait fait.

Cependant, pour une raison qui lui échappait, le roi Thar s’était contenté de le dévisager… avant de quitter la pièce suite à l’intervention du Nyx. Après cela, un silence pesant avait régné dans la chambre et ce jusqu’à ce que Lucrèce leur ait rappelé qu’il leur fallait dormir – les deux favoris avaient partagé le lit et lui s’était installé dans un des fauteuils.

Au lever du soleil, le soldat n’avait eu besoin que d’un coup d’œil pour comprendre que jamais Yuri ne serait en état d’assister à l’exécution : tout indiquait qu’il n’avait pas fermé l’œil et que, quoiqu’il se soit passé sur la terrasse, cela avait eu un tel impact sur lui qu’il n’avait même pas l’air de réaliser ce qu’il pouvait bien se passer autour de lui – la force avec laquelle il avait sursauté quand l’érudit lui avait touché l’épaule était la preuve qu’il n’était plus très attentif à son environnement. Lucrèce était donc parti seul avec Raven, non sans lui conseiller d’appeler Rowen en cas de besoin.

A présent qu’ils étaient seuls avec le serviteur, Flynn essayait de déterminer comment il pourrait être en tête à tête avec le Nyx afin de mieux comprendre la gravité du problème et espérait pouvoir le sortir de cet état au plus vite…

« Si je puis me permettre. » déclara le vieil homme en désignant une porte derrière lui. « J’avais pris la liberté de préparer les bains dans le cas où l’un d’entre vous aurait souhaité se rafraichir un peu après le banquet. »

Pour le coup, le soldat devait reconnaître que cette information tombait à pic ! Qui plus est, le favori avait bien besoin de changer de vêtements vu l’état dans lequel étaient les siens – tout indiquait qu’il avait dû se retourner une bonne centaine de fois dans le lit, ses habits de lin s’étant bien froissés et étant imprégnés d’une odeur de vin peu agréable.

« Merci pour cela. » remercia-t-il son aîné avec respect. « Je vais l’aider moi-même à s’y rendre si vous n’y voyez pas d’inconvénient. »

« Absolument aucun. » déclara Rowen avec un sourire amical. « Je m’assurerai que personne ne vienne vous déranger. »

Il remercia à nouveau le serviteur puis, prudemment, il s’approcha du lit, là où était assis Yuri depuis un bon moment déjà, les yeux dans le vague. Il posa sa main sur l’épaule du favori, le ramenant brusquement à la réalité.

« Ce n’est que moi. » le rassura Flynn en se baissant pour être à son niveau. « Est-ce que ça te gêne si je m’occupe de toi à la place de Karol ? »

Face à ce regard vide, il crut un moment ne pas recevoir de réponse mais contre toute attente, le Nyx secoua négativement la tête. Le soldat s’écarta un peu pour le laisser se lever et lui prit doucement la main, sentant les longs doigts fins trembler contre sa paume – en constatant cette réaction, il avait instinctivement commencé à passer son pouce sur cette main tout en la serrant avec le plus de délicatesse possible.

Calmement, le garde conduisit le favori vers les bains, peu attentif au couloir qu’il empruntait jusqu’au moment où ils arrivèrent devant les portes des bains royaux. Il les ouvrit, découvrant un bassin un peu plus grand que celui du harem et mieux éclairé grâce aux nombreuses ouvertures qui y laissaient entrer la lumière. Il y avait aussi, dans un coin, une table sur laquelle avait été soigneusement disposés des accessoires pour les cheveux, des pagnes en lin blanc impeccablement pliés et deux paires de sandales. A côté, il y avait une chaise en bois sombre dont les pieds sculptés évoquaient des pattes de lion.

Comme promis, personne n’était présent ici et ils étaient donc seuls en ces lieux.

« Est-ce que tu veux que je t’attache les cheveux ? » proposa Flynn en désignant d’un signe du menton les bandeaux en lin présents sur la table. « A moi que tu ne veuilles les laver ? »

Yuri lui répondit d’un hochement de tête négatif, son regard anthracite dirigé vers le sol carrelé, puis il libéra sa main de celle du soldat avant d’essayer de défaire sa tresse qui ne ressemblait plus du tout à ce qu’elle était hier soir.

Pendant ce temps, le garde repéra où étaient les pots d’onguents et d’huiles parfumées ainsi que les jarres contenant de l’eau pour se rincer. Se fiant à son odorat, il choisit uniquement des senteurs qui n’imprégnaient pas trop ses narines et opta pour une huile parfumée au lys – Karol aurait probablement choisi autre chose, le jeune serviteur ayant à la fois le nez et l’œil pour s’occuper de celui qui était à la fois son maître et ami.

Un coup d’œil vers le favori lui permis de constater que celui-ci avait fini de défaire sa coiffure, peignant à présent sa longue chevelure sombre d’un geste moins vif qu’à son habitude – le matin au réveil, il l’avait souvent vu user d’un peigne en os pour remettre ses mèches désordonnées en place, le tout avec un mouvement qu’il trouvait élégant à voir. L’habit de lin noir qu’il n’avait pas quitté depuis leur départ du harem était plus ouvert qu’à l’origine, probablement parce que la ceinture d’origine avait été troquée contre une autre en lin sombre pour une question de confort et que le vêtement n’avait pas été correctement mis en place, dévoilant plus largement le torse qu’il ne le devrait.

Face à cette scène, Flynn prit place face à Yuri et entreprit de le déshabiller, chose que ce dernier ne semblait qu’à peine relever bien que ce geste était hautement inhabituel entre eux. Il essayait de résister à l’envie de toucher cette peau d’albâtre, faisant en sorte que ses doigts ne la frôlent pas plus que nécessaire tandis qu’il ôtait le tissu sombre qui la cachait.

Une fois l’habit en lin sombre au sol, le soldat s’attaqua à ses propres vêtements en se mettant dos au favori – jamais il ne se présentait nu devant lui au harem, à la fois par pudeur et aussi parce qu’il savait ce que certaines mauvaises langues pourraient faire courir comme rumeurs sur leur relation, faisant que la seule fois où cela s’était produit était lors de cette fameuse nuit où Umbra s’était montré dans les bains. Il garda son bracelet au poignet – Lucrèce le lui avait rendu peu avant de partir ce matin – puis se passa une main dans les cheveux avant de jeter un coup d’œil sur son camarade, remarquant que celui-ci avait la tête tourné sur le côté et les oreilles plus colorées que d’ordinaire…

Soudain, une des images montrée par le dieu de la nuit lui revint en mémoire : celle qui se passait aux bains et où tous deux étaient dans une position loin d’être innocente… Il avait été tellement préoccupé par l’état du Nyx qu’il en avait oublié ces visions.

« Je… pense qu’il faudrait que l’on parle de ce… baiser. » estima Flynn en essayant de dissimuler sa gêne avant d’entrer dans le bassin. « Sauf si… »

« Non ! » répondit brutalement Yuri, son visage ayant pris une bonne teinte carmine.

Rapidement, le favori entra à son tour dans l’eau et lui tourna le dos en ramenant ses cheveux sur le côté, dévoilant une partie du tatouage de scorpion qu’il avait derrière la nuque.

Voyant qu’il était à présent ignoré, le soldat soupira de dépit et commença à se laver la tête, frottant bien l’huile parfumée sur ses épis blonds avant de se rincer avec une jarre d’eau claire. Il eut comme une sensation d’inconfort au niveau de son épaule droite, probablement suite au fait qu’il avait un peu trop forcé dessus ou parce qu’il avait encore dormi dans une mauvaise position cette nuit. Par réflexe, il la fit rouler une ou deux fois pour essayer de faire passer cela mais cela ne changea rien.

Alors qu’il envisageait de prendre un pot d’onguent, il entendit bouger dans l’eau puis sentit deux mains se poser dans son dos et commencer à masser doucement la zone concernée. Contrairement à hier, les mouvements avaient moins de vigueur et étaient plus hésitants, comme si le Nyx n’était pas concentré sur ce qu’il était en train de faire. Il allait lui demander pourquoi il faisait cela quand…

« Tu te souviens quand je t’ai dis que je n’avais aucune famille ? » le questionna Yuri, sa voix quelque peu tremblante.

« Oui… » répondit Flynn, se remémorant le jour où il lui avait dit de qui il tenait son bracelet. « Tu me disais que tu ne pouvais pas comprendre ce que je ressentais. »

Il entendit déglutir difficilement derrière lui tandis que les doigts qui étaient sur sa peau bougeaient plus lentement.

« Je n’ai jamais connu mes parents. » déclara le favori, le son de sa voix trahissant le fait qu’il cherchait à cacher ses émotions. « Ils ont été tués avant que je ne puisse me souvenir de leurs visages, leurs odeurs… Beaucoup ont connu ça parmi mon peuple et dans ces cas-là, les orphelins rejoignent bien souvent un clan en perpétuant ce cycle sanglant. »

« D’où les histoires horribles que l’on entend en Hélios sur le peuple de la nuit… » supposa le soldat, se souvenant de quelques récits où l’on racontait que les Nyx enlevaient les nouveau-nés et les jeunes filles en âge de se marier.

« Entre autres… Dans mon cas, j’ai échappé à ça car le… sage nocturne m’avait recueilli. Je suis devenu son apprenti… même si je n’étais pas trop… d’accord pour ça. »

Un rire étrange échappa au Nyx, ce qui inquiéta le garde. Les mains sur son épaule ne bougeaient plus et étaient à présent juste posées contre celle-ci. Doucement, il les ôta puis se tourna face à son ami… pour constater que le visage aux traits fins qui, habituellement, affichait plutôt une expression moqueuse, était à présent voilé par une profonde détresse.

« Je ne l’écoutais qu’à moitié » poursuivit Yuri, les yeux dans le vague. « Je préférais aller dans les montagnes chasser des lièvres ou… sortir de cette fichue caverne où ça empestait la mort… Il m’avait grondé je ne… sais combien de fois… et je m’en moquais. Puis un… un jour, il m’a dit… de m’enfuir, de quitter Némésis. Il m’a… couvert et… je ne l’ai plus jamais… »

La voix du favori mourut dans sa gorge dans un son étranglé. Les lèvres fines s’étaient mises à esquisser une grimace et les dents qu’elles dissimulaient grinçaient avec violence. Délicatement, Flynn posa ses mains de chaque côté du visage du bel éphèbe, sentant clairement les tremblements qui secouaient son corps tout entier.

Il avait déjà vu et ressentit cela… quand son père était mort alors qu’il était encore un enfant. Il avait essayé de toutes ses forces de dissimuler sa tristesse pour que personne ne voit à quel point il souffrait intérieurement et il était allé jusqu’à se cacher dans un bosquet de papyrus. Sauf que Sodia, qu’il rencontra ce jour-là, l’avait trouvé. Il avait craint qu’elle ne se moque de lui mais celle-ci lui avait dit qu’elle ne le jugerait pas et qu’il avait tout à fait le droit de pleurer s’il le voulait. Alors il avait cessé de retenir ses larmes, déversant sa peine tandis que celle qui allait devenir son amie était restée à ses côtés pour lui tenir compagnie et aussi éloigner des garçons plus âgés qui venaient pour se moquer de lui – elle avait réussi à les tenir en respect en leur jetant des cailloux et en frappant l’un d’eux d’un coup de pied pile au niveau de l’entrejambe.

Il avait rendu la pareille à la rousse des années plus tard quand elle avait perdu sa mère, lui permettant d’apaiser discrètement son chagrin sans montrer celui-ci à tous les curieux du village.

A présent, il devait à nouveau aider quelqu’un à apaiser sa douleur et ce fut donc avec la plus grande délicatesse qu’il lui leva la tête et attendit que ce regard anthracite, voilé par un tourbillon d’émotions, vienne se fixer dans le sien.

« Il n’y a que nous ici. » lui dit Flynn avec calme. « Tu peux hurler, crier ou autre, cela restera entre nous. Je t’en fais la promesse. »

Les yeux gris s’agrandirent d’étonnement en entendant ces mots puis parcoururent chaque morceau de son visage, cherchant, certainement par réflexe, le moindre signe de mensonge. Soudain, des larmes, jusqu’ici difficilement contenues, vinrent les embuer avant de glisser le long des joues pâles, frôlant la bouche tremblante dont les lèvres étaient serrées l’une contre l’autre. Sans autre avertissement, Yuri se jeta dans ses bras et extériorisa toute sa souffrance.

-§-

Quand était-ce la dernière fois qu’il avait pleuré ? Il se rappelait vaguement avoir versé une larme en épluchant des oignons à plusieurs reprises mais cela ne comptait pas, tout comme les fois où il s’était accidentellement piqué un doigt en essayant de faire de la couture. Il n’avait pas non plus réagi quand les autres enfants avaient commencé à l’embêter à Némésis… ce qu’ils avaient amèrement regretté par la suite.

Non, Yuri avait beau réfléchir, il n’avait aucun souvenir d’une douleur aussi profonde que celle qu’il ressentait actuellement…

Certes, il avait déjà vécu des instants de deuil mais la majorité du temps, ce n’était pas des personnes qu’il avait eu le temps de connaître. Qui plus est, il avait vu défiler tellement de cadavres durant son enfance que cela l’avait habitué à la mort, quelque chose qui, sous le règne de tyran de Barbos, était malheureusement normal. Il avait vécu dans une sorte de cocon, la peine suscitée par la perte d’un proche ne pouvant l’atteindre… mais pas la colère des survivants qui réclamaient vengeance.

Le sang appelle le sang. Voilà ce qui résumait bien la société des Nyx telle qu’il la connaissait. Il n’y avait pas de place pour les émotions, la paix, la famille, l’amour… tout cela volait vite en éclats avec l’Alliance de sang qui avait changé Némésis en une cité à l’ambiance lourde et où l’odeur métallique du sang régnait.

En venant à Hélios, il n’aurait jamais imaginé voir une telle insouciance parmi les habitants. Aucun ne semblait craindre de se faire égorger sans prévenir à tout moment du jour ou de la nuit, les enfants jouaient sans crainte, les couples se dissimulaient à la vue des autres pour obtenir un moment d’intimité… C’était la première fois qu’il voyait quelque chose ressemblant à la paix… même s’il avait découvert plus tard que ce pays était lui aussi tourmenté, ce qui l’avait poussé à ne pas se laisser faire, n’ayant aucun désir de voir à nouveau défiler les cadavres de personnes qui n’auraient pas dû mourir.

Bien qu’il en ait longtemps voulu au sage nocturne pour l’avoir assommé et mis dans cette barque, il lui était reconnaissant pour lui avoir fait voir ce qu’il y avait au-delà de la cité sanglante.

Ce fut pour cela que lorsqu’Umbra lui annonça la mort de cet homme à qui il devait tout, Yuri avait refusé d’y croire car il savait que son mentor était quelqu’un de robuste et la maladie le fuyait. Mais quand le roi Thar lui confirma cette information en lui précisant que c’était l’œuvre de Barbos, il avait senti son monde s’écrouler comme s’il venait de se faire planter un poignard en plein cœur. Bien entendu, il avait nié cela avec force, refusant d’admettre la vérité, mais le regard mordoré du souverain n’avait trahi aucune once de mensonge…

Incapable de fermer l’œil, Yuri avait passé sa nuit à se maudire lui-même pour avoir été un élève aussi peu attentif, surtout quand il avait réalisé qu’il ne se souvenait pas de la moitié de ce qu’il était censé savoir, faisant qu’il s’était mis à angoisser à l’idée même que son propre peuple risquait de disparaître par sa faute. Comment pouvait-il leur expliquer qu’il était bien incapable de réaliser certains rituels car il n’en connaissait pas le contenu ? Et puis il se savait mentalement incapable de retourner à Némésis, pas tant que les eaux de l’Érèbe étaient souillées par le sang des enfants d’Umbra…

Au matin, Lucrèce avait tenté de le convaincre de boire une infusion d’herbes préparée par ses soins mais le Nyx avait refusé, n’ayant pas oublié les évènements de la veille. Il était plutôt soulagé que l’érudit soit parti seul assister à l’exécution car il n’aurait certainement pas supporté cela, même si c’était la tête de Narcisse qui allait être séparée de son corps. Il se sentait complètement… vide, épuisé par son angoisse qui l’avait maintenu éveillé et qui l’empêchait encore de trouver le sommeil.

La patience dont Flynn faisait preuve à son égard le touchait, même s’il avait été contrarié et… très gêné qu’il lui rappelle qu’Umbra avait pris un malin plaisir à lui piquer son corps pour assouvir certains… fantasmes cachés…

Non, Yuri savait qu’il ne pouvait pas se permettre ce genre de désirs, surtout maintenant qu’il savait qu’il était certainement le nouveau sage nocturne, ce qui lui imposerait de rentrer à Némésis et de rester sur les Terres des Nyx jusqu’à sa mort. Entretenir une relation avec quelqu’un n’était peut-être pas prohibé chez le peuple de la nuit mais à cause des guerres de clans et du fait que celui qui porte la parole d’Umbra doit rester neutre, cela était hautement complexe car il y avait le risque que cela soit vu comme un moyen de favoriser un clan plutôt qu’un autre. Il en voulait au dieu des ténèbres pour lui avoir fait faire cela… et il s’en voulait de ne pas avoir détesté cela.

Il avait voulu chasser ce souvenir gênant mais cela avait ravivé ses angoisses et le favori luttait intérieurement pour essayer de se calmer, ce qui ne fit que lui rappeler à quel point cela lui faisait mal d’avoir perdu la seule personne à laquelle il tenait dans son pays d’origine.

Quand il avait noté que Flynn avait encore une fois des soucis avec son épaule, il avait commencé à lui faire un massage mais il n’arrivait pas à se concentrer et, sans trop savoir pourquoi, il s’était mis à lui parler de ce qu’il ressentait actuellement… faisant remonter tout ce qu’il s’était évertué à refouler pendant des heures. L’hélien l’avait écouté et, par son regard azur qui exprimait toute l’empathie qu’il avait à son égard, le Nyx sut que cette promesse serait tenue… et il avait cessé de contenir sa peine, la laissant s’exprimer par des larmes et des cris de désespoir.

Il avait longuement pleuré sur l’épaule de son ami, extériorisant toute sa douleur tandis que des bras le serraient avec douceur. Durant tout ce temps, il ne l’entendit à aucun moment dire quoique ce soit mais il avait bien senti ces mains sur son corps et la chaleur de celui contre lequel il s’était lové. Cette étreinte l’apaisait et était réconfortante, comme s’il était dans une sorte de cocon protecteur. Ce geste, à ses yeux, valait mille fois plus que de simples paroles.

Après que ses larmes se soient taries, Yuri réalisa à quel point il était fatigué. Ses jambes le supportaient à peine et s’il n’était pas appuyé contre ce torse chaud, il n’était pas certain qu’il tiendrait debout. Il avait vraiment besoin de dormir.

« Tu veux que je t’aide ? » lui demanda doucement Flynn qui avait légèrement resserré sa prise, comme s’il avait senti ce qui clochait.

Le favori écarta sa tête de cette épaule réconfortante pour se retrouver très près du visage de son garde. La distance entre eux était plus qu’indécente car avec le peu de centimètres – non, c’était plutôt des millimètres vu qu’il était quasiment collé contre lui – qui les séparaient, il lui était difficile de ne pas détailler chaque parcelle de son visage, allant de ses yeux bleu azur qui lui rappelaient la couleur des eaux du grand lac Lymna durant les étés ensoleillés à ses lèvres abîmées par la chaleur d’Hélios et qui s’étaient réhydratées il y a peu, révélant leur teinte légèrement rosée. Tout comme sa vue, son odorat était lui aussi accaparé par ce jeune homme aux cheveux d’or, distinguant parfaitement son parfum musqué à travers les différentes fragrances qui régnaient dans les bains.

Il sentit son rythme cardiaque s’accélérer quand il posa à nouveau son regard sur cette bouche qui lui rappelait ce baiser qu’Umbra avait initié. Même s’il haïssait la divinité pour avoir osé faire ça, il mentirait en disant qu’il avait détesté ce contact et qu’il ne souhaitait pas le renouveler. C’était perturbant pour lui d’avoir un tel désir d’embrasser quelqu’un et, inconsciemment, il mordilla légèrement sa lèvre inférieure… avant de se souvenir que le soldat pouvait voir toutes ses réactions, ce qu’il réalisa en sentant un léger mouvement de recul chez ce dernier.

« Pardon. » fit le Nyx en détournant légèrement la tête, honteux de s’être fait prendre en flagrant délit. « Je repensais à… ce qu’a fait Umbra. Désolé pour ça.»

« Ce n’est pas ta faute » lui répondit son ami en relâchant sa prise pour poser ses mains sur ses épaules. « C’est juste que… je n’ai jamais été habitué à ce genre de… contact. »

En entendant ces mots, Yuri eut beaucoup de mal à ne pas réagir et à ne pas se sentir encore plus coupable. Il n’avait jamais abordé ce sujet avec Flynn mais il aurait vraiment préféré qu’il ait déjà eu quelques expériences amoureuses au lieu de s’être fait dérober son premier baiser par ce pervers de dieu des ténèbres ! S’il pouvait étrangler cette fichue divinité qui s’amusait à lui piquer son corps…

« Ah… » fut la seule parole du Nyx qui ne se sentait pas du tout d’humeur à rester sur ce sujet ou à taquiner qui que ce soit.

« On devrait sortir d’ici. » lui fit remarquer le soldat avec douceur. « Tu as besoin de dormir. »

Oh oui, il en avait besoin… vu qu’il comptait bien profiter de la nuit pour régler ses comptes avec ce fichu dieu pervers et essayer de trouver une solution au fait qu’il n’était pas du tout prêt à être sage nocturne.

Aidé par le soldat, il quitta le bassin puis chacun se sécha de son côté avant d’enfiler un des pagnes prévus à cet effet. Plusieurs mèches mouillées vinrent le déranger et il dut s’appliquer à essayer d’essorer au mieux sa chevelure, le poids de celle-ci commençant à tirer sur sa nuque. A un moment, il perdit l’équilibre, son pied ayant glissé sur une flaque d’eau, mais il fut rattrapé de justesse par son ami qui lui évita une rencontre brutale avec le sol. Seulement, la fatigue et le fait qu’il n’avait rien mangé commençaient à le rattraper, lui donnant l’impression d’avoir reçu un violent coup de massue. Sans réelle surprise, il eut un moment de faiblesse, sa vue se brouillant, et encore une fois, il évita de peu la chute grâce à la vigilance de son gardien.

« Tu tiens à peine debout. » lui fit remarquer Flynn avec inquiétude.

« J’avais vu oui… » grogna Yuri en sentant son estomac lui rappeler qu’il n’avait rien avalé depuis la veille. « Je peux tenir jusqu’à la chambre. »

Sauf que, visiblement, son ami en doutait fortement car à peine eut-il prononcé ces mots que le favori sentit quelque chose derrière ses jambes et tomba en arrière… du moins il le crut avant de réaliser qu’il était fermement tenu par un bras dans son dos et un autre sous ses genoux. Par réflexe, il s’était raccroché à ce qui était à sa portée et cela avait été le cou du soldat qui, à présent, le portait d’une manière qui le gênait fortement…

« Pose-moi par terre ! » s’exclama le Nyx, absolument pas ravi d’avoir été soulevé comme s’il était une jeune mariée. « Je peux marcher ! »

« Permets-moi d’en douter. » répliqua l’hélien en le fixant en fronçant légèrement les sourcils. « Rappelle-toi que mon travail est aussi de veiller sur toi donc s‘il t’arrive quoique ce soit… »

« Juste pour cette fois. Après, tu ne t’avises plus de me porter sans mon accord… »

Sans attendre de réponse, Yuri se colla autant que possible contre Flynn pour faire en sorte qu’il n’ait pas à trop forcer sur ses bras – quoique vu leurs différences de carrure, il y avait de bonnes chances pour que son ami ne le trouve pas si lourd que ça. Ses yeux avaient du mal à rester ouverts mais il se garda bien d’admettre qu’effectivement, il n’aurait pas été capable de retourner seul dans la chambre, ayant tout de même un minimum de fierté. Par contre, sa gêne concernant leur proximité était toujours bien présente et il espérait sincèrement que cela s’estomperait car à la fois à cause de son statut au harem et de ce qu’il était à présent aux yeux du peuple de la nuit, il ne pouvait absolument pas se permettre d’être attiré par quelqu’un.

Arrivés près des portes de la chambre de la reine, celles-ci leur fut ouvertes par Rowen et le soldat entra… avant de brutalement s’arrêter, interpelant le Nyx qui leva les yeux vers ce dernier. En constatant que celui-ci avait la mâchoire crispée et qu’il regardait fixement devant lui, le favori chercha ce qui pouvait tant le contrarier… et sentit toute fatigue le quitter pour être remplacée par une profonde terreur quand son regard tomba sur l’un des fauteuils qui était occupé par le roi Thar qui les avaient manifestement bien vu entrer.

-§-

Lui qui pensait pouvoir enfin permettre au favori de se reposer, il constata que cela ne serait pas possible quand il vit que le roi était présent, probablement en train de les attendre. Flynn retenait difficilement sa colère, surtout en sentant que Yuri n’était pas tranquille en présence de cet homme, mais il n’allait certainement pas baisser les yeux, même s’il était son souverain.

« Pose-moi sur le lit. » lui souffla le Nyx à voix basse. « Tout de suite. »

Le soldat s’exécuta, brisant le contact visuel avec le roi pour se concentrer sur sa tâche. Il croisa le regard anthracite de son ami qui le suppliait de ne pas défier le maître des lieux avant de se mettre à l’ignorer, mettant ainsi un minimum de distance entre eux. Il s’écarta ensuite du favori, laissant sa place à Rowen qui vint s’enquérir des désirs du bel éphèbe.

Calmement, Flynn se positionna près de l’ouverture de la terrasse, lui permettant d’avoir une bonne vue sur la porte d’entrée de la chambre ainsi que celles menant aux bains mais aussi d’être bien placé pour voir toute la pièce, ce qui lui permit de constater qu’ils n’étaient que quatre et que, sur la table basse, se trouvait une pile de rouleaux de papyrus ainsi que de quoi écrire.

« Il n’est pas très sage votre Altesse de venir travailler ici. » fit remarquer le vieux serviteur après avoir parlé avec Yuri. « Vous seriez plus à l’aise dans votre bureau. »

« Rowen, cette pièce prendrait la poussière si je n’y venais pas de temps en temps et toi avec. » répondit le roi en reportant son attention sur le contenu d’un rouleau. « Si tu n’avais pas demandé à rester ici, je t’aurais envoyé avec les autres serviteurs de cette partie du palais à Azurapolis profiter de la brise marine au service de cette vieille folle. »

« Dois-je vous rappeler que la reine Invidia, votre belle-mère, n’a toujours eu que très peu d’égards pour son personnel ? »

« Je le sais oui. Bérénice était sa copie conforme… »

En prononçant ces mots, Flynn remarqua que la mâchoire du roi Thar s’était crispée et que ses mains tenaient plus fermement le rouleau de papyrus, comme s’il était contrarié par ce sujet de conversation. Le souverain ne se calma que lors du départ du vieux serviteur mais il était clair qu’entendre parler de la dernière reine d’Hélios ne lui avait pas du tout plu.

Soudain, il croisa de nouveau le regard mordoré qui, cette fois-ci, le détailla des pieds à la tête, marquant quelques arrêts pour scruter plus attentivement certains détails de sa personne. Le soldat se garda bien de lui rendre la pareille, surtout que contrairement à lui, le souverain portait une coiffe et un habit de lin blanc qui dissimulaient ses cheveux et une bonne partie de son corps.

« Quel est ton nom ? » lui demanda le maître des lieux, visiblement curieux.

Au mouvement qu’il perçut sur le côté et au son des draps froissés, il sut que cette question avait fait réagir Yuri qui devait être en train de se préparer à intervenir d’une manière ou d’une autre.

« Flynn. » répondit froidement le jeune homme, provoquant un léger rire amusé chez son interlocuteur.

« Je vois que tu me détestes. » fit le roi Thar avec un léger sourire avant de fixer son favori. « Cela me rappelle des souvenirs… »

Vu la façon dont le Nyx serrait les dents, le soldat supposa qu’il parlait de leur première rencontre… ainsi que des premiers jours de captivité de son ami – jamais ce dernier n’avait voulu en parler en détail mais il se doutait que cela avait été loin d’être agréable.

« On ne peut pas dire que vous soyez doué pour vous faire apprécier. » lança le bel éphèbe sur un ton acide.

« Vraiment ? » répliqua le souverain qui perdit son maigre sourire. « Cela se voit que tu n’as pas connu la reine Invidia ou Bérénice. »

Après avoir prononcé ces mots, le maître des lieux quitta le fauteuil qu’il occupait et marcha d’un pas vif jusque devant la grande broderie au mur représentant des femmes semant le blé. Il passa ses doigts dessus, faisant bouger celle-ci… et révélant brièvement le bas d’une alcôve qui était cachée derrière.

« Quand j’ai pris possession des lieux, j’ai personnellement examiné chaque pièce du palais. » leur expliqua le roi en attrapant fermement un morceau du tissu accroché au mur. « J’ai fais ajouter ceci par Rowen en découvrant ce que ma chère belle-mère avait osé faire… »

D’un geste, le roi Thar tira sur la broderie, l’arrachant du mur… et dévoilant la fameuse alcôve où se trouvait un autel probablement dédié à Topaze mais qui avait vraisemblablement été vandalisé, des traces de chocs étant visibles sur la pierre ainsi que sur les gemmes colorées qui étaient soient cassées, soient manquantes dans les emplacements qui étaient prévus pour elle. Il y avait aussi des morceaux de pierre plus claire qui étaient probablement les restes de la statuette représentant la déesse du foyer…

Face à cette découverte, Flynn se sentait mal à l’aise, surtout en pensant au fait que Topaze était une divinité importante en Hélios, surtout pour les femmes. Comment quelqu’un, qui plus est la reine de ce royaume, aurait pu oser commettre un tel sacrilège ?

« Je présume qu’elle a fait cela en apprenant que mon père préférait le fils qu’il avait eu d’une de ses maîtresses au harem à sa fille Bérénice pour lui succéder sur le trône. » leur exposa le souverain en reprenant place dans le fauteuil. « Cette femme a toujours détesté celles qu’elle voyait comme ses rivales… »

Pourquoi leur racontait-il cela ? Le soldat cherchait à comprendre cette bizarrerie quand, soudain, le roi lui envoya un rouleau de papyrus qu’il rattrapa au vol. Intrigué, il regarda l’objet avant de lever les yeux vers le maître des lieux qui le fixait de son regard mordoré.

« Qu’attends-tu donc ? » fit le roi Thar en haussant un sourcil, l’air agacé. « Lis-le ! Et parle de façon intelligible. »

En grinçant des dents, Flynn s’exécuta, lisant à haute voix chaque ligne. Il ne tarda pas à comprendre qu’il avait entre ses mains une liste recensant la production minière d’Hélios : Albâtre, Marbre, Granit, Rubis, Grenat… ainsi que d’autres pierres de taille ou pierres précieuses. Il ne pouvait pas dire si les quantités qu’il voyait étaient aussi élevées qu’elles lui semblaient être mais lire cela lui rappela son père qui travaillait dur dans les Dunes, tantôt dans les carrières, tantôt dans les mines, afin qu’ils puissent manger à leur faim. Il n’avait qu’une dizaine d’années quand son cher parent était mort suite à une maladie grave, le laissant seul avec sa mère qui le quitta brutalement quand il eut quatorze ans.

« Pas de surprises… » déclara le souverain, le regard dans le vague, avant de lui lancer un deuxième rouleau. « Continue ! »

Cette fois-ci, le soldat eut une liste de toutes les récoltes du pays et, ayant déjà travaillé dans les champs quand il était plus jeune, il trouvait ces chiffres faibles, une impression qui se confirma quand il repéra une annotation d’un scribe qui signalait une baisse inquiétante des réserves de céréales suite à des crues trop faibles du Neilos.

« C’est encore pire que l’année précédente. » grogna le roi Thar en regardant le contenu d’un autre rouleau.

Pendant que le souverain était occupé, Flynn reporta son attention sur Yuri et constata que le sommeil avait pris le dessus : le Nyx était allongé sur le ventre, un bras sous sa tête, et dormait paisiblement, ses longs cheveux de jais éparpillés sur le lit. A tous les coups, la lecture de ces listes l’avait endormi, ce qui n’était peut-être pas plus mal vu qu’il n’avait pas été capable de fermer l’œil de la nuit.

En jetant un coup d’œil vers les différentes portes existantes, il réalisa que cela faisait un moment que le vieux serviteur s’était absenté. Que faisait-il au juste ?

« Si tu cherches Rowen, je l’ai envoyé faire quelque chose pour moi. » déclara le maître des lieux avant de lui lancer un dernier rouleau. « Lis-le si tu y arrives. »

Se demandant pourquoi le roi lui faisait faire cela, il s’exécuta, lisant soigneusement chaque ligne de ce qui était une lettre de l’empereur Ioder de Séléné qui, visiblement, acceptait un échange commercial : contre certaines pierres précieuses, il était prêt à offrir bon nombres de fruits et de légumes afin de nourrir le peuple d’Hélios. Le dignitaire étranger avait terminé son message en souhaitant que la situation chez son voisin s’arrange.

Sa lecture finie, le soldat leva les yeux vers le roi Thar… et constata que celui-ci le fixait avec grand intérêt. Cela lui fit réaliser l’objet de ces lectures : il se faisait tester.

« Excellent niveau pour un simple soldat. » le complimenta le souverain avec un sourire en coin. « Peu de scribes au palais arrivent à lire aussi bien l’écriture de l’empereur de Séléné... »

Flynn reconnaissait que l’empereur Ioder avait une écriture assez inhabituelle mais cela restait lisible pour lui – Sodia lui avait prêté quelques récits quand ils étaient plus jeunes et certains avaient été très mal recopiés, faisant qu’il s’était habitué à devoir faire du déchiffrage. Cependant, il n’avait pas conscience qu’il avait un si bon niveau en lecture…

Un grincement se fit entendre et, en tournant la tête, ils virent entrer Rowen avec un plateau de nourriture entre les mains, suivi de Lucrèce qui, lui, avait amené avec lui une palette de scribe. Le son de la porte avait vraisemblablement réveillé Yuri, ce dernier ayant déplacé ses jambes et ayant entrouverts ses yeux.

« Ce que vous m’avez demandé votre Altesse. » déclara le favori taciturne en posant ce qu’il tenait entre ses mains à côté des rouleaux. « Vous avez encore besoin de moi ? »

« Tu peux retourner au harem. » lui répondit le souverain avant de faire signe au soldat de venir vers lui.

L’érudit s’inclina avec respect puis, après un signe de tête vers le garde, quitta la chambre de la reine. De son côté, le serviteur avait doucement achevé de réveiller le Nyx qui essayait tant bien que mal de dissimuler un bâillement tandis que Flynn s’installa avec méfiance dans le fauteuil qui lui était désigné.

« Je vais te dicter ma réponse à l’empereur de Séléné. » lui expliqua le roi Thar en lui remettant un morceau de papyrus vierge. « Elle sera brève mais tu es prié de t’appliquer. »

Même s’il était quelque peu tenté de faire des fautes, le jeune homme savait qu’il n’avait pas intérêt à saboter ce test car c’était à la fois un document destiné à une personne importante qu’il devait écrire mais aussi une occasion unique de montrer ce dont il était capable. Pour ces raisons, il se montra méticuleux en préparant soigneusement le matériel qui lui avait été fourni : il vérifia qu’il avait bien un pain de couleur noire à sa disposition ou de quoi en faire un, il aplatit avec soin le papyrus sur lequel il devait écrire, il inspecta les trois calames à sa disposition puis choisit celui qui lui semblait le mieux adapté et, enfin, il trempa son calame dans un gobelet d’eau puis le passa sur sa couleur afin de commencer à retranscrire ce qui lui était dicté.

Au début, il avait peur d’être maladroit, n’ayant pas eu l’occasion d’écrire depuis un bon moment, mais ses craintes s’estompèrent vite et son geste devint plus précis au fur et à mesure qu’il traçait les différents mots qu’il entendait. Quand il eut fini, le souverain se pencha vers lui pour relire son travail, imité par le Nyx qui semblait essayer de comprendre ce qu’il avait bien pu rater durant sa courte sieste.

« Très intéressant… » fit le roi avant de se réinstaller correctement dans son fauteuil. « C’est assez curieux que tu n’ais pas fait le même métier que ton père. »

« Comment cela ? » demanda Flynn, intrigué par cette remarque. « Jamais je n’ai mentionné ma famille… »

Il aperçut Yuri qui voulait manifestement intervenir mais Rowen l’en empêcha, lui intimant d’un geste de rester tranquille.

« Avant de monter sur le trône, j’avais un scribe qui était très travailleur et avec qui je m’entendais bien mieux qu’avec ceux que j’ai actuellement. » expliqua le souverain dont il surprit le regard mordoré s’arrêter sur son bracelet. « Il a dû quitter Aurum suite à des changements dans l’administration et j’ai perdu le contact avec lui. J’ai espéré pendant des années avoir un jour de ses nouvelles mais… »

Un soupir de dépit échappa au roi Thar dont les yeux affichaient à présent une certaine tristesse.

« Tu ressembles beaucoup à ton père Flynn. » lui déclara le souverain, le prenant de court. « Finath t’a très bien transmis son savoir. »

Le calame qu’il tenait encore dans sa main glissa entre ses doigts, tombant sur le sol de pierre dans un son creux. Sa surprise était immense : son père avait donc travaillé au palais ?

-§-

Entre cette lecture ennuyeuse et la fatigue, Yuri n’avait pas tardé à s’endormir, ne comprenant absolument pas à quoi pouvait jouer le roi Thar – il savait que ce type avait forcément une idée derrière la tête mais il était trop épuisé physiquement et moralement pour mettre le doigt dessus. Quand il fut réveillé par le retour de Rowen, il avait l’impression d’avoir manqué quelque chose d’important… et il se sentit pâlir en notant que le souverain avait tendance à beaucoup baisser les yeux sur le bracelet de Flynn.

Seulement, à aucun moment il ne s’était attendu à entendre cela : le père de son ami avait été scribe au palais, une chose que même le soldat ignorait vu l’expression qu’il affichait. Ses sens de Nyx étaient certes engourdis par la fatigue mais à première vue, ce n’était pas un mensonge…

« C’était pour savoir qui il était que vous lui demandiez tout cela. » en conclut le favori quand il constata que le garde était trop surpris pour répondre. « Par contre, rien ne pouvait vous indiquer qu’il avait transmis son savoir à son fils… »

« Et il ne travaillait pas en tant que scribe… » ajouta Flynn qui semblait plongé dans ses souvenirs. « Mais il avait toujours insisté pour que je sache tout ça. Il voulait que j’ai toutes mes chances… »

C’était assez logique : un poste de scribe demandait de savoir bien lire et écrire mais en contrepartie, cela donnait accès à beaucoup de lieux différents, notamment dans les bâtiments administratifs, et un très bon scribe pouvait toucher un excellent salaire. Seulement, la mentalité machiste dans pas mal d’endroits d’Hélios, plus particulièrement dans les temples, fermait pas mal de portes aux femmes, ce que son amie Rita avait toujours grandement regretté car elle était dans l’incapacité de postuler là où elle le désirait.

Toutefois, Yuri trouvait très étrange qu’un homme qui, manifestement, occupait une position importante lui accordant des avantages non négligeables ait choisi de changer de travail, à priori pour pourvoir un poste moins prestigieux, seulement pour les raisons évoquées. Cela mériterait qu’il y réfléchisse une fois qu’il aura dormi une heure ou deux…

« J’imagine qu’il n’est plus de ce monde. » devina le roi Thar en se levant de son fauteuil. « C’est bien dommage… »

« C’est très regrettable oui. » ajouta Rowen en récupérant les rouleaux de papyrus de son maître tout en fixant Flynn. « Je n’ai pas beaucoup connu votre père mais je me souviens qu’il était quelqu’un de très humain. J’ai cependant peur d’être le seul parmi le personnel à l’avoir connu… »

« Quelles étaient ses fonctions exactes ? » demanda le favori, concentré sur les expressions faciales du souverain. « Il vous servait juste de secrétaire ? »

A cette question, le maître des lieux haussa un sourcil, l’air un peu amusé.

« Si tu suspectes que Finath et moi avons pu être amants, tu te trompes lourdement. » répondit le roi en croisant les bras contre son torse. « Nous étions amis et il s’occupait aussi de faire des inventaires au sein du palais. »

Pas de relation romantique, c’était vrai… mais ce léger tressautement qu’il perçut au niveau de la lèvre supérieure lui indiquait qu’un mensonge s’était glissé dans ces mots, plus particulièrement dans la partie concernant le travail du père de Flynn. Vu ce qu’il avait supposé sur un certain bijou, cela vaudrait le coup de creuser…

« Ce n’était pas ce que je sous-entendais. » déclara Yuri qui perçut un certain soulagement chez son ami. « En fait, je me demandais s‘il n’avait pas déjà officié dans un temple. »

En entendant cette phrase, le regard mordoré du roi Thar s’agrandit, visiblement surpris, avant de se reposer sur le bracelet de cuir, ce qui confirma les hypothèses du favori sur l’origine de ce bijou.

« Je constate que vous vous entendez extrêmement bien tous les deux… » fit le souverain sur un ton que le Nyx n’arrivait pas à déchiffrer. « Je présume que certains secrets ont été partagés durant le temps que vous avez passé ensemble… »

Le favori grinça des dents face à cela et espéra intérieurement que le maître des lieux n’allait pas chercher à creuser pour en savoir plus. Il chercha un moyen de contourner un éventuel problème quand le soldat se leva de son fauteuil.

« Vous savez ce que c’est. » dit Flynn en levant sa main devant son visage, montrant le bracelet qu’il avait au poignet. « Depuis tout à l’heure, vous n’arrêtez pas de le regarder. »

Pendant quelques secondes, un silence pesant régna, rythmé par des yeux azur remplis d’un éclat hostile vis-à-vis du roi d’Hélios. Le regard mordoré soutint celui du jeune homme avant de glisser sur le bijou… dont la turquoise s’était mise à émettre une faible lumière bleutée. Qu’est-ce que…

« Cela fait longtemps. » déclara la mystérieuse divinité, surprenant presque tout le monde dans la pièce. « La dernière fois, c’était il y a au moins vingt ans… »

« Oui Cyan. » lui répondit le souverain avec nostalgie. « C’est bien cela… »

-§-

Son père… Flynn se rappelait encore très bien de lui et du temps qu’il prenait chaque jour pour lui enseigner ce qu’il savait. Il se souvenait encore des leçons d’écriture qu’il lui donnait, tantôt en écrivant avec un bâton dans la poussière, tantôt sur des morceaux de papyrus que le scribe du village avait accepté de lui céder en échange de quelques services.

Quand celui-ci fut décédé, le jeune homme avait continué de s’appliquer pour lire et écrire, le tout aidé par Sodia qui avait plus facilement que lui accès à des rouleaux de papyrus et à du matériel d’écriture. Le scribe du village lui avait proposé de le prendre sous son aile mais il avait refusé, optant d’abord pour le travail aux champs avant de devenir soldat suite à un groupe de brigand qui avait attaqué certains habitants sans défense – sa mère était parmi ces derniers et elle avait été tuée ce jour-là en voulant protéger des enfants.

En entendant le roi Thar prononcer le mot « Cyan », les souvenirs vagues que Flynn gardait de certaines histoires contées par son père se précisèrent. Il se rappelait à présent que Sol et Topaze avaient eu trois fils : Aurum et Phoebus qui étaient nés avant que leur mère ne soit divinisée et étaient donc mortels, puis Cyan qui était né fragile et qui devint une divinité avec l’intervention d’Océan qui le lia au Neilos.

Cependant, impossible pour lui de se remémorer son autre fonction. Pour une raison ou une autre, celle-ci ne cessait de lui échapper…

« Cet évènement tragique a laissé des traces profondes à ce que je vois. » poursuivit Cyan de sa voix éthérée. « Tes nuits doivent être bien difficiles… »

« J’ai appris à m’en accommoder. » répondit le souverain à la divinité. « Toi à ce que je vois, tu as bien souffert… »

« Je me régénère comme je le peux mais ce n’est pas suffisant pour assurer pleinement mon rôle. Pardonne-moi mais je ne peux rester plus longtemps… »

Sur ces mots, Cyan les laissa et la lueur bleutée disparue, laissant de nouvelles questions avec elle…

Le son de quelqu’un frappant contre une porte se fit entendre, alertant Rowen qui alla voir qui était derrière. Un grognement échappa au roi face à ce visiteur et celui-ci s’éloigna un peu, mettant de la distance entre eux trois. Le serviteur revint quelques secondes plus tard.

« Votre Altesse est demandée pour une réunion avec les hauts scribes. » déclara le plus âgé. « Dois-je leur dire que vous êtes occupé ? »

« Non, ils risquent de mal le prendre et je n’ai pas besoin de cela. » répondit le roi Thar en grognant avant de fixer une tapisserie sur le mur représentant Topaze. « Dis-leur que l’on fera cette réunion dans mes appartements. Je les y attendrai. »

« Très bien. »

« Et si Raven ou Lucrèce viennent ici, dis-leur de passer par la porte commune. Elle sera ouverte de mon côté. »

Alors qu’il se demandait de quelle porte pouvait bien parler le souverain, Flynn vit ce dernier se diriger vers la tapisserie puis soulever celle-ci, dévoilant une porte en bois sculpté qui, jusqu’ici, était bien cachée. D’un signe de la main, il leur indiqua de le suivre, ce que fit le soldat après avoir aidé Yuri à se lever, et ils entrèrent dans ce qui était un étroit couloir assez sombre, tout juste assez large pour que deux personnes puissent se croiser. Ce passage ne faisait, au plus, qu’une vingtaine de mètres et, une fois au bout, ils étaient devant l’autre entrée de celui-ci où, cette fois-ci, le roi leur fit signe d’attendre.

« Quand Raven aura fait son rapport, vous pourrez retourner au harem. » leur dit le maître des lieux sur un ton assez sec. « En attendant, vous tenez vos rôles en silence tout en observant discrètement ce qu’il se passe. Pas d’improvisation et faites en sorte que personne ne voit le bracelet de Cyan. Je ne tiens pas à ce que Garista apprenne que cet objet est ici. »

A contrecœur, le jeune homme accepta, imité par le favori qui, lui, semblait plus intrigué qu’autre chose.

Arrivés dans la chambre du roi, Flynn nota que celle-ci était de même dimensions que celle de la reine avec quelques éléments de mobilier en commun. Les différences majeures entre les deux pièces étaient le bureau qui croulait sous les rouleaux de papyrus et l’autel dédié à Sol, en parfait état contrairement à celui de Topaze.

« Ca fait trois ans que je viens ici plusieurs nuits par an et c’est bien la première fois que je vois à quoi ressemble cette pièce. » ironisa un peu Yuri à voix basse, son regard anthracite balayant les lieux avec curiosité. « Je l’imaginais plus grande… »

Le soldat n’eut pas l’occasion de répondre, Rowen étant arrivé d’un pas rapide avec le vêtement en lin noir du favori ainsi que le reste de leurs affaires…

-§-

Après plusieurs heures, la fouille du harem par ses hommes n’avait pas permis à Raven de trouver qui avait bien pu user de ces fichus cactus. Il avait donc renvoyé ceux-ci à leurs postes habituels et profité que Lucrèce ait dû s’absenter pour demander à Droite d’observer discrètement les interrogatoires des serviteurs pour repérer un éventuel suspect qui aurait pu lui échapper. Manque de chance, quand l’érudit revint, ils avaient fait le tour de presque tout le personnel, Karol étant le seul qui lui restait à questionner – pour la forme, il avait demandé à la Nyx de le faire vu qu’elle n’avait aucun lien affectif avec lui mais sans surprise, le jeune adolescent n’avait rien à se reprocher, bien au contraire.

« Un orage approche. » leur fit remarquer la jeune fille dont le regard scrutait le ciel qui se couvrait de nuages gris. « Vu la vitesse du vent là-haut, il ne durera pas très longtemps… »

« Le contraire serait étonnant vu notre climat. » déclara Lucrèce avant de lâcher un soupir d’exaspération. « Mais la pluie risque de ne pas être notre alliée si l’on ne trouve pas vite qui est coupable du premier empoisonnement. »

Bien que lui et le favori taciturne n’avaient pas totalement dévoilé leurs jeux respectifs, ils avaient été d’accord pour une alliance contre Garista, faisant que le jeune homme lui révéla qu’il avait sciemment désobéi aux prêtres en laissant quelqu’un accéder aux archives des temples – la description de cette personne correspondait en tous points à cette chère Rita – tandis que l’espion lui avait présenté Droite qui s’était d’abord montrée un peu hostile avant de constater que ce nouveau venu était honnête.

« Vous avez essayé avec Repede ? » leur demanda Karol qui n’avait été mis au courant de ce qu’il se tramait que depuis peu. « Jusqu’ici, il a toujours réussi à esquiver lui-même les mets avec du poison… »

Le capitaine avait envie de se gifler pour ne pas y avoir pensé avant : les chiens avaient un meilleur odorat que les hommes mais si à Hélios ils étaient souvent cantonnés à monter la garde, c’était différent dans les Terres des Nyx où la chasse était une activité plus pratiqué que l’élevage – à tous les coups, en temps que membre du peuple de la nuit, Yuri avait dû le dresser à cette activité car il était probablement le seul animal à avoir survécu aussi longtemps au harem.

« C’est notre dernier recours. » admit l’espion qui surveillait le ciel du coin de l’œil. « Par contre, il va falloir faire vite car s’il pleut, des indices peuvent disparaitre. »

« Je vais chercher du Peyolt. » déclara Lucrèce en s’éloignant.

« Et moi Repede. » ajouta le serviteur en partant en direction de la cour des favoris.

A présent seul avec la Nyx, Raven tourna son regard vers ce qui était le bâtiment des enfants, devenu une ruine sinistre depuis ce fameux incendie qui avait tué bon nombre de maîtresses et d’enfants du précédent roi.

« Le passage secret que vous m’avez laissé ouvert est assez intéressant. » lui dit Droite qui se recula vers un recoin sombre, probablement par instinct. « Une partie semble mener à l’extérieur du palais et l’autre doit aboutir près de votre salle du trône… »

« A côté des appartements du roi pour être exact. » lui dévoila l’espion en se remémorant tout ce que le roi Thar lui avait appris sur ces nombreux passages secrets dont lui et Rowen étaient les seuls à connaître l’étendue exacte. « Ils étaient très utilisés durant le règne du précédent roi car la reine Invidia ne supportait pas les favorites de son époux, plus particulièrement Cérès, la mère de notre souverain. De cette manière, elles pouvaient quitter discrètement le harem sans être vues. »

« A condition d’avoir la clé. Je suis tombée sur une porte avec l’emblème de Topaze dessus et elle était fermée. »

Ce serait logique : dans le cas où quelqu’un découvrirait ce passage, il fallait s’assurer qu’il ne puisse pas pénétrer au sein du harem sans y être invité. Qui plus est, le bâtiment des enfants devait certainement abriter un autel dédié à la déesse vu que les concubines royales allaient y mettre leurs enfants au monde avant, si elles le désiraient, de regagner leurs appartements.

De plus, si ce passage était fermé, cela faisait un endroit de moins par lequel un groupe de Nyx pouvait s’infiltrer ici… et de ce qu’il savait, c’était le seul passage secret qui conduisait directement au harem.

Quelques minutes plus tard, Karol revint accompagné de Repede qui, après avoir jaugé Droite, l’accepta en la laissant le gratter brièvement derrière les oreilles. Lucrèce arriva un peu après avec un pot en terre cuite entre les mains.

« J’ai croisé Rowen et apparemment, le roi veut que l’on passe par le passage entre les chambres royales. » lui transmit le favori en remettant ce qu’il avait amené au jeune serviteur. « Il a gardé Yuri et Flynn avec lui. »

En apprenant cela, Raven grogna intérieurement, craignant de n’avoir pu empêcher sa jeune recrue de finir comme pensionnaire à part entière du harem – quoique vu l’attitude qu’avait eue le soldat, il était certainement très hostile à l’idée de potentiellement finir parmi les favoris du souverain.

L’érudit ouvrit le pot en terre et se baissa pour le mettre à la hauteur de Repede. Sans qu’on ne lui dise quoique ce soit, le chien en renifla soigneusement le contenu avant de lever son museau en l’air, cherchant l’odeur en question. Il baissa ensuite la tête au sol, humant celui-ci tout en se déplaçant, l’air très concentré sur sa tâche.

« Il a trouvé. » déclara Droite juste avant que Repede ne parte d’un coup, suivi par la jeune femme.

Moins réactifs que la jeune Nyx, ils partirent dans la même direction mais celle-ci ainsi que le chien étaient plus rapides, faisant qu’une fois dans la cour du bâtiment des favoris, ils les avaient tous deux perdus de vue… mais Raven eut à présent confirmation qu’il y avait quelque chose de vraiment pas clair pour que la piste du Peyolt les mènent dans cette partie du harem.

« Par ici ! » leur lança la jeune fille avant d’apparaître à l’étage. « Il a trouvé quelque chose ! »

A cause de la fouille complète des lieux ordonnée par le roi Thar, toutes les portes avaient été ouvertes et laissées ainsi jusqu’à ce que lui, le capitaine, ait jugé que le travail avait été fini. Si cela avait ennuyé les pensionnaires normaux du harem qui avaient été contraints de quitter les lieux pour la journée, cela n’avait posé aucun problème pour les favoris vu que deux n’étaient plus dans leurs quartiers, que l’un d’eux coopérait volontiers et que le dernier avait été exécuté ce matin.

Cependant, quand ils arrivèrent là où la piste de ce cactus se terminait, son sang se glaça en réalisant ce vers quoi elle pointait… et lui fit comprendre que Garista avait peut-être bien plus facilement accès au harem qu’il ne l’avait imaginé.


NB : Normalement, je devais faire plus de choses dans ce chapitre mais certains morceaux ont été si longs que j’ai tout décalé… Le rating M devrait se justifier vers la Partie 7 ou 8 si ça ne se décale pas de nouveau.

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 Mélodie Funèbre - 4

Fluristelle Month : Day 4 : Anniversary – Illness

Notes : Bon, très en retard sur celui-ci et ça va faire pareil pour tout le reste… Le manque d'inspiration et le fait que j'ai jeté aux orties plus de 2000 mots car l'idée ne me plaisait pas ont contribué à creuser le retard. Bonne lecture !


C'était le 31 octobre, jour d'Halloween, et Yuri s'estimait heureux de ne pas travailler aujourd'hui car il était plus que crevé. Déjà, il avait été contraint de jeter des restes de nourriture à la poubelle car ce qu'il avait mangé la veille avait fini dans la cuvette des toilettes ce matin en plus de lui couper l'appétit un bon moment. En prime, il devait avoir de la fièvre vu qu'il avait chaud alors que le thermomètre affichait à peine dix-huit degrés et qu'il était en t-shirt. Il était donc en pyjama, à moitié somnolant devant son bol de riz et sa pomme qui, tant qu'il n'était pas fixé sur ce qu'il avait bien pu attraper, seraient son seul repas du jour.

Ces rêves étranges et ces absences avaient continué, lui montrant d'autres moments de la vie de cette Lilith qu'il commençait à bien connaître et apprécier : elle aimait jouer du piano, s'habiller comme elle le désirait – il avait vu la mode des femmes ainsi que son évolution au XIXème siècle et il devait reconnaître que les robes étaient de moins en moins pratiques avec le temps –, être libre de ses faits et gestes… Il était certain qu'elle aurait adoré vivre au XXIème siècle. Par contre, il n'arrivait toujours pas à comprendre ce qu'il lui était arrivé la nuit où elle a été vraisemblablement assassinée ainsi que la signification de ce morceau joué au piano.

Après son repas frugal, il s'accorda une sieste pour essayer de récupérer…

-§-

Le soleil brillait ce jour-là et Lilith jouait au piano « Lettre à Elise » avec Repede à ses côtés comme spectateur. Seulement, le chien n'était visiblement pas au mieux de sa forme : il avait un bandage autour de la tête qui couvrait son œil gauche et, à son attitude, il était clair que quiconque entrerait pour faire du mal à la jeune femme risquait de subir son courroux.

Soudain, l'animal se mit à grogner, attirant l'attention de sa maîtresse qui cessa de jouer… lui permettant d'entendre ce qu'il se passait derrière les portes.

Vous avez… commença la voix de sa tante, manifestement choquée. Et vous croyez vraiment que cela va changer qui vous êtes ? Vous n'êtes qu'un moins que rien !

Faites très attention Lady Greed, l'avertit son interlocuteur. Cette demeure ne vous appartient pas à ce que je sache…

Sortez d'i-

Refusez encore une fois ce mariage et je me verrai contraint de révéler à tous vos intentions réelles vis-à-vis de votre nièce ainsi que la longue liste de vos crimes.

Très intéressée, Lilith se rapprocha de la porte pour écouter, percevant ainsi le cri étranglé de sa tante quand leur visiteur lui énonça tous les évènements inhabituels ayant eu lieu au manoir ainsi qu'une dizaine de noms.

Je vois laisse le choix Lady Greed, déclara l'homme sur un ton glacial. Soit vous quittez cette maison et abandonnez l'idée de mettre la main sur l'héritage, soit je me verrai dans l'obligation de vous conduire devant la justice. Dans les deux cas, ce mariage se fera, que ce soit avec ou sans votre accord.

Lorsque ces mots résonnèrent à ses oreilles, la jeune femme ne put s'empêcher de sourire, incapable de cacher sa joie de savoir qu'enfin, sa tante allait quitter cet endroit. Elle était enfin libérée de ce tyran…

-§-

Des coups à la porte réveillèrent Yuri qui constata qu'il était bientôt cinq heures du soir. Difficilement, il se leva et alla ouvrir… à une pré-ado aux longues nattes blondes qui était en avance pour la chasse aux bonbons. Son déguisement de pirate lui allait très bien, il le reconnaissait, mais là, il n'avait vraiment pas envie de la voir.

—Bisou ou friandise nanoja ? lui demanda-t-elle en tendant son panier en forme de crâne tout en le fixant d'une manière qui ne lui inspirait guère confiance.

—Patty, comment tu sais où j'habite et comment tu es arrivée jusqu'ici ? la questionna-t-il, suspicieux. Tu ne m'as quand même pas suivi ?

Patty Fleur, une ado qui, à son plus grand désarroi, avait flashé sur lui et passait à l'épicerie une fois par semaine pour le voir tout en essayant de le convaincre de sortir avec elle, ce qui amusait grandement un certain Flynn qui avait faillit se prendre un coup de poing dans la figure pour avoir ricané alors qu'elle lui offrait un gâteau sur lequel elle avait réussi à faire son portrait en chocolat – il reconnaissait cependant qu'elle avait un certain talent en cuisine. Cette fille était têtue et quand il croyait qu'il en était débarrassé, elle lui prouvait vite le contraire.

—Hummm, fit-elle, l'air pensive. Peut-être ?

—C'est pas vrai, grogna Yuri en se passant une main sur le visage. Rentre chez toi.

—Attends ! Bisou ou friandise nanoja ?

En guise de réponse, il lui claqua la porte au nez… puis il nota dans un coin de sa tête qu'il ferait bien de déménager au plus vite car il avait au moins un voisin qui laissait entrer n'importe qui dans l'immeuble.

-§-

Ce jour-là, il pleuvait à l'extérieur mais cela n'empêchait en rien Lilith de jouer du piano, plus particulièrement le deuxième mouvement de la sonate Clair de Lune qui emplissait les lieux d'une musique joyeuse contrastant avec la grisaille qui régnait dehors. Assis sur la causeuse, un homme aux cheveux blonds consultait des documents éparpillés sur la table basse avec grand intérêt.

Visiblement, elle a dépensé une partie de ton héritage, lui déclara-t-il en classer les papiers qui étaient devant lui. Heureusement, elle n'avait pas accès à l'intégralité de celui-ci grâce aux instructions très claires de Robert Blackwood.

Grand-père avait spécifié que je ne pourrais me servir de l'argent qu'à partir de mes dix-huit ans, précisa la jeune femme en terminant de jouer le morceau. En plus, il m'avait montré où il avait caché certains de ses biens de valeur au cas où. Cette demeure est un vrai coffre au trésor quand on sait où regarder.

Je l'avais constaté quand tu m'avais montré que l'on pouvait passer de ta chambre à celle d'à côté en tirant sur la bonne applique. Sans ça, tu serais peut-être…

Je le sais oui.

Lilith attaqua ensuite le troisième mouvement de la sonate avec vigueur, concentrée sur ce qu'elle jouait…

-§-

La sonnette de la porte le tira de ce nouveau rêve. Yuri constata qu'il était presque six heures et alla ouvrir pour tomber sur un adolescent déguisé en grenouille et une jeune femme dont la tenue de diablesse ne laissait nullement place à l'imagination – elle n'avait pas froid avec juste un short ultra-court et un soutif ?

—Farces ou friandises ? demandèrent-ils en tendant chacun la citrouille qu'ils avaient en main.

—C'est toi cap'tain ? s'étonna-t-il en reconnaissant la voix de Karol, un adolescent avec qui il discutait souvent à l'épicerie de sujets divers et variés.

—Ouais, confirma le plus jeune en enlevant la tête de son costume, révélant ses cheveux châtains en bataille. Je m'y suis pris trop tard donc c'était ça ou me déguiser en fille…

—Je ne vois pas ce que tu as contre les robes, fit la jeune femme, ses cheveux bleus attachés en chignon étant surmontés d'une paire de cornes rouge vif. Elle t'allait à ravir !

—Judith ! Au moindre coup de vent, on voyait tout !

Elle par contre, c'était la première fois qu'il la voyait… quoiqu'il était prit d'un doute car il lui semblait l'avoir déjà aperçue quelque part mais cela devait dater d'avant son déménagement car jamais elle n'était venue à l'épicerie et c'était le seul endroit à Halure où il voyait passer du monde.

—J'imagine que t'es la baby-sitter, supposa Yuri en jetant un rapide coup d'œil au tour de poitrine de la jeune femme.

—C'est exact, confirma la dénommée Judith avec un sourire en coin. Ses parents ont peur de le laisser sortir tout seul la nuit et j'aime bien me déguiser donc je l'accompagne. C'est plus amusant de chasser les bonbons en groupe.

—Si tu veux, tu peux venir avec nous, proposa Karol avant de remettre correctement son costume.

—Désolé mais ce ne sera pas possible, s'excusa Yuri en baîlant. L'année prochaine peut-être.

Après leur avoir donné quelques bonbons, le jeune homme leur souhaita bonne chance pour leur collecte de sucreries et referma la porte.

-§-

C'était un beau matin de printemps dans le salon. Lilith venait visiblement de se lever, étant encore vêtue de sa robe de chambre et ses cheveux étant un peu en désordre, signe qu'elle ne s'était pas coiffée. Assise sur la causeuse, elle contemplait l'anneau en métal sombre à sa main.

Me voilà mariée… souffla-t-elle comme si elle semblait avoir du mal à y croire.

Tu as des regrets ?

Un peu surprise, la jeune femme se tourna vers le jeune homme aux cheveux blonds qui, contrairement à elle, avait pris la peine de s'habiller. Il vint la rejoindre, appréhendant visiblement la réponse de sa compagne.

Non, répondit Lilith en lui souriant. C'est juste que je vais avoir du mal à m'habituer à ne plus être seulement Lady Blackwood…

Je peux comprendre cela, la rassura son époux. Moi-même je ne me suis pas encore fait à ce titre que j'ai dû acheter…

La jeune femme rit légèrement en entendant ces mots, son regard anthracite étincelant de malice.

A ce sujet Flynn, je dois me présenter comme la comtesse Scifo ou comme Elisabeth Scifo ?

A cette question, son compagnon eut un léger rire puis la fixa de ses yeux azur avec intensité.

Fait comme bon te semble. Si tu es heureuse, alors je le suis aussi.

-§-

Cette fois-ci, Yuri se réveilla en sursaut, l'image du mari de Lilith lui ayant provoqué un choc auquel il ne s'était pas attendu : était-ce son imagination ou c'était LE Flynn Scifo qu'il connaissait, son ami, qui était apparu dans ses songes ? Jusqu'ici, il n'avait jamais pu voir ses traits mais là, il était certain d'avoir reconnu son visage donc soit son cerveau lui jouait de sacrés tours, soit… il y avait un truc pas clair chez cet homme et il était temps qu'il s'intéresse à lui de beaucoup plus près.

Il était presque sept heures et demie quand il se mit à activement rechercher sur internet tout ce qu'il pouvait sur le nom Scifo, ne sachant pas trop sur quoi il pourrait tomber. Ce qui le frappa très vite, c'était que personne sous ce nom n'était inscrit sur les réseaux sociaux et ce, quels qu'ils soient. Une recherche plus approfondie lui confirma qu'il n'y avait personne avec ce nom de famille avec un profil accessible, faisant qu'il se rabattit sur les sites de généalogie.

Bien qu'il ignorait la date exacte de cet évènement dans ses songes, il chercha la trace d'un acte de mariage au nom de Scifo ou de Blackwood… et en trouva un datant de 1866 – bien entendu, il devait payer pour pouvoir le consulter en entier mais l'aperçu lui serait amplement suffisant – qui lui confirma qu'une certaine Elisabeth Blackwood avait bien épousé un dénommé Flynn Scifo le 13 avril 1866 dans la région d'Halure.

Perplexe face à cela, Yuri finit par réaliser une chose : et si le lieu où se déroulaient ses songes existait toujours ? De ce qu'il avait compris, c'était un manoir mais il n'avait rien vu d'aussi vieux les quelques fois où il s'était perdu en ville.

Il allait entamer une nouvelle recherche quand tout son appartement fut victime d'une coupure de courant, le plongeant dans la pénombre. Le temps que ses yeux s'habituent au peu de luminosité qu'il avait grâce aux réverbères, tous ses voisins étaient en train de râler, signe que c'était les plombs de tout l'immeuble qui avaient dû sauter pour une raison ou une autre.

Après quelques secondes d'hésitation, Yuri finit par chercher ses vêtements avec la lumière de son téléphone portable et il s'habilla rapidement avant d'attraper ses clés et son manteau pour sortir d'ici. Sans surprise, il croisa un ou deux faisceaux de lampes torches qui cherchaient visiblement à rétablir la lumière mais visiblement, la panne était grave vu que quelqu'un était en train de chercher à joindre le propriétaire des lieux – le jeune homme, en arrivant au rez-de-chaussée, entendit deux hommes dire que bizarrement, il y avait eu une surtension dans tout leur bâtiment mais pas dans le reste du quartier alors que les derniers travaux sur les lignes électriques remontaient au printemps et que personne n'avait entendu le tonnerre.

Une fois dehors, il grimaça en découvrant que quelques gouttes de pluie commençaient à tomber mais il décida de faire avec le temps de trouver ce qu'il cherchait. Il marcha environ cinq minutes, le temps d'arriver dans une zone un peu moins résidentielle, et il finit par repérer un panneau avec le plan de la ville. Certes, cela ne lui disait pas où était ce qu'il cherchait mais cela pouvait lui donner des pistes… et il tendait à penser que si ce manoir existait, il était à l'extérieur d'Halure. Il concentra son attention sur les limites de la ville mais rien ne lui sauta aux yeux, lui faisant lâcher un soupir de dépit.

—Ca aurait été trop facile, se dit-il en se grattant l'arrière du crâne.

Les mains dans les poches de son manteau, Yuri fit demi-tour pour rentrer chez lui quand soudain, il se sentit observé. Il regarda discrètement autour de lui pour essayer de savoir qui pouvait l'espionner, voyant passer quelques personnes en costumes d'Halloween mais qui étaient trop occupées à récupérer leur butin en friandises – il repéra d'ailleurs au loin un chapeau de pirate qu'il espérait fortement ne pas appartenir à Patty.

Rien ne lui sauta aux yeux jusqu'à ce qu'il repère un type étrange déguisé en zombie et qui le fixait avec insistance. Son instinct lui disait que quelque chose n'allait pas, surtout quand il repéra une autre personne avec la même attitude un peu plus loin et qui risquait fort de lui bloquer le passage s'il empruntait cette route pour rentrer.

Afin de vérifier ses soupçons, le jeune homme alla dans une direction opposée à celle de son appartement… puis au premier tournant, se mit à courir dans le dédale de ruelle.

-§-

—Non mais tu aurais pu faire gaffe ! C'est les plombs de tout l'immeuble qui ont sautés !

—J'avais un poil surestimé leur réseau électrique faut croire…

—Un poil ? BEAUCOUP OUI !

Là, Judith devait le reconnaitre : Raven s'était bien loupé sur ce coup mais bon, c'était ça ou bien leur cible trouvait où était le manoir Blackwood et, sauf cas extrême, Flynn leur avait clairement dit qu'il préférait éviter que Yuri y mette les pieds. Si elle avait eu une chance réelle de lier une amitié avec ce dernier, elle était sure qu'elle aurait pu contrôler un minimum ses faits et gestes mais malheureusement, sa mort remontait à une vingtaine d'années – elle ne remerciait pas les deux autres alpinistes qui l'avaient sciemment laissée faire une chute d'une bonne trentaine de mètres afin de se livrer tranquillement à leur trafic d'œufs d'oiseaux… auquel elle avait mis un terme en se vengeant d'eux à la première occasion – et son corps avait été retrouvé puis identifié seulement cinq ans plus tôt, faisant que sa photo avait pas mal circulé dans les médias et qu'elle était contrainte de se faire discrète. Si le Faucheur ne lui avait pas demandé d'emménager au manoir, elle aurait probablement fait des ravages auprès de ceux qui ne respectaient pas la cause animale.

Pour l'instant, elle se contentait d'observer Sodia engueuler copieusement leur aîné mais elle restait très attentive au reste de leur environnement…

—Ma jolie, j'peux pas savoir si c'est vétuste ! s'exclama Raven, un trentenaire vêtu d'un immonde manteau violet et dont le décès devait remonter au milieu du XIXème siècle si sa mémoire était juste. Et puis t'sais aussi bien qu'moi que l'gamin est pas bête !

—C'est justement pour ça qu'il aurait mieux valut ne PAS plonger tout le bâtiment dans le noir ! répliqua la rousse qui semblait se retenir d'étrangler son aîné. Il va finir par se douter de quelque chos-

—Silence ! leur intima Judith en repérant des sons suspects dans le couloir. Quelqu'un vient par ici.

Ils passèrent vite à travers les portes d'un placard pour se cacher et attendirent. Seulement, un bruit plutôt étrange se fit entendre puis un râle qui ne semblait pas humain résonna dans l'appartement. Il y avait quelqu'un qui était entré mais celui-ci devait plus tenir de l'ectoplasme qu'autre chose vu que la porte n'avait pas grincé… Elle tendit l'oreille pour essayer de savoir à quoi ils avaient affaire exactement et ne perçut que deux ou trois respirations fortes, ce qui n'était pas forcément positif.

—Fantômes, murmura Raven, confirmant ainsi qu'ils avaient des visiteurs surnaturels. Par contre, y a un truc pas clair là…

—Ils ne parlent pas entre eux, nota Sodia à voix basse. Et puis ce n'est pas un ancien cimetière ici…

Ce n'était pas normal… Le jour d'Halloween, c'était généralement celui où les fantômes étaient de sortie pour se mêler aux humains – du moins, ceux qui pouvaient se le permettre – ou pour retrouver leurs comparses pour faire quelques farces et s'amuser. Seulement là, leur attitude était à l'opposé de ce qu'elle devrait être et ce n'était pas une bonne nouvelle. Judith ne savait pas comment expliquer cela vu qu'elle ne connaissait pas tous les types de spectres qui existaient mais elle trouvait que c'était une coïncidence plus que douteuse…

—Ca sent pas bon ça, murmura Raven tandis que leurs mystérieux invités étaient toujours dans l'appartement. De mémoire, Flynn nous a rien dit sur comment traiter des intrus…

—Je vais retrouver Karol pour le prévenir, leur dit Sodia en s'éloignant. Empêchez-les de me suivre.

—Ca marche.

La rousse s'en alla tandis qu'eux deux sortirent de leur cachette, découvrant trois fantômes vêtus de loques et qui ne semblaient pas être en très grande forme contrairement à eux – Judith aurait juré qu'ils étaient tous morts affamés à cause de leurs visages où la peau leur collait sur les os mais elle savait qu'il ne fallait en aucun cas se fier aux apparences avec les morts.

—J'comprends mieux pourquoi j'ai raté mon coup, fit son aîné en désignant un ectoplasme sur la gauche dont les cheveux étaient en partie dressés sur sa tête. Lui il a dû mourir électrocuté et si j'me fis aux flaques d'eau, les deux autres sont des noyés.

—C'est moi ou bien ils ont un regard un peu… vide ? se demanda-t-elle en constatant leur absence de réaction. On dirait qu'ils attendent quelque chose…

—Ou quelqu'un… comme celui qui vit ici peut-être ?

Ce serait effectivement l'explication logique… et signifierait donc que leurs intentions vis-à-vis de Yuri sont loin d'être amicales. Pour en avoir le cœur net, Judith usa de ses pouvoirs et provoqua un violent courant d'air, faisant claquer la porte de la salle d'eau… et attirant immédiatement l'attention des fantômes sur eux.

A présent, ils allaient pouvoir s'amuser un peu…

-§-

Au manoir Blackwood, Flynn était revenu de sa tournée des défunts et, comme chaque 31 octobre, était allé s'enfermer dans le petit salon, la pièce préférée de Lilith, pour broyer du noir. L'anniversaire de la mort de sa compagne lui minait toujours le moral et cette année plus que n'importe quelle autre car il craignait que l'histoire ne se répète avec Yuri. Pour cette raison, il avait demandé à ses amis fantômes d'aller le surveiller, profitant d'Halloween pour se fondre plus facilement dans la masse mais les plus dangereux pour les humains étaient restés ici. Avait-il raison en l'empêchant à tout prix de trouver ce lieu ?

Brusquement, les portes s'ouvrirent sur Estellise qui semblait paniquée.

—Flynn ! s'exclama-t-elle en lui désignant le téléphone portable qu'elle avait en main. Il y a un problème !

—Quoi donc ? demanda-t-il en se levant de la chaise à bascule puis en attrapant son téléphone. Que se passe-t-il au juste ?

—Des types bizarres sont à Halure ! lui répondit Karol au téléphone. Personne ne les remarquent à cause d'Halloween mais ils suivent Yuri et il essaie de les semer !

—Il n'a aucune chance, ajouta Patty qui devait être à côté de lui. Ce sont tous des fantômes, nanoja.

Qu'est-ce que cela signifiait au juste ? Que les morts profitent de ce jour pour faire quelques frayeurs aux humains n'était pas anormal mais pourquoi se focaliser sur un seul ? Ce n'était pas normal…

—Flynn ! fit Sodia qui avait dû rejoindre ses camarades. D'autres fantômes sont dans l'appartement de Lowell. Raven et Judith se chargent de leur cas.

—T'es sérieuse ? demanda Karol. Mais il se passe quoi au juste ?

—Je n'en sais rien mais à priori, ils ont une idée fixe et leur attitude n'est pas celle qu'ils devraient avoir, un peu comme s'ils étaient des zombies ou quelque chose de ce style.

… Ou bien ils étaient sous l'emprise de quelqu'un, ce qui signifierait qu'une personne ne voulait pas que l'on puisse remonter jusqu'à elle. Le Faucheur devait vite prendre une décision mais s'il voulait sauver Yuri, il n'en voyait qu'une seule à prendre… et le regard suppliant d'Estellise finit par le convaincre qu'il n'avait pas d'autre choix.

—… Emmenez Yuri au manoir, leur ordonna Flynn. Tout de suite.

—Entendu !

L'appel était terminé. Le Faucheur se sentait à présent extrêmement fébrile et dut retourner s'asseoir dans la chaise à bascule. Seulement, à peine fut-il assit que Rita entra à son tour dans la pièce.

—Quelqu'un sait ce qui lui prend au cleb's ? demanda-elle, visiblement perplexe. C'est pourtant pas la pleine lune…

—Je n'entends pas Repede pourtant, fit remarquer Estellise en se tournant vers son amie.

—C'est normal. Tout à l'heure, il est parti comme une fusée à travers un mur! C'est bien la première fois que je le vois faire un truc pareil !

Même Flynn devait reconnaître que c'était surprenant de la part de Repede qui était très calme depuis la mort de sa maîtresse… mais qui avait déjà eu ce genre de comportement du temps où Lilith était menacée. Se pourrait-il qu'il ait senti le danger ? Si c'était le cas…

-§-

Après avoir bien tourné dans les ruelles d'Halure, Yuri s'était arrêté pour écouter et n'avait entendu aucun pas venir dans sa direction… mais quand il repéra ces deux types louches sur ses talons, il reprit sa course en se demandant comment ils avaient réussi à le suivre alors qu'il avait tout fait pour les semer.

Il arriva sur une place pavée avec une grande fontaine en son centre et où de la brume s'était formée, rendant les lieux assez sinistres. Bizarrement, il ne semblait y avoir personne dans les parages mais peut-être était-ce dû au fait que tous les commerces étaient fermés à cette heure-ci. Alors qu'il allait tourner à gauche, sa poisse décida de lui jouer un mauvais tour : son pied se posa sur un pavé qui n'était plus en place, ce qui le déséquilibra et le fit chuter au sol… et permis à ses poursuivants de le rattraper.

—Qu'est-ce que vous me voulez au juste ? leur demanda Yuri en se relevant, prêt à se battre.

Pour toute réponse, il n'eut droit qu'à de profonds râles qui lui donnèrent froid dans le dos… et il réalisa soudain que le costume de ces types était bien trop réaliste quand il vit que l'œil qui manquait à l'un d'eux n'était en aucun cas du maquillage ou que l'odeur putride qu'ils dégageaient était bel et bien authentique.

Il voulut fuir mais un troisième zombie lui barra la route, réduisant ses options de façon drastique – il se serait bien battu contre eux mais il avait vu suffisamment de films dans ce style pour savoir qu'une morsure d'un de ces trucs était potentiellement risquée.

Soudain, un grondement animal se fit entendre, attirant leur attention à tous sur une forme menaçante dans la brume. Celle-ci s'avança, révélant un chien borgne au pelage bleu et blanc qui fit avoir un choc au jeune homme : c'était Repede, le chien de Lilith.

Sans crier garde, l'animal se jeta sur l'un des zombies, lui arrachant un bras avec aisance. Les deux autres tentèrent de l'attraper mais Yuri donna un violent coup de pied au plus proche pour le repousser, ce qui eut une efficacité assez discutable bien qu'il entendit clairement des os fragiles se briser sous le choc. Une main décharnée lui saisit la cheville et il s'en débarrassa en donnant un coup de poing dessus, la faisant voler en éclats… et grogner de douleur – en regardant sa main gauche, il vit qu'un morceau d'os s'était logé dedans et il le retira très vite.

Concentré sur comment repousser ces choses, il perçut à peine les sons derrière lui, faisant que lorsqu'il se retourna, il constata in extremis que leur nombre d'assaillants avait doublé. Il crut que c'était fichu quand il entendit un grand PLOUF du côté de la fontaine qui ne perturba nullement les morts-vivants… jusqu'à ce qu'une espèce de tentacule fait d'eau sortit du bassin et attrapa l'un d'eux pour le jeter violemment contre un mur, poussant les autres à s'écarter. Cependant, un autre vit sa tête se faire éclater par une batte de baseball tandis que le plus proche de lui perdit ses jambes après que celles-ci aient été fauchées par une hache.

—Beurk ! fit une voix qu'il reconnut comme celle de Karol. Il y avait des insectes dans celui-là !

—Crois-moi, il y a pire, lui lança Sodia avant de donner une bonne série de coups de batte au mort-vivant qu'elle venait de décapiter.

Mais que se passait-il ici au juste ? Yuri se le demandait mais vu que leurs ennemis ne semblaient pas renoncer à leur idée fixe, il décréta que cela allait attendre que ce bordel soit terminé.

L'adolescent essayait visiblement de s'assurer qu'une fuite était possible seulement, d'autres zombies apparurent, bloquant toute possibilité de quitter la place. Face à ce constat, il grinça des dents, ce que le jeune homme ne pouvait que comprendre. Il fut cependant surpris de voir Patty à leurs côtés, se demandant d'où elle pouvait bien venir.

—Ca sent mauvais… déclara Karol d'une voix blanche.

—Combien ils sont au juste ces zombies ? questionna le jeune homme avant de retenir un grognement de douleur, sa main gauche se mettant à le lancer fortement.

—Ce ne sont pas des zombies nanoja, répondit Patty en faisant la moue. Plutôt des fantômes qui ont piqué des cadavres…

Brusquement, Sodia lui attrapa le bras gauche. Yuri allait lui demander quel était son problème quand il vit l'état de sa main : des lignes violacées venant de sa blessure apparaissaient, expliquant ainsi pourquoi il avait mal. De plus, il fut frappé par la présence d'un anneau en métal sombre à son annulaire sur lequel des lettres gravées en une langue qui lui était inconnue brillaient d'une lueur argentée.

—Et certains sont morts empoisonnés, grogna la jeune femme en le lâchant avant de le regarder droit dans les yeux. Si tu en touches encore un autre, tu es condamné à mort.

—Sympa… dit-il en grimaçant à cause de sa blessure. Et comment tu sais ça au juste ?

—J'crois pas qu'ils vont nous laisser l'occasion de l'expliquer… constata Karol avec crainte.

Et il n'avait pas tord : leurs ennemis se rapprochaient d'eux dangereusement et aucune fuite n'était possible. Face à cela, Sodia lui donna sa batte de baseball pour se munir d'un couteau à la lame bien aiguisée tandis que Patty s'arma d'un bilboquet et que lui ainsi que l'adolescent se tenaient prêts à défendre leurs vies. Enfin, Repede se mit en position d'attaque et lâcha un hurlement… avant que ne commence le combat.

-§-

En apprenant que Repede était parti en trombe, Flynn n'avait pas mis longtemps à comprendre que la nature du danger était probablement plus grave que prévue et s'il fallait combattre des fantômes, un vivant n'avait aucune chance de s'en tirer, ce qui signifiait que Yuri allait mourir ce soir. Même si ses amis intervenaient à temps, seuls Patty, Judith et Raven pouvaient efficacement lutter contre des ectoplasmes car ils avaient acquis en mourant des pouvoirs qui pouvaient aussi affecter les fantômes, ce qui n'était pas le cas de Karol ou de Sodia – il avait d'ailleurs des inquiétudes pour cette dernière et espérait qu'elle n'allait pas aller au combat.

Dans tous les cas, il était à présent convaincu d'une chose : depuis le début, son enquête sur la mort de Lilith était condamnée à ne pas avancer car il n'avait pas envisagé que le coupable n'était pas un mortel… ce qui plaçait les autres faucheurs dans sa nouvelles liste de suspects.

Rapidement, il avait demandé à Estellise et Rita de garder les lieux en son absence puis il était parti dans l'immeuble où vivait Yuri pour récupérer Raven et Judith… qui avaient eu le dessus sur leurs adversaires – c'était plutôt logique car Raven était mort électrocuté, ce qui lui donnait un gros avantage contre des fantômes de noyés, et Judith, contrainte de rester au manoir en quasi permanence, tuait le temps en s'entrainant au combat avec Patty le plus souvent.

Une fois qu'il eut envoyé ces trois âmes dans l'au-delà, il dut réfléchir à comment localiser Yuri car Karol ne répondait pas sur son téléphone, ce qui était plutôt mauvais signe. Il allait partir dans la direction indiquée par ses amis quand il entendit le hurlement de Repede…

-§-

C'était très mauvais pour eux et leurs chances de survie devait approcher de zéro. Tous se défendaient comme des diables contre ces assaillants surnaturels mais Yuri savait qu'ils allaient tous y rester si cela continuait ainsi. Son bras le lançait terriblement, faisant qu'il ne pouvait plus se servir de sa main gauche… et cela lui aurait coûté cher si Sodia n'avait pas réagi en recevant le coup à sa place, laissant le temps à Repede de régler son compte à l'ennemi le plus proche.

Seulement, s'ils avaient réussi à en repousser une dizaine, ils étaient épuisés, blessés ou dans le cas de la rousse, dans un état inquiétant face à encore une vingtaine de ces choses qui ne semblaient pas vouloir renoncer.

Alors qu'un de ces zombies voulait profiter que Sodia était inconsciente pour l'attaquer, Yuri s'interposa et ferma les yeux, attendant le coup fatal… mais à la place, sentit un courant d'air devant lui puis un bruit métallique. En ouvrant les yeux, il reconnut, devant lui, la silhouette de Flynn… qui tenait en main une longue faux en métal sombre.

—Tout le monde va bien ? demanda-t-il sans les regarder tandis que leurs ennemis, étrangement, semblaient reculer, comme s'ils craignaient le jeune homme aux cheveux d'or.

—T'en fais pas pour nous ! lui répondit Karol qui alla auprès de la rousse, rejoint par Judith et un homme avec un manteau violet.

—Yuri, lui dit Flynn qui s'était légèrement tourné vers lui. Je…

—On en parlera plus tard, le coupa Yuri en grimaçant à cause de cette fichue douleur. C'est pas trop le moment là.

D'un signe de tête, son ami lui signifia qu'il avait compris puis il reporta son attention sur cette armée de mort-vivants. Il avança de quelques pas avant de brandir son arme vers eux.

—J'imagine qu'il n'est pas nécessaire que je vous rappelle que vous ne pouvez pas me tuer, leur déclara le jeune homme aux cheveux d'or sur un ton glacial.

Visiblement, leurs ennemis étaient au courant car tout dans leur attitude indiquait qu'ils craignaient celui tenant la faux – Yuri lui-même commençait à ne pas être à son aise en voyant cette brume noire qui en émanait.

—J'imagine aussi que vous êtes tous parfaitement au fait qu'aucun de vous ne pourra m'échapper, poursuivit Flynn tandis que cette brume noire se mit à l'envelopper, donnant des frissons à toute l'assemblée.

—Flynn-chan est pas content… souffla Patty en se collant à Repede, le seul d'entre eux qui ne semblait pas gêné par tout cela.

Soudain, Yuri vit son ami s'élancer vers les morts-vivants, fauchant d'un coup trois d'entre eux. Une vague de panique se créa au sein des zombies qui tentèrent de fuir mais la redoutable faux et son porteur ne leur laissa pas la moindre chance, les réduisant tous en poussière dès qu'ils en entrèrent en contact avec ce métal sombre. Ses gestes étaient précis et sa technique impeccable… mais il réalisa vite, en voyant l'aspect à présent squelettique des mains de son ami, ce que celui-ci était réellement : la Mort.

Le dernier ennemi éliminé, Flynn fit disparaître sa faux ainsi que la brume qui était avec elle puis il vint vite les rejoindre. Ses yeux bleus s'agrandirent d'horreur en voyant l'état dans lequel était sa main gauche mais ce n'était pas lui qui était le plus amoché ici…

—Sodia est bien atteinte, lui dit Judith en désignant la rousse dont les veines des bras étaient devenues fortement violacées. Je n'arrive pas à la réveiller.

—… Raven, fit son ami en se tournant vers l'homme au manteau violet. Vous êtes prié de ne rien faire d'indécent…

—J'suis quelqu'un d'bien élevé ! s'offusqua le plus vieux avant d'afficher un sourire quelque peu… pervers. Depuis le temps que j'attends cela…

En soupirant d'exaspération, Karol aida Judith à allonger Sodia et à déboutonner son haut, révélant que les veines au niveau de son torse étaient elles aussi atteintes. Yuri allait vérifier l'avancement chez lui quand Flynn lui prit le bras pour soulever la manche de son manteau, visiblement pour s'assurer de la même chose que lui. Chance ou non, ce truc n'avait quasiment pas progressé mais il lui faisait toujours très mal.

—… Sans l'anneau, tu serais déjà mort, constata son ami en pointant l'endroit où s'était stoppée la propagation de cette saleté. Tu es entré en contact avec le fantôme d'une personne morte empoisonnée et, généralement, aucun humain n'y survit.

—Dans ce cas Sodi- réalisa Yuri en reportant toute son attention sur la jeune femme.

—Elle n'est plus humaine mais elle aura besoin de beaucoup de repos pour s'en remettre.

En entendant cela, il reporta son attention sur celle-ci. Elle était allongée au sol, son chemisier ouvert et laissant pleine vue sur un soutien-gorge noir et l'étendue de l'empoisonnement. Assit à côté d'elle, Raven inspira un bon coup en se frottant rapidement les mains l'une contre l'autre… créant de légers éclairs. Puis il expira et posa ses paumes au niveau du cœur de la rousse, créant un choc, comme si elle avait été en contact avec un défibrillateur. Cette dernière ouvrit brièvement les yeux, cette fois-ci, sa poitrine se soulevant clairement pour indiquer qu'elle respirait. Le plus vieux voulu répéter l'opération mais Judith lui donna un bon coup de poing dans la mâchoire pour lui en faire passer l'envie.

Les yeux de Yuri se posèrent tour à tour sur chaque personne présente, essayant de comprendre ce qu'il se passait exactement...

-§-

Même s'il regrettait de ne pas avoir laissé un de ces fantômes pour l'interroger, Flynn savait qu'il aurait pu ne rien en tirer et risquer d'avoir plus de blessés de son côté. Bien que Judith et Raven ait pu stabiliser l'état de Sodia, il n'était pas tranquille vu ce par quoi elle était passée avant sa mort et les séquelles qu'elle en avait, ce qui allait nécessiter qu'elle soit mise à l'écart des vivants pendant un certain temps.

Le plus urgent à présent, c'était Yuri qui, visiblement, était complètement perdu suite aux derniers évènements. Dans son cas de figure, l'empoisonnement était freiné par l'anneau, ce qui laissait pleinement le temps de traiter cela avant que cela n'atteigne le cœur. Seulement, cela nécessitait de l'amener au manoir…

—Qui es-tu au juste ? lui demanda son ami, l'air méfiant. Et ne me ment pas cette fois…

—Je n'ai pas menti sur mon nom et mon âge, répondit le Faucheur tandis que Patty vérifiait que Repede n'avait rien. J'ai juste omis de préciser que c'était l'âge que j'avais quand je suis devenu ce que je suis à présent.

Aux réactions du jeune homme, il savait que celui-ci n'était pas terrifié : il voulait des réponses à ses questions, exactement comme Lilith à l'époque. Seulement, il n'était pas persuadé qu'il allait bien les prendre…

—Tu as aussi omis de préciser que tu connaissais cette fille qui est morte, souligna l'employé sur un ton sec, signe qu'il n'était pas très content.

Flynn allait lui répondre quand Yuri sembla soudainement aller mal. Il eut juste le temps de réagir pour l'empêcher de tomber au sol, le tenant entre ses bras. Un coup d'œil à son bras gauche lui confirma que le poison n'était pas la cause de cela vu qu'il n'avait pas progressé mais quand il posa sa main sur le front de son ami, il réalisa que celui-ci était brûlant.

Vu les évènements, il n'avait pas d'autres choix que de l'emmener au manoir sans son consentement… et prier pour qu'il passe la nuit.


NB : Bon, vu mon temps libre, la suite va se faire attendre un peu…

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 Fluristelle Month 2017 : Separation – Reunion

Note : Là, on va plutôt s'intéresser à Flynn et répondre aux questions qui le concerne… donc pas de passages dans le monde des rêves pour ce chapitre.


Fin septembre dans les environs d'Halure un an plus tôt. L'été laissait place à l'automne, teintant les arbres de teintes chaudes qui créaient progressivement un beau festival de couleurs sur les collines et les montagnes aux alentours, tandis que venait le moment de commencer à ratisser les feuilles mortes avant que celles-ci n'envahissent les pelouses et qu'elles ne deviennent plus difficiles à rassembler avec la pluie.

Dans le jardin du manoir Blackwood où il vivait depuis pas mal de temps, Flynn enlevait les quelques feuilles qui étaient tombées sur une pierre tombale où était gravé « Elisabeth Blackwood, 1849 – 1870 ». Ses yeux azur lurent ce nom pour la énième fois et, comme à chaque fois, il avait une douleur dans la poitrine, comme si on lui avait arraché le cœur… ce qui était à peu près ce qu'il s'était produit cette nuit fatidique où, à son retour, il l'avait trouvée dans le petit salon, gisant sur le parquet et avec un foulard fermement serré autour de sa nuque délicate. En sentant son corps glacé contre ses doigts, il avait cru mourir une seconde fois…

Sa première mort remontait bien des siècles plus tôt quand, jeune chevalier, il avait participé aux Croisades et où il avait combattu de toutes ses forces. Mais un jour, son épée s'était attaquée à ce qu'elle n'aurait jamais dû toucher : un Faucheur d'âmes en train d'accomplir sa besogne. Il l'avait tué en un coup… et s'était condamné par la même occasion à devoir prendre la place qui était à présent vacante, que cela lui plaise ou non. Il avait gagné l'immortalité mais celle-ci avait un goût bien amer en bouche…

Pendant des décennies, il avait envoyé bon nombres d'âmes là où elles le méritaient, que ce soit dans un lieu meilleur ou dans un endroit digne de l'Enfer, tout en se mêlant discrètement à la population, évoluant en même temps qu'elle, s'adaptant aux modes, aux avancées scientifiques ou techniques… Il avait perdu goût à la vie, se considérant comme étant un mort parmi les vivants.

Puis un jour, il avait croisé la route de Lilith.

C'était en hiver en l'an 1863 : il s'était rendu au manoir Blackwood en tant qu'artiste pour accompagner un comte qui avait été invité par Lady Greed qui gérait les lieux depuis la mort de Robert Blackwood, le beau-père de sa sœur défunte. Seulement, il n'était pas resté longtemps car peu avant son arrivé, elle s'était disputée avec sa nièce et cela avait quelque peu gâché la soirée. Mais quand il s'était aperçu qu'il avait oublié un de ses gants dans le petit salon, il avait rebroussé chemin. Sa première idée avait été d'user de ses pouvoirs de Faucheur pour entrer et récupérer discrètement son bien, ce qu'il comptait faire lorsque, en arrivant, il vit à travers la fenêtre que quelqu'un l'avait déjà trouvé : une jeune fille aux cheveux de jais qui était vêtue d'une robe de chambre d'homme aux tons violacés qui semblait un peu grande pour elle.

Ce n'était pas la première fois qu'il l'apercevait, ayant déjà eu l'occasion de la voir à l'automne suite à la mort de son grand-père, évènement qu'elle avait très mal vécu – il était malheureusement habitué à voir la peine des proches au point d'en devenir presque totalement indifférent. Seulement, cette fois-ci, quelque chose chez elle le captivait…

Sans vraiment réfléchir, il avait toqué à la fenêtre, la faisant sursauter elle et son jeune chien. Réalisant à son regard qu'il lui avait probablement fait peur, il fit quelques gestes pour lui faire comprendre la raison de présence, faisant que, un peu soulagée, elle lui avait ouvert.

—Pardon, s'était-il excusé en restant à l'extérieur. Je ne voulais pas vous faire peur mais comme j'ai vu du mouvement…

—Je m'en remettrai, avait-elle dit à voix basse avant de lui tendre le gant. C'est à vous je présume ?

—Oui, merci. Je suis vraiment désolé pour le dérangement.

Il s'était avancé d'un pas pour récupérer son bien puis avait baissé la tête vers le jeune chien qui l'observait attentivement. Il s'était accroupit pour se mettre au niveau de l'animal et avait attendu un peu, laissant le temps au chien de le renifler avec attention. Son examen finit, le jeune chien avait remué joyeusement la queue et Flynn lui avait caressé affectueusement la tête avant de se relever.

—Il n'aime pas les étrangers d'habitude, avait remarqué l'adolescente, étonnée.

—Il protège sa maîtresse, ce qui est normal, lui avait-il répondu. Par contre, je vais devoir vous laisser…

—Vous reviendrez ?

Surpris par cette question, il avait marqué un temps d'arrêt, captivé par ce regard anthracite et cette peau claire qui luisait sous le clair de lune.

—Uniquement si vous le désirez.

Il avait prononcé ces mots sans réfléchir et ce ne fut que plusieurs jours plus tard qu'il avait réalisé que cette nuit-là, il avait commencé à tomber amoureux d'elle alors qu'il savait très bien qu'elle n'avait que quatorze ans à cette époque. Pendant un bon moment, il avait essayé de se convaincre que c'était mal d'être attiré par elle, une simple mortelle qu'il serait bien contraint d'envoyer un jour dans l'au-delà. Cela avait marché et il avait évité le manoir Blackwood avec soin…

Jusqu'à un soir en 1864 : c'était le mois d'août et le soleil ainsi que la chaleur étaient au rendez-vous, faisant que la nuit, les fenêtres étaient souvent laissées ouvertes pour faire rentrer la fraicheur. Seulement, il avait été contraint de retourner dans la demeure qu'il évitait, plus précisément dans le salon, car sa funeste besogne l'attendait : une employée du manoir était morte, vraisemblablement suite à un empoisonnement.

Arrivé sur les lieux, Flynn avait revêtu sa tenue macabre et n'avait pas eu longtemps à attendre avant que l'âme de la défunte ne prenne forme. Elle était désorientée au début mais en comprenant ce qu'il lui était arrivé, elle se mit à paniquer et le Faucheur avait été contraint d'user de ses pouvoirs pour la calmer afin de l'envoyer dans un lieu où elle pourrait reposer en paix. Mais à peine avait-il terminé que le son du parquet qui grinçait lui avait fait brusquement tourner la tête vers la double-porte du salon… et qu'il avait découvert que Lilith l'avait vu, visiblement choquée par ce qui se trouvait devant ses yeux.

La capuche qu'il avait sur la tête ne permettait pas de voir son visage… mais c'était sans compter sur Repede, le chien de l'adolescente, qui, profitant de sa surprise, avait attrapé son long manteau noir avec ses crocs et l'avait tiré d'un coup, révélant ses traits à la jeune fille sans qu'il ait eut le temps de réagir. Flynn allait lui expliquer quand elle lui avait fait signe de se taire… et qu'il eut entendu du bruit venant de l'étage.

Ses yeux azurs avaient rapidement observé l'ensemble du tableau et il en avait conclu que s'il fuyait, certaines personnes pourraient penser que l'adolescente de quinze ans avait tué son employée, ce qui était faux. Or, vu ce que ce comte lui avait raconté, Lady Greed avait plutôt intérêt à ce que sa nièce ne soit plus dans ses pattes pour espérer mettre la main sur l'héritage… et il en était venu à se demander si le poison n'était pas en fait destiné à cette jeune héritière.

D'autres sons se faisant entendre, Flynn avait vite récupéré son manteau noir et, tandis que Repede avait sauté par une fenêtre ouverte en aboyant, il avait enveloppé Lilith et lui-même avec le tissu puis usé de sa magie… pour les transporter dans la chambre de la jeune fille. Il n'avait ensuite pas perdu plus de temps et avait quitté les lieux… pile au moment où le corps de l'employée de maison avait été découvert par sa collègue qui avait poussé un cri déchirant, alertant la demeure toute entière.

Ce ne fut que le lendemain qu'il revint sur place, cette fois-ci en tant que photographe mandaté par le comte qui l'avait invité ici l'hiver précédent. Lady Greed avait facilement gobé ce prétexte, peu mécontente d'apprendre que ce cher comte voulait montrer un portrait de sa nièce à certains de ses amis. C'était donc en toute confiance qu'elle l'avait laissé seul au manoir, ayant apparemment des choses à faire en ville.

Il avait facilement trouvé Lilith au son du piano, le premier mouvement de la sonate Clair de Lune résonnant dans le petit salon tel un chant funèbre. Sa façon de jouer de cet instrument était remarquable : il sentait toute la tristesse qu'elle insufflait dans les notes de ce morceau, intensifiant cette lamentation musicale. Il était limpide pour lui que si elle connaissait ce passage sur le bout des doigts, elle savait comment transmettre ses émotions à travers les sons qu'elle tirait des touches du piano.

—Est-ce qu'elle m'entend jouer ? avait soudain demandé la jeune femme sans lui jeter un regard.

—Qui do-, commença Flynn avant de comprendre ce qu'elle venait de lui demander. Je ne sais pas. J'ignore ce qu'il se passe de l'autre côté.

Comment avait-elle deviné qu'il était derrière elle ? Il avait cherché et vite compris en notant que Repede était installé à côté d'elle et que l'animal avait réagi en le voyant, signalant ainsi à sa maîtresse que quelqu'un était entré ainsi que si la personne était ou non un ami.

Avec précaution, le jeune homme avait posé son matériel dans un coin discret puis s'était assit sur la causeuse, écoutant la fin du premier mouvement de la sonate. Elle enchaîna ensuite directement avec le suivant, cette fois-ci en y mettant de la joie, ce qui se voyait au sourire qu'elle avait sur les lèvres.

—Je n'étais pas sure de vous revoir, lui dit Lilith en continuant de jouer. Ce qu'il s'est passé cette nuit était si étrange que j'ai pensé un temps l'avoir rêvé…

—Vous étiez parfaitement éveillée, lui confirma Flynn. J'aimerai d'ailleurs m'excuser de la frayeur que je vous ai faite et… vous demander de garder cela pour vous.

—Ce n'est pas comme si nous allions le crier sur tous les toits. N'est-ce pas Repede ?

A sa question, le chien répondit par un aboiement affirmatif, ce qui fit sourire le Faucheur.

—Par contre, j'avoue me poser quelques questions… admit la jeune femme en approchant de la fin du deuxième mouvement. Si j'ai bien compris, vous êtes la mort…

—Plutôt un de ses nombreux émissaires, la corrigea le jeune homme. Nous sommes plusieurs à assumer cette fonction à travers le monde depuis des décennies.

Lilith acheva le deuxième mouvement sans problème… puis il la vit se mordre la lèvre inférieure et entamer le dernier mouvement avec maladresse, ce qui l'étonna quelque peu car il l'avait déjà entendu jouer ce passage et elle n'avait pas ces difficultés. Son manque d'assurance se ressentait et très vite, elle fit des fausses notes puis arrêta de jouer, visiblement agacée par cet échec.

—Inutile que je continue ce… massacre, dit-elle en soupirant de dépit. Je suis une bien piètre pianiste…

—Absolument pas, lui dit-il avec conviction. Vous êtes capable de jouer ce morceau.

—Je sais… Mais je n'y arrive plus depuis que cette chose qui me sert de tante veut gérer ma vie !

Brusquement, elle se leva de son banc puis vint s'asseoir à côté de lui en soupirant, ce qui n'était pas vraiment une attitude que devait avoir une jeune femme de son âge mais qui, lui, ne le dérangeait pas. Pour lui remonter le moral, il avait beaucoup parlé avec elle et celle-ci s'était beaucoup intéressée à lui. Ils avaient échangé sur leurs passés respectifs sans trop entrer dans les détails mais suffisamment pour avoir un meilleur aperçu de l'autre. Flynn l'avait ensuite prise en photo dans le jardin afin de rendre son mensonge plus crédible et il était reparti quand il avait senti que du travail l'attendait.

Régulièrement, il était revenue la voir et avait ainsi découvert qu'elle s'était liée d'amitié avec une jeune fille plus jeune qu'elle : Estellise Sidos Heurassein qui était issue d'une famille noble. Il leur arrivait de prendre le thé tous les trois pour bavarder, surtout en l'absence de Lady Greed. Lorsqu'il devait partir, Lilith l'aidait toujours à trouver une bonne excuse pour cela.

Puis, après qu'elle ait eu seize ans, elle lui avait posé des questions sur les anneaux qu'elle avait vus autour de son cou et il lui avait répondu… sans se douter qu'elle profiterait de l'occasion pour en passer un à son doigt et lui déclarer qu'elle voulait se marier avec lui. Il avait d'abord essayé de lui faire comprendre qu'elle n'aurait jamais une vie normale mais ce n'était pas ce qu'elle désirait. Son souhait, c'était d'être libre et il comprit qu'il était le seul à pouvoir l'exaucer, même si cela impliquait que leur idylle serait à la fois brève et compliquée. Par amour pour elle, il avait accepté de se fiancer avec elle…

Seulement, comme il s'y était attendu, Lady Greed n'avait pas vu cela d'un bon œil car Flynn était un simple artiste et n'avait rien. Elle avait donc précipité sa nièce dans un mariage arrangé… qui avait vite tourné court avec le pouvoir des anneaux des Faucheurs lorsque le marié, un vieux bourgeois fortuné, n'a jamais pu arriver à temps aux noces : il avait fait une mauvaise chute de cheval et en était mort. D'autres prétendants avaient saisi l'occasion pour prendre la main de la belle Elisabeth Blackwood mais le malheur s'abattit aussi sur eux, au point que la rumeur courait comme quoi la jeune femme était maudite, ce qui n'arrangeait pas les affaires de sa tante… qui opta pour d'autres solutions afin de se débarrasser de celle qu'elle considérait comme un problème.

Lilith était intelligente et avait donc réussi à esquiver toutes les tentatives d'empoisonnements la visant, principalement en usant de la maison elle-même qui, de ce que le Faucheur avait compris, recelait de recoins cachés que feu Robert Blackwood avait aménagés et dont seule sa petite-fille connaissait les emplacements exacts. Seulement, elle était passée à d'autres méthodes comme payer quelqu'un pour tuer sa nièce. Là encore, elle avait échoué mais cela avait coûté un œil à Repede qui, suite à cela, ne laissait presque plus personne s'approcher de sa maîtresse.

C'était suite à cet évènement que Flynn avait travaillé plus dur pour amasser une énorme somme d'argent tout en négociant avec le comte qui lui avait permis de passer inaperçu. Ce dernier était un bon vivant mais les dettes dont il avait hérité ainsi que son titre étaient un handicap pour lui, faisant que le Faucheur avait réussi à le convaincre de lui vendre son titre de noblesse et à entamer une nouvelle vie dans une autre ville.

Quand il fut revenu au manoir Blackwood mais en tant que comte Flynn Scifo, Lady Greed était loin d'être ravie et avait encore tenté de le chasser mais le jeune homme avait une autre carte dans sa manche : les témoignages de ceux qui avaient été engagés pour assassiner Elisabeth Blackwood et qui avaient échoués ainsi que des preuves prouvant qu'elle avait tout intérêt à voir sa nièce disparaître pour avoir accès à l'héritage de Robert Blackwood. Il lui avait donné le choix entre le laisser épouser Lilith ou bien faire face à la justice. Le choix avait été rapide et elle avait quitté la demeure.

Quelques jours plus tard, il avait enfin pu célébrer son mariage avec celle qu'il aimait durant le printemps de l'année où elle allait avoir ses dix-sept ans. Le comité avait été très restreint avec pour seuls invités, leurs témoins respectifs : Estellise, Repede et un Faucheur que Flynn avait rencontré deux siècles plus tôt. Seulement, il avait tenu à ce que leur nuit de noces attende qu'elle ait dix-huit ans, principalement car ils n'avaient encore jamais vécu sous le même toit et qu'il leur fallait donc s'habituer à vivre ensemble.

A cause des manigances de Lady Greed et du fait qu'il fallait que le jeune homme garde ses secrets, il n'y avait plus aucun domestique au manoir Blackwood, faisant que c'était à eux d'entretenir la demeure. Avec les horaires chaotiques du Faucheur, Lilith avait vite prit en main la cuisine, ce qu'elle avait déjà commencé à faire avant que sa tante ne s'installe. Même si jouer les femmes au foyer la faisait souvent grimacer, elle pouvait s'organiser comme elle le désirait et, surtout, elle se sentait vraiment libre de ses mouvements chez elle, y compris quand elle invitait son amie qui appréciait beaucoup la nouvelle ambiance des lieux.

Un jour, en revenant d'une matinée passée à envoyer des âmes dans l'au-delà, il avait trouvé sa compagne en train de s'occuper du jardin… vêtu de l'un de ses pantalons de travail et d'une de ses vieilles chemises. Elle avait attaché ses cheveux à la va-vite en un chignon assez brouillon mais qui lui correspondait à merveille. Elle avait un peu de terre sur les bras et le visage, signe qu'elle avait été très occupée en son absence. Quand elle avait réalisé qu'il était là en train de la regarder, elle lui avait demandé ce qui n'allait pas… et il l'avait embrassée avec fougue, ce à quoi elle lui avait répondu qu'elle savait à présent qu'elle pouvait continuer à lui piquer ses vêtements.

Bien entendu, il leur arrivait de se disputer sur des sujets divers et variés mais chacun avait son exutoire à sa propre colère : lui dessinait ou peignait tandis qu'elle jouait du piano, généralement le troisième mouvement de la sonate Clair de Lune qu'elle sublimait avec sa frustration et sa rage. Une fois, ils avaient eu un désaccord assez violent alors qu'il essayait de peindre une nature morte et ils en étaient venus à se jeter de la peinture à la figure jusqu'au moment où sa compagne lui avait sauté dessus pour essayer de le plaquer au sol… ce qui n'avait pas vraiment fonctionné vu qu'il l'avait vite dominée… et qu'il n'avait pas pu s'empêcher de rire en voyant l'état de son visage, mettant fin à leur querelle du moment.

Jusqu'aux dix-huit ans de Lilith, ils avaient fait chambre à part pour limiter les tentations et aussi parce qu'il avait besoin de peu d'heures de sommeil à cause de son statut de Faucheur. Le soir de l'anniversaire de son épouse, cette dernière l'avait rejoint dans sa chambre… uniquement vêtue de sa robe de chambre mauve qu'elle avait ensuite ouverte en grand puis laissée tomber au sol, le laissant face à une vision qui lui donnait l'impression de contempler une œuvre d'art. Elle était tellement belle avec ses longs cheveux de jais qui lui tombaient sur la poitrine qu'il osait à peine la toucher.

Aucun d'eux ne regrettait d'avoir attendu pour leur nuit de noces. Flynn ne se lassait pas de sentir sa peau nue sous ses doigts ou de la voir endormie, ses longs cheveux noirs étalés sur les draps. Les étreintes passionnées qu'ils avaient partagées n'avaient fait que lui confirmer son amour pour cette femme et son désir de partager le plus de moments possibles avec elle.

Après cette délicieuse nuit, il s'était mis en tête de faire quelques tableaux de sa compagne et ce, bien qu'il avait déjà pas mal de photos d'elle, que ce soit vêtue de ces robes style empire qu'elle aimait tant ou d'une tenue masculine, bravant les codes vestimentaires des femmes de l'époque. Il s'était surtout appliqué à faire un portrait d'elle puis, sur la suggestion de cette dernière, une toile où elle était assise de façon aguicheuse et ce, entièrement nue…

Ils avaient été heureux… jusqu'au 31 octobre 1870, le jour où leur bonheur vola en éclats.

Ce soir-là, Flynn était allé envoyer de nombreuses âmes dans l'au-delà, le choléra ayant fait des ravages dans une ville de la région. Il venait de terminer sa besogne quand son instinct de Faucheur l'avait appelé… à rentrer chez lui car quelqu'un y était mort. Son sang s'était immédiatement glacé et il était vite retourné au manoir pour s'assurer qu'il s'était trompé. Mais à son retour, aucun son ne se faisait entendre… et Repede était étendu au sol, baignant dans son sang. Avec précipitation, il avait cherché sa compagne dans toute la demeure… pour la trouver dans le petit salon, morte après avoir été étranglée.

Bien qu'il savait qu'un jour, ils devraient se séparer, jamais il n'aurait pu imaginer que cela se produirait si tôt et d'une manière si douloureuse. Il avait hurlé jusqu'à en perdre la voix, ses larmes ruisselant le long de ses joues et venant s'écraser sur le visage figé de son aimée. Sa peine était immense… au point qu'il n'avait réalisé que bien plus tard qu'étrangement, l'âme de Lilith n'était pas présente.

Le cœur lourd, il s'était résolu à enterrer son épouse dans le jardin du manoir et avait ensuite usé de ses pouvoirs de Faucheur sur cette demeure, faisant en sorte que personne ne puisse y entrer sans sa permission.

Plus d'un siècle plus tard en ce mois de septembre, il s'était rendu dans la ville d'Halure pour accomplir sa macabre besogne et venait de finir quand il s'était rendu à l'épicerie de la ville pour acheter de quoi manger. Son esprit était à nouveau obnubilé par ce drame et, surtout, d'essayer d'en déterminer l'auteur. Il avait depuis longtemps écarté Lady Greed car celle-ci avait succombé au choléra l'année avant la mort de Lilith et il en avait fait de même avec tous ceux qui auraient eu l'héritage comme mobile, aucun ne s'étant trouvé dans la région le jour du meurtre. Quelque chose lui échappait…

—Ce serait possible de vous décaler ?

Sortant de ses pensées, Flynn s'écarta pour laisser passer l'employé de l'épicerie… et il crut frôler la crise cardiaque en voyant son visage : il ressemblait trait pour trait à Lilith !

Essayant de se montrer plus rationnel, le Faucheur l'observa de loin, supposant qu'il était un descendant de la famille Blackwood qu'il avait peut-être raté en faisant leur généalogie. Seulement, en voyant les expressions de son visage, l'étincelle dans ses yeux anthracite et sa façon de râler, il avait eu un sérieux doute car cet inconnu et feu sa compagne avaient bien trop en commun.

En remarquant que l'employé semblait galérer pour trouver dans quel rayon il devait ranger les boîtes de conserves qui avaient manifestement été déplacées par un petit malin, il se dit que c'était peut-être l'occasion idéale…

—Besoin d'aide ? proposa Flynn, attirant sur lui ce regard anthracite qui l'intéressait tant.

—Ouais, admit l'employé en grimaçant. Je viens de commencer ce job et je dois déjà ranger tout le magasin alors que je viens d'arriver… en retard.

Amusé, il lui avait expliqué où allaient certains articles pour lui faciliter la tâche et ils avaient un peu discuté. Ainsi, il avait appris que ce jeune homme se nommait Yuri et qu'il venait d'emménager à Halure. Ils avaient fait connaissance au fil des jours, le Faucheur ayant fait en sorte de passer le plus souvent possible à l'épicerie, leur permettant de se lier d'amitié bien qu'ils ne se voyaient pas beaucoup en dehors de ce lieu, lui parce qu'il savait qu'il risquait de devoir partir à l'improviste et l'employé car il lui semblait qu'il maintenait volontairement une légère distance entre eux.

Un jour où Yuri était un peu distrait, Flynn en avait profité pour vérifier quelque chose… et avait confirmé ses soupçons en voyant apparaître brièvement cette alliance au doigt du jeune homme, lui révélant la vraie cause des malheurs affectifs de son ami : Elisabeth Blackwood, sa compagne qu'il avait tant aimée, s'était réincarnée en tant que Yuri Lowell.

Le Faucheur était sincèrement heureux d'avoir retrouvé l'âme de son amour… mais lorsque, après avoir fêté ses vingt-et-ans, son ami se mit à faire ces rêves où il voyait la scène du meurtre de Lilith, il eut des sueurs froides à l'idée de perdre à nouveau cette personne. Il avait tenté de reprendre l'anneau et ainsi briser le mariage mais à chaque fois, c'était un échec car, consciemment ou non, Yuri refusait de briser ce lien.

En voyant la date fatidique se rapprocher dangereusement et suite aux remarques de Sodia, Flynn en avait convenu qu'il ne pouvait plus se permettre de garder cela pour lui. Il avait besoin d'aide pour à la fois résoudre ce meurtre vieux de plus d'un siècle et empêcher un drame de se produire de nouveau.

Or, durant toutes les années s'étant écoulées depuis le jour où son cœur avait été brisé, il avait rassemblé dans sa demeure quelques âmes qui ne souhaitaient guère quitter le monde des vivants et qui, en échange, lui rendaient divers services. Dans une des chambres à l'étage, il y avait justement trois d'entre elles qui étaient présentes… et plus particulièrement Repede, le chien de Lilith qui refusait de l'abandonner, et Estellise Sidos Heurassein, empoisonnée quelques mois après la mort de son amie par un membre de sa famille et qui souhaitait élucider le meurtre ayant eu lieu au manoir Blackwood avant de trouver le repos éternel. A ses côtés, il y avait Rita Mordio, un autre fantôme qui avait refusé de rejoindre l'au-delà après avoir été brûlée vive pour sorcellerie alors qu'elle était une scientifique – celui qui s'était occupé de son cas au départ avait préféré la laisser errer en pensant qu'elle ne ferait pas plus de dommages qu'un feu follet… sans se douter qu'elle provoquerait des incendies sur son passage, faisant que Flynn avait rendu un grand service aux habitants de la région en la ramenant chez lui.

—Oh ? fit Estellise en le voyant entrer. Bonsoir Flynn. Il y a un problème ?

—C'est deux heures du matin, remarqua Rita en jetant un œil à l'horloge. Ca ne peut pas attendre que le soleil se lève ?

—Pas vraiment non, déclara le Faucheur avant de se tourner vers la jeune femme aux grands yeux turquoise. Il faut que je te parle en privé au préalable.

Soupirant d'exaspération, celle aux yeux verts quitta la pièce tandis qu'Estellise s'était mise à le fixer avec curiosité, tout comme Repede qui sentait que quelque chose n'allait pas.

—Lilith s'est réincarnée, révéla Flynn, provoquant la joie de la jeune femme. Seulement, il n'a aucun souvenir de sa vie antérieure.

—Il ? questionna-t-elle, intriguée. Elle est devenue un garçon ? Ce serait logique en même temps…

—Oui, c'est un homme à présent mais depuis quelque temps, il rêve de la nuit du meurtre et ces derniers jours, cela a empiré au point que cela en affecte son quotidien. Je… ne sais pas quoi faire et le 31 est de plus en plus proche…

Il lui avait tout avoué : sa rencontre avec Yuri, la surveillance discrète qu'il faisait du jeune homme… il ne lui avait caché aucun détail, estimant qu'elle méritait de savoir ce qu'il se passait. Elle l'avait patiemment écouté, ne lui faisant aucun reproche pour lui avoir dissimulé tout cela jusqu'à ce jour.

—Ne t'en fais pas, lui dit Estellise avec un sourire emplit de douceur. Nous serons ravis de t'aider.


NB : C'était important que j'introduise au plus tôt Estelle vis-à-vis du Fluristelle Month… Rita n'était pas essentielle mais je la voyais mal sans Estelle et vice versa.

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 Fluristelle Month 2017 : Day 2 : Constellation – Home

Note : Plus compliqué celui-là et là, ça va sentir un peu donc j'ai rebondi sur ce que je connaissais en astronomie. Au départ, je ne comptais pas faire ce thème mais après vérification de ce que j'avais cassé, me suis aperçue que je pouvais faire Home et ainsi éviter l'insertion trop brusque de certains personnages… tout en préservant un peu mon suspense d'origine qui a pris un coup lors du cassage.

Bonne lecture !


 

C'était un jour de printemps. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, les fleurs coloraient et embaumaient les jardins… et une petite fille aux cheveux de jais tenait la main d'un homme d'une cinquantaine d'années.

A partir de maintenant Elisabeth, tu vas habiter avec moi, lui dit l'homme avec bienveillance. Ma demeure est la tienne.

D'accord… répondit la petite fille, visiblement intimidée par celui qui, à ses yeux, était un géant. Où sont papa et maman ?

—… Ils sont partis très loin et ne peuvent pas revenir.

Ils arrivèrent sur le perron d'un manoir et grimpèrent les trois marches menant à la porte d'entrée en bois massif. Celle-ci fut ouverte de l'intérieur par une femme qui était vêtue d'un uniforme, indiquant qu'elle était une employée dans cette maison. Elle les laissa entrer puis referma derrière eux avant de retourner vaquer à ses occupations.

Le hall d'entrée était sombre à cause des tapisseries rouges et du parquet foncé. Il était long, comportant un escalier en bois massif menant à l'étage et des portes desservant les différentes pièces du rez-de-chaussée.

Je t'ai fait préparer ta chambre en haut, lui dit l'homme avant de lui désigner une porte sur leur gauche. Ici, c'est ma pièce favorite. Tu veux la voir ?

Elisabeth lui fit un oui timide de la tête et, avec le sourire, il ouvrit les doubles portes, révélant un petit salon sobrement décoré avec un magnifique piano noir. Il l'invita s'asseoir sur la causeuse et, une fois qu'elle fut installée, il prit place sur la banquette et commença à jouer le premier mouvement de la sonate Clair de Lune, puis le second et, enfin, le troisième. Durant toute la prestation, la petite fille avait été très attentive, ses oreilles écoutant les sons produit par l'instrument massif et ses yeux suivant les doigts qui appuyaient sur les touches.

A la fin du morceau, une larme lui échappa, signe de l'émotion que lui avait fait ressentir ce morceau en la transportant de la tristesse à la joie avant de finir sur une note épique et puissante dont elle ne saisissait pas tout à fait l'impact sur elle-même.

Grand-père ? demanda-t-elle à l'homme. Tu peux m'apprendre ?

J'en serais ravi, lui répondit-il en lui faisant signe de le rejoindre.

-§-

Encore une fois, Yuri avait eu une absence et au travail qui plus est. Heureusement, les clients ne semblaient pas s'en être aperçu mais il était de plus en plus fatigué ces derniers jours et ce, au point qu'il lui arrivait de ne plus se souvenir de ce qu'il avait fait la veille. En prime, c'était la dernière semaine d'octobre donc pas mal de monde commençait à se préparer pour Halloween donc il allait devoir penser à se mettre des bonbons de côté avant que ceux-ci ne soient tous partis.

Avant que son patron ne se rende compte qu'il tirait au flanc, l'employé alla réapprovisionner les rayons qui en avait besoin mais à peine eut-il atteint les rayonnages pour les produits sucrés qu'il grimaça en réalisant que, durant son moment d'égarement, il n'avait pas fait attention qu'une certaine personne était entrée, ce qui n'était pas son cas à elle vu le regard qu'elle lui jetait. C'était quand même difficile de la manquer pourtant : ses ballerines rouge vif avec ses collants à pois noirs se mariaient bien avec sa minijupe blanche et son chemisier ample noir – il suspectait qu'elle cherchait à cacher le fait qu'elle n'avait pas beaucoup de formes car jamais il ne l'avait vue avec un décolleté ou avec autre chose qu'une jupe – ainsi qu'avec ses cheveux roux noués en une natte sur le côté.

—Bonjour Roxy, grommela-t-il en regardant ce qu'il manquait.

—Tu sais très bien que c'est Sodia mon prénom, répliqua-t-elle d'un ton sec. Si tu arrêtais de dormir derrière ton comptoir, peut-être que tu t'en souviendrais enfin…

Cette fille n'était autre qu'une voisine de son ami. Il la détestait et c'était réciproque… Au moins, sur ce point-là, ils étaient toujours d'accord.

—Et Flynn m'a demandé de lui faire quelques achats, précisa-t-elle en lui sortant une liste de courses, ce qui n'était pas inhabituel vu qu'elle lui rendait souvent de genre de service quand il était trop occupé. Il vous en reste encore en stock ?

—Voyons… fit-il en regardant ce qui était marqué sur le papier. Il n'achète pas de bonbons pour le 31 ?

A sa question, la mine de Sodia s'assombrit.

—Non, répondit-elle en détournant le regard. Il n'aime pas ce jour-là.

Maintenant que Yuri y repensait, Flynn lui avait mentionné détester le mois d'octobre mais il ne lui avait jamais demandé pourquoi. Si un jour l'occasion se présentait, il essaierait de la saisir…

N'ayant plus d'autres raisons de parler avec elle tant qu'elle ne passait pas en caisse, l'employé s'attela à remplir les rayons vides, pestant intérieurement contre cette vieille peau qui lui avait encore fait le coup de tout déplacer pour l'enquiquiner. Autant dire qu'il avait hâte de finir son service…

-§-

Les rayons du soleil éclairaient le salon du manoir, permettant ainsi de bien voir le beau piano noir qui trônait fièrement dans cette pièce. Assise sur le banc, Elisabeth, âgée d'une dizaine d'années, jouait le premier mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven, cela sous l'œil attentif de son grand-père qui lui servait de professeur. Les longs doigts fins de l'enfant semblaient caresser les touches de l'instrument tandis qu'elle en tirait progressivement les notes désirées et ce, jusqu'à parvenir à la fin de ce mouvement.

C'est très bien, la félicita le vieil homme. Maintenant, montre-moi où tu en es avec le deuxième mouvement.

D'accord.

La fillette s'exécuta, moins sure d'elle. Quelques fausses notes se glissèrent dans sa prestation, la faisant grimacer tandis qu'elle s'évertuait à poursuivre le morceau.

Bien, nous allons travailler cela tous les deux, déclara calmement le vieil homme en venant s'asseoir près de sa petite fille. Regarde bien.

A ces mots, il montra à sa petite fille comment jouer les passages qui lui posaient problème…

-§-

Un son brutal le ramena à la réalité : celui de Sodia qui avait frappé le comptoir du poing, certainement car il ne réagissait pas au fait qu'elle avait posé son panier de courses devant son nez depuis un bon moment.

—Sur quelle planète tu étais pour ne pas être fichu d'entendre quand on te parle Lowell ! s'exclama-t-elle en voyant qu'il était enfin redescendu sur Terre.

—Pas tes oignons Roxy, répliqua Yuri en faisant la moue, mécontent d'avoir eu une absence à ce moment précis.

—Quelque part entre Orion et la Grande Ourse donc…

Il grogna un peu pour la forme, étant concentré sur scanner tous les articles qu'elle avait pris et s'assurer qu'elle avait de quoi payer – pour cela, il n'était pas inquiet car Sodia avait toujours l'appoint, ce qui lui rendait plutôt service quand elle passait après quelqu'un qui venait de lui prendre presque tous ses centimes. Une fois obtenu ce qu'elle voulait, elle s'en alla et il put s'occuper des autres clients tout en notant que le ciel était en train de se dégager.

-§-

C'était un après-midi de printemps dans le salon. Elisabeth était une jeune adolescente à présent et ses longs cheveux noirs étaient rassemblés en un chignon tressé qui allait bien avec sa jolie robe bordeaux. Assise devant son piano, elle entama le deuxième mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven avec une aisance qu'elle n'avait pas enfant.

Cependant, elle n'était pas seule : à côté de son banc, il y avait un chiot au pelage bleu et blanc qui l'écoutait jouer avec attention. Dès que les longs doigts fins jouaient une note bien précise, l'animal lâchait un bref aboiement bien sonore, comme pour accompagner la musique de sa maîtresse tout en faisant rire cette dernière.

Sciemment, la jeune fille appuya de façon répétée sur cette note, faisant que le chiot aboya jusqu'à ce qu'elle cesse.

Tu as fait des progrès Repede, dit-elle en caressant la tête de l'animal. On dirait que tu t'es habitué au piano.

En guise de réponse, elle reçut un aboiement joyeux et un coup de langue affectueux sur sa main.

-§-

Cinq minutes avant la fermeture, il avait eu une nouvelle absence, cette fois-ci vue par son patron qui l'avait sermonné un bon coup avant de lui dire de dégager car il n'avait pas besoin d'un employé qui dormait debout pour fermer les lieux. Ce fut donc avec l'arrière de son crâne douloureux et un bon coup de fatigue qu'il quitta son travail en bâillant.

Mais à peine eut-il tourné à l'angle de la rue que Yuri eut la mauvaise surprise d'être victime de vertiges. Il s'adossa contre le mur le plus proche en se tenant la tête, attendant que cela passe. Il se laissa glisser jusqu'au sol et ferma les yeux…

-§-

C'était un soir d'automne dans le salon et, cette fois-ci Elisabeth, approchant visiblement des quinze ans, jouait difficilement le dernier mouvement de la sonate Clair de Lune, ses yeux étant embuées par les larmes. Elle était vêtue en noir des pieds à la tête et ses cheveux étaient en partie décoiffés, comme si elle avait ôté un chapeau à la hâte. Repede semblait aussi triste qu'elle et restait à ses côtés, n'ayant pas d'autre moyen de la réconforter.

Grand-père… dit-elle dans un sanglot. Pourquoi ?

Son dernier parent était mort et elle venait d'assister à son enterrement. Elle avait le cœur en miettes après avoir perdu un être si cher à ses yeux…

Pourquoi… POURQUOI !

Elle posa brutalement ses coudes sur les touches du piano, faisant sursauter Repede, puis elle se tint la tête entre les mains, laissant les larmes couler sur son visage. Aveuglée par le chagrin, elle ne vit pas l'ombre qui était dans la pièce et qui s'approcha doucement d'elle… jusqu'à s'arrêter à ses côtés.

Son heure était venue.

-§-

Yuri ouvrit les yeux en grognant, sortant ainsi de sa dernière vision. Il voulut se relever… et réalisa que sa main n'était pas en contact avec le trottoir froid mais avec des draps tièdes. Il se mit d'un coup en position assise et regarda tout autour de lui, constatant qu'il était dans son studio et, vu les quelques étoiles qu'il apercevait par sa fenêtre, la nuit était tombée depuis un moment – d'ailleurs, l'éclairage de sa rue était visiblement en panne car il ne voyait pas la lumière orangée des lampadaires qui, habituellement, empêchait de voir autre chose que la lune dans le ciel nocturne. Comment était-il rentré chez lui au juste ?

Seulement, quelques détails lui indiquèrent très vite qu'il n'était pas arrivé seul ici : son tas de linge sale avait disparu, sa vaisselle était faite et n'attendait que d'être rangée, les papiers qu'il avait laissé en vrac avait tous été soigneusement classés dans des piles bien nettes, le parquet venait clairement d'être lavé, ça sentait la lavande… et la pendule en forme d'étoile qu'on lui avait donnée indiquait qu'il était dix heures du soir passées, ce qui signifiait que cela devait faire trois heures qu'il dormait.

Alors qu'il se levait de son lit, la porte d'entrée s'ouvrit puis se referma. Deux secondes après, Sodia était dans son champ de vision, un tas de linge plié dans les bras.

—Je peux savoir ce que tu fiches ici toi ? demanda Yuri, assez surpris de voir la rousse chez lui. J'ai pas souvenir que tu connaisses mon adresse…

—Je l'ai trouvée en fouillant dans ton portefeuille, lui répondit la jeune femme en posant le linge propre sur la table basse. Tu as d'ailleurs eu de la chance que je t'ai vu perdre connaissance car certains auraient pu en profiter…

—Normalement, une personne saine d'esprit appelle les pompiers…

—Tu dormais et c'était impossible de te réveiller. Je suis même étonnée que tu n'ais pas bronché quand je t'ai mis dans ma voiture.

… Vu qu'à priori, la police n'était pas venue ici, c'était qu'elle ne l'avait pas mit dans le coffre, chose dont il l'estimait parfaitement capable. Par contre, elle avait dû s'amuser pour l'amener seule ici...

—Tu m'as monté seule jusqu'ici ? demanda-t-il, intrigué vu la corpulence de la jeune femme.

—J'ai demandé un coup de main à une connaissance, répondit Sodia en ouvrant les tiroirs de la commode pour ranger les vêtements qu'elle avait apportés avec elle. Elle m'a aidée avec la lessive et la vaisselle.

—D'acc- Heu attends, t'as aussi lavé mes sous-vêtements ?

—Tu devrais t'en racheter. Excepté un ou deux boxers, ils ont tous des trous mais comme ça ne m'appartient pas, je me suis retenue de les jeter.

En jetant un œil dans les tiroirs, il réalisa que le bazar qui était à l'intérieur avait été soigneusement rangé et plié, ce qui le fit quelque peu flipper en comprenant qu'elle avait dû ranger TOUT son appartement et qu'il ne s'était pas réveillé pour autant.

Parce qu'il n'avait rien mangé depuis un moment, il jeta un œil au contenu de son frigo et en sortit un fondant au chocolat qu'il avait fait ce matin.

—T'en veux ? proposa-t-il en montrant le gâteau.

—Pourquoi pas…

Ce fut donc comme ça qu'ils se retrouvèrent tous les deux à manger du fondant au chocolat et à boire une infusion aux fruits rouges qu'il avait achetée en promo, le tout dans une ambiance un peu bizarre. En même temps, c'était logique : ils n'étaient pas amis et leurs rapports avaient toujours été tendus donc la situation actuelle était un peu… inconfortable.

—T'as vraiment fait ça avec un micro-ondes ? lui demanda Sodia, étonnée après avoir goûté le gâteau.

—Faut pas croire mais c'est pas mal comme outil quand on sait s'en servir, répondit-il en désignant l'appareil. C'est pas mal aussi pour faire cuire des pâtes quand t'as pas de casserole propre pour ça.

Yuri devait admettre qu'il était étonné de voir que, pour la première fois, il n'avait aucun souci diplomatique avec la rousse bien que cela restait bizarre de discuter avec elle. Il la trouvait même très détendue par rapport à ce dont il était habitué avec elle. Est-ce que c'était la situation qui faisait cela ou bien autre chose ?

—Je suis surprise de voir que l'on voit assez bien les étoiles de chez toi, lui fit remarquer Sodia alors qu'elle avait tourné la tête vers la fenêtre.

—Sans l'éclairage public, ça aide, admit-il avant de se souvenir de la phrase qu'elle lui avait sortie plus tôt. Et Orion, elle est visible actuellement ?

A sa question, la jeune femme observa le ciel avec attention, cherchant la fameuse constellation dans le morceau de voûte céleste qui lui était visible.

—J'en doute, fit-elle en prenant une bouchée de sa part de fondant. Il me semble apercevoir le Sagittaire et il est proche du Scorpion…

—Traduction pour les non-passionnés d'astronomie ? demanda-t-il, ne comprenant pas trop ce qu'elle voulait dire.

—Dans la mythologie grecque, Orion était un chasseur redoutable mais un jour, une divinité a envoyé un scorpion pour le tuer puis Orion et le Scorpion ont été changés en constellations, chacun placés à un bout du ciel. En d'autres termes, quand le Scorpion est visible, Orion ne l'est pas.

Il allait dormir moins bête cette nuit… Par contre, l'ambiance était moins tendue donc peut-être était-ce une bonne occasion pour tenter de briser un peu la glace mais encore fallait-il qu'il trouve comment faire.

—Sinon, qui est Elisabeth ? lui demanda Sodia, curieuse. Je t'ai entendu dire cela quand je cherchais les chaussettes ales sous ton lit.

—T'as aussi…. fit-il, estomaqué avant de se recentrer sur le sujet initial. Si je te le dis, tu vas me croire fou…

—Et si je te dis un truc sur moi en échange ? Ca te convient comme deal ?

Là, elle venait de piquer son intérêt…

—Ca marche, accepta Yuri sans hésiter. En fait, depuis quelques temps, je n'arrête pas de faire des rêves bizarres. Celui qui revient le plus souvent est celui d'une fille morte dans un salon avec un piano qui joue toujours le même morceau. Seul Flynn est au courant.

—C'est assez… glauque, lui dit Sodia en grimaçant. Et Elisabeth, c'est son nom ?

—Je pense oui mais je ne sais toujours pas pourquoi elle est morte ou qui l'a tuée.

Vu les réactions de la rousse, elle ne le prenait pas pour un déséquilibré, ce qui était déjà un bon point.

—Toujours le même morceau… dit-elle, l'air pensive. Une signification cachée peut-être ?

—Si c'est le cas, je la cherche encore, déclara Yuri en soupirant. Et sinon, c'est quoi ton problème avec moi au juste ? Je suis quasi certain que tu m'as détesté au premier regard.

—Ca c'est parce que tu es un homme. Mais maintenant que j'ai vu ton charmant calendrier des Dieux du Stade, je suis convaincue que tu n'es pas attiré par les femmes.

Il l'avait oublié celui-là… En même temps, en temps que célibataire, il avait le droit de se rincer l'œil de temps en temps… Mais la façon dont elle avait formulé cela l'interpella.

—Mauvaise expérience avec un mec ? demanda-t-il tandis qu'elle prenait une gorgée de son infusion.

—Très, dit-elle sur un ton extrêmement froid qu'il ne lui connaissait pas, lui laissant penser qu'il avait du toucher un point sensible. J'ai mis du temps à m'en remettre.

—Désolé. Je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs.

—C'est rien. Ce n'est pas comme si cela allait se reproduire un jour…

Vraiment étrange comme formulation… Qui plus est, le regard vide qu'elle avait eu à ce moment-là lui avait fait froid dans le dos. Qu'est-ce qu'elle ne lui disait pas sur ce sujet ? Il n'était pas sûr de vouloir le savoir…

—Donc j'imagine que tu en pinces pour Flynn, supposa Sodia en posant sa tasse vide.

—Oui mais je ne compte pas entamer de relation pour le moment, lui avoua Yuri en jouant avec sa petite cuillère. Je n'ai pas eu de chances à Zaphias avec mes ex et je ne me sens pas encore prêt à retenter le coup.

—D'accord. De toute façon, je doute qu'il ait en tête d'entamer une relation amoureuse, surtout en ce moment.

La rousse semblait en grande réflexion et le jeune homme préféra ne pas l'interrompre, de crainte qu'elle ne se ferme totalement à lui. Après une bonne vingtaine de secondes, elle le fixa avec prudence.

—Flynn t'as déjà parlé de ses relations passées ? demanda-t-elle avec précaution.

—Jamais, répondit-il, se souvenant que son ami avait toujours éludé ce sujet.

—Tu ne le sais pas par moi. Il a été marié par le passé mais sa compagne est morte et depuis, il est veuf. Je ne crois pas qu'il s'en soit remis vu qu'il va tous les jours sur sa tombe… Elle est décédée un 31 octobre.

Le beau blond était donc hétéro, ce dont il aurait dû se douter. Et il comprenait mieux maintenant pourquoi Flynn ne fêtait pas Halloween ou pourquoi il était discret sur sa vie privée.

—Tu la connaissais ? demanda Yuri, un peu curieux.

—Non, je suis arrivée à Halure après son décès, répondit Sodia en soupirant. J'ai juste vu quelques photos d'elle chez lui…

Alors qu'il allait lui demander si elle savait comment s'appelait l'ex-épouse de Flynn, la chanson Harley Davidson de Brigitte Bardot se fit entendre. Brusquement, la jeune femme fouilla dans son sac pour sortir son téléphone puis s'excusa pour aller répondre. Pendant qu'elle était occupée, il en profita pour mettre les tasses et les assiettes dans l'évier pour les laver plus tard.

—Il faut que j'y aille, lui dit Sodia en raccrochant. Tu t'en sortiras tout seul ?

—Sans problème, lui répondit Yuri avant de lâcher un bâillement. On se revoit à l'épicerie et…

—Cette conversation privée n'a jamais eue lieu et tout reprendra exactement comme avant. Compris ?

—Cinq sur cinq.

Retour à la case départ donc mais bon, si cela permettait d'éviter les ragots, il acceptait cela sans broncher.

-§-

C'était un jour d'hiver dans le salon et Elisabeth semblait contrariée. Il y avait du monde autour d'elle et une femme d'une quarantaine d'années essayait de la convaincre de parler à quelques hommes qui étaient présents. Seulement, elle n'en avait pas la moindre envie et semblait vouloir partir dès que possible.

Chère nièce, ces messieurs sont venus exprès pour vous voir ! finit par s'exclamer, très agacée, celle qui était sa tante.

Et je ne veux pas les voir ! répliqua la jeune fille avec force. Je ne veux pas me marier avec l'un d'eux !

Le son d'une gifle fit taire toutes les conversations, les yeux se tournant tous vers la jeune fille dont la joue venait d'être frappée par la main de sa tante.

Feu Lord Blackwood était bien trop coulant avec vous, déclara la femme plus âgée sur un ton glacial. Montez dans votre chambre et ressortez-en quand vous aurez appris où est votre place !

Après un regard noir à sa parente, l'adolescente quitta la pièce… et n'y revint que bien plus tard, à la nuit tombée. Plus personne ne s'y trouvait et, Repede à ses pieds, elle s'installa devant le piano et attrapa une partition qu'elle lue au clair de lune. Une page lui glissa des mains et s'envola sous la table basse, la forçant à se baisser pour la récupérer.

Seulement, elle fut surprise de sentir contre ses doigts, en plus de la feuille de papier, un tissu qui ne devrait pas se trouver là. Curieuse, elle attrapa cette mystérieuse étoffe et découvrit que c'était en fait un gant noir qui avait probablement été oublié par l'un des invités de sa tante. Comment avait-il atterrit là ?

Elle sursauta en entendant de légers coups derrière elle. Elisabeth se retourna, Repede grognant doucement, et vit une ombre derrière la fenêtre. A la silhouette, c'était certainement un homme mais la pleine lune l'éclairait de dos, faisant qu'il lui était impossible de distinguer ses traits. Elle avait le cœur qui battait la chamade et ne savait quoi faire… puis l'inconnu lui montra sa propre main qu'il plongea dans une poche de sa veste pour en sortir un unique gant.

Hésitante, elle avança prudemment vers la fenêtre et l'ouvrit avant de reculer très vite.

Pardon, s'excusa l'inconnu en restant à l'extérieur. Je ne voulais pas vous faire peur mais comme j'ai vu du mouvement…

Je m'en remettrai, dit-elle à voix basse avant de lui tendre le gant. C'est à vous je présume ?

Oui, merci. Je suis vraiment désolé pour le dérangement.

Il s'avança d'un pas pour récupérer son bien puis baissa la tête vers Repede qui l'observait attentivement. L'inconnu se baissa pour se mettre au niveau de l'animal et attendit un peu, laissant le temps au chien de le renifler avec attention. Son examen finit, le jeune chien remua joyeusement la queue et l'homme lui caressa affectueusement la tête avant de se relever.

Il n'aime pas les étrangers d'habitude, remarqua l'adolescente, étonnée.

Il protège sa maîtresse, ce qui est normal, lui répondit l'inconnu. Par contre, je vais devoir vous laisser…

Vous reviendrez ?

Il marqua un temps d'arrêt, visiblement surpris par la question.

Uniquement si vous le désirez.

-§-

Il était près de minuit quand, profitant que Yuri dormait d'un sommeil de plomb, quelqu'un s'introduisit chez lui… en passant à travers la porte d'entrée. Un fantôme entra dans son studio avec aisance puis s'arrêta, l'observant dormir.

—Il ne se réveillera pas avant l'aube. J'ai déjà vérifié.

Sortant de l'ombre, Flynn rejoignit l'ectoplasme… qui n'était autre que Sodia O'Daly, une jeune femme morte depuis l'année 1967 dans des circonstances peu enviables… Normalement, il aurait dû l'envoyer dans l'au-delà mais dans son cas, il avait fait une exception, ce qui lui rendait bien service.

—C'est effarant la ressemblance entre Lowell et le portrait d'Elisabeth Blackwood, lui déclara la rousse dont le regard violine fixait toujours le jeune homme endormi. S'il ne m'avait pas parlé de ses rêves étranges, j'aurais continué de penser qu'il était son descendant.

—Je peux te certifier que Lilith n'a aucune descendance directe, précisa-t-il avec amertume. Elle était enfant unique et j'ai personnellement vérifié si elle avait un demi-frère ou une demi-sœur quand j'ai rencontré Yuri. J'ai beau chercher, je ne comprends pas pourquoi elle s'est réincarnée…

—Moi ce qui me choque, c'est qu'elle soit passée de femme à homme…

—Vu comment était la société à l'époque, je ne suis pas surpris. Son âme n'a jamais vraiment aimé qu'on l'empêche de vivre.

Flynn trouvait cela plus que logique que Lilith soit devenue Yuri : elle avait tellement détesté le statut des femmes à son époque qu'elle devait désirer ardemment être aussi libre de ses faits et gestes que pouvait l'être un homme. De toute manière, peu importe qu'elle soit fille ou garçon, c'était l'âme d'Elisabeth Blackwood qui l'avait séduit et jamais il n'en avait trouvé d'aussi belle à ses yeux.

—Oh et désolée d'avoir été indiscrète, s'excusa Sodia, penaude. Je voulais essayer de comprendre ce que tu nous cachais et si je ne lui donnais pas de grain à moudre…

—Tu as eu raison, la rassura-t-il. C'est moi qui aurais dû vous dire à tous ce que je faisais au lieu de garder cela pour moi. Mais j'avoue que je crains un peu ce que peuvent faire certains d'entre eux…

Il allait devoir les canaliser un peu mieux s'il leur disait toute la vérité sur Yuri, surtout ceux qui étaient susceptibles de faire une gaffe…

—Que se passera-t-il quand il aura retrouvé toute sa mémoire ? demanda la jeune femme, curieuse.

—Je l'ignore, avoua Flynn qui se sentait impuissant depuis le moment où ces cauchemars avaient commencés. Techniquement, le manoir Blackwood lui revient car c'est sa maison mais… j'ai peur que l'histoire se répète.

Non, il ne voulait pas que Yuri vienne au manoir tant que le 31 octobre n'était pas passé. Lilith avait vingt-et-un ans à sa mort, tout comme lui. Il était plus prudent qu'il le surveille de loin et s'assure personnellement que ce drame n'allait pas se reproduire sous ses yeux… tout en essayant de comprendre la raison de cette réincarnation.


NB : Le suivant sera plus simple à écrire logiquement mais pas forcément rendu dans les temps vu mon planning (sauf si je parviens à m'isoler tout le week-end et que la connexion internet est correcte)

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Kaleiya Hitsumei

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