Salon de thé - Partie 3
Nov. 23rd, 2014 05:10 am![[personal profile]](https://www.dreamwidth.org/img/silk/identity/user.png)
Schwann Raven Oltorain – pour faire plus simple pour tous, il se faisait appeler « Raven » -, de son vrai nom Damuron Altomais, était un homme célibataire se rapprochant de plus en plus de la quarantaine et, profitant du fait qu'il logeait seul dans son appartement, vivait sa vie comme cela lui entendait. Entre ses cheveux bruns qu'il gardait attachés la plupart du temps – il ne les détachait que quand il devait soigner son apparence pour une occasion particulière -, sa barbe de trois jours, ses yeux bleus et sa tenue souvent débraillée – il portait souvent soit une vieille cravate violette, soit une ancienne veste sans forme dans les mêmes tons -, il faisait négligé mais restait un assez bel homme malgré tout. Mais, dans le quartier, presque personne ne savait que, contrairement à ce qu'il laissait paraître, il venait d'une famille fortunée et qu'il pouvait, s'il le désirait, se payer bien mieux que le simple deux pièces dans lequel il logeait.
A l'origine, il avait été contraint de rejoindre les forces de l'ordre, son père en ayant plus qu'assez de le voir courir après toute représentante de la gente féminine et espérant qu'il deviendrait assez sérieux pour prendre sa suite. Raven y avait rencontré la seule femme dont il tomba vraiment amoureux : Casey. Mais la vie étant ce qu'elle était, lors d'une arrestation, ils n'avaient pas vu que leur homme avait un complice et, qui plus est, armé. Sa coéquipière avait pris le coup à sa place, s'étant interposée pour le protéger.
Si le coupable avait fini par être arrêté puis jugé, elle par contre était morte sur le trajet de l'hôpital, ce qui l'avait profondément affecté au point qu'il avait décidé de tout plaquer pour recommencer une nouvelle vie ailleurs et se reconstruire, changeant au passage son nom pour ne pas être retrouvé.
Arrivé dans cette ville, il avait vite trouvé cet appartement dans ce quartier qui était à un prix intéressant, s'était dégoté un travail lui permettant de payer ses factures et avait définitivement coupé les ponts avec sa vie passé ainsi que sa famille. Il sortait de temps en temps avec des femmes rencontrées dans un bar mais rien de sérieux.
Un jour, en rentrant chez lui la tête pleine d'idées noires, il avait reçu un violent coup dans le dos et, en se retournant, il avait été un peu surpris de se retrouver nez à nez avec la vieille madame Smith qui habitait l'immeuble en face du sien. L'air visiblement très contrariée, elle lui avait ordonné de rentrer dans son salon de thé. Il avait d'abord poliment refusé puis, quand elle le frappa de nouveau avec son balai, il se dépêcha d'y entrer et s'installa sur la première chaise libre à sa portée, ce qui avait énormément fait rire celle qui était assise en face.
« Mais qu'est-ce que j'ai bien pu lui faire ? » avait-il demandé à celle aux longs cheveux châtain et aux yeux aciers en face de lui.
« Qui sait ? » lui avait-elle répondu avant de repartir dans un éclat de rire tandis qu'il vit soudainement apparaître une théière en fonte noire avec la tasse qui allait avec devant lui.
C'est donc en cette fameuse fin d'après-midi qu'il avait, pour la première fois de sa vie, bu du thé, chose qu'il n'aurait jamais pensé faire auparavant, lui qui carburait surtout au café noir. Il avait aussi rencontré Salomé Kingdom, une femme séduisante qui l'avait superbement éconduit en déclarant qu'il gaspillait ses talents, puis celui qui devint l'actuel gérant du salon de thé ainsi que son voisin, Yuri Lowell. Il n'aurait pas connu le jeune homme à l'époque, il était quasi certain qu'il aurait pu le confondre avec une femme et le draguer… puis se prendre un bon coup de poing dans la mâchoire pour la peine.
Il avait, depuis, pris l'habitude de s'y arrêter assez souvent le matin pour prendre le petit déjeuner et de passer au moins une fois lors de ses jours de repos pour y trouver un peu de chaleur humaine à l'époque où madame Smith était encore vivante. Après que Salomé Kingdom en soit devenue la propriétaire et qu'elle ait placé Yuri comme gérant, il venait plutôt dans le but de passer un peu de bon temps et faire d'intéressantes rencontres, au point que le jeune homme aux longs cheveux bruns s'amusait parfois à lui lancer quelques piques.
Ce matin-là, comme bien souvent, il était le tout premier client du salon de thé et, comme à son habitude, il avait demandé un thé Assam qu'il partageait avec celui qui, avec le temps, était devenu un ami. Avant de venir s'installer, il avait eu la bonne idée d'acheter des croissants dans la boulangerie voisine et avait amené le courrier reçu, ayant croisé le facteur en sortant.
« Si je me fis à cette carte postale, Judy est au Pérou. » fit Yuri en lui montrant la photo du Macchu Pichu qui se trouvait dessus.
« Judith chérie… » se lamenta le trentenaire en pensant à la jeune femme aux courbes de rêve qu'il n'avait pas revue depuis un bon moment. « J'ai hâte qu'elle revienne enfin ! »
« Tu sais que ça ne fais que deux semaines qu'elle est partie en voyage le vieux ? »
« Seulement ? Je croyais que cela faisait déjà deux ans ! »
Le jeune homme soupira de dépit face à cela puis lui tendit la carte postale. Raven la prit et remarqua vite la petite ligne que la jeune femme avait laissée à son intention :
Et j'espère que tu te portes bien Raven.
Cette petite attention suffit à lui réchauffer le cœur et, très certainement, à le faire sourire bêtement vu la grimace qu'était en train de faire Yuri.
« Ouvre plutôt ton courrier le vieux au lieu de fantasmer sur quelque chose que tu n'auras jamais. »
Ah oui, c'est vrai. Sauf que vu la tête de l'enveloppe, il était quasi certain que ce n'était pas une facture ou la lettre d'une admiratrice – d'ailleurs, il fallait absolument qu'il demande à Sheen comment il faisait pour en recevoir une telle pile chaque jour. Il avait un mauvais pressentiment…
En entendant la porte s'ouvrir, il leva les yeux et vit entrer Salomé Kingdom, vêtue d'un chemisier blanc à manches courtes ainsi que d'un pantalon droit noir et de ballerines en cuir sombre. Par contre, malgré ses lunettes de soleil, son visage trahissait une légère contrariété.
« Tiens ? Je croyais que vous ne veniez que demain ? » s'étonna Yuri en voyant sa propriétaire.
« Je sais mais j'ai eu comme un imprévu… » fit-elle en regardant avec méfiance du côté de la rue.
« Vous voulez boire quelque chose ? »
« Un thé fort serait parfait. Je sens que la journée va être assez rude. »
Tandis que le jeune homme emporta la théière en fonte pour refaire du thé Assam, celle aux longs cheveux châtain vint s'installer sur un pouf pourpre, posant ses lunettes de soleil sur la table avant de se masser les tempes.
« C'est toujours plus agréable de voir une belle femme le matin quand on se lève ! » fit-il sur un ton léger en regardant cette femme qui, étrangement, n'avait pas pris la moindre ride depuis qu'il la connaissait.
« Je croirais entendre Sheen parler à ses clientes… » commença-t-elle avant de poser son regard acier sur l'enveloppe qu'il n'osait pas ouvrir. « Je vois que le facteur est passé. »
« Ah oui… Certains ont été gâtés par la gente féminine de ce que j'ai pu voir, au point qu'il y a de quoi être jaloux ! »
« Et qu'est-ce que le grand baratineur qui sous-exploite ses talents a bien pu recevoir ? Une lettre de menace ? »
Raven fit une légère grimace à cette question. Il ne souhaitait pas vraiment savoir ce que cette enveloppe pouvait contenir et espérait que c'était juste de la pub… sauf que vu l'apparence du contenant ce qu'il avait reçu, peu de chances que ce soit le cas car généralement, ceux qui envahissaient sa boîte aux lettres de prospectus inutiles ou d'offres d'abonnement à divers magazines faisaient toujours au moins une faute à son nom de famille et n'étant pas du genre à perdre leur temps à écrire son adresse à la main.
Tandis que Yuri revenait avec du thé pour Salomé, avant qu'il n'ait pu l'en empêcher, la propriétaire du salon s'empara de l'enveloppe et l'ouvrit sans lui demander son avis.
« Hey ! C'est privé ! » s'exclama le plus âgé en tentant de récupérer ce qui lui appartenait, sans succès car celle aux longs cheveux châtain adopta une position couchée afin de pouvoir lire le mystérieux courrier tout en lui mettant son pied en pleine figure pour le tenir à distance.
« Plus maintenant ! » déclara-t-elle en déchirant l'enveloppe, lui permettant ainsi de récupérer la carte se trouvant à l'intérieur.
« On dirait un faire-part. » fit remarquer le plus jeune en fixant la carte qui possédaient un joli dessin de fleurs blanches.
Une seconde après l'avoir ouverte, Salomé reprit une position assise, permettant à Raven de pouvoir se tenir le nez et vérifier ainsi qu'elle ne le lui avait pas cassé. Elle termina de lire la carte puis la lui tendit, son visage ayant pris un air grave. Intrigué à la fois par l'expression de celle possédant le salon de thé et par ce qu'il avait reçu, il prit ceci dans sa main et posa ses yeux sur le texte se trouvant à l'intérieur.
« Monsieur Zacharia Atomais et Madame Léonore Delatour ont le regret de vous annoncer le décès de leur oncle Spaido Atomais… »
… Quoi ? Son père était… mort ? Et comment ses cousins avaient fait pour le retrouver au juste ? Personne ne savait qu'il vivait ic…
Non… Il y avait bien quelqu'un qui pouvait le savoir…
Il interrompit ses interrogations en entendant la porte s'ouvrir et, à son plus grand étonnement, ce ne fut pas en voyant cette personne de son passé mais plutôt en constatant que cet air contrarié était réapparu sur le visage de Salomé. Est-ce que le fameux imprévu qu'elle avait mentionné était en fait cet homme aux cheveux rebelles d'un noir profond, les yeux sombres cachés derrière des lunettes d'aviateurs, la mâchoire carrée, la carrure accentuée par une veste en cuir brun, la peau mate et, si sa mémoire était bonne, avait tout juste été promu sergent la dernière fois qu'il l'avait vu ?
« Bonjour monsieur. » fit Yuri qui s'était levé pour accueillir son client. « Que voulez-vous ? »
« Tu lui sers du thé à l'arsenic à ce crétin ! » s'exclama subitement Salomé sur un ton venimeux à l'attention de son employé tout en jetant un regard noir au nouveau venu.
« Je vois qu'une certaine avocate au beau cul n'a pas changé… » déclara ce dernier en grimaçant. « Je reste persuadé que tu aurais eu un mari, il serait déjà six pieds sous terre. »
« J'approuve totalement pour la partie sur la courbe de son fessier ! » lança Raven tout en faisant un salut amical à son ancien collègue de travail, Yannick Hunter ou Yann pour les intimes.
La propriétaire du salon de thé grogna et se leva de sa place pour aller dans la petite cuisine où Yuri préparait ses boissons chaudes, non sans oublier de violemment écraser le pied des deux hommes au passage, leur faisant pousser à tous deux un petit cri de douleur.
« Voyons le bon côté : elle a l'habitude de viser plus haut quand elle est énervée donc elle va vite se calmer. » déclara en s'installant face à lui tout en ôtant ses lunettes, dévoilant ses yeux noirs comme du charbon.
« Tu es sorti avec elle toi… » conclut Raven, se souvenant que son ex-collègue était un collectionneur de rendez-vous avec des femmes.
« Couché avec serait plus exact et, vu que j'ai failli pas me réveiller après, je ne renouvellerai jamais l'expérience… » confia Yann avec une certaine terreur. « Même si elle est super bonne au lit. »
Cette phrase déclencha le vol plané d'un couteau depuis la petite cuisine qui, si le sergent Hunter n'avait pas eu le bon réflexe de décaler sa tête sur le côté, aurait fini planté dans son crâne. C'est ainsi que celui à l'habituelle cravate violette ajouta un nouvel adjectif à la belle Salomé : vénéneuse.
« Pour changer de sujet… » commença Raven en montrant le faire-part à son ancien collègue. « J'imagine que c'est toi qui leur a donné mon adresse actuelle. »
« Ils ne t'en voudront pas si tu refuses de venir. » déclara Yann, compréhensif. « Mais pense que légalement, c'est à toi que revient l'affaire familiale et de ce qu'ils m'ont dit, ils ne se voient pas trop le faire à ta place. »
« C'est dommage car je n'en ai jamais voulu donc ils vont devoir envisager de la vendre… »
« Une minute… » fit Yuri qui venait de sortir pour apporter sa consommation au sergent Hunter et qui le fixait à la fois avec étonnement et suspicion. « T'as de l'argent le vieux ? »
Mince… Lui qui avait pris l'habitude de laisser une ardoise ici sans avoir besoin de donner d'excuse ou de recevoir quelques réductions venait de perdre en quelques secondes son petit avantage… Et vu le sourire mauvais sur les lèvres du jeune homme, il était bon pour payer la totalité de sa dette en sortant.
« Elle vaut cher cette entreprise familiale ? » demanda Salomé, faisant mine de compter la caisse au comptoir.
« Une certaine somme. » répondit nonchalamment Raven en prenant une gorgée de thé.
« Alors je sortirai une de mes robes noires pour l'enterrement de ton père. »
A cette phrase, il faillit avaler de travers et se mit à tousser, croyant avoir mal entendu durant un instant. Mais en voyant que la propriétaire des lieux notait soigneusement la date sur son téléphone, il comprit qu'il n'avait pas rêvé.
« Et l'empire des forces du mal vient de s'agrandir… » soupira Yann avec dépit tout en esquivant un nouveau projectile qui lui était destiné.
NB : Un peu galéré avec celui-là étrangement mais au moment où je me suis assise à une table d'un salon de thé que j'adore, je me suis demandé pourquoi j'ai bloqué car mes doigts tapaient d'eux-mêmes sur mon clavier. Comme quoi, quand on est dans la bonne ambiance…
Auteur vs Persos :
Mélissa : Y a les malfaiteurs habituels qui ont disparu bien vite…
Asahi : Je soupçonne qu'ils ont senti le vent tourner.
Kaleiya : Je doute que cela dure car j'ai cru comprendre qu'ils avaient du travail et que Salomé les attend de pied ferme…
Mélissa : Pourquoi ai-je des doutes sur la légalité dudit travail ?
Asahi : Parce qu'on parle d'une association de malfaiteurs.
Kaleiya : Et moi je trouve bizarre que vous soyez si sages en étant tous les deux dans la même pièce…