kaleiyahitsumei: (Default)
Kaleiya Hitsumei ([personal profile] kaleiyahitsumei) wrote2017-08-05 06:00 am

Mélodie Funèbre - 2

 Fluristelle Month 2017 : Day 2 : Constellation – Home

Note : Plus compliqué celui-là et là, ça va sentir un peu donc j'ai rebondi sur ce que je connaissais en astronomie. Au départ, je ne comptais pas faire ce thème mais après vérification de ce que j'avais cassé, me suis aperçue que je pouvais faire Home et ainsi éviter l'insertion trop brusque de certains personnages… tout en préservant un peu mon suspense d'origine qui a pris un coup lors du cassage.

Bonne lecture !


 

C'était un jour de printemps. Le soleil brillait, les oiseaux chantaient, les fleurs coloraient et embaumaient les jardins… et une petite fille aux cheveux de jais tenait la main d'un homme d'une cinquantaine d'années.

A partir de maintenant Elisabeth, tu vas habiter avec moi, lui dit l'homme avec bienveillance. Ma demeure est la tienne.

D'accord… répondit la petite fille, visiblement intimidée par celui qui, à ses yeux, était un géant. Où sont papa et maman ?

—… Ils sont partis très loin et ne peuvent pas revenir.

Ils arrivèrent sur le perron d'un manoir et grimpèrent les trois marches menant à la porte d'entrée en bois massif. Celle-ci fut ouverte de l'intérieur par une femme qui était vêtue d'un uniforme, indiquant qu'elle était une employée dans cette maison. Elle les laissa entrer puis referma derrière eux avant de retourner vaquer à ses occupations.

Le hall d'entrée était sombre à cause des tapisseries rouges et du parquet foncé. Il était long, comportant un escalier en bois massif menant à l'étage et des portes desservant les différentes pièces du rez-de-chaussée.

Je t'ai fait préparer ta chambre en haut, lui dit l'homme avant de lui désigner une porte sur leur gauche. Ici, c'est ma pièce favorite. Tu veux la voir ?

Elisabeth lui fit un oui timide de la tête et, avec le sourire, il ouvrit les doubles portes, révélant un petit salon sobrement décoré avec un magnifique piano noir. Il l'invita s'asseoir sur la causeuse et, une fois qu'elle fut installée, il prit place sur la banquette et commença à jouer le premier mouvement de la sonate Clair de Lune, puis le second et, enfin, le troisième. Durant toute la prestation, la petite fille avait été très attentive, ses oreilles écoutant les sons produit par l'instrument massif et ses yeux suivant les doigts qui appuyaient sur les touches.

A la fin du morceau, une larme lui échappa, signe de l'émotion que lui avait fait ressentir ce morceau en la transportant de la tristesse à la joie avant de finir sur une note épique et puissante dont elle ne saisissait pas tout à fait l'impact sur elle-même.

Grand-père ? demanda-t-elle à l'homme. Tu peux m'apprendre ?

J'en serais ravi, lui répondit-il en lui faisant signe de le rejoindre.

-§-

Encore une fois, Yuri avait eu une absence et au travail qui plus est. Heureusement, les clients ne semblaient pas s'en être aperçu mais il était de plus en plus fatigué ces derniers jours et ce, au point qu'il lui arrivait de ne plus se souvenir de ce qu'il avait fait la veille. En prime, c'était la dernière semaine d'octobre donc pas mal de monde commençait à se préparer pour Halloween donc il allait devoir penser à se mettre des bonbons de côté avant que ceux-ci ne soient tous partis.

Avant que son patron ne se rende compte qu'il tirait au flanc, l'employé alla réapprovisionner les rayons qui en avait besoin mais à peine eut-il atteint les rayonnages pour les produits sucrés qu'il grimaça en réalisant que, durant son moment d'égarement, il n'avait pas fait attention qu'une certaine personne était entrée, ce qui n'était pas son cas à elle vu le regard qu'elle lui jetait. C'était quand même difficile de la manquer pourtant : ses ballerines rouge vif avec ses collants à pois noirs se mariaient bien avec sa minijupe blanche et son chemisier ample noir – il suspectait qu'elle cherchait à cacher le fait qu'elle n'avait pas beaucoup de formes car jamais il ne l'avait vue avec un décolleté ou avec autre chose qu'une jupe – ainsi qu'avec ses cheveux roux noués en une natte sur le côté.

—Bonjour Roxy, grommela-t-il en regardant ce qu'il manquait.

—Tu sais très bien que c'est Sodia mon prénom, répliqua-t-elle d'un ton sec. Si tu arrêtais de dormir derrière ton comptoir, peut-être que tu t'en souviendrais enfin…

Cette fille n'était autre qu'une voisine de son ami. Il la détestait et c'était réciproque… Au moins, sur ce point-là, ils étaient toujours d'accord.

—Et Flynn m'a demandé de lui faire quelques achats, précisa-t-elle en lui sortant une liste de courses, ce qui n'était pas inhabituel vu qu'elle lui rendait souvent de genre de service quand il était trop occupé. Il vous en reste encore en stock ?

—Voyons… fit-il en regardant ce qui était marqué sur le papier. Il n'achète pas de bonbons pour le 31 ?

A sa question, la mine de Sodia s'assombrit.

—Non, répondit-elle en détournant le regard. Il n'aime pas ce jour-là.

Maintenant que Yuri y repensait, Flynn lui avait mentionné détester le mois d'octobre mais il ne lui avait jamais demandé pourquoi. Si un jour l'occasion se présentait, il essaierait de la saisir…

N'ayant plus d'autres raisons de parler avec elle tant qu'elle ne passait pas en caisse, l'employé s'attela à remplir les rayons vides, pestant intérieurement contre cette vieille peau qui lui avait encore fait le coup de tout déplacer pour l'enquiquiner. Autant dire qu'il avait hâte de finir son service…

-§-

Les rayons du soleil éclairaient le salon du manoir, permettant ainsi de bien voir le beau piano noir qui trônait fièrement dans cette pièce. Assise sur le banc, Elisabeth, âgée d'une dizaine d'années, jouait le premier mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven, cela sous l'œil attentif de son grand-père qui lui servait de professeur. Les longs doigts fins de l'enfant semblaient caresser les touches de l'instrument tandis qu'elle en tirait progressivement les notes désirées et ce, jusqu'à parvenir à la fin de ce mouvement.

C'est très bien, la félicita le vieil homme. Maintenant, montre-moi où tu en es avec le deuxième mouvement.

D'accord.

La fillette s'exécuta, moins sure d'elle. Quelques fausses notes se glissèrent dans sa prestation, la faisant grimacer tandis qu'elle s'évertuait à poursuivre le morceau.

Bien, nous allons travailler cela tous les deux, déclara calmement le vieil homme en venant s'asseoir près de sa petite fille. Regarde bien.

A ces mots, il montra à sa petite fille comment jouer les passages qui lui posaient problème…

-§-

Un son brutal le ramena à la réalité : celui de Sodia qui avait frappé le comptoir du poing, certainement car il ne réagissait pas au fait qu'elle avait posé son panier de courses devant son nez depuis un bon moment.

—Sur quelle planète tu étais pour ne pas être fichu d'entendre quand on te parle Lowell ! s'exclama-t-elle en voyant qu'il était enfin redescendu sur Terre.

—Pas tes oignons Roxy, répliqua Yuri en faisant la moue, mécontent d'avoir eu une absence à ce moment précis.

—Quelque part entre Orion et la Grande Ourse donc…

Il grogna un peu pour la forme, étant concentré sur scanner tous les articles qu'elle avait pris et s'assurer qu'elle avait de quoi payer – pour cela, il n'était pas inquiet car Sodia avait toujours l'appoint, ce qui lui rendait plutôt service quand elle passait après quelqu'un qui venait de lui prendre presque tous ses centimes. Une fois obtenu ce qu'elle voulait, elle s'en alla et il put s'occuper des autres clients tout en notant que le ciel était en train de se dégager.

-§-

C'était un après-midi de printemps dans le salon. Elisabeth était une jeune adolescente à présent et ses longs cheveux noirs étaient rassemblés en un chignon tressé qui allait bien avec sa jolie robe bordeaux. Assise devant son piano, elle entama le deuxième mouvement de la sonate « Clair de Lune » de Beethoven avec une aisance qu'elle n'avait pas enfant.

Cependant, elle n'était pas seule : à côté de son banc, il y avait un chiot au pelage bleu et blanc qui l'écoutait jouer avec attention. Dès que les longs doigts fins jouaient une note bien précise, l'animal lâchait un bref aboiement bien sonore, comme pour accompagner la musique de sa maîtresse tout en faisant rire cette dernière.

Sciemment, la jeune fille appuya de façon répétée sur cette note, faisant que le chiot aboya jusqu'à ce qu'elle cesse.

Tu as fait des progrès Repede, dit-elle en caressant la tête de l'animal. On dirait que tu t'es habitué au piano.

En guise de réponse, elle reçut un aboiement joyeux et un coup de langue affectueux sur sa main.

-§-

Cinq minutes avant la fermeture, il avait eu une nouvelle absence, cette fois-ci vue par son patron qui l'avait sermonné un bon coup avant de lui dire de dégager car il n'avait pas besoin d'un employé qui dormait debout pour fermer les lieux. Ce fut donc avec l'arrière de son crâne douloureux et un bon coup de fatigue qu'il quitta son travail en bâillant.

Mais à peine eut-il tourné à l'angle de la rue que Yuri eut la mauvaise surprise d'être victime de vertiges. Il s'adossa contre le mur le plus proche en se tenant la tête, attendant que cela passe. Il se laissa glisser jusqu'au sol et ferma les yeux…

-§-

C'était un soir d'automne dans le salon et, cette fois-ci Elisabeth, approchant visiblement des quinze ans, jouait difficilement le dernier mouvement de la sonate Clair de Lune, ses yeux étant embuées par les larmes. Elle était vêtue en noir des pieds à la tête et ses cheveux étaient en partie décoiffés, comme si elle avait ôté un chapeau à la hâte. Repede semblait aussi triste qu'elle et restait à ses côtés, n'ayant pas d'autre moyen de la réconforter.

Grand-père… dit-elle dans un sanglot. Pourquoi ?

Son dernier parent était mort et elle venait d'assister à son enterrement. Elle avait le cœur en miettes après avoir perdu un être si cher à ses yeux…

Pourquoi… POURQUOI !

Elle posa brutalement ses coudes sur les touches du piano, faisant sursauter Repede, puis elle se tint la tête entre les mains, laissant les larmes couler sur son visage. Aveuglée par le chagrin, elle ne vit pas l'ombre qui était dans la pièce et qui s'approcha doucement d'elle… jusqu'à s'arrêter à ses côtés.

Son heure était venue.

-§-

Yuri ouvrit les yeux en grognant, sortant ainsi de sa dernière vision. Il voulut se relever… et réalisa que sa main n'était pas en contact avec le trottoir froid mais avec des draps tièdes. Il se mit d'un coup en position assise et regarda tout autour de lui, constatant qu'il était dans son studio et, vu les quelques étoiles qu'il apercevait par sa fenêtre, la nuit était tombée depuis un moment – d'ailleurs, l'éclairage de sa rue était visiblement en panne car il ne voyait pas la lumière orangée des lampadaires qui, habituellement, empêchait de voir autre chose que la lune dans le ciel nocturne. Comment était-il rentré chez lui au juste ?

Seulement, quelques détails lui indiquèrent très vite qu'il n'était pas arrivé seul ici : son tas de linge sale avait disparu, sa vaisselle était faite et n'attendait que d'être rangée, les papiers qu'il avait laissé en vrac avait tous été soigneusement classés dans des piles bien nettes, le parquet venait clairement d'être lavé, ça sentait la lavande… et la pendule en forme d'étoile qu'on lui avait donnée indiquait qu'il était dix heures du soir passées, ce qui signifiait que cela devait faire trois heures qu'il dormait.

Alors qu'il se levait de son lit, la porte d'entrée s'ouvrit puis se referma. Deux secondes après, Sodia était dans son champ de vision, un tas de linge plié dans les bras.

—Je peux savoir ce que tu fiches ici toi ? demanda Yuri, assez surpris de voir la rousse chez lui. J'ai pas souvenir que tu connaisses mon adresse…

—Je l'ai trouvée en fouillant dans ton portefeuille, lui répondit la jeune femme en posant le linge propre sur la table basse. Tu as d'ailleurs eu de la chance que je t'ai vu perdre connaissance car certains auraient pu en profiter…

—Normalement, une personne saine d'esprit appelle les pompiers…

—Tu dormais et c'était impossible de te réveiller. Je suis même étonnée que tu n'ais pas bronché quand je t'ai mis dans ma voiture.

… Vu qu'à priori, la police n'était pas venue ici, c'était qu'elle ne l'avait pas mit dans le coffre, chose dont il l'estimait parfaitement capable. Par contre, elle avait dû s'amuser pour l'amener seule ici...

—Tu m'as monté seule jusqu'ici ? demanda-t-il, intrigué vu la corpulence de la jeune femme.

—J'ai demandé un coup de main à une connaissance, répondit Sodia en ouvrant les tiroirs de la commode pour ranger les vêtements qu'elle avait apportés avec elle. Elle m'a aidée avec la lessive et la vaisselle.

—D'acc- Heu attends, t'as aussi lavé mes sous-vêtements ?

—Tu devrais t'en racheter. Excepté un ou deux boxers, ils ont tous des trous mais comme ça ne m'appartient pas, je me suis retenue de les jeter.

En jetant un œil dans les tiroirs, il réalisa que le bazar qui était à l'intérieur avait été soigneusement rangé et plié, ce qui le fit quelque peu flipper en comprenant qu'elle avait dû ranger TOUT son appartement et qu'il ne s'était pas réveillé pour autant.

Parce qu'il n'avait rien mangé depuis un moment, il jeta un œil au contenu de son frigo et en sortit un fondant au chocolat qu'il avait fait ce matin.

—T'en veux ? proposa-t-il en montrant le gâteau.

—Pourquoi pas…

Ce fut donc comme ça qu'ils se retrouvèrent tous les deux à manger du fondant au chocolat et à boire une infusion aux fruits rouges qu'il avait achetée en promo, le tout dans une ambiance un peu bizarre. En même temps, c'était logique : ils n'étaient pas amis et leurs rapports avaient toujours été tendus donc la situation actuelle était un peu… inconfortable.

—T'as vraiment fait ça avec un micro-ondes ? lui demanda Sodia, étonnée après avoir goûté le gâteau.

—Faut pas croire mais c'est pas mal comme outil quand on sait s'en servir, répondit-il en désignant l'appareil. C'est pas mal aussi pour faire cuire des pâtes quand t'as pas de casserole propre pour ça.

Yuri devait admettre qu'il était étonné de voir que, pour la première fois, il n'avait aucun souci diplomatique avec la rousse bien que cela restait bizarre de discuter avec elle. Il la trouvait même très détendue par rapport à ce dont il était habitué avec elle. Est-ce que c'était la situation qui faisait cela ou bien autre chose ?

—Je suis surprise de voir que l'on voit assez bien les étoiles de chez toi, lui fit remarquer Sodia alors qu'elle avait tourné la tête vers la fenêtre.

—Sans l'éclairage public, ça aide, admit-il avant de se souvenir de la phrase qu'elle lui avait sortie plus tôt. Et Orion, elle est visible actuellement ?

A sa question, la jeune femme observa le ciel avec attention, cherchant la fameuse constellation dans le morceau de voûte céleste qui lui était visible.

—J'en doute, fit-elle en prenant une bouchée de sa part de fondant. Il me semble apercevoir le Sagittaire et il est proche du Scorpion…

—Traduction pour les non-passionnés d'astronomie ? demanda-t-il, ne comprenant pas trop ce qu'elle voulait dire.

—Dans la mythologie grecque, Orion était un chasseur redoutable mais un jour, une divinité a envoyé un scorpion pour le tuer puis Orion et le Scorpion ont été changés en constellations, chacun placés à un bout du ciel. En d'autres termes, quand le Scorpion est visible, Orion ne l'est pas.

Il allait dormir moins bête cette nuit… Par contre, l'ambiance était moins tendue donc peut-être était-ce une bonne occasion pour tenter de briser un peu la glace mais encore fallait-il qu'il trouve comment faire.

—Sinon, qui est Elisabeth ? lui demanda Sodia, curieuse. Je t'ai entendu dire cela quand je cherchais les chaussettes ales sous ton lit.

—T'as aussi…. fit-il, estomaqué avant de se recentrer sur le sujet initial. Si je te le dis, tu vas me croire fou…

—Et si je te dis un truc sur moi en échange ? Ca te convient comme deal ?

Là, elle venait de piquer son intérêt…

—Ca marche, accepta Yuri sans hésiter. En fait, depuis quelques temps, je n'arrête pas de faire des rêves bizarres. Celui qui revient le plus souvent est celui d'une fille morte dans un salon avec un piano qui joue toujours le même morceau. Seul Flynn est au courant.

—C'est assez… glauque, lui dit Sodia en grimaçant. Et Elisabeth, c'est son nom ?

—Je pense oui mais je ne sais toujours pas pourquoi elle est morte ou qui l'a tuée.

Vu les réactions de la rousse, elle ne le prenait pas pour un déséquilibré, ce qui était déjà un bon point.

—Toujours le même morceau… dit-elle, l'air pensive. Une signification cachée peut-être ?

—Si c'est le cas, je la cherche encore, déclara Yuri en soupirant. Et sinon, c'est quoi ton problème avec moi au juste ? Je suis quasi certain que tu m'as détesté au premier regard.

—Ca c'est parce que tu es un homme. Mais maintenant que j'ai vu ton charmant calendrier des Dieux du Stade, je suis convaincue que tu n'es pas attiré par les femmes.

Il l'avait oublié celui-là… En même temps, en temps que célibataire, il avait le droit de se rincer l'œil de temps en temps… Mais la façon dont elle avait formulé cela l'interpella.

—Mauvaise expérience avec un mec ? demanda-t-il tandis qu'elle prenait une gorgée de son infusion.

—Très, dit-elle sur un ton extrêmement froid qu'il ne lui connaissait pas, lui laissant penser qu'il avait du toucher un point sensible. J'ai mis du temps à m'en remettre.

—Désolé. Je ne voulais pas raviver de mauvais souvenirs.

—C'est rien. Ce n'est pas comme si cela allait se reproduire un jour…

Vraiment étrange comme formulation… Qui plus est, le regard vide qu'elle avait eu à ce moment-là lui avait fait froid dans le dos. Qu'est-ce qu'elle ne lui disait pas sur ce sujet ? Il n'était pas sûr de vouloir le savoir…

—Donc j'imagine que tu en pinces pour Flynn, supposa Sodia en posant sa tasse vide.

—Oui mais je ne compte pas entamer de relation pour le moment, lui avoua Yuri en jouant avec sa petite cuillère. Je n'ai pas eu de chances à Zaphias avec mes ex et je ne me sens pas encore prêt à retenter le coup.

—D'accord. De toute façon, je doute qu'il ait en tête d'entamer une relation amoureuse, surtout en ce moment.

La rousse semblait en grande réflexion et le jeune homme préféra ne pas l'interrompre, de crainte qu'elle ne se ferme totalement à lui. Après une bonne vingtaine de secondes, elle le fixa avec prudence.

—Flynn t'as déjà parlé de ses relations passées ? demanda-t-elle avec précaution.

—Jamais, répondit-il, se souvenant que son ami avait toujours éludé ce sujet.

—Tu ne le sais pas par moi. Il a été marié par le passé mais sa compagne est morte et depuis, il est veuf. Je ne crois pas qu'il s'en soit remis vu qu'il va tous les jours sur sa tombe… Elle est décédée un 31 octobre.

Le beau blond était donc hétéro, ce dont il aurait dû se douter. Et il comprenait mieux maintenant pourquoi Flynn ne fêtait pas Halloween ou pourquoi il était discret sur sa vie privée.

—Tu la connaissais ? demanda Yuri, un peu curieux.

—Non, je suis arrivée à Halure après son décès, répondit Sodia en soupirant. J'ai juste vu quelques photos d'elle chez lui…

Alors qu'il allait lui demander si elle savait comment s'appelait l'ex-épouse de Flynn, la chanson Harley Davidson de Brigitte Bardot se fit entendre. Brusquement, la jeune femme fouilla dans son sac pour sortir son téléphone puis s'excusa pour aller répondre. Pendant qu'elle était occupée, il en profita pour mettre les tasses et les assiettes dans l'évier pour les laver plus tard.

—Il faut que j'y aille, lui dit Sodia en raccrochant. Tu t'en sortiras tout seul ?

—Sans problème, lui répondit Yuri avant de lâcher un bâillement. On se revoit à l'épicerie et…

—Cette conversation privée n'a jamais eue lieu et tout reprendra exactement comme avant. Compris ?

—Cinq sur cinq.

Retour à la case départ donc mais bon, si cela permettait d'éviter les ragots, il acceptait cela sans broncher.

-§-

C'était un jour d'hiver dans le salon et Elisabeth semblait contrariée. Il y avait du monde autour d'elle et une femme d'une quarantaine d'années essayait de la convaincre de parler à quelques hommes qui étaient présents. Seulement, elle n'en avait pas la moindre envie et semblait vouloir partir dès que possible.

Chère nièce, ces messieurs sont venus exprès pour vous voir ! finit par s'exclamer, très agacée, celle qui était sa tante.

Et je ne veux pas les voir ! répliqua la jeune fille avec force. Je ne veux pas me marier avec l'un d'eux !

Le son d'une gifle fit taire toutes les conversations, les yeux se tournant tous vers la jeune fille dont la joue venait d'être frappée par la main de sa tante.

Feu Lord Blackwood était bien trop coulant avec vous, déclara la femme plus âgée sur un ton glacial. Montez dans votre chambre et ressortez-en quand vous aurez appris où est votre place !

Après un regard noir à sa parente, l'adolescente quitta la pièce… et n'y revint que bien plus tard, à la nuit tombée. Plus personne ne s'y trouvait et, Repede à ses pieds, elle s'installa devant le piano et attrapa une partition qu'elle lue au clair de lune. Une page lui glissa des mains et s'envola sous la table basse, la forçant à se baisser pour la récupérer.

Seulement, elle fut surprise de sentir contre ses doigts, en plus de la feuille de papier, un tissu qui ne devrait pas se trouver là. Curieuse, elle attrapa cette mystérieuse étoffe et découvrit que c'était en fait un gant noir qui avait probablement été oublié par l'un des invités de sa tante. Comment avait-il atterrit là ?

Elle sursauta en entendant de légers coups derrière elle. Elisabeth se retourna, Repede grognant doucement, et vit une ombre derrière la fenêtre. A la silhouette, c'était certainement un homme mais la pleine lune l'éclairait de dos, faisant qu'il lui était impossible de distinguer ses traits. Elle avait le cœur qui battait la chamade et ne savait quoi faire… puis l'inconnu lui montra sa propre main qu'il plongea dans une poche de sa veste pour en sortir un unique gant.

Hésitante, elle avança prudemment vers la fenêtre et l'ouvrit avant de reculer très vite.

Pardon, s'excusa l'inconnu en restant à l'extérieur. Je ne voulais pas vous faire peur mais comme j'ai vu du mouvement…

Je m'en remettrai, dit-elle à voix basse avant de lui tendre le gant. C'est à vous je présume ?

Oui, merci. Je suis vraiment désolé pour le dérangement.

Il s'avança d'un pas pour récupérer son bien puis baissa la tête vers Repede qui l'observait attentivement. L'inconnu se baissa pour se mettre au niveau de l'animal et attendit un peu, laissant le temps au chien de le renifler avec attention. Son examen finit, le jeune chien remua joyeusement la queue et l'homme lui caressa affectueusement la tête avant de se relever.

Il n'aime pas les étrangers d'habitude, remarqua l'adolescente, étonnée.

Il protège sa maîtresse, ce qui est normal, lui répondit l'inconnu. Par contre, je vais devoir vous laisser…

Vous reviendrez ?

Il marqua un temps d'arrêt, visiblement surpris par la question.

Uniquement si vous le désirez.

-§-

Il était près de minuit quand, profitant que Yuri dormait d'un sommeil de plomb, quelqu'un s'introduisit chez lui… en passant à travers la porte d'entrée. Un fantôme entra dans son studio avec aisance puis s'arrêta, l'observant dormir.

—Il ne se réveillera pas avant l'aube. J'ai déjà vérifié.

Sortant de l'ombre, Flynn rejoignit l'ectoplasme… qui n'était autre que Sodia O'Daly, une jeune femme morte depuis l'année 1967 dans des circonstances peu enviables… Normalement, il aurait dû l'envoyer dans l'au-delà mais dans son cas, il avait fait une exception, ce qui lui rendait bien service.

—C'est effarant la ressemblance entre Lowell et le portrait d'Elisabeth Blackwood, lui déclara la rousse dont le regard violine fixait toujours le jeune homme endormi. S'il ne m'avait pas parlé de ses rêves étranges, j'aurais continué de penser qu'il était son descendant.

—Je peux te certifier que Lilith n'a aucune descendance directe, précisa-t-il avec amertume. Elle était enfant unique et j'ai personnellement vérifié si elle avait un demi-frère ou une demi-sœur quand j'ai rencontré Yuri. J'ai beau chercher, je ne comprends pas pourquoi elle s'est réincarnée…

—Moi ce qui me choque, c'est qu'elle soit passée de femme à homme…

—Vu comment était la société à l'époque, je ne suis pas surpris. Son âme n'a jamais vraiment aimé qu'on l'empêche de vivre.

Flynn trouvait cela plus que logique que Lilith soit devenue Yuri : elle avait tellement détesté le statut des femmes à son époque qu'elle devait désirer ardemment être aussi libre de ses faits et gestes que pouvait l'être un homme. De toute manière, peu importe qu'elle soit fille ou garçon, c'était l'âme d'Elisabeth Blackwood qui l'avait séduit et jamais il n'en avait trouvé d'aussi belle à ses yeux.

—Oh et désolée d'avoir été indiscrète, s'excusa Sodia, penaude. Je voulais essayer de comprendre ce que tu nous cachais et si je ne lui donnais pas de grain à moudre…

—Tu as eu raison, la rassura-t-il. C'est moi qui aurais dû vous dire à tous ce que je faisais au lieu de garder cela pour moi. Mais j'avoue que je crains un peu ce que peuvent faire certains d'entre eux…

Il allait devoir les canaliser un peu mieux s'il leur disait toute la vérité sur Yuri, surtout ceux qui étaient susceptibles de faire une gaffe…

—Que se passera-t-il quand il aura retrouvé toute sa mémoire ? demanda la jeune femme, curieuse.

—Je l'ignore, avoua Flynn qui se sentait impuissant depuis le moment où ces cauchemars avaient commencés. Techniquement, le manoir Blackwood lui revient car c'est sa maison mais… j'ai peur que l'histoire se répète.

Non, il ne voulait pas que Yuri vienne au manoir tant que le 31 octobre n'était pas passé. Lilith avait vingt-et-un ans à sa mort, tout comme lui. Il était plus prudent qu'il le surveille de loin et s'assure personnellement que ce drame n'allait pas se reproduire sous ses yeux… tout en essayant de comprendre la raison de cette réincarnation.


NB : Le suivant sera plus simple à écrire logiquement mais pas forcément rendu dans les temps vu mon planning (sauf si je parviens à m'isoler tout le week-end et que la connexion internet est correcte)